No Longer Rangers tome 1 : marre des justiciers !
Dans le monde du manga, il y a un thème qui revient assez fréquemment ces derniers temps. Il s’agit de la notion de héros et ce qui fait qu’un personnage peut être désigné en tant que tel. Cependant, si l’on a déjà eu le droit à ce genre de réflexions, il est assez rare que l’on soit transposé de l’autre côté dans l’espoir de vaincre des justiciers qui n’ont absolument rien de remarquable. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on va aborder un titre qui souhaite nous amener sur ce terrain et qui sortira le 8 juin prochain aux éditions Pika. Il s’agit de No Longer Rangers, imaginé par l’auteur de The Quintessential Quintuplets. Jouant à fond la carte du super sentai, cette œuvre va pourtant rapidement se démarquer par la manière dont est narré le récit. Il n’est pas question ici de s’attarder sur les fameux protecteurs de la population, mais bel et bien dans l’autre camp. Un choix audacieux, mais qui va rapidement trouver tout son sens au vu de l’intrigue et ainsi amener des pistes prometteuses pour la suite. On espère donc que vous êtes prêts à abandonner les héros pour rejoindre le groupe du mal.
Un combat scripté
No Longer Rangers, imaginé par Negi Haruba, nous emmène sur une Terre en proie à une terrible menace. En effet, un étrange vaisseau a fait son apparition il y a douze ans et les occupants de celui-ci désirent ardemment prendre possession de cette planète. Mais heureusement, les cinq Dragon Keepers et leur escadron apparaissent pour mettre un terme à cette tentative d’invasion. Ils sont acclamés comme des héros par l’ensemble de la population même si la menace est encore bien présente. C’est ainsi que débute une lutte de longue haleine entre les deux camps pour savoir qui l’emportera. Enfin ça, c’est ce que tout le monde croit. La réalité est tout autre pour ceux qui sont dans la confidence. En réalité, il ne fallut que quelques instants après leur arrivée pour que les envahisseurs capitulent après avoir vu l’ensemble de leurs généraux être éliminés par ces adversaires. Mais cela ne semblait pas suffire à ces justiciers terrestres qui décidèrent de faire un marché avec les quelques soldats restants. Ils pouvaient choisir entre mourir dès maintenant ou bien survivre et accepter de combattre chaque dimanche et de perdre face à eux. Ainsi, les Dragon Keepers pourraient maintenir leur aura auprès du public et des caméras. Ne désirant pas disparaître, les otages acceptaient cette seconde option sans savoir un seul instant que ce sort pourrait être pire que la mort. Les années passent et cela fait maintenant la 999e défaite de ces faire-valoir qui ont du mal à se renouveler dans leurs assauts.
Ils savent très bien que tout ça est faux et qu’il faut maintenir l’illusion du spectacle sous peine de disparaître en un claquement de doigts. Si la majorité d’entre eux semble s’être résignée à ce cycle infernal de défaites, un des troupiers ne peut plus tolérer ça. Faisant preuve d’une certaine ingéniosité, il se dit qu’il préfère mourir en tentant de renverser la situation que de vivre ce calvaire jusqu’à la fin des temps. Il va alors profiter de la nouvelle session de combat pour jouer les éléments perturbateurs. Se cachant parmi les civils, il utilise son don pour le mimétisme afin de s’infiltrer au sein de cette organisation qui s’est forgée autour de ces symboles de la paix. A présent, il va tout faire pour anéantir ces Dragon Keepers de l’intérieur peu importe les sacrifices qu’il devra faire. Mais il est très loin de se douter que cette petite escapade sur Terre va être l’élément déclencheur d’une machination bien plus grande encore. Est-ce finalement aux méchants d’être les héros de l’histoire ? Jamais il n’aurait imaginé ça, mais il va se rendre compte que ce qu’il connaissait de ses ennemis jurés est sans doute bien pire que ce qu’il croyait. Dans cette mascarade incroyable qui fut imaginée, un seul grain de sable peut endommager tous les rouages. Mieux vaut ne pas sous-estimer son adversaire, car c’est quand il est acculé qu’il peut se montrer le plus dangereux. Une leçon que risque fort d’apprendre ces prétendus gardiens qui ne pensent qu’à leur image. L’heure de la rébellion a sonné !
