Ares tome 5 & 6 : le démon de la voie rouge
Alors que l’on attaque le dernier jour de la semaine, on a voulu revenir sur une licence que l’on apprécie tout particulièrement. Elle fait partie de ces séries que l’on prend plaisir à suivre et qui ne cesse de nous étonner au fil des tomes. Après avoir longuement parlé des premiers ouvrages, il est grand de reprendre là où en était. Vous l’aurez sans doute compris, on va s’attarder une fois de plus sur le monde impitoyable d’Ares qui a fait son grand retour grâce à Meian. Alors que l’on avait eu le droit à une bonne dose d’action précédemment tout en opposant deux visions bien différentes du champ de bataille. On était donc très curieux de voir comment allait évoluer nos guerriers au sein de ce nouveau conflit qui venait déjà de les mettre à rude épreuve. Le cinquième et sixième tome nous permettent de faire la lumière sur la conclusion de cette guerre et les défis que doivent relever nos mercenaires. Deux lectures qui dévoilent énormément de choses tout en offrant une dualité captivante entre deux types de soldats. Il est donc l’heure de parcourir une fois de plus cette région rongée par la souffrance et la mort.
Deux combats
Pour rappel, Ares fut imaginé par Ryu Geum Cheol et nous avait laissés en plein conflit entre le royaume de Cronos et l’île de Minos. Après un premier assaut couronné de succès, l’armée dirigée par Icarus continua son avancée jusqu’au château adverse. Les tactiques de ce général se sont avérées redoutables en complément de ses troupes parfaitement entraînées. Parmi elles se trouve l’Ordre du Temple qui joue un rôle crucial dans l’élimination des combattants ennemis. Alors que tout semble les désigner comme les grands gagnants de ce conflit, le souverain de Minos décide de prendre la poudre d’escampette. Accompagné de sa garde personnelle, il se dirige vers un passage secret pouvant le mener loin de ces individus qui veulent sa tête. Malheureusement pour lui, Mikaël et Barouna s’interposent et font tout leur possible pour les retenir en attendant que les renforts débarquent. C’est donc un combat à deux contre trente qui débute au sein de ce palais où résonnent uniquement le choc de ces armes. Alors que cette rencontre semble se passer bien loin de l’animation qui rôde en dehors, il y a une autre personne qui tente de son mieux de survivre au cours de cette immense mêlée.
Il s’agit bien sûr d’Ares qui fait de son mieux pour protéger Ariane. Cette fille qui pensait que la guerre était amusante et qui rêvait d’aller au front se rend peu à peu compter qu’il n’y a rien de drôle dans le choc de ces deux armées. Heureusement, elle peut compter sur son ange gardien qui, éprit d’elle, donne tout ce qu’il a pour la préserver de la vérité qui recouvre cet endroit du sang de tant de soldats. En faisant croire qu’il s’est blessé, il parvient à ramener celle qu’il aime loin de ce charnier. Ils trouvent finalement refuge dans une maison abandonnée afin de reprendre quelques forces. Le temps qu’il a gagné permet à Ares d’avoir un peu de répit tandis qu’il peut observer la noble qui l’accompagne affichant un air déçu. Pensant enfin être débarrassé de cette mission d’escorte, il baisse alors sa garde. C’est à ce moment-là qu’un groupe s’introduit dans ce foyer et décide de prendre la demoiselle en otage. Notre épéiste borgne ne va plus avoir le choix et va devoir montrer ce qu’il vaut réellement pour espérer la sauver. Deux affrontements bien loin l’un de l’autre et qui pourtant vont partager un point commun. C’est à travers cette adversité que trois garçons vont continuer de s’enfoncer un peu plus sur cette voie qui ne laisse aucun homme indemne.
S’il y a bien une première chose qui nous choque en lisant les tome 5 et 6 d’Ares, c’est bien le changement de personnalité de ce dernier. Ces deux lectures permettent de mettre en lumière qui il est et ce dont il est capable lorsqu’il prend les choses sérieusement. Un visage qui dénote profondément avec ce que l’on a eu l’habitude de voir et qui change complètement notre regard sur ce jeune garçon qui cache en lui un vrai démon.
