Divci Valka : la bataille des anges
Vous savez à quel point on aime tout ce qui touche à l’Histoire. C’est encore plus vrai lorsque l’on s’aventure dans le passé à travers le monde du manga. Parmi tous ces titres enchanteurs se trouve une oeuvre dont on a toujours souhaité vous parler. On a donc décidé aujourd’hui de vous faire découvrir Divci Valka, édité chez Komikku. Ce seinen en est déjà à son septième tome et propose une expérience à la fois bouleversante et prenante au sein des “guerres hussites”. Destiné à un public averti, ce manga historique parvient à donner vie à une époque de trouble où le sang et les larmes coulent à flots. Malgré l’horreur qui nous est dépeint, le récit est si bien maîtrisé que l’on ne peut détacher le regard de cette fresque. C’est une lutte pour ses idéaux que propose cette série qui parvient à troubler notre esprit et à proposer un voyage riche et complexe. Soyez bien accroché, car il est l’heure de découvrir la terrible vérité sur ce conflit ravageur !
Une guerre sainte
Divci Valka, imaginé par Ohnishi Kouichi, nous plonge dans une période trouble du royaume de Bohême. Tout commence en 1415 lorsque Jan Hus, théologien de Prague et fervent défenseur de l’égalité au sein de l’Église s’attaque à la corruption qui gangrène cette dernière. Considéré comme hérétique, il est brûlé vif. Le destin funeste de cet homme va provoquer un soulèvement de bon nombre de ces partisans. C’est ainsi que va débuter une lutte farouche entre les hussites, qui souhaite l’égalité entre tous les disciples, et les catholiques soutenant le clergé. Ce n’est véritablement que trois ans après que les fameuses “Guerres hussites” débutent et commencent à ravager tous les pays des environs. La volonté de Jan Hus continue de vivre à travers tous ces hommes et femmes souhaitant pouvoir être l’égal des nobles face à Dieu. Malgré toute leur bonne volonté, la puissance est clairement du côté de l’adversaire. En représailles, la croisade qui est levée pour purifier ces terres ne fait aucun cadeau aux habitants.
En 1420, un petit village du royaume se trouve attaqué et pillé par les chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Au nom de leur foi, ils n’hésitent pas à tuer tous ceux qui se dressent sur leur route. Une seule survivante arrivera à s’enfuir du massacre de ce hameau. Il s’agit de la très jeune Šárka qui, malgré les blessures et le traitement inhumain qu’elle a subit, continue d’avancer. Épuisée et affamée, elle semble à l’agonie jusqu’à ce qu’un homme vienne changer sa vie. Celui-ci se nomme Jan Žižka et est l’un des chefs de guerre hussite. Il tend à cette enfant qui se tient devant lui une arme qui peut changer le cours de cette guerre. C’est à cet instant précis qu’il lui demande de se battre et de rejoindre ses troupes pour chasser les envahisseurs. Malgré la peur qui la ronge, Šárka repense à ce qu’elle a vécu et décide d’accepter cette main tendue et de faire face à cet ennemi qui lui a tout prit. Une longue série de conflits est sur le point de débuter et qui changera à jamais l’avenir de ces contrées.
Ce qui marque tout de suite lorsque l’on observe Divci Valka, c’est le réalisme avec lequel est traité cet univers. On sent tout le travail de recherche effectué par l’auteur qui a souhaité donner vie à une fresque historique captivante.
Une représentation réaliste de l’époque
Lorsque l’on s’aventure dans l’univers de Divci Valka, on peut être choqué par ce que l’on voit. En effet, rien ne nous est épargné dans ce récit historique où le meurtre, le pillage et le viol sont le quotidien de la populace. Si cette ambiance semble très malsaine, elle ne fait que coller à la triste réalité qui entoure cette guerre. On fait face à un affrontement qui fait d’innombrables victimes. À cette période, il n’était pas question d’éthique ou de pitié à l’égard de son ennemi. Tous ces éléments horribles ne font qu’ajouter plus d’impact et de pertinence à cette oeuvre. Que ce soit en matière de stratégies, de coutumes, de vêtements et bien d’autres, ce seinen parvient à nous donner l’impression d’être réellement en Bohême durant ces années de troubles. Ce qui accentue encore plus cet aspect convaincant est le fait qu’on est loin d’une lecture manichéisme. Le bien et le mal sont des notions très floues au sein de ces pages où tout acte est bon si celui-ci peut mener à la victoire.
