Call of the Night tome 1 et 2 : un repas d’exception
A l’approche d’Halloween, il n’est pas rare de voir débarquer de nouvelles licences en adéquation avec cette fête. C’est pour ça que le mois d’octobre est toujours un très bon moment pour se lancer dans des épopées inédites. Mais ce qui est encore mieux, c’est quand on tombe sur une série qui arrive à être dans le thème de cette période sans pour autant jouer sur l’horreur. En effet, il n’existe pas une seule façon de séduire quand il est question de créature imaginaire. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on va aborder le cas de Call of the Night dont les deux premiers volumes ont fait leur apparition récemment chez Kurokawa. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est parce que l’adaptation anime fut diffusée cette année sur ADN. Avec une vampire qui n’a pas sa langue dans sa poche et un jeune garçon désireux de connaître une nuit éternelle, cette histoire nous emmène aux côtés de deux êtres singuliers. Une rencontre unique en son genre et qui va nous amener à vivre une expérience très intéressante et drôle. L’heure est donc venue de voir ce qui se cache dans cette ville dès lors que la nuit tombe.
L’appel de la nuit
Call of the Night, imaginé par Kotoyama, nous fait suivre Kô Yamori, un collégien qui a arrêté depuis un moment d’aller à l’école. Ayant beaucoup de mal à trouver sa place parmi les autres et ne supportant plus ce monde, il a décidé de rester reclus de son côté. Cela ne le dérange nullement et il trouve même un petit plaisir à sortir la nuit du fait de son insomnie. Il profite de ces soirées pour se sentir libre et n’avoir rien à penser concernant sa vie. Mais il se pose tout de même beaucoup de questions sur ce qui l’attend finalement. S’interrogeant sur cet avenir nébuleux, il se dit qu’il aimerait pouvoir profiter de cette accalmie offerte par la nuit tombée. Il ignore alors que son vœu a une possibilité de s’exaucer le jour où il fait la rencontre d’une étrange jeune femme. Cette dernière répond au nom de Nazuna Nanakusa et va décider de l’accompagner pendant sa balade nocturne. Semblant particulièrement espiègle et joueuse, elle ne va avoir de cesse de l’emmener dans ses petites péripéties au contact des autres personnes qui animent ces soirées. Sans savoir réellement pourquoi Kô ne peut s’empêcher de la suivre, car il sent qu’il peut enfin oublier tout le reste à ses côtés. C’est en côtoyant Nazuna qu’il décèle toute la beauté de cette nuit aux nombreux trésors. Cependant, tout va basculer quand sa nouvelle camarade l’invite à venir chez elle. Là-bas, elle lui propose de dormir à ses côtés afin de pleinement être reposé et apaisé.
Même s’il trouve tout ça étrange et qu’il est un peu réfractaire au départ, il finit par se laisser convaincre par cette demoiselle. Alors qu’il décide de faire semblant de somnoler pour ne pas avoir à trop parler avec elle, il sent une gêne au niveau de son cou. En ouvrant les yeux, il découvre la vérité sur cette étrangère. Il s’avère qu’elle est un vampire qui cherche à se sustenter chaque soir par le sang d’une personne. Mais là où d’habitude, on imagine ces êtres néfastes et de terribles prédateurs, Nazuna cherche simplement à se nourrir sans pour autant nuire à la santé d’autrui. Au même titre qu’un humain mange de la viande, elle a juste besoin d’un peu de sang pour se rassasier. En découvrant la vérité, Kô devrait être effrayé, mais c’est tout le contraire. Il va souhaiter devenir lui aussi l’une de ces créatures nocturnes afin de ne plus avoir à se préoccuper de ses journées. Il pourrait ainsi vivre pleinement chaque soir et profiter éternellement de cette quiétude. Cependant, il ne peut pas devenir un de ces êtres sans une certaine condition bien particulière. Il faut qu’il tombe amoureux du vampire qui décide de le mordre pour que cela puisse faire effet. C’est ainsi que vont débuter des nuits bien mouvementées entre ces deux âmes qui ne trouvent le repos que dans l’obscurité et le silence. Le destin de cet adolescent pourrait bien être bousculé suite à sa rencontre avec cette demoiselle qui a déjà connu son lot de souvenirs. Quel sera le résultat final de leur amitié ?