Le vrai visage du borgne
Pour remettre dans le contexte, notre anti-héros a toujours été un cas à part au sein de ce trio. Alors que les deux autres membres sont rarement loquaces, celui-ci a toujours préféré jouer la moquerie. Cela se ressentait aussi dans ces duels où il prenait plaisir à taquiner son opposant et permettait donc d’atténuer un peu la violence qui régnait. D’ailleurs, on a beau pu le voir tuant de nombreux ennemis, il ne s’est jamais défait de cette étiquette de clown qu’il s’était collé lui-même lors de nos premières excursions. Même le début de cette guerre nous le montrait compatissant et prêt à tout pour protéger Ariane quitte à passer pour un faible. Cependant, la situation dans laquelle il se retrouve va totalement changer la donne. Alors que ce groupe d’assassins aguerris a pris possession des lieux et capturé sa bien-aimée, Ares fait tomber le masque. Le fait de voir la fille dont il est amoureux être en danger va réveiller en lui une bête que l’on n’aurait jamais imaginé qu’elle existe. C’est ainsi que l’on a le droit à l’un des passages les plus durs et les plus mémorables de cette série qui parvient à nous surprendre à travers ce rebondissement collant parfaitement à cet univers.
On le sait, Cronos est un pays qui ne connaît que rarement la paix. Tout n’est que question de conflits et cela se ressent et s’exprime à travers l’existence de ces protagonistes qui n’est dédiée qu’à guerroyer. Une vie pleine de souffrance où le seul repos possible est celui qui mène à sa dernière demeure. C’est ainsi que l’on devine et que l’on est marqué par l’évolution drastique de cet adolescent qui n’affiche plus son sourire un peu niais. Il laisse la place au tueur qui sommeille en lui et extermine alors sans soucis ces ennemis qui se dressent devant lui. Le lecteur est alors estomaqué par les prouesses martiales de ce mercenaire qui n’ont plus rien à voir avec ce que l’on a pu admirer auparavant. Cependant, cette fascination va très vite se transformer en une certaine angoisse en voyant ce protagoniste prendre tout son temps pour faire souffrir ses victimes. Il prend presque la forme d’un bourreau qui tente de faire durer le plus longtemps possible les râles d’agonie de ses proies. Une vision d’horreur qui nous replonge dans la dure réalité de ce monde. A cet instant, on affiche le même regard qu’Ariane qui est bien plus terrorisé par la froideur et l’horreur qui se dégage de son sauveur que de ses kidnappeurs. Un formidable travail d’écriture qui permet de bousculer notre ressenti sur cet acteur tout en faisant de lui le véritable monstre de l’histoire. Alors qu’il fait ça pour défendre une vie, son attitude et sa personnalité font que l’on recule face à tentative de sauvetage qui se transforme en une boucherie sans nom. Un parti-pris efficace, pertinent et surtout marquant pour nous.
En plus de nous décrire avec précision et effroi cette transformation d’Ares, ces deux lectures vont aussi soulever une opposition importante au sein de l’autre confrontation que l’on suit. Dans leur objectif de contenir les fuyards, Barouna et surtout Mikaël vont faire face à une très grande menace. Le chef de la garde, ancien guerrier réputé ayant porté le titre de geom-seong, va se tenir face à ce dernier. Un duel qui est autant physique que mental et qui va confronter deux générations suivant le même parcours.
La jeunesse contre l’expérience
Tout d’abord, on peut souligner l’extraordinaire résistance de nos deux compagnons de route qui parviennent à tenir tête à trente soldats aguerris. Ce combat nous captive de par l’enjeu qui en découle et cette volonté qui habite ces mercenaires afin de ne rien lâcher. Ils ne laissent absolument rien transparaître de leur état de fatigue et continuent inlassablement à contrer les assauts adverses. On retient notre souffle tout au long de notre périple tout en nous demandant s’ils parviendront à accomplir leur objectif, nous imaginant même pour quelle raison le soutien est aussi long à venir. Une incroyable immersion au cœur de cette rixe dantesque et qui va encore monter d’un cran à travers sa symbolique. Lorsque l’on découvre le visage du chef de la garde, on peut contempler celui d’un vieil homme qui n’a pourtant rien perdu de son talent. Froid et las, cet individu ne semble aucunement se préoccuper de ces moucherons qui le gêne. Pourtant, il va se retrouver face à un mur qu’il ne s’attendait pas à devoir abattre en la personne de Mikaël. Cet adolescent va s’avérer être un combattant redoutable et leur face-à-face va alors débuter. D’un côté l’énergie de la jeunesse et de l’autre l’expérience du champ de bataille.
