Grenat : une princesse en quête de réponses
Comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin et il est grand temps de conclure cette série d’articles portant sur les protagonistes de FFIX. Une première vague qui ne sera nullement la dernière au vu de tout ce qu’il y a encore à raconter, que ce soit dans le jeu vidéo, dans le monde du manga ou des animes. Après avoir évoqué le cas de ce cher Tarask, il n’y a pas de surprise concernant le dernier personnage que l’on traite aujourd’hui. Il s’agit bien sûr de Grenat di Alexandros, la princesse d’Alexandrie, qui est l’une des principales figures de cette épopée. J’ai fait exprès de garder de côté cette jeune femme jusqu’à la fin afin de conclure en beauté ce dossier qui a débuté par Djidane. Deux êtres profondément liés et dont on voulait faire une petite symbolique dessus. En plus de ça, il faut reconnaître que cette héritière au trône a énormément de choses à nous raconter au vu de son écriture, mais aussi de son rôle dans l’histoire. Une demoiselle qui a toujours cherché à savoir quelle était sa place dans ce monde et qui va finalement se confronter à bien des défis. L’heure est donc venue de revenir sur le parcours de notre mage blanc.
Une héroïne bloquée dans un rôle
Avant toute chose, il est important de s’attarder sur la première rencontre entre notre cher voleur et la princesse d’Alexandrie. C’est en voulant la kidnapper durant leur représentation théâtrale que Djidane va faire face à Grenat. Ce qui est surprenant à cet instant, c’est qu’elle semble ravie d’être enlevée. Elle va même jusqu’à demander expressément à notre héros de le faire pour qu’elle s’éloigne le plus possible de l’autorité de sa mère. On nous dépeint alors une image bien spécifique de cette héroïne qui vit dans la haute société. Faisant preuve d’un profond courage d’entrée de jeu et n’ayant pas froid aux yeux, cette vision de son personnage va rapidement montrer ce qui se cache derrière. En fait, on se tient devant une jeune femme qui a constamment été enfermée dans son palais, ne manquant de rien, et qui a le sentiment de ne pas être totalement à sa place. Hantée par d’étranges songes, elle regarde ce royaume depuis sa fenêtre en se demandant bien ce qu’elle est capable de faire, mais aussi si elle sera à la hauteur de son titre. Dans un sens, la détermination dont elle fait preuve lorsque l’on fait connaissance avec elle est le reflet de son envie de sortir de cette cage dorée. S’il y a bien sûr une raison plus scénaristique à cette envie de fuir, il ne faut pas mettre de côté ce qui l’anime aussi au plus profond d’elle. D’ailleurs, le joueur lui-même se questionne sur les origines de Grenat par rapport à la reine Branet. On sent qu’il y a quelque chose de plus compliqué qu’il n’y paraît. De même, il est important de voir notre rapport à elle au début de l’aventure. La princesse prend le rôle du mage blanc au sein de l’équipe. De ce fait, elle n’est pas clairement un atout en matière de force brute, mais est cruciale du fait de ses soins.
Pourtant, il y a un élément à prendre en compte et qui est disponible dès le début du jeu tout en étant inaccessible. Il s’agit de sa capacité à faire appel aux invocations. Un détail de taille étant donné la puissance que représentent ces créatures. Malgré tout, il est impossible de s’en servir au début de l’épopée et il faut donc attendre un moment pour enfin avoir l’occasion de les voir en scène. Ainsi, Grenat est un personnage qui se présente à nous à la fois conforme à son image de princesse et de soigneuse tout en nourrissant une part de mystère bienvenue. En effet, elle a beau montrer qu’elle est nourrie par une conviction forte de s’éloigner de chez elle, son ignorance du monde qui l’entoure va rapidement faire surface. La preuve de ce cocon dans lequel elle fut élevée. Mais cela va justement apporter une pièce importante de l’écriture de Grenat. Plus que son envie d’arrêter sa mère ou de mettre un terme à la tempête qui arrive, cette sortie du royaume est une chance en or pour elle de s’instruire. Bloquée pendant si longtemps dans son statut de membre de la famille royale, elle est maintenant une voyageuse comme une autre. Elle doit apprendre, s’adapter à tout type de situations et surtout cerner les intentions et les personnalités des gens qui peuplent ce monde. Final Fantasy IX devient alors à ses yeux une odyssée pour arrêter le chaos qui s’annonce, mais aussi une escapade pour qu’elle puisse grandir et s’ouvrir aux autres. C’est ainsi que l’on peut observer cette demoiselle qui avance dans un environnement qui lui est totalement inconnu et qui peut lui donner les armes nécessaires pour accomplir son devoir, mais aussi comprendre ce que c’est que d’être une reine. Une quête qui va l’amener à faire front face à la seule famille qui lui reste.
