Natsuko no Sake tome 1 : un saké pas comme les autres
Il y a des mangas dont on ne sait absolument pas quoi penser avant de mettre les mains dessus. Qu’il s’agisse du récit en lui-même ou de tout ce qu’il peut proposer à travers ce voyage, une oeuvre peut alors être déroutante à plus d’un titre. C’est ce que l’on a pu ressentir avant de se lancer dans Natsuko no Sake. Alors que l’on ne connaissait rien du saké et de la manière dont il est produit, on était à la fois curieux et intrigué de voir comment le récit allait réussir à mettre cela en scène tout en restant divertissant. Ce que l’on ne savait pas, c’est à quel point ce périple allait nous mettre une claque à travers ses personnages soignés et les sujets traités. Les éditions VEGA ont trouvé ici une petite pépite. Il a beau être sorti il y a un petit moment au Japon, ce conte n’en reste pas moins autant d’actualité et d’une importante cruciale pour ouvrir notre regard sur de nombreux aspects de ce type d’agriculture et de travail artisanal. On espère donc que vous êtes prêts à suivre la lutte d’une jeune femme qui va tout faire pour créer un saké légendaire !
Une histoire de famille
Natsuko no Sake, imaginé par Akira Oze, nous plonge en plein coeur du Japon. On y fait la connaissance de Natsuko Saeki. Cette jeune femme a passé deux ans à se faire une place au sein d’une agence de publicité de Tokyo. Même si elle n’a été en charge que de projets mineurs, elle est heureuse de pouvoir réaliser son rêve et continue d’espérer pouvoir utiliser son talent et sa créativité pour de nouveaux challenges. Cependant, elle va décider de revenir dans sa province natale auprès de sa famille productrice de saké artisanal. La raison de sa venue n’est autre que son souhait de rendre visite à son frère Yasuo qui est en charge de la brasserie. Celui avec qui elle a grandi n’a toujours eu de cesse de vouloir réaliser un rêve un peu fou. Celui-ci consiste à réussir à faire pousser le Tatsu-Nishiki ou “dragon merveilleux”. Il s’agit d’un riz réputé pour sa qualité, mais aussi pour sa difficulté à cultiver. Malgré la complexité de cette tâche, ce jeune homme n’a jamais abandonné son but et souhaite pouvoir en tirer le meilleur saké du monde. Malheureusement, Yasuo est très malade et semble condamné à ne pas pouvoir concrétiser cet espoir un peu fou.
C’est d’ailleurs peu de temps après son retour à la capitale que Natsuko va apprendre le décès de son frère. Une nouvelle qui va la marquer profondément alors que toute la famille est en pleurs. Alors qu’il vient de partir, on commence à se demander qui pourrait bien le remplacer à la tête de l’industrie familiale. C’est alors que notre amatrice de saké va prendre la décision d’abandonner sa carrière et de reprendre le rêve de Yasuo. Même si beaucoup sont contre cette idée, elle ne laisse que peu de choix à ses détracteurs. Pourtant, il y a un obstacle de taille qui va se dresser devant Natsuko. Elle a beau être devenue experte quant à la dégustation et à l’estimation des sakés, elle n’a absolument aucune connaissance concernant l’agriculture et la production de cette boisson. Cette jeune demoiselle ne sait pas encore qu’elle vient de plonger dans un monde difficile où elle va devoir se battre constamment contre l’avis des autres et se retrousser les manches pour avoir une chance d’accomplir son objectif. Les défis vont se succéder alors que Natsuko n’a que peu de temps pour espérer cultiver le riz légendaire. Un pari risqué qu’il lui faut absolument réussir !
En nous lançant dans Natsuko no Sake, on se doutait que l’on aurait le droit à une très bonne explication de tout ce qui touche à ce milieu bien spécifique. Malgré tout, on ne s’attendait pas à être autant fasciné par ce que l’on a pu apprendre et découvrir au fil des pages. Une saga qui met autant en avant l’agriculture familiale que le pouvoir de la machine. Une dualité qui peut aussi se combiner pour permettre un travail à la fois qualitatif et productif.
