Kingdom tome 37 et 38 : jamais le temps de souffler
Pour terminer la semaine comme il se doit, on s’est dit que l’on allait replonger avec joie dans l’univers aussi enchanteur que violent de Kingdom. La petite pépite de Meian vient encore de franchir un nouveau cap avec ces deux volumes qui ne laissent aucunement à nos héros le temps de respirer. Tandis que l’on peut apercevoir les jeunes pousses se lancer à corps perdu dans un combat dont l’issue est plus qu’incertaine, les manigances se multiplient au sein même du palais alors qu’un événement sans précédent est sur le point d’arriver. Si l’on a toujours eu le droit à des moments fantastiques tout au long de cette licence, on est clairement devant l’un des passages les plus travaillés qui soient de par toute cette infinité de nuances qui va jaillir aux yeux du spectateur. Entre les personnages qui ne s’arrêtent jamais de progresser et un contexte évoluant sans arrêt, ce chef-d’oeuvre monte encore la barre d’un cran sur une échelle qui semble sans fin tant son potentiel paraît infini. Il est donc grand temps de retourner aux côtés de ces deux jeunes garçons qui ont bien grandi depuis leurs premiers pas ensemble.
Entre invasion et défense
Kingdom, imaginé par Yasuhisa Hara, s’était arrêté alors que la bataille pour Choyou battait son plein. Que cela soit Qin ou Wei, aucun des deux camps ne reculaient. Malheureusement, la tactique employée par Go Houmei s’était avérée d’une redoutable efficacité. Il semblait pratiquement impossible de réussir à se frayer un chemin jusqu’au QG ennemi. Le général Tou regardait ce spectacle en essayant de trouver une parade à ce stratagème. Une possible solution finit par émerger de l’esprit du jeune Ouhon. Lui qui d’habitude refusait de se reposer sur les autres avait imaginé un plan pour que trois armées puissent s’engouffrer derrière les lignes adverses pour pouvoir réclamer la tête du chef adverse. Une percée pouvant presque paraître suicidaire au vu des effectifs de chacun et des nombreux obstacles à devoir traverser. Malgré cela, le dirigeant de cette armée accepta de donner sa chance au chef de l’unité Gyoku Hou ainsi qu’à Shin. Une charge monumentale pesait alors sur leurs jeunes épaules étant donné que la victoire allait se décider par leur faculté à presser le pas. Une course contre la montre où chaque seconde perdue peut être fatale.
Si la détermination et le courage ne faisaient pas défaut aux troupes qui allaient effectuer cette tactique, un défi de taille allait se dresser devant eux. Wei avait décidé de faire revenir les fameux Dragons de Feu. Ces guerriers, pouvant aisément rivaliser avec les généraux les plus expérimentés du continent, étaient bien décidés à se dresser devant leur opposant. La bataille redoubla d’intensité et de rage alors qu’Ouhon se lança dans un face-à-face mortel contre Shihaku. Un lancier d’exception qui avait grandi sur le champ de bataille et qui n’avait d’autre objectif dans la vie que de se jeter à corps perdu dans la mêlée. Tandis que ce choc allait prendre une tournure inattendue, Shin devait aussi se confronter à un véritable mur. Un homme répondant au nom de Gaimou et dont la force n’avait rien à envier à Ouki ou Renpa. Une épreuve compliquée, mais nécessaire pour eux afin de se rapprocher de leur but. La question n’était plus de savoir qui allait vaincre son adversaire, mais qui serait le premier à atteindre la cible. Le temps défile et avec lui les espoirs s’amenuisent pour les hommes d’Ei Sei.
La première chose qui nous marque lorsque l’on se plonge dans ce nouveau pan de cette histoire est la manière dont Ouhon et Shin sont traités. Ces deux guerriers qui ont encore la vie devant eux vont, une fois de plus, faire briller notre lecture de Kingdom, mais en apportant une touche encore plus personnelle et importante. Un changement crucial pour eux qui se fait autant dans le sang, la violence et la mort. On se demande alors s’ils vont réussir à s’en sortir et à en revenir grandit.
