La vengeance du souffre-douleur tome 1 : de terribles représailles
Il y a des thèmes qui nous parlent bien plus que d’autres. Tout est une question de sensibilité et aussi de vécu propre au lecteur. Pour notre part, la question du harcèlement scolaire et de manière globale a toujours été un sujet qui nous a profondément marqué. On a déjà eu le droit à de nombreux mangas traitant de ce problème grave qui peut détruire des vies. Même si cela s’annonce souvent éprouvant, il est important de se pencher sur ces œuvres qui viennent dénoncer des actes aussi destructeurs. Il était donc normal pour nous de se pencher sur une nouvelle licence qui allait aborder ça. C’est encore plus vrai quand derrière cette série inédite se trouve le duo derrière Anonyme, un autre ouvrage qui nous avait totalement chamboulés. Vous l’aurez compris, aujourd’hui on va parler du premier tome de “La vengeance du souffre-douleur” qui est sorti récemment chez Soleil Manga. Dès que l’on a plongé dans cette lecture, on a pu ressentir toute cette tension et ce malaise que maîtrisent si habilement cette paire d’artistes. On se retrouve embarqué dans une vendetta qui va nous chambouler de bout en bout. L’heure est donc venue de revenir sur les bancs de l’école pour un effroyable règlement de compte.
Un plan nourri depuis des années
La vengeance du souffre-douleur, scénarisé par Chikara Kimizuka et dessiné par Yen Hioka, nous emmène à la rencontre d’Aizawa. Ce jeune adulte assez silencieux et propre sur lui est loin d’avoir connu le bonheur plus jeune. Ses années au collège furent un véritable calvaire du fait qu’il a été victime d’un terrible harcèlement de la part de ses camarades de classe. Celui qui fut son principal bourreau n’est autre que Suzuki, le garçon qui semblait pouvoir tout réussir et était adulé des autres étudiants. Ainsi, son passé n’a été que souffrance entre les mains de cet autre garçon et de tous ceux qui ont osé participer à ses humiliations. Malgré ces souvenirs douloureux, Aizawa décide de se rendre à une réunion d’anciens élèves qui s’avère être animée par nul autre que Suzuki. L’entrée de l’ancien souffre-douleur de la classe jette un froid dans la pièce, mais son harceleur d’antan ne met pas longtemps à remettre de l’ambiance. Alors que tout le monde s’excuse auprès de cet enseignant pour ce qu’il s’est passé, les retrouvailles avec le chef de meute sont loin d’être aussi paisibles. Suzuki se souvient avec délectation de tout ce qu’il a fait subir à cet élève et lui demande pourquoi il ose ramener sa tronche ici. Malgré les injures et cette pression, Aizawa garde ce visage impassible et fait comme si de rien n’était même devant cet homme qui a détruit une bonne partie de sa vie. Il semble même soulagé de voir que ce dernier n’a pas changé notamment après avoir dit que si on s’acharne sur quelqu’un, c’est qu’il l’a mérité.
N’importe qui aurait réagi de manière virulente en entendant de tels propos, mais la seule réponse du jeune homme est un silence accompagné d’un sourire. La soirée bat alors son plein et tout le monde finit par rentrer chez lui comme si de rien n’était. Mais ce que Suzuki ignore totalement, c’est que sa fille chérie a maintenant pour professeur celui qu’il a martyrisé il y a maintenant vingt ans. Ce serait terrible à ses yeux de savoir sa précieuse enfant entre les mains d’une personne qui lui voue une haine considérable. En plus de ça, il serait dégoûté de savoir que son mode de vie si paradisiaque se retrouve brisé à cause de l’intervention de celui qu’il ne considérait que comme un vulgaire insecte. Le temps d’inverser les rôles semble venu entre les deux hommes et au milieu de cette vendetta se trouve cette jeune étudiante qui ne sait absolument pas ce qu’il a bien pu se passer entre son père et son enseignant. Le temps est-il venu pour une autre personne de subir cette spirale infernale découlant du harcèlement ? Autrefois affichant un regard terrifié constant, Aizawa n’a plus la moindre étincelle de vie au fond de ses pupilles. La seule flamme qui peut être remarquée dans ses yeux est celle de la vengeance. Le bourreau ne sait même pas que c’est lui qui est actuellement emmené vers l’échafaud pour devenir la risée de tous. La rancœur d’une victime peut pousser cette dernière à devenir ce qu’elle a toujours détesté par-dessus tout.