Un véritable regard sur cette industrie
S’il y a bien une chose qui nous est raconté dans Natsuko no Sake, c’est la fabrication de cette boisson. On découvre ainsi toutes les étapes fondamentales à sa culture en allant de la plantation des graines à sa production finale. En tant que lecteur, on est donc le témoin privilégié de cette industrie fascinante qui nous est décrit à merveille tout au long de ces pages. Même si l’on ne sait rien de ce sujet, on est jamais perdu ou désorienté par ce qui nous est montré. On ressent de ce fait le formidable travail de documentation et de recherche de la part de l’auteur qui a voulu être le plus précis possible. Une volonté de sa part afin de retranscrire du mieux possible tous les efforts fournis par ces gens qui en vivent. Outre tout cela, il y a aussi un souhait de sa part de mettre en parallèle tradition et modernité. Ainsi, on va rapidement pouvoir faire la comparaison entre la brasserie familiale de Natsuko et celle des grandes entreprises. Alors que d’un côté, la plupart des ouvriers bossent d’arrache-pied pour fournir le meilleur produit possible, de l’autre c’est avant tout par la machine que l’on passe afin de traiter rapidement et efficacement les différentes étapes de production.
De par cette opposition, on nous montre bien sûr le duel pouvant avoir lieu entre quantité et qualité. Cependant, il serait négatif de penser que ce manga ne s’arrête qu’à cet aspect purement compétitif. En montrant les deux facettes de cette même pièce, le mangaka souhaite aussi souligner l’importance et les atouts de chacun. En effet, le travail à la main a beau être éreintant et difficile, il n’empêche que c’est de cette façon que le saké parvient à avoir la meilleure saveur. Malgré tout, l’apparition de la technologie dans cette industrie est aussi une aubaine permettant de réduire et de faciliter certaines tâches rébarbatives et pouvant être éprouvante pour ceux qui y travaillent. Il y a donc un compromis qui est fait entre le meilleur des deux mondes afin de montrer qu’il ne s’agit pas d’une vulgaire bataille. Il ne s’agit nullement d’une leçon, mais juste d’une constatation de la part d’Oze Akira qui souhaite juste montrer tout le travail abattu pour réaliser ce produit. Une lettre d’amour à l’égard de tous ceux qui se donnent corps et âme à leur métier et où il est tout à fait possible de marier tradition et innovation. Un désir qui se fait parfaitement ressentir à travers ces dessins et rend notre expédition toujours plus plaisante et captivante.
Si le saké est le thème principal de Natsuko no Sake, cela n’empêche pas la licence de traiter aussi de nombreux autres sujets. D’ailleurs, ces thématiques n’ont rien à envier à la culture de cette boisson et s’incrustent parfaitement dans cette histoire qui nous conte avant tout le combat d’hommes et de femmes. Une lutte qui est autant là pour faire vivre et perdurer cette brasserie que de permettre à notre héroïne de pouvoir trouver sa place dans cet environnement qu’elle découvre tout juste.
Trouver sa place
Natsuko no Sake n’est pas qu’une histoire autour de cette fameuse boisson. Si l’on nous décrit à la perfection le fonctionnement de cet univers, il y a un autre point crucial à retenir. Il s’agit de la faculté de cette oeuvre à mettre en avant le côté humain de par ses divers personnages. En lisant ce récit, on peut observer un problème de société flagrant qui n’est autre que la place de la femme dans un milieu aussi traditionnel. En effet, notre héroïne a cherché à quitter sa campagne pour vivre sa propre existence sans être forcément obligé de suivre la voie que les gens auraient aimés qu’elle prenne. Il y a donc un souhait de sa part de quitter le cocon familial et de prouver qu’elle peut réussir sans être cantonné au rôle de la bonne épouse qui doit se marier avec un bon parti du village. D’ailleurs, toute l’œuvre montre aussi cette complexité pour une femme de se faire une place dans un milieu très traditionnel et où il est encore difficile d’accepter sa présence. C’est aussi ce qui rend cette lecture aussi prenante, car Natsuko va se battre pour se faire entendre et on avoir un profond respect pour elle. Une héroïne forte qui, malgré les obstacles, continue de s’efforcer à apprendre et à se surpasser pour montrer qu’elle n’a rien à envier aux autres ouvriers.