S’il ne faut pas longtemps pour comprendre que l’on va être dans un récit tournant autour du mythe du vampire, Call of the Night va pourtant réussir à se dissocier de tout ce que l’on a connu dans le domaine. Une œuvre qui prend bien plus des airs de tranche de vie teintée d’un soupçon de surnaturel. Cette sensation est loin d’être anodine, car la série ne souhaite pas tant jouer sur l’aspect purement fantastique de cette figure de la nuit. Il s’agit avant tout d’un moyen pour parler de divers sujets et surtout établir un tandem qui va rapidement attirer toute notre attention.
Entre amour et acte charnel
Ce qui va rapidement se démarquer à la lecture du récit est le discours parfois très cru de notre vampire. Nazuna n’éprouve aucune honte à parler de rapports intimes ou à blaguer sur le sujet alors que tout ce qui touche à l’amour est bien plus difficile à ses yeux. Si cette opposition peut décontenancer au premier abord, elle est en réalité très pertinente dans ce qu’elle souhaite nous raconter. De par l’acte de morsure, notre créature de la nuit a un contact très rapproché avec Kô. Souvent comparé à un acte charnel ou bien à un rapprochement puissant, il y a toujours eu un aspect érotique dans ce geste. Cependant, cela ne signifie nullement qu’elle maîtrise le sujet des émotions. Il y a donc une forme de conflit qui se joue assez naturellement entre son langage souvent cru et son incapacité à être aussi pleine d’assurance quand les autres parlent d’amour. En fait, tout comme Kô, on nous conte ici une période de l’existence où l’on ne sait réellement ce que des mots comme sentiments ou attachements signifient. On se laisse aller au sens que tout le monde donne sans vraiment comprendre ce qui se cache derrière. Dans un sens, on nous montre qu’il est presque plus facile d’aborder le sujet de l’acte sexuel que des émotions qui peuvent exister entre les gens. Que cela soit au niveau d’un éventuel amour ou bien même de l’amitié, Call of the Night arrive brillamment à mettre le doigt sur toutes ces hésitations qui sont finalement normales. On avance sur un terrain très important pour le développement des personnages.
Bien évidemment, il y a un côté amusant d’assister aux réactions de Kô et Nazuna face à de tels propos. On pourrait même dire que l’un représente une forme de naïveté du fait de son âge et de l’autre une trop grande insouciance. Cela s’exprime constamment via les échanges qu’ils ont, mais aussi l’évolution de leur relation. Se faisant de manière progressive, celle-ci commence déjà à montrer des signes de changements et à se rapprocher d’un lien bien plus intime que celui les liant uniquement par leur marché. L’acte de mordre se confond avec d’étranges sensations qui envahissent le cœur de ces deux êtres sans qu’ils ne puissent vraiment comprendre ce qui se passe. C’est même pendant certaines scènes qu’ils vont se mettre à agir d’une façon qui les surprend eux-mêmes. C’est ce qui donne cette sorte de sincérité touchante qui balaye un peu ce climat léger que l’on pouvait avoir jusqu’ici. On fait face à une construction intelligente de cette union entre l’homme et le vampire. Encore une fois, tout le génie de la série est de montrer des personnages qui ne savent pas vraiment mettre des mots sur ce qu’ils éprouvent. C’est pour ça que la question ici de l’amour est bien plus difficile à répondre que des sous-entendus grivois qui sont beaucoup plus parlants. Ce n’est donc pas pour rien qu’il y a ce décalage entre cet humour très direct et cette envie de comprendre ce qu’il y a derrière ce pincement au cœur.