Se rapprocher toujours plus du but
Comme à chaque fois avec Kingdom, on a le droit à tellement d’éléments à décrypter qu’il serait difficile de s’attarder sur chacun d’eux en un seul article. Cependant, il y a deux grands points qui ont pu ressortir de ces deux lectures et le premier dont on va traiter reste encore et toujours la mise en avant de la nouvelle génération. On l’a déjà dit auparavant, mais ce sujet est sans doute celui qui ne cesse de s’étendre au fur et à mesure de cette épopée. Après tout, il est normal de voir tous ces jeunes officiers prometteurs s’accaparer de plus en plus la scène au vu de leurs exploits. Ce ne sont pas ces chapitres qui vont dire le contraire étant donné que l’on va assister à de toutes nouvelles prouesses de la part de Shin et Ouhon. Malgré le fait qu’ils se détestent l’un et l’autre et entretiennent une rivalité redoutable, cela ne les empêche pas d’aller de l’avant vers le même objectif. Ainsi, ces quelques pages vont être l’occasion de voir chacun d’eux en action alors qu’ils vont devoir redoubler d’efforts pour faire face à des adversaires impitoyables. Si le jeune garçon que l’on suit depuis le début nous a encore épaté, la véritable surprise vient de son homologue. Ce lancier d’exception s’est vu confié un moment à la fois crucial et d’une profonde symbolique face à un opposant qui ne redoutait aucunement de mourir.
Si l’on accueille chaque progrès de Shin avec une joie certaine, notre excitation a été encore plus forte lorsque l’on a pu voir Ouhon se jeter dans la bataille malgré ses blessures et ce qui se trouvait devant lui. Le fait de le voir se surpasser est autant une parfaite démonstration de sa détermination qu’un cri d’alarme pour le chef de l’unité Hi Shin étant donné que cela signifie tout simplement qu’il vient de faire un grand pas sur la voie qu’ils partagent. C’est donc autant une réussite personnelle qu’un moyen de pousser chacun de ces jeunes soldats à aller plus loin. Bien sûr, cela s’exprime à travers un affrontement qui n’a rien à envier aux plus grands que l’on ait pu observer depuis les débuts de la licence. En réalité, l’assaut mené par ces guerriers face à Wei est autant important pour le futur de Qin qu’une preuve qu’ils méritent amplement la place qu’ils occupent. On ressent alors pleinement toute la confiance qui leur fut donnée du fait de l’importance de leur mission. Une épreuve de force et de ruse qui permet à ces deux futures légendes de gravir un autre échelon jusqu’au fameux rang de général. On est alors ébloui de les voir autant se démener alors que l’on a presque envie de pousser des cris d’encouragements pour qu’ils continuent leur route sans jamais se retourner. Une preuve de la puissance de l’auteur pour mettre en valeur ces jeunes pousses qui portent tous les espoirs, mais aussi l’avenir de la Chine.
En plus de se concentrer sur le champ de bataille, cette nouvelle partie de Kingdom va aussi s’attarder sur un autre combat de taille. Celui-ci se tient bien loin du front et va prendre un tournant absolument inattendu au vu des rebondissements dont on avoir le droit. La politique n’aura jamais été aussi dangereuse que dans ces deux volumes où la moindre décision peut être fatale pour le chef de ce pays qui s’apprête à être couronné. Sans nul doute l’un des conflits dont les enjeux sont les plus importants et qui pourraient bien écrire une toute nouvelle page de ce royaume.
Une véritable crise interne
Il n’y a pas à dire, l’auteur sait comment nous tenir en haleine, et cela, même quand on n’est pas propulsé au coeur d’une mêlée dantesque. En effet, on arrive à un tournant majeur pour le récit ainsi que pour l’avenir d’Ei Sei et de son fidèle ami. En très peu de temps, on se rend compte à quel point les enjeux pour eux sont grands étant donné que l’on se rapproche de la cérémonie faisant de ce jeune souverain le chef absolu de ce pays. Si cela aurait dû être un événement de bonheur et de joie, celui-ci est entaché par la terrible menace que représente Ryo Fui ainsi que la reine-mère. Si l’on est bien loin des bains de sang propre au front, cela n’enlève en rien la dangerosité des actions de ces deux camps qui jouent à un jeu de pouvoir pouvant avoir bien plus d’incidence qu’une bataille perdue. Tout comme certains témoins extérieurs ont pu le dire en observant Qin, le plus grand ennemi du régime actuel est avant tout caché entre les murs de ce palais. Si l’on savait déjà à quel point les manigances qui étaient organisées en ce lieu pouvaient s’avérer effroyables, c’est bel et bien dans ce volume 38 que l’on prend conscience de tout ce qui se trouve dans la balance. Le combat opposant les fidèles du roi et ceux du chancelier d’Etat redouble d’intensité, car on sait que celui-ci doit absolument trouver une conclusion avant que le couronnement soit prononcé.