Il suffit de quelques lignes de ce synopsis pour comprendre que La vengeance du souffre-douleur s’annonce particulièrement éprouvant. Mais cela est très loin du compte quand on finit par s’aventurer au sein de ces pages. On entre alors en contact avec un être qui ne vit plus que par la rancœur et dont la vie a été ravagée à cause d’anciens camarades de classe. Une colère et un traumatisme qui va le ronger petit à petit avant de l’amener à cette histoire que l’on nous présente ici. Le lecteur va alors constamment éprouver un conflit interne en voyant ces bourreaux devenir des victimes.
Une tension extrême
Autant le dire tout de suite, La vengeance du souffre-douleur est une œuvre qui peut être très éprouvante au vu du thème traité. Même s’il n’y a pas de scènes sanglantes, les moments que l’on nous présente sont si durs que l’on a la gorge qui se noue en voyant ça. Le duo d’artistes derrière ce titre avait déjà su faire un travail remarquable en matière de représentation du désespoir et de la détresse humaine dans Anonyme. Cependant, cette nouvelle série se concentre avant tout sur le harcèlement scolaire et ce qui en découle. En prenant le parti-pris de mettre en scène une victime cherchant à se venger de ses bourreaux, la série nous place dans une position délicate, mais qui fait justement toute la force de son récit. On comprend, au vu de ce que l’on voit, toute la haine et la souffrance qui se sont accumulées chez Aizawa. Il a tellement été brimé et mis à l’écart qu’il a encore des stigmates en lui-même vingt ans après qui vont l’avoir empêché de connaître la moindre lueur d’espoir. Une représentation très réaliste et violente de ce qu’un élève peut subir au milieu d’un environnement où il est malheureusement trop souvent fréquent de voir ce genre de situations. Il y a donc une volonté d’exprimer toute la colère de ceux qui ont subi un tel traitement de la part de leur camarade. De ce fait, on a forcément une empathie pour ce professeur qui n’a eu de cesse d’être rongé par cette rage.
Un sentiment humain, mais qui nous amène aussi à l’autre facette de cette histoire où tout s’inverse. Si le spectateur partage la peine et la douleur de cet individu, il se retrouve aussi rapidement devant l’objectif de ce dernier. On constate alors que le souffre-douleur veut maintenant être de l’autre côté et cela n’arrange rien. Le lecteur constate avec effroi tout le plan d’Aizawa se mettre en place et on a envie de lui dire que ce n’est pas la bonne solution. Surtout que pour toucher au mieux sa cible, il s’en prend à une personne innocente. En faisant ça, le manga réussit à nous impliquer totalement dans ce qu’il se passe alors que l’on prend le rôle du témoin qui ne peut agir. Un statut qui accentue ce malaise recherché tout au long de la lecture. Mais ce qui est le plus flagrant avec cette histoire, c’est qu’elle symbolise à la perfection ce cercle sans fin propre à la vengeance. En ayant harcelé Aizawa, Suzuki a fait de lui une victime, mais aussi une personne désireuse d’inverser la situation. Le blessé devient alors le dominant en s’en prenant à une autre victime et cela provoque un effroyable effet boule de neige. Avoir réussi à retranscrire ça et faire passer le lecteur par tant d’émotions montre le talent de ce tandem pour écrire un scénario où l’on ne peut rester de marbre. On assiste à une injustice qui elle-même découle d’une autre injustice et l’on est tiraillé entre la colère, la tristesse et le désarroi. Un acte méprisable orchestré par un collégien finit par avoir des répercussions inimaginables pouvant amener à la destruction d’encore plus de vies. Une aventure dont on ne peut détacher le regard malgré cette boule au ventre qui nous assaille.