Vous l’aurez compris en lisant ces quelques lignes, mais le synopsis de No Longer Rangers s’avère fort prometteur dans sa façon d’exposer son histoire. Si le monde semble en paix grâce aux efforts de ces cinq guerriers, la réalité est tout autre. Le fait d’être mis dans la confidence va éveiller en nous un sentiment d’injustice de la part de ceux qui sont censés incarner cette justice. Une opposition qui va inverser les rôles et nous donner envie de voir ce que ces sbires pourraient réussir à faire s’ils parvenaient à changer leur destin. Un premier tome bourré de bonnes idées maîtrisées.
Une volte-face captivante
Il y a énormément de choses à dire sur ce premier volume de No Longer Rangers. D’ailleurs, on ne s’attendait pas à ce que le manga puisse nous amener sur une œuvre traitant d’autant de sujets pertinents. En prenant comme base un récit tout à fait classique, et même collant parfaitement aux codes du sentai, l’auteur veut non pas que notre regard se porte sur les héros, mais sur les méchants de l’histoire. Dès que l’on pose les yeux sur ces quelques sbires qui restent enfermés dans leur vaisseau, on comprend que quelque chose ne va pas. S’il est vrai que les troufions comme ceux que l’on suit sont souvent tournés en ridicule, ici cela va bien plus loin. On est devant des êtres qui ont perdu absolument tout honneur après qu’on leur a enlevé leur liberté. Ils ne sont plus qu’un rouage dans l’immense machination organisée par leur ennemi. De ce fait, il va se passer quelque chose d’inattendu. Le lecteur va avoir une forme d’empathie pour ces envahisseurs qui sont bien loin de leur rôle de sbires. Dans ce manga, ils sont ni plus ni moins des esclaves à la botte des Dragon Keepers et doivent accepter toute cette farce sous peine d’être tué. En faisant ça, le mangaka s’assure que notre intérêt va se porter sur ces ennemis devenus les opprimés. Dès lors, on va avoir envie au plus profond de nous d’assister à la rébellion de ces derniers. En voyant notre protagoniste du premier tome aller à l’encontre de cet avenir tout tracé pour enfin sauver ses camarades, notre regard se porte uniquement sur lui.
Il a beau être un simple sous-fifre, il devient au sein de ces pages le héros dont son groupe a besoin. Une inversion des rôles parfaitement maîtrisée et qui va ainsi nous amener à l’autre grande force de la série qui réside dans son exposition de ces protecteurs. Ces quelques cases veulent nous montrer des héros imbus d’eux-mêmes et qui ne pensent qu’au meilleur scénario possible pour attirer toujours plus d’audimat. Des individus qui ne respectent même pas leurs opposants, car ils se sentent supérieurs en tout point par rapport à eux. Le super-héros ne devient ici qu’un prétexte pour engranger toujours plus de gloire. Une perversion de ce rôle qui ne retrouve finalement que ses lettres de noblesse dans l’autre camp. De même, ce premier volume est aussi un formidable terrain de jeu pour son auteur qui va réussir à transformer un vulgaire troupier en une forme d’espoir pour tout un groupe face à cette corruption et ce malaise que l’on peut éprouver. Il parvient à en faire un être rusé et qui endure énormément pour simplement se rapprocher de son but. Une figure centrale qui réussit l’exploit d’unifier le spectateur non pas sous la bannière de l’Humanité, mais sous celle de ces êtres d’un autre monde qui veulent juste retrouver leur honneur. La moindre petite victoire a alors une saveur toute particulière et le manga le retranscrit à merveille à travers des dessins soignés et qui peuvent aussi nous en mettre plein la vue quand l’action revient sur le devant de la scène. Les notions de bien et de mal se brisent au sein de ces pages où notre implication se tourne avant tout vers ceux qui ont été amenés plus bas que terre et désirent simplement se relever.
