Ichtyophobia

Ichthyophobia : Une oeuvre n’ayant pas besoin de paroles

Ce qui est formidable avec l’univers du manga, c’est que l’on peut trouver une infinité de récits pouvant nous faire ressentir une véritable palette d’émotions. Cela peut autant aller de la tragédie à l’œuvre bien plus originale ou même à la série totalement délirante. Une diversité qui est l’une des grandes forces de cette forme d’art que l’on apprécie tant. Le titre que l’on va aborder aujourd’hui est clairement ce que l’on peut appeler un ovni dans ce milieu où l’on pensait déjà avoir tout vu. C’est donc chez Nazca Editions que l’on a pu découvrir ce one-shot répondant au nom de Ichthyophobia. Derrière ce nom bien étrange va se trouver une histoire particulièrement atypique autant dans son fond que dans sa forme. A la fois sublime par ses dessins et captivant par son manque de paroles, cette lecture n’a eu de cesse de nous surprendre au fil des pages. Si le synopsis nous avait déjà interpellés, le contenu de cet ouvrage est allé bien plus loin qu’on ne l’aurait jamais imaginé. Une comédie teintée de vérité qui souhaite nous faire rire, mais aussi raconter quelque chose d’autre de pertinent. L’heure est donc venue d’assister au combat d’un homme pour lutter contre sa phobie.

Une peur qu’il faut affronter

Ichthyophobia-peur

Une phobie terrifiante !

Ichthyophobia, imaginé par Li Lung-Chieh, est une œuvre qui sort de l’ordinaire. On se retrouve plongé dans le quotidien d’un homme tout à fait banal, mais qui dénote par l’une de ses peurs. En effet, ce dernier a une véritable frayeur des poissons. Une phobie inspirée de celle de l’auteur qui a souhaité mettre en avant le combat quotidien de ce héros ordinaire. A travers des dessins soignés et très travaillés, ce récit souhaite utiliser ce thème pour forger une histoire totalement délirante où ces habitants de l’océan vont causer beaucoup de souci à cet individu. La question est maintenant de savoir pour ce dernier s’il préfère rester totalement coupé du reste du monde ou bien lutter pour faire face à ses propres démons. Une représentation de ce que peut infliger une simple peur en termes de souffrances, mais aussi de possible moteur pour aller de l’avant. C’est en faisant face à ses némésis que l’individu en question pourra espérer grandir ou il finira par sombrer dans la folie en essayant. Une œuvre qui parvient donc à mêler une certaine poésie tout en la couplant à un délire incroyable où un simple animal peut éveiller de nombreux cauchemars. C’est en plongeant dans ses eaux troubles que le lecteur va autant pouvoir être le témoin d’une aventure unique en son genre tout en prenant conscience de cette affection qui touche beaucoup de personnes et peuvent grandement jouer sur leur vie.

En prenant le parti de s’exprimer uniquement à travers le dessin, l’auteur souhaite se détacher de la moindre parole afin que le visuel puisse exprimer tout ce qu’il souhaite transmettre. Une narration singulière servant autant à compléter cet univers loufoque qui se présente à nous que de montrer le talent d’écriture de l’homme derrière cette histoire. Il n’est pas forcément nécessaire de se perdre en de grands discours pour pouvoir faire véhiculer un message, un conte ou tout simplement des émotions. Des images sont parfois plus parlantes que la plus riche des bulles et c’est ce que Ichthyophobia souhaite nous prouver. Ayant gagné la médaille d’argent du prix international du manga au Japon en 2016 et le prix de l’œuvre de l’année lors du septième Golden Comic Awards à Taiwan, cette lecture fait partie de ces découvertes étranges qui marquent l’expérience d’un lecteur. Une immersion qui peut nous sembler rapide, mais qui nous force à revenir sans cesse sur certains détails pour déceler tout ce qui fait la force de cette courte épopée. Préparez-vous donc à un voyage où la plus grande menace vous observe de ses yeux globuleux. Après tout, on ne sait jamais quel plan machiavélique peut naître de l’esprit de ces créatures marines qui attendent peut-être juste le bon moment pour conquérir le monde. A moins que tout cela ne soit qu’un cauchemar provenant d’un homme rongé par sa phobie.

