DICE-T2

DICE tome 1 et 2 : quand la vie devient un jeu

Si l’univers du manga occupe déjà beaucoup notre quotidien, il y a un autre type d’œuvres que l’on a peu abordé et qui pourtant arrive en force. On parle bien sûr des webtoons qui ont su se faire une place sur le marché de la lecture et qui s’imposent de plus en plus chez certains éditeurs. On était donc curieux de voir ce que pouvait donner ce genre et c’est pour cela que l’on s’est tourné vers un titre qui est sorti il y a peu. On parle bien sûr de DICE, édité chez Nazca éditions, dont les deux premiers volumes ont fait leur apparition la semaine dernière. Après avoir entendu beaucoup de bien dessus et surtout avoir été interloqué par le synopsis, on s’est dit qu’il serait intéressant de tenter l’expérience. On ne s’attendait pas du tout à ce que ce conte puisse autant nous captiver par sa manière d’aborder le principe autour des dés, mais aussi tout ce qui en découle. Une histoire qui a su briller en de nombreux aspects tout en nous offrant un excellent divertissement tout au long de notre voyage. L’heure est donc venue de prendre son courage à deux mains et de lancer ce petit objet pouvant chambouler tout une vie.

Tout parier sur un lancer de dés

DICE - Dongtae

Un triste sort.

DICE, imaginé par Hyunseok Yun, nous plonge dans un monde contemporain où tout semble ordinaire. En effet, les gens vivent leur existence paisiblement et les plus puissants règnent sur les plus faibles. C’est dans cette société que l’on va faire la connaissance de Dongtae. Ce jeune homme tout à fait banal ne brille pas par son intelligence ou bien son physique. Au contraire, il ne cesse d’être harcelé en cours par une bande qui se sert de lui comme d’un vulgaire laquais. Obligé d’aller leur chercher ceux qu’ils veulent et leur servant la plupart du temps de punching-ball. Maudissant sa propre vie et ses tortionnaires, le jeune homme se demande sans cesse s’il pourra un jour s’échapper de ce funeste destin qu’est le sien. Même la présence de la fille qu’il aime ne le rassure pas plus, car il est persuadé que jamais elle ne pourra s’intéresser à lui. Il semblait donc condamné à subir cela pendant encore longtemps jusqu’au jour où un nouvel étudiant va tout chambouler. Celui-ci a tout pour plaire. Il est beau gosse, futé et sportif. Le tiercé gagnant qui le propulse directement au sommet du classement de popularité dans l’école. Il va même jeter son dévolu sur la camarade de classe dont Dongtae est éperdument amoureux. Tout cela finit par l’emporter au plus haut point et ne peut accepter la présence de cet étudiant autour de lui. Il veut savoir ce qu’il se cache réellement derrière ce visage angélique.

Il ne s’attendait pas du tout à découvrir un secret aussi gros. Quelque chose de surréaliste entoure ce nouveau venu. C’est en menant sa petite enquête que le jeune homme va finir par être impliqué dans quelque chose qui le dépasse. Maintenant, le voilà à devoir participer à un jeu bien étrange qui lui propose d’accomplir des quêtes pour obtenir des dés ayant certains pouvoirs. Ayant beaucoup de mal à croire à tout ça, mais ne pouvant faire fi des propos tenus par le maître du jeu, il finit par tenter le coup. Il faut dire que ce dernier l’informe que l’obtention de ces objets lui permettra de changer drastiquement sa vie et de quitter ce rôle de victime qu’il a si longtemps endossé. Une occasion en or qui finit par prendre le pas sur tout le reste pour Dongtae. Cependant, participer à tout ça ne serait-il pas une grosse erreur ? Derrière les promesses tenues par cet inconnu parlant uniquement par message pourrait bien se cacher une menace bien plus grande que prévue. Cependant, cela n’a plus d’importance dès lors que le désespoir et la peine finissent par l’emporter sur la raison. N’importe quelle échappatoire est alors vécu comme une bénédiction, même si cela implique quelques sacrifices. Voici donc l’histoire d’un jeune homme qui souhaitait mettre un terme à cette inégalité qui le rongeait et qui désirait plus que tout voir ce que cela faisait d’observer le monde d’un peu plus haut.