Une fois de plus, l’auteur et le dessinateur nous content une histoire qui nous sert le cœur. On est totalement à la merci de cet ouvrage où l’on tourne les pages en ayant des frissons d’angoisse. Une peur indescriptible s’empare de nous tandis que l’on voit ce qui se prépare et surtout à quel point le désespoir d’un homme peut entraîner encore plus de malheurs. On nous présente ici un cycle infernal qui ne peut s’arrêter tant la souffrance ressentie est vive même après tant d’années. On suit donc cette vengeance en espérant juste que tout cela s’arrêtera, mais en sachant pertinemment que cela ne sera pas le cas.
La vengeance du souffre-douleur nous tient à la gorge
Avec ce premier tome de La vengeance du souffre-douleur, on fait de nouveau face à un récit qui nous prend aux tripes. Un sentiment de malaise totalement voulu de la part du binôme se trouvant derrière cet ouvrage. On est emporté par ce déferlement de haine et de souffrance qui amène une personne à devenir ce qu’elle a tant détesté. A travers cette simple introduction, on est rapidement plongé dans cette quête de vengeance qui ne pourra absolument rien accomplir si ce n’est entraîné de nouvelles victimes. Voilà une saga qui démarre très fort et qui surtout utilise habilement cette envie de représailles pour dénoncer un sujet particulièrement important. Le lecteur se retrouve alors dans une position délicate qui montre justement l’efficacité de cette histoire. On est à la fois plein d’empathie pour ce gamin qui a vécu tant d’horreurs que terrifier en voyant ce qu’il est devenu avec les années. Une remarquable et tragique prévention de ce que le harcèlement peut engendrer et surtout l’impact que cela peut avoir sur la vie de ceux qui subissent ça. Une histoire qui peut parler à n’importe qui tant chacun a pu être en contact de près ou de loin à ce type de comportement. On subit un véritable ascenseur émotionnel qui prouve que l’on n’est pas uniquement face à une fiction. A travers le manga, les auteurs ont su évoquer une situation qui nous terrifie parce qu’elle pourrait totalement être concrète. S’il y a bien sûr une envie de pousser à l’extrême le comportement de cette victime, ses actions n’en sont pas moins criantes d’une triste vérité.
Si l’on pouvait se douter du talent de ce binôme pour proposer une série qui nous mette la boule au ventre, on n’était pas préparé à ce que ce soit aussi efficace. La vengeance du souffre-douleur, au même titre qu’Anonyme, est une lecture qui nous chamboule totalement. On peut même dire que ce nouveau projet est encore plus fort tant il s’inscrit dans un problème qui est bien plus fréquent. On peut dire que cette expérience littéraire aura été un coup de cœur pour tout ce qu’elle dénonce et la manière dont elle le fait. Cependant, voilà un ouvrage qui peut se montrer particulièrement éprouvant d’un point de vue psychologique. La montée en puissance des actes à l’égard de ces personnages nous frappe en plein cœur et l’on tourne les pages avec une certaine fébrilité. On recommande cette saga à ceux qui ont apprécié Anonyme, mais aussi aux lecteurs désirant s’aventurer dans un manga qui ne prend pas de gants pour traiter d’un sujet grave et actuel. Même si l’histoire se place dans un contexte japonais, le problème traverse sans problème les frontières et peut résonner dans une société comme la nôtre. On se tient devant un titre coup de poing qui risque de nous délivrer encore des moments très forts. Avant de clore cette chronique, il est important de mettre en avant les questions que l’on se pose. Est-ce que notre enseignant va aller au bout de sa vengeance ? Va-t-il finalement s’arrêter en voyant le mal qu’il s’apprête à commettre ? Que prépare-t-il pour la suite ? Est-ce que cette étudiante va réussir à arranger les choses ou à surmonter les épreuves qui l’attendent ? On est à la fois impatient et inquiet de savoir ce qui nous attend pour les prochains chapitres.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de “La vengeance du souffre-douleur”. Trouvez-vous que l’on a devant nous un récit qui s’annonce particulièrement difficile et intense ? Avez-vous été emporté par ce déferlement de haine qui a fini par entraîner encore plus de souffrances ? Trouvez-vous que le sujet du harcèlement scolaire est traité avec beaucoup de réalisme dans cette lecture ? Est-ce que vous pensez que l’on va avoir le droit à un peu d’espoir dans cette série ou bien une descente aux enfers ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.