Derrière ce synopsis pour le moins singulier, Ichthyophobia cache avant tout une comédie jouant à fond la carte de cette phobie. C’est en s’axant sur cette peur du poisson que va découler toute cette épopée qui est à la fois délirante et aussi teintée d’une certaine humanité. Derrière les situations loufoques, les combats contre ces êtres de l’océan et la folie qui s’en dégage se cache avant tout une lutte constante pour le personnage de surmonter cette crainte. A travers ces divers gags et ce récit où tout est possible, on sent que l’auteur ne veut pas uniquement faire rire.

Un ovni captivant

Comme on le dit si bien dans le titre, Ichthyophobia est clairement un titre unique qu’il est difficile de catégoriser tant il sort des sentiers battus. Cela s’exprime autant sur sa forme que sur son fond. Tout d’abord, le fait de n’avoir aucune ligne de dialogues ou même de mots pour décrire l’action va forcer le lecteur à concentrer toute son attention sur le dessin et ce qu’il exprime tout au long de cet ouvrage. Un pari à la fois audacieux et maîtrisé par l’auteur qui a réellement une capacité à transformer de simples traits en une histoire qui nous happe sans que l’on ait besoin de la moindre parole. Le rythme est soutenu et l’on voit les pages défilées tandis que l’on participe un peu à la création de l’histoire. En effet, cette virée est si spéciale par cette narration sans la moindre fioriture que c’est aussi au lecteur de faire travailler son imagination. Il est celui qui reçoit ses images et les transforme dans sa tête pour comprendre le sens derrière tout ça, mais aussi se laisser à créer le passé, les relations, et même le futur possible de tous ces personnages. Bien sûr, ce qui saute aussi aux yeux en s’aventurant dans ces quelques cases est ce côté totalement WTF et déjanté qui transforme de simples poissons en une terrible menace. En fait, tout est pensé pour que l’on voit ce potentiel danger à travers les yeux du protagoniste qui nous est montré rapidement comme écœurer par ces bêtes. Ce n’est qu’en s’attardant un peu plus sur ce qui se cache derrière ce récit que l’on prend alors conscience de ce que l’auteur souhaite.

Si son but premier est évidemment de divertir, il désire aussi mettre en avant cette angoisse qui assaille bon nombre de gens dont lui. La carte de l’humour est ainsi utilisée avec intelligence et contribue autant à construire cette aventure totalement barrée que de nous surprendre plus d’une fois lors de notre plongée dans ce monde. En fait, cette exagération à outrance couplée à une qualité indéniable au niveau des dessins rend cette épopée amusante et aussi spectaculaire dans un sens. Un mélange étonnant qui marche très bien et va même être sublimé par cette absence de mot. Encore une fois, il y autant la vision de l’auteur qui est perçue dans ce récit que notre propre approche qui va ainsi contribuer à transformer une simple lecture en une virée propre à chacun. Au final, on peut avoir la sensation que tout passe très vite, mais on est presque obligé de revenir ou de décortiquer chaque case pour pleinement apprécier tout ce que cet ouvrage peut nous offrir. Il y a aussi une certaine curiosité qui s’empare rapidement de nous dès lors que l’on pose les yeux sur ce récit. On ne cesse de se demander jusqu’où va aller ce délire et s’il y a même une certaine morale. C’est donc avec une certaine tendresse que l’on contemple cet homme faire de son mieux pour surmonter sa crainte et même essayer de l’accepter pour se rapprocher des gens de son entourage.