Si le contexte peut déjà sembler intrigant en lisant le synopsis, DICE va faire une très bonne utilisation de tout ce système entourant ces objets. En plus de transformer la vie réelle en une sorte d’immense jeu vidéo, toute cette histoire va aussi servir de terreau afin de développer une multitude de sujets pertinents. Un titre qui brille par sa particularité et qui sait habilement s’en servir afin de proposer quelque chose d’original pour le lecteur. On se laisse rapidement emporter par tout ce qui nous est montré et notre imagination bouillonne alors en pensant à toutes les possibilités pouvant en découler. Une idée ouvrant de nombreuses fenêtres et qui pose déjà des bases solides.

Un concept intéressant

Il est vrai qu’axer son récit sur un système reposant autour de dés a de quoi surprendre. Pourtant, il faut reconnaître que cela marche à merveille, et cela, en de nombreux points. Tout d’abord, cela apporte une dimension vidéoludique très intéressante. Le fait de devoir accomplir des quêtes, de pouvoir augmenter ses statistiques et monter en puissance va provoquer un sentiment étrange. La transformation du réel en jeu vidéo forge une expérience unique en son genre où l’on voit les codes du RPG s’emparer du monde tel qu’on le connaît. Ainsi, on peut aller même jusqu’à se fourvoyer en oubliant que tout ceci est le monde dans lequel on vit pour pleinement profiter de ce que le système offre. Un sentiment qui va aisément se montrer à travers les divers personnages que l’on rencontre et qui vont rejoindre le rang des Dicers. Il y a presque un combat interne qui s’effectue pour les joueurs pour ne pas être totalement déconnecté de ce quotidien qui est le leur. Une lutte difficile surtout quand on vous fait miroiter autant de promesses à travers un simple lancer de dés. C’est aussi là que tire tout le génie de cette œuvre qui mise sur ces objets étant avant tout propres aux jeux de hasard. C’est comme si l’existence des protagonistes ne servait que de monnaie d’échange dans une immense partie où l’on peut autant tirer le gros lot que tout perdre. On observe cela en silence, mais captivé par ce que cette idée peut créer comme sujets mis sur la table et aussi la manière dont elle peut faire évoluer ceux qui franchissent ce cap.

Bien évidemment, toute cette situation avec les dés, le maître du jeu et ces changements au fil des quêtes contribuent aussi à apporter une grande part de mystère. On se demande bien d’où viennent ces artefacts et qui peut bien être derrière ces messages. Après tout, on se rend rapidement compte qu’elle semble presque omnisciente et qu’elle prend aussi un malin plaisir à diriger son monde à la baguette. Le lecteur peut alors ressentir qu’une chose bien plus grande se prépare que de simplement offrir à des individus la chance de pouvoir briller et se hisser au sommet de leurs semblables. C’est vraiment autour de tout ça que va se concentrer l’intrigue qui souhaite autant que l’on soit témoin de ceux qui en profitent que ceux désireux d’en apprendre plus sur le fonctionnement de tout ça. On arrive alors au dernier point qui rend cette utilisation des dés aussi prenante et qui va être bien plus tourné vers l’inégalité que l’on peut ressentir tout autour de nous. En effet, si la plupart des gens qui finissent par accepter de participer à ces quêtes le font parce qu’ils se sentent mal dans leur peau, cela va finir par souligner autre chose. Alors qu’ils souhaitent juste rééquilibrer la balance dans leur propre existence et enfin goûter au succès ou à la popularité, un écart se creuse entre ceux qui ont confié leur destin aux dés. Même les surhommes ne sont pas égaux entre eux et il y a donc constamment cette réflexion qui est amenée entre ceux qui semblent tout avoir et ceux qui s’accrochent pour ne pas tomber. Un message qui montre que ce jeu peut autant être salvateur pour certains que faire sombrer certaines âmes encore plus profondément dans les ténèbres de leur cœur. Un contexte original qui va autant être intelligent dans sa manière d’être joué que pertinent pour traiter d’une foule de sujets en tout genre.