C’est à cet instant que l’on apprend ce que signifie vraiment la voie rouge. Ce trajet que seuls ceux qui partent au front peuvent connaître. Notre vieux guerrier, de par ses paroles, nous prouvent qu’il s’est déjà enfoncé profondément sur ce sentier et que rien ne pourrait le ramener vers la lumière. Une fois que l’on a du sang sur les mains, il est quasiment impossible de s’en défaire. Il se désole alors de voir deux jeunes gens prendre le même trajet que lui par le passé, car il sait que rien de bon n’arrive pour ceux qui suivent cette destinée. C’est cette traversée de l’enfer qui l’a rendu aussi indifférent à tous ceux qui l’entourent. Lui qui recherchait la puissance et la renommée a fini par les trouver, mais le prix à payer en échange fut bien trop élevé. Ce vieux combattant est le reflet de ce que pourrait devenir Mikaël s’il continue à vivre sur le champ de bataille pour finalement tomber comme tout le monde. On admire alors cette scène qui affiche de nombreux niveaux de lecture d’un tout autre œil en se demandant si notre mercenaire taciturne parviendra à éviter le sort funeste qui l’attend. De par son talent et ses ambitions, réussira-t-il à atteindre le terminus de ce voyage sans pour autant en payer le prix ? On reste alors bluffé devant cette peinture qui retranscrit à merveille tout ce qu’essaye de raconter ce titre de par cet environnement, ce contexte et ces protagonistes qui ne connaissent que la loi du plus fort.
On est sans doute devant deux des tomes les plus intéressants depuis le début d’Ares. Que ce soit en matière de développement de notre trio, de toute la symbolique qui se dégage de chaque affrontement et de la nouvelle vision que l’on a sur l’ensemble de l’histoire, ce titre montre ici toute sa pertinence et sa grandeur. Un shônen qui prouve que l’on peut parler d’un sujet aussi sérieux que la guerre et ce qu’elle provoque chez chacun tout en parvenant à nous divertir.
Un tournant pour Ares et ses amis
On peut le crier haut et fort, cet arc narratif est celui qui lance pleinement l’œuvre et parvient à décrire à merveille l’horreur qui se cache derrière ce tableau. Des dessins qui retranscrivent avec habileté la violence, mais aussi l’effet psychologique que peut avoir n’importe quel conflit sur toute une génération. Avec ses combats dantesques et la progression de notre groupe de mercenaires, on ne peut qu’être excité à l’idée de se lancer dans la suite. On est à la fois heureux de voir les prochaines épreuves qu’ils devront traverser et inquiet d’assister à leur propre chute sur ce terrain qui n’a rien à offrir à part un avenir funeste. Bien sûr, on aurait aussi pu parler du nouveau personnage qui est introduit et qui aura un rôle capital plus tard, mais on garde la surprise pour notre prochaine chronique. Une formidable épopée qui nous présente l’une de ses plus belles et bouleversantes représentations. Tous les ingrédients sont là pour transformer cette fresque en une oeuvre mémorable.
C’est donc avec toujours plus de joie et de plaisir que l’on s’aventure plus profondément dans cette aventure littéraire qu’est Ares. Un titre que l’on continue de recommander chaudement et qui met en scène une alternative à la fois intéressante, prenante et originale de ce que peut être un shônen mature. Le retour d’une saga qui mérite le coup d’œil et qui, après tout ce temps, continue de nous tenir en haleine tout au long de ces affrontements musclés. En seulement quelques volumes, on a appris à apprécier les moments que l’on passe en compagnie de ces soldats et de nous attrister en les voyant perdre peu à peu ce qui leur reste d’humanité. Maintenant, après cette lecture, on peut se demander ce que l’avenir réserve à notre valeureux trio. Quels seront leurs prochains ennemis ? Continueront-ils de ne vivre qu’à travers la mort et le sang ? Ce pays peut-il vraiment connaître la paix ? Tant de questions qui ne trouveront sans doute leur réponse qu’après la chute d’une multitude d’âmes.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre opinion ainsi que votre propre analyse concernant les tomes 5 et 6 d’Ares. Que pensez-vous que cela impliquera pour l’avenir de voir ce nouveau visage de notre mercenaire ? Qu’attendez-vous pour la suite ? Croyez-vous qu’ils continueront de s’enfoncer inexorablement sur ce chemin teinté de sang ? Est-ce que ce passage est parvenu à attiser encore plus votre curiosité concernant le futur de ces jeunes soldats ? On serait ravi de pouvoir discuter de cela avec vous et que vous nous fassiez part de vos avis. 🙂
© Ryu Geum Cheol / Meian
« Ce vieux combattant est le reflet de ce que pourrait devenir Mikaël s’il continue à vivre sur le champ de bataille » si on enléve le mot « vieux » la phrase est tellement prophétique !
C’est vrai qu’il y a vraiment un côté prophétique dans ce combat et une espèce de reflet de ce que peut devenir Mikaël dans le futur ^^