Cela peut sembler étonnant, mais cette manière de développer ce duo joue admirablement bien sur l’attrait que l’on a pour la série. Un côté nonchalant s’exprime à travers eux et surtout une envie de simplement profiter de ces moments hors du temps. Cependant, ce n’est pas l’unique atout que possède la série. Si l’on s’intéresse à l’évolution de la relation de nos protagonistes, il faut aussi prendre en compte le terrain sur lequel se base cette histoire. Ce n’est pas pour rien que l’on fait face à l’appel de la nuit tant cette dernière joue un rôle crucial dans l’écriture du manga.
Le symbole du soir
Dans Call of the Night, il y a un élément qu’il faut absolument prendre en compte. Il s’agit tout bonnement de la nuit qui enveloppe cette ville de son long manteau quasiment tout au long de notre escapade. Il peut être étrange de prendre un détail tel que celui-ci comme quelque chose d’important. Pourtant, cette série nous montre qu’un décor peut avoir une grande incidence sur les thématiques proposées, mais aussi notre appréciation générale. Comme on l’a dit, la grande partie de cette histoire se passe à la nuit tombée. Il n’y a donc pas ce côté bondé ou animé que l’on peut avoir en temps normal quand le soleil est haut dans le ciel. Le contraste est flagrant et contribue à nous partager la vision de notre protagoniste concernant ce sentiment de liberté. Si habituellement, l’obscurité est synonyme d’inquiétude, ce manga nous montre aussi qu’il y a une tranquillité réconfortante quand les rues se vident. Même la figure du vampire devient une entité presque familière aux yeux du lecteur. Ainsi, ce paysage silencieux va autant être un environnement propice au développement de l’ensemble du casting que porteur d’un message fort et impactant. Quand on pose les yeux sur cette ville où il n’y a que quelques âmes qui vagabondent, on partage le sentiment d’évasion de ce jeune homme. Tout nous semble nouveau et on a pour guide cette femme qui tente de transformer chaque soir en un moment assez inoubliable.
En prenant cette période précise d’une journée, l’auteur réussit à amener des situations assez uniques en plus d’y insuffler une petite dose de surnaturel. Mais en plus de ça, la nuit est présentée comme un appel réunissant tous ceux qui ne trouvent pas leur place dans la lumière. Même celui qui semble aller pour le mieux peut cacher une souffrance ou une peur qui le guide inéluctablement dans cette obscurité envoûtante. Là où d’habitude on ressentirait un froid glaçant se trouve maintenant une douce chaleur réconfortante. Le calme ambiant prend la forme d’une douce mélodie pour ce jeune garçon qui ne peut trouver sa place parmi les autres. Le soir devient un refuge pour les parvenus et les reclus qui désirent juste oublier un peu les tracas du quotidien. Cela est magistralement représenté à travers notre héros, mais aussi la majorité des individus qui vont le côtoyer. Chacun semble avoir ses propres problèmes et c’est en se retrouvant face à lui-même dans cette tranquillité qu’ils arrivent à trouver un peu de repos. On est donc plus seulement dans une série tirant sur la comédie. Il s’agit d’une œuvre qui veut aussi nous mettre en contact avec la détresse de certaines âmes qui répondent à cet appel pour avoir quelques instants de paix. Le rire que l’on a au départ se métamorphose pour exprimer une sincère tendresse pour ces gens que l’on croise. Au-delà de nos protagonistes, cette série est aussi dédiée à tous ceux qui bravent la nuit pour non pas trouver des réponses, mais juste admirer la beauté de cet instant où tout semble à l’arrêt.
Il est fascinant de voir la manière dont l’auteur a su s’approprier le mythe du vampire. Amenant cette créature sous un tout autre angle qui est loin de le transformer en monstre ou en héros, Call of the Night donne vie à une histoire assez unique. Rien qu’en observant cette étrange relation qui se tisse entre nos deux protagonistes, on remarque cette envie d’aller vers de nouveaux sentiers. Un parti-pris loin d’être anecdotique et qui va aussi briller par l’utilisation de la nuit qui devient presque un personnage à part entière. A voir maintenant si l’appel réussira à perdurer sur le long terme.