Si l’on pouvait donc s’attendre à des manigances de la part de Ryo Fui, on ne pouvait imaginer à quel point la mère du suzerain de ce royaume allait mettre son grain de sel. Une immense surprise qui va redistribuer les cartes, mais aussi dévoiler un tout nouveau visage de cette femme. Si l’on pourrait avoir une très mauvaise opinion d’elle, on ne peut s’empêcher de voir tout son manège comme un moyen pour elle de quitter cette prison que fut sa vie pendant toutes ces années. Une geôle qui l’a fait tellement souffrir qu’elle ne parvient plus à retrouver le sourire. Ainsi, il y a un souhait bien plus humain qu’on ne pourrait l’imaginer derrière ses actions et cela permet de renforcer cette tristesse qui plane autour d’elle. De plus, ce revirement de situation va aussi accentuer la monstruosité du chancelier qui n’a absolument aucun remord à profiter de cette situation pour son compte personnel sans pour autant perdre totalement son humanité. C’est cela qui fait aussi toute la force de ces personnages qui se battent avant tout par des paroles et leurs esprits. Ils ne reculent devant rien, mais parviennent tout de même à exprimer certaines émotions d’une justesse incroyable. Il est donc presque impossible de ne pas ressentir un attachement, et même une certaine pitié à l’égard de tous ces gens qui doivent s’affronter pour des idéaux, des ambitions ou tout simplement pour survivre. Une oeuvre qui prône la concrétisation des rêves, la gloire, l’ascension, mais qui montre aussi avec sincérité tout l’envers de ce décor et de cette époque.
Kingdom nous donne ici de nombreuses leçons d’écriture qui dépasse de loin le cadre de cette oeuvre. Si l’on suit avant tout ce manga pour tout ce qu’il nous apporte en terme de divertissement, il ne faut surtout pas louper ce qui se trouve au-delà des combats dantesques. On ouvre alors les yeux sur toute la profondeur et la richesse de ces acteurs qui donnent tout ce qu’ils ont pour mettre en place un spectacle aussi puissant que déchirant. Une lutte de pouvoir qui fera de nombreuses victimes et qui va surtout faire tomber de nombreux masques.
Kingdom fait tout pour renforcer ses bases
Alors que l’on ne cesse de penser que l’on ne pourra être plus ébahi devant l’univers de Kingdom, le mangaka parvient à renouveler sans cesse cette expérience pour la faire grandir. Cela peut autant passer par une guerre à la fois épique et spectaculaire qu’un immense travail au niveau du background des divers protagonistes et antagonistes qui rythment notre parcours. C’est exactement le cas ici avec une mise en avant de certains personnages que l’on n’attendait pas forcément et qui parviennent tout juste à trouver un juste équilibre entre évolution, émotion et progression de l’intrigue. Il est clair que l’on ne s’ennuie jamais et cela n’a jamais été aussi vrai qu’au sein de ces quelques chapitres d’une intensité redoutable. On ne peut jamais prédire ce qui va se passer et c’est aussi ce qui fait le charme de ce manga qui nous assène de nombreux coups sans que l’on puisse faire quoi que ce soit. En tant que simple spectateur de cette formidable fresque historique, on a les yeux qui brillent en voyant les différentes forces en mouvement et ce que cela risque d’entraîner pour la suite du récit. Un choc qui s’annonce mémorable et qui va surtout réécrire l’histoire entière de ce pays. On reste donc bouche bée alors que l’on est tenu en haleine devant le suspens insoutenable de cette fin de tome.
Comme à chaque fois maintenant, il n’est plus question de recommander ce titre fantastique étant donné qu’il a largement fait ses preuves. On est avant tout là pour voir l’évolution et surtout la manière dont les choses évoluent au fil des péripéties. Une envie de vérifier si la qualité est toujours au rendez-vous et qui est sans cesse confirmer par une narration redoutable, des enjeux grandissants et surtout un univers servant parfaitement de décor à l’ensemble de cette histoire. Un récit qui dépasse de loin le cadre du simple divertissement et qui atteint un tout autre niveau à chaque immersion. Ei Sei et Shin sont maintenant au carrefour de leur vie alors que leurs rêves n’ont jamais été aussi proches de se concrétiser. L’impatience est à son paroxysme au vu de comment se termine cette expérience littéraire. Une telle conclusion qui ne peut que nous laisser avec un tas de questions. Quel est le plan du nouveau roi de Qin pour contrecarrer l’assaut qui se rapproche ? Shin jouera-t-il un rôle important dans la protection de son souverain ? Ryo Fui va-t-il avoir encore un atout dans sa manche ? Il va falloir être un peu patient pour savoir ce qu’il en retourne, mais il est sûr que l’on risque d’être étonné et marqué par ce futur incertain.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux volumes de Kingdom. Avez-vous été conquis par la progression de ces deux jeunes guerriers ? Trouvez-vous que les manigances qui ont lieu à la cour vont avoir un impact important pour la suite ? Pensez-vous que l’on va assister à un changement drastique dans la gestion de Qin ? Croyez-vous que la catastrophe qui arrive va permettre à Shin de franchir le dernier cap qui lui reste ? Qu’attendez-vous pour la suite de ce récit ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger et débattre autour de cette saga. 🙂
© Hara Yasuhisa / Shueisha