Avec No Longer Rangers, l’auteur nous délivre un premier acte très fort et qui nous donne clairement envie de connaître la suite. On en vient même à s’attacher énormément à ces quelques serviteurs du mal qui osent se rebeller pour en finir avec ce cycle sans fin de défaites. En mettant dos au mur ces derniers, les héros nous donnent envie de les encourager afin que le rapport de force s’inverse. Un manga qui parvient clairement à nous faire basculer du côté obscur, car beaucoup plus humain que ces prétendus protecteurs qui prennent un malin plaisir à se sentir supérieurs aux autres.
No Longer Rangers nous fait apprécier les méchants
On a vraiment été conquis par ce premier volume de No Longer Rangers qui se sert habilement de tous les codes du genre pour prendre à contrepied ce que l’on a l’habitude de voir. Avec la justesse de ses propos et sa narration efficace, cette introduction frappe un grand coup. On ne s’attendait absolument pas à être autant emporté par ce récit qui dénonce non pas les méchants de l’histoire, mais bel et bien ceux qui défendent la Terre. Avec un aspect marketing et scénarisé dans leur protection de la population, ce qui devait être à la base une bataille pour la sauvegarde du monde s’est transformé en un simple divertissement. Cette simple idée est géniale, car elle nous amène à avoir du dégoût pour ces héros et à se rallier à ces envahisseurs qui sont finalement les opprimés de ce récit. Ainsi, c’est une expérience radicalement différente de ce que l’on peut avoir l’habitude de lire et qui transforme ces figures de paix en des êtres manipulateurs, hautains et cruels. Ce choix est si maîtrisé que l’on a même énormément d’empathie pour ces quelques sbires qui sont bloqués dans leur vaisseau à devoir attendre chaque dimanche pour faire leur apparition. Cette série expose cette cruelle vérité où, sous couvert d’une soi-disant envie de venir en aide aux autres, un petit groupe a su se hisser au sommet du pouvoir et de la célébrité. Une présentation d’une forme de commercialisation de cette fonction de héros qui ne devient qu’un statut comme un autre où l’argent, la force et les ambitions règnent en maître.
No Longer Rangers est donc un énorme coup de cœur sur ce premier volume. Encore une fois, on ne s’attendait pas du tout à ce que le mangaka nous propose une histoire aussi bien fichue en matière de thématiques traitées, mais aussi d’implication du lecteur. On se tient face à une injustice que l’on ne peut accepter et qui est remarquablement bien mise en scène tout au long de ces chapitres. On évolue, on encourage et on s’énerve en compagnie de ce simple soldat qui ne peut plus tolérer ce cycle sans fin d’humiliation. Ce qui se présente à la base comme une œuvre manichéenne est en réalité bien plus nuancée qu’il n’y paraît. Le bien et le mal sont ici très abstraits, car le constat de départ est rapidement inversé pour nous montrer la pourriture qui assaille certains humains. Une saga que l’on recommande à tous ceux qui souhaitent une aventure mettant à mal l’image iconique du sauveur de l’Humanité et qui désirent aussi une lecture à la fois intense et touchante. Maintenant, il est évident que l’on a quelques questions en tête concernant la suite de cette épopée. Est-ce qu’il est réellement possible de renverser ces cinq prétendus justiciers ? Ce cycle infernal peut-il être brisé ? Qu’est-ce qui se manigance dans l’ombre de ce triste spectacle ? Des troufions peuvent-ils venir à bout de ce groupe aux armes surpuissantes ? On a juste hâte de replonger dans cette histoire afin de voir ce que nous réserve la suite de cette lutte.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires vos attentes et vos questions concernant ce premier volume de No Longer Rangers. Trouvez-vous intéressant la manière dont le récit prend à revers le style du super sentai pour nous amener à être plus du côté des méchants ? Êtes-vous intrigué par ce que peut proposer cette histoire en matière de réflexion sur la notion de héros ? Pensez-vous que cela peut donner lieu à des échanges intéressants entre les sbires que l’on a pu suivre et ces fameux justiciers qui protègent la Terre ? Qu’espérez-vous pour la suite de la saga ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.