Comme dit un peu plus tôt, DICE ne se repose pas uniquement sur son élément principal pour capter notre attention. C’est justement à travers tout ce qu’il propose et qui découle de ce système que vont se dégager des sujets qui nous parlent grandement. Le fantastique sert ici à réveiller les consciences sur des thématiques bien réelles et qui vont parfaitement s’incorporer à cette trame narrative. On peut même dire que tout ce jeu autour des dés est prévu pour justement mettre en lumière ces problèmes de société qui peuvent toucher n’importe qui. Une lecture qui ne se contente pas d’être un bon divertissement.

Des thématiques profondes

DICE - Jeu

Un jeu bien étrange.

Si l’on pourrait croire au premier abord que DICE se concentrerait uniquement sur le système autour des dés et l’évolution du personnage principal, c’est totalement faux. On a même été étonné de voir à quel point ce récit s’axait autant sur de véritables problèmes de société et scolaire que cela soit à travers le côté jeu que la partie tranche de vie. Ce qui saute rapidement aux yeux quand on s’attarde sur ces deux ouvrages est l’envie de l’auteur de mettre en lumière toutes ces souffrances que l’on peut subir au quotidien simplement parce que l’on est différent des autres. Que l’on soit timide, intelligent, beau, moche ou bien extraverti, cette histoire démontre que tous ces critères peuvent engendrer de nombreux stigmates chez certains. C’est d’ailleurs à cause du fait qu’ils ne se sentent pas bien dans leur peau, rabaissés et harcelés par les autres que certains vont finir par accepter le marché qui leur est proposé en devenant Dicer. La particularité du titre est donc là pour appuyer et servir de déclencheur à toute cette tristesse qui anime ceux qui sont mis à l’écart de la vie en groupe et en société. Ce n’est pas par plaisir qu’ils utilisent les dés au départ, mais bel et bien pour pouvoir enfin se sortir de ce cycle infernal dont ils sont prisonniers. Il y a donc un puissant message qui est véhiculé au sein de ces cases et qui peut même résonner comme un appel à l’aide de ces jeunes qui n’ont rien fait de mal mis à part devenir le bouc émissaire de leur classe. Il y a une telle sincérité dans les dessins que l’on observe et la détresse de ces étudiants que l’on sent notre coeur se serrer au fur et à mesure que l’on tourne les pages.

En fait, DICE est une œuvre qui ne souhaite pas mettre en priorité la lumière sur tout son concept de dés et de statistiques à améliorer. Tout ceci n’est qu’un outil pour évoquer le véritable sujet de cette fiction qui est l’inégalité rongeant tout le monde. Que cela soit en matière de capacités physiques, intellectuelles ou même de classes sociales, l’auteur ne s’arrête jamais de nous montrer à quel point ce monde est régi par toutes ces différences qui peuvent écoeurer tant certains se sentent tout-puissant à l’égard des autres. On a donc autant le point de vue de ceux qui atteignent les sommets, que cela soit naturel ou à travers les dés, et ceux qui ont été jetés au fond de la fosse par ces camarades qui trouvent ça plus amusant que de lui venir en aide. Il y a donc un profond malaise qui s’exprime tout au long de notre lecture et qui va contribuer à transformer ce récit en quelque chose de bien plus grand qu’une simple aventure. Tout est pensé pour dénoncer ces harcèlements et ces comportements qui peuvent détruire des vies et qui ne sont basés que sur ce principe de hiérarchie totalement idiote qu’il peut y avoir autant dans une classe que dans la vie de tous les jours. En cela, DICE fait un remarquable travail d’écriture et parvient même à nous surprendre par l’ampleur que va prendre ce sujet qui va être le principal moteur de l’intrigue. L’imaginaire dont fait preuve l’auteur contribue ainsi à utiliser le surnaturel pour faire ressortir des problèmes bien réels. Voilà une lecture dont on ne peut rester de marbre.