Ichthyophobia est une œuvre bien plus complexe et surtout intéressante qu’on pouvait l’imaginer au départ. Le simple fait d’avoir voulu se débarrasser de toutes les paroles et se concentrer uniquement sur le dessin permet d’apporter quelque chose d’unique. C’est presque au lecteur d’imaginer ce qui peut bien se dire tandis que l’on observe attentivement chaque détail qui constitue toutes ces cases. Une lecture qui peut sembler très courte, mais qui nous pousse à étudier plus en profondeur ce qui se dissimule derrière chaque scène. Une expérience littéraire tout à fait surprenante et captivante.

Ichthyophobia nous fait mordre à l’hameçon

Ichthyophobia-combat

Prendre son courage à deux mains.

On peut clairement dire que l’on ne s’attendait pas du tout à vivre une expérience pareille en se lançant dans Ichthyophobia. Une oeuvre qui n’a pas son pareil pour jouer autant sur l’humour noir et la dérision sans pour autant que l’on soit déconnecté de ce qui se passe. On a constamment ce désir de savoir jusqu’où va aller le délire qui ronge cet homme et à quel point son combat contre la poiscaille va influencer son existence. On a même une certaine sympathie pour ce protagoniste sans nom qui pourrait tout à fait être n’importe qui. Après tout, on le voit faire un maximum d’efforts pour surpasser ses craintes même si la peur revient rapidement au galop. Le côté comique de ce récit va autant être là pour nous faire sourire que souligner un problème bien réel par l’exagération. Le fun des premières minutes va alors se prolonger tout en se mélangeant à plusieurs questions qui vont nous assaillir au fur et à mesure de notre avancée. Les rires s’accompagnent alors d’un profond désir de voir jusqu’où va être poussé cette folie qui va se permettre certaines références intéressantes et conclure de manière à la fois surprenante et intelligente. Une aventure littéraire qui aura réussi son pari tout en amenant une écriture originale et se concentrant avant tout sur le visuel. Même après avoir refermé ce one-shot, il nous arrive régulièrement de jeter un coup d’œil dedans et d’entrevoir quelques éléments qui nous ont échappé lors de notre première lecture.

A la fois intrigué et heureux de l’expérience vécue, Ichthyophobia est un ovni parmi tous les titres que l’on peut lire. Un ouvrage que l’on pourrait aisément classer dans la catégorie WTF, mais qui parvient aussi à se détacher de cet aspect purement loufoque pour proposer des idées intéressantes en matière de narration et même de dessin. Après lecture, on peut tout à fait comprendre pourquoi il fut autant célébré, car c’est autant une courte épopée qui joue à fond son délire qu’une épopée unique concernant la construction d’une histoire. On recommande donc avec joie ce titre qui plaira avant tout à ceux souhaitant une fable totalement irréaliste et qui apprécie aussi de tester de nouvelles approches en matière d’écriture. Un périple qui ne sera pas forcément au goût de tout le monde, mais qui possède des atouts indéniables qui font énormément plaisir au lecteur que l’on est. Bien évidemment, étant donné qu’il s’agit d’un one-shot il n’est pas possible de se poser des questions sur le futur de la série. Malgré tout, on se remémore avec tendresse ces quelques instants partagés avec cet homme qui a tout fait pour lutter contre sa phobie. Grâce à lui, on a pu rire et s’amuser tout en prenant conscience de ce mal qui peut ronger certains. C’est aussi pour ce genre de voyage que l’on apprécie l’univers de la bande-dessinée qui est un formidable moyen d’expression.

N’hésitez pas à nous partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Ichthyophobia. Avez-vous apprécié ce format très différent de ce que l’on peut avoir l’habitude de lire ? Trouvez-vous que le message véhiculé est efficace et sublimé par l’humour de l’auteur ? Est-ce que ce titre fut bien trop étrange à vos yeux ? Avez-vous apprécié cette sorte de parodie qui transforme une simple phobie en une source d’inspiration pour une aventure loufoque ? L’homme que l’on suit a-t-il su éveiller une certaine sympathie chez vous à travers ses nombreuses épreuves ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet 🙂

© 2015 Li Long Jie, Shi Bao Chu Ban

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