Une révolte contre sa mère
L’autre élément qui va rapidement caractériser Grenat est son désir de mettre un terme aux ambitions démesurées de sa mère. Étant à ses côtés constamment, elle a été témoin du changement qui s’opère chez elle et sent qu’un terrible danger est en train de menacer l’équilibre des forces. C’est pour ça qu’elle cherche aussi à s’enfuir pour trouver de l’aide auprès de Cid à Lindblum. Mais cela va alors entraîner quelque chose de fort dans l’écriture de notre héroïne. Au fur et à mesure de notre avancée dans le récit, on ressent les doutes de la jeune fille. Son objectif n’est pas tant de s’en prendre à sa mère que de l’empêcher de commettre l’irréparable. C’est pour ça qu’elle est tiraillée entre ce qu’elle doit faire et son amour pour cette dernière. De même, elle se questionne constamment sur ce qu’elle peut bien faire à son niveau face à toute la puissance qu’elle représente. Un protagoniste plein de doutes et de questionnements qui vont l’accompagner jusqu’à la disparition tragique de celle qui l’a recueilli. Si Grenat décide à un moment de se séparer de ses compagnons de route pour rentrer chez elle, c’est parce qu’elle a compris que le seul moyen d’arranger la situation est de se confronter directement à la reine d’Alexandrie. Cependant, en parallèle de son voyage, le joueur est témoin de ce qu’elle cause avec son armée de mages noirs à Bloumécia et à Clayra. Il y a donc un parallèle très intéressant qui est fait entre ce que l’on voit et ce que Grenat pense réussir à faire. C’est d’ailleurs en étant encore plein d’espoir qu’elle finit par devenir la captive de sa propre mère qui n’a plus aucun scrupule à lui faire perdre la vie dans le but de récupérer les chimères.
On nous dépeint donc une jeune femme qui a trouvé la force de faire face à son inquiétude la plus profonde pour finalement devenir, malgré elle, l’outil nourrissant la folie de Branet. Un sort plus que tragique et qui renforce notre émotion à l’égard de cette princesse qui continue d’être emportée par un courant violent. En fait, à partir du moment où on la sauve des griffes de Pile et Face, Grenat va aller de désillusion en désillusion. Cela commence par l’attaque de Lindblum qu’elle ne peut observer que de loin. Elle observe, totalement terrifiée, ce que sa mère provoque à l’aide de ses invocations. Un désespoir qui va l’étreindre encore plus en constatant sa propre faiblesse de n’avoir pu déjouer ça. Mais ce qui est remarquable dans l’écriture de Grenat, c’est qu’elle ne va pas accomplir son objectif de stopper Branet. Ce qui était son objectif initial va finalement voler en éclats au moment où l’on arrive à l’Ifa. C’est là que l’on assiste à la confrontation entre la reine d’Alexandrie et Kuja pour finalement se conclure par la mort de la première. On voit ce qui se passe, la force de cet ennemi et l’impuissance de la souveraine face à un Bahamut destructeur. Pour encore mieux appuyer cet échec, on nous montre une Grenat totalement désemparée qui cherche absolument à invoquer une chimère pour contrer l’assaut du “marchand d’armes”. Pour finalement comprendre ce qui lui manque et pouvoir devenir une reine exemplaire, cette jeune princesse est obligée d’assister aux dernières paroles d’une mère qui retrouve sa lucidité pendant quelques instants. Un dernier échange qui nous brise le cœur, mais va aussi être une profonde blessure dans le cœur de notre protagoniste qui, même entourée de ses amis, ne sait plus ce qu’elle doit faire. Propulsée sur le trône par cet événement tragique, elle n’a alors plus le temps pour s’apitoyer sur elle-même. C’est alors que l’on entre dans cette phase de l’histoire où elle va finalement prendre son envol après avoir autant côtoyé les ténèbres de ce monde.
Le combat d’une reine
On m’appelle « Princesse » mais je veux rester moi-même… Voilà la fameuse phrase qui caractérise Grenat à l’image de ses compagnons qui ont tous quelque chose à raconter. Si l’on s’attarde sur cette réplique, on peut en conclure justement ce que l’on a dit plus haut. Elle ne veut pas que l’on se cantonne à l’appeler princesse tout simplement parce qu’elle a ce titre. Son plus profond désir est que l’on puisse la voir non pas comme une prétendante au trône, mais comme Grenat la jeune héritière soucieuse de son peuple. Un combat de chaque instant et qui va être parfaitement représenté dès lors qu’elle fait son grand retour vers sa patrie. Après quelques déboires qui ont continué de faire grandir son inquiétude à l’égard de son avenir, elle décide finalement d’accepter son devoir en tant que nouvelle reine. Cependant, elle comprend qu’elle ne sera jamais comme sa mère et qu’elle doit trouver sa propre voie pour gouverner. Arrive justement le fameux moment où elle se coupe les cheveux. Si cela peut paraître étonnant au premier abord, ce geste a une très forte symbolique. En faisant ça, Dagga décide de marquer fortement ce nouveau départ. Elle ne veut pas oublier tout ce qu’elle a vécu, mais au contraire l’utiliser pour devenir une meilleure personne. D’ailleurs, le fait qu’elle utilise la dague de Djidane n’est pas anodin. C’est une manière de représenter à quel point tout le voyage qu’elle a entrepris pour la conduire à ce moment fut constructif. C’est en étant au contact de ses amis et de tous ces individus qui ont croisé sa route qu’elle a pu ouvrir son regard bien au-delà des murs du château. Chaque discussion fut une expérience enrichissante et on ne peut alors s’empêcher d’être admiratif de ce feu qui brûle au fond de ses yeux.