DICE sait parfaitement rythmer le début de son épopée à travers ces deux premiers volumes. On n’est pas ici dans l’effusion de scènes d’action ou de super-pouvoirs. Le surplus de statistiques que donne ce système va surtout servir de toile de fond pour nous raconter une histoire très humaine et sombre où chacun souhaite se hisser au sommet. Une œuvre qui met en avant la différence qu’il peut exister entre chacun et surtout les dérives pouvant y avoir à cause de ça. Au final, cette première plongée nous aura fait côtoyer des personnes qui désiraient juste sortir de leur tragique situation.

DICE fait un double 6

On ne savait pas grand-chose de DICE avant sa sortie en format relié. N’ayant que peu l’occasion de se pencher sur ce format, ce fut un vrai plaisir que de découvrir à quel point cela pouvait être un style pouvant raconter beaucoup de choses. Avec son contexte unique en son genre et surtout la pertinence de ses propos, cette série frappe un grand coup d’entrée de jeu. On a vraiment eu beaucoup d’empathie pour les divers personnages que l’on rencontre et qui ne sont en réalité que des étudiants totalement perdus et désemparés. Même le plus charismatique d’entre eux peut cacher un lourd secret et cela est magistralement démontré tout au long de ces deux volumes. Finalement, le fait que notre attention soit concentrée sur tout ce mystère autour de ce maître du jeu et tout ce qu’il propose n’est en réalité qu’un moyen détourné de parler d’un sujet bien plus grave. C’est à travers le prisme de ce joueur que l’on va poser un regard à la fois émouvant et triste sur ce que le monde peut engendrer comme souffrance à ceux qui ne répondent pas à des critères stupides. Les groupes se forment et laissent inéluctablement des gens seuls qui tentent au mieux de survivre au jour le jour et l’idée de pouvoir inverser cela est alors encore plus tentant. En cela, les dés de ce récit représentent autant un espoir pour eux qu’un cercle vicieux où le rapport de force change juste brutalement. Une remarquable et déchirante représentation de ce que la société et l’être humain engendrent comme cases qu’il faut cocher pour être accepté.

Vous l’aurez donc compris, on a été grandement surpris par cette découverte qui fut à la fois forte et pertinente dans sa narration. On ne s’attendait pas du tout à être autant emporté par ce qui nous fut raconté et l’on est heureux d’avoir été autant touché. Deux volumes qui posent clairement les bases de ce que pourra donner la licence par la suite et qui surtout s’apprêtent à amener de gros bouleversements au sein de cet établissement, mais aussi de ce monde. Si vous souhaitez vous lancer dans une épopée originale, intelligente et mettant en avant des problèmes bien concrets que l’on a tous pu connaître, alors DICE est fait pour vous. L’auteur nous montre à quel point l’imagination peut autant contribuer à distraire le lecteur qu’à servir de tremplin pour des thématiques fortes et importantes. C’est ce parfait mélange entre fantastique, enquête, tranche de vie et mise en avant de sujets graves qui a fait que l’on a totalement adhéré à cette histoire. Bien évidemment, on ne peut s’arrêter dans une lecture sans évoquer les fameuses questions qui nous trottent dans la tête. Est-ce qu’il est possible d’endiguer le cataclysme qui se présente au loin ? Jusqu’où peut aller cette optimisation du corps humain ? Est-il possible de transcender l’humanité à travers ces dés ? Ce système ne finit-il pas par détruire l’homme qui ne sait plus qui il est réellement ? On a vraiment hâte de connaître la réponse à toutes ces questions.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de DICE. Avez-vous apprécié tout le système qui fut imaginé autour de ces dés ? Pensez-vous que l’on se dirige droit vers de grands bouleversements pour ce monde ? Trouvez-vous que ce contexte est propice à raconter de nombreux sujets intéressants ? Seriez-vous tenté par l’utilisation d’une telle capacité ? Que va faire notre héros selon vous suite à tout ce qui est en train de se dessiner ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet 🙂

© 2013 Yun Hyeon Seok, Naver

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