Il n’y a qu’à voir l’exemple de Jan Žižka pour comprendre toute la complexité de ce récit. Cet homme a beau se battre pour une noble cause, il est prêt aux pires subterfuges pour lever son armée. Si la religion est son leitmotiv pour croiser le fer, elle est aussi sa plus grande arme face au camp adverse. Ainsi, il n’hésite pas à utiliser la croyance des gens pour les forcer à se soulever et en faire une troupe de fanatiques qui ne craignent nullement le funeste sort qui les attend. Cette grisaille qui s’échappe de chaque personnage ne fait que rendre ce combat plus saisissant et oppressant tant celui-ci nous paraît réel. On finit par éprouver une certaine tristesse teintée d’un brin d’admiration pour ce peuple qui est prêt à se jeter à corps perdu dans la mêlée quitte à y perdre la vie. Ohnishi Kouichi étale tout le savoir et la documentation qu’il a réuni pour écrire ce choc qui bouleverse le lecteur. Il est très difficile de ressortir de cette lecture totalement indifférent à ce qui s’est passé devant nous.
Si l’on est ébloui par la précision avec laquelle Divci Valka nous immerge dans son univers, cette série possède un autre atout de taille. Il s’agit de l’habileté avec laquelle l’histoire parvient à nous saisir devant ces pages sans jamais lâcher son emprise.
Un récit qui nous tient en haleine
Le plus grand attrait de Divci Valka vient surtout de son talent pour nous subjuguer totalement par l’intrigue qui se joue. Chaque tome est l’occasion d’être envahi par le doute concernant l’avenir des soldats que l’on suit. Jan Žižka a beau être un grand général, ces plans sont souvent risqués et jouent beaucoup sur des facteurs imprévisibles. Cette tension fait que l’on reste suspendu à l’action sans jamais pouvoir s’en détacher. On ne cesse de se dire que cela n’a aucune chance de marcher, que tout va s’arrêter brutalement. Heureusement, on se trompe à chaque fois et même quand la situation va mal, il y a toujours cet espoir qui survit. Celle-ci est représentée par les demoiselles surnommée “les anges”. Si Jan est le chef, il ne peut se faire obéir de la population sans le soutien de ces enfants dont la voix cristalline protège des malheurs.
De plus, les batailles ne font pas tout dans cette série. On reste aussi figé devant la multitude de complots qui se jouent dans l’ombre. L’ambiance est si tendue et pesante que l’on a parfois l’impression que tout va basculer d’un moment à l’autre. On se raccroche alors à ces protagonistes que l’on suit depuis le début et qui ont toujours réussi à survivre. Malgré leur résistance, ils ne paraissent pas immortels loin de là. Le mangaka a parfaitement su enlever l’aura d’invincibilité qui recouvre la plupart des héros pour faire de ces personnages des individus lambda. S’ils ont tenu jusqu’ici, ils le doivent à leurs camarades, à leur intelligence, mais aussi à la chance. Si le but est de se libérer du joug de la noblesse et de l’autorité du clergé, le véritable intérêt de l’œuvre repose sur cette troupe à laquelle on s’attache et qui avance constamment dans la douleur. Une lecture poignante et fascinante qui ne laisse aucun moment de répit.
Divci Valka arrive à se détacher de ses camarades du genre pour donner naissance à une épopée fantastique. À la fois dur, sombre et violent, ce conflit que l’on nous conte parvient à capter notre attention sans jamais nous laisser le temps de respirer.
Divci Valka remporte une grande victoire
Divci Valka est une oeuvre qui continue inlassablement de nous séduire. Les tomes s’enchaînent sans que l’on voie le temps passé tant on est pris dans cette cruelle épopée. Le travail effectué par l’auteur est tout simplement gargantuesque et donne vie à un univers unique. À travers des protagonistes charismatiques, des combats grandioses et un réalisme terrifiant, cette série mérite d’être découverte. Le soin apporté à chaque détail rend cette expérience littéraire inoubliable. De plus, la manière dont le manga traite la religion est pertinente et arrive à nous faire réfléchir à cette époque où elle était un prétexte pour guerroyer. Souvent difficile mais absolument captivant, Divci Valka offre un périple mature et sanglant où la volonté du peuple se confronte à la toute-puissance d’un roi. On ressort de chaque volume avec une boule au ventre en se disant que le moindre faux pas de la part de Šárka et ses compagnons peut amener à une mort certaine et brutale.
On vous conseille vraiment de vous lancer dans cette série qui cache de nombreuses ressources. Plus qu’une simple fresque historique, c’est une véritable odyssée qui se joue dans ces cases. Un voyage semé d’embûches et où la joie éphémère des anges laisse rapidement place aux râles d’agonies des soldats. Même si l’on connaît ou que l’on peut se renseigner sur la conclusion de cette guerre, cela n’a que peu d’importance devant cette volonté de vivre et de se battre de ces gens pour leurs idéaux. Quels prochains dangers attendent Šárka et tout son groupe ? Est-il réellement possible de venir à bout d’un adversaire aussi imposant ? La suite de cet ouvrage risque fort d’être toujours aussi prometteur, mais continuera d’écrire ces lignes dans la tristesse de ceux qui ont lutté sur ces champs de bataille. Un immense coup de coeur qui mérite amplement d’être lu.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre ressenti et votre avis sur Divci Valka. Avez-vous été emporté par ce combat opposant les hussites aux croisés ? 🙂
© Ohnishi Kouichi / Futabasha