En plus de cela, Natsuko no Sake est aussi un titre qui souhaite nous raconter cette quête plus personnelle de cette demoiselle. En dehors de sa volonté de perpétuer le rêve de son frère et de se perfectionner, il y a aussi une profonde recherche quant à ce qu’elle souhaite réellement faire. Alors qu’elle avait toujours souhaité travailler dans une agence publicitaire, elle s’est vite rendue compte à quel point cet environnement pouvait être nocif et jouer sur des faux-semblants plutôt que sur le produit à promouvoir. Ses ambitions et son propre rêve ont alors subi un terrible revers alors qu’elle voulait juste créer des pubs n’ayant rien à cacher aux consommateurs. Malgré ses déboires, elle s’est toujours battue pour imposer ses idées et c’est ce qui renforce cette aura et ce charisme qui l’entoure. On a envie de l’encourager et de la soutenir dans toutes ces actions, car elle a juste envie d’être sincère et de parler avec son coeur plutôt que de penser constamment au business. Elle est persuadée qu’il est possible d’intégrer une part d’humanité dans chaque message et cela va aussi se retentir dans son changement de carrière. Elle a beau se prendre des dizaines de revers, elle se relève constamment car elle est convaincue que la culture de ce riz sera crucial pour l’entreprise familiale. Une envie de sa part d’allier le futur de la brasserie à la mémoire de son frère qui continue d’exister à travers ses convictions.
Au final, Natsuko no Sake est une aventure littéraire absolument unique. On transcende l’aspect instructif pour nous offrir un voyage émotionnel d’une puissance remarquable. Alors que notre regard balaye toutes ces scènes, on ne peut s’empêcher d’être attiré par cette femme qui lutte bec et ongles pour être accepté. Un cocktail à la fois amer et doux qui nous fait goûter des saveurs rares et qui n’en sont que plus enivrantes.
Natsuko no Sake nous offre un saké d’exception
En nous attardant sur Natsuko no Sake, on ne s’attendait pas à se prendre une telle claque. Que ce soit au niveau de l’émotion que de l’écriture en passant par la pertinence des propos que l’on peut découvrir, tout est parfaitement millimétré pour proposer une histoire captivante, profonde et qui fait réfléchir. Une fenêtre ouverte sur une industrie, mais aussi toute une culture et une époque pouvant être parfois difficile et où tradition se confronte à la modernité. Cependant, il n’est jamais question d’être néfaste à l’égard d’un processus ou d’en valoriser un plus que l’autre. On est avant tout devant une lecture qui cherche à nous montrer l’importance de la culture manuelle tout en montrant ce que la technologie peut aussi apporter comme bienfait. Il y a donc toujours une part de douceur, de bonté et de tendresse à l’égard de cet environnement de travail où tout est une question de passion, d’acharnement et de savoir-faire. Une aventure qui parvient à mêler habilement toutes ces qualités pour nous offrir un résultat à la fois savoureux et grisant où l’on a envie de connaître la suite.
C’est donc avec beaucoup de joie que l’on recommande ce premier tome de Natsuko no Sake. Une oeuvre qui ne va pas seulement s’adresser aux amoureux de saké, mais qui va aussi être pertinente pour un lectorat bien plus large. De par ses thématiques et l’importance des messages véhiculés, ce titre mérite amplement de trôner dans n’importe quelle bibliothèque. Outre cela, cet ouvrage a beau être assez épais, on ne voit pas le temps défiler alors que l’on reste aux côtés de cette demoiselle qui tente de réaliser le rêve de son frère. Le lecteur ne se retrouve jamais noyé sous des tonnes d’informations et tout est pensé pour que son immersion soit la plus réussie possible. Il est donc intéressant de voir qu’il est presque impossible de conseiller cette oeuvre pour un type de lecteur, car au vu de tout ce qu’il propose, cette histoire peut être appréciée et touchée le plus grand nombre. A présent, il est aussi normal de se poser quelques questions étant donné que l’on a envie de savoir ce qu’il va se passer ensuite. Natsuko réussira-t-elle à accomplir son but ? Recevra-t-elle l’aide des autres producteurs ? Sera-t-elle acceptée par les autres ouvriers de la brasserie ? A-t-elle eu raison de tout plaquer pour revenir chez elle ? De nombreuses interrogations qui ne font que nourrir notre curiosité. On a donc hâte de pouvoir mettre la main sur le prochain volume qui s’annonce très prometteur.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre analyse concernant cette première escapade dans l’univers de Natsuko no Sake. Avez-vous été conquis par ce monde qui nous est décrit ? Êtes-vous intéressé par toutes les notions que l’on apprend autour de cette boisson ? Le combat de Natsuko est-il parvenu à vous convaincre et à vous séduire au fil des pages ? Qu’attendez-vous pour la suite de son épopée ? On reste toujours à disposition pour pouvoir parler et échanger autour de ce fabuleux manga. 🙂
© Oze Akira / Kodansha