Call of the Night nous attire sur son terrain
On avait déjà pu se faire une petite idée de ce qui nous attendait dans Call of the Night à travers l’adaptation anime. Cependant, le manga arrive à nous proposer une sensation bien particulière au contact de ce duo. Une expérience qui se joue en deux temps et qui arrive justement à construire quelque chose de captivant derrière cet humour en dessous de la ceinture. Nos premiers pas sont sous le signe de la découverte, mais aussi de l’étrange suite à la rencontre avec notre vampire. Ce n’est qu’une fois ce cap franchi que l’auteur va réussir à proposer une tranche de vie où le surnaturel est utilisé pour sublimer des problématiques bien réelles. Derrière l’amusement que l’on peut éprouver en compagnie de nos deux comparses se tient une histoire qui décrit un certain mal-être au sein de la société. Ce n’est pas uniquement l’apanage de notre héros que de ne pas connaître sa place ou d’avoir le sentiment d’être perdu. La nuit devient le lieu de rassemblement de toutes ces âmes qui cherchent à s’évader ne serait-ce que quelques heures. On ne peut alors s’empêcher d’avoir une sympathie pour ces gens qui désirent juste un instant à eux. Il se dégage donc de cette lecture une incroyable épopée qui peut autant être prise comme une comédie romantique qu’une quête plus intime pour enfin trouver sa place dans ce monde. Une réflexion qui nous affecte et nous fait encore plus apprécier le destin de tous ces personnages qui bravent le sommeil pour envahir les rues.
Call of the Night fait partie de ces titres qui arrivent à nous étonner par le double sens qu’il revêt. Comme dit précédemment, on peut tout à fait voir cette licence comme un bon divertissement qui enchaîne les gags et surtout les interactions farfelues au sein de ce casting. Mais on peut aussi approfondir la plupart des propos et voir derrière tout ça une envie de raconter quelque chose de bien plus fort et poignant. Plusieurs niveaux de lecture qui ne font que rendre cette épopée encore plus savoureuse à lire. Un pari très intéressant et qui finalement utilise très bien l’idée du vampire pour amener d’autres sujets sur la table. On est intrigué de voir comment la série va évoluer par la suite. On peut recommander ce manga aux lecteurs désireux de découvrir une autre approche de ces buveurs de sang, mais aussi à ceux voulant une aventure qui affiche plusieurs facettes. Suite à tout ça, il est clair que les questions fusent dans notre esprit. Est-ce que notre jeune ami parviendra à exaucer son souhait ? Finira-t-il par regagner ce monde ensoleillé ou s’enfoncera-t-il un peu plus dans l’obscurité ? Comment va évoluer sa relation avec sa nouvelle camarade de jeu ? Quelles sont les futures rencontres qu’il fera dans ces ruelles sombres ? Va-t-il enfin comprendre ce qu’il a sur le cœur ? Pour connaître la réponse à ces interrogations, il va falloir attendre l’arrivée des prochains tomes.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de Call of the Night. Trouvez-vous que l’on a le droit à un duo plutôt attachant avec cette vampire et cet adolescent ? Avez-vous apprécié l’humour proposé qui colle aussi avec le principal thème de cette histoire ? Est-ce que vous êtes curieux de voir jusqu’où ira cette aventure au milieu de la nuit ? Selon vous, le manga réussit-il à être un bon divertissement tout en réussissant à proposer des thématiques pertinentes ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 2018 Kotoyama, Shogakukan
Critique très pertinente !
J’aime le climat apaisant de la ville la nuit, dans ce manga. Un peu comme le héros, j’ai le sentiment de faire une pause dans un monde qui va beaucoup trop vite.
Le parti pris du surnaturel au profit du style « tranche de vie » est vraiment originale.
J’attends de voir la suite !
Encore merci pour ton partage !
Mais merci à toi pour ton commentaire !
Oui, la série a presque un aspect apaisant et qui souligne très bien l’envie de ces gens de décompresser.