Elle a perdu la seule famille qui lui restait, fut utilisée pour obtenir des armes destructrices et a sombré dans une impressionnante détresse. Malgré tout ça, elle reste debout et a décidé de dédier sa vie au bonheur de ses concitoyens et à leur protection. Arborée de sa nouvelle coupe, Grenat inaugure une nouvelle ère où les royaumes ne sont plus en guerre, mais s’allient face à un ennemi commun. Pourtant, le changement n’est pas total et c’est ce qui est brillant. Elle a beau être portée par cette détermination qui la caractérise, il lui arrive encore de se questionner sur la pertinence de ses choix. Mais c’est là que ses camarades sont présents pour l’aider et la soutenir dans son rôle. Une reine qui n’est pas au-dessus des autres, mais qui tire sa force de ceux qui ont combattu à ses côtés. Par exemple, ce n’est que grâce à l’arrivée d’Eiko qu’elle comprend et accepte son passé tout en arrivant à faire appel à Alexandre quand la situation l’exige. Elle a pu compter sur le soutien indéfectible de Steiner pour la protéger et lui permettre de grandir face à l’adversité. Même Beate dédie sa lame à la princesse, quitte à briser son serment à l’égard de sa monarque. Et puis bien sûr, il y a Djidane. Si le lien qui unit les deux est très fort sur un plan émotionnel, il l’est aussi par rapport à ce que le voleur lui transmet. C’est en étant en sa compagnie que Grenat découvre une toute nouvelle façon de mener sa vie. Un autre regard sur ces terres qui ont longtemps été qu’un rêve pour la jeune femme. S’il pouvait se montrer parfois trop insouciant, son caractère a aussi permis à sa camarade de vivre des moments de joie qu’elle n’aurait jamais connus en temps normal. Il est le déclencheur ayant entraîné tous ces changements chez elle et qui a montré que c’est à chacun de choisir son destin. Une leçon qu’elle n’hésitera pas à lui rappeler quand ce dernier sombrera aussi dans le désespoir en apprenant la vérité sur ses origines.
Grenat comprend son devoir
Dans FFIX, on n’est constamment en contact avec des gens qui ont été ou vont être marqués par ce monde qui se déchire. Cela peut être représenté par une révélation choquante, la perte d’un être cher, un questionnement sur son identité ou juste une remise en question de ses principes. Pour Grenat, son plus gros fardeau est celui qu’on lui a imposé le jour où elle a rejoint cette famille royale. Il ne s’agit pas ici de vouloir absolument fuir son devoir pour vivre des aventures grandioses aux quatre coins du globe. Ce personnage est bien plus complexe que ça. On fait face à une demoiselle qui ne cherche pas à fuir son rôle, mais à trouver la manière qui soit la plus appropriée pour gouverner sans pour autant dire adieu à la personne qu’elle est. C’est en quittant Alexandrie et en rencontrant Djidane et les autres qu’elle va comprendre que cela est possible, mais que le chemin pour y arriver sera semé d’embûches. Elle va subir de terribles souffrances dans ce pèlerinage pour mieux cerner qui elle est jusqu’à finalement ouvrir les yeux sur ce que c’est que de diriger tout un peuple. D’un point de vue purement gameplay, Dagga est une héroïne remarquable qui arrive à combiner magie blanche et puissantes invocations. Pourtant, si elle nous paraît si importante aux yeux du joueur, ce n’est pas uniquement d’un point de vue pratique. On a ce désir de l’accompagner dans son voyage et de partager tout ce qu’elle ressent. Square Enix a fait un excellent travail sur son personnage en faisant en sorte qu’elle ne puisse pas être l’héroïne qui sauve tout le monde. Au contraire, elle va être régulièrement confrontée à sa propre impuissance et assister à des drames effroyables sans qu’elle ne puisse rien faire.
C’est en voyant toute cette destruction que va découler un conflit en elle entre le désespoir de n’avoir rien pu arrêter et son souhait de reconstruire. Il ressortira de cette bataille personnelle une volonté remarquable d’avancer malgré toutes ces déconvenues pour enfin être assise à cette place qui l’a toujours terrifiée. Une souveraine qui peut faire des erreurs, mais qui sait qu’elle n’est pas seule pour défendre ce pays et ce monde. De même, on est forcément captivé par cette alchimie qui s’opère entre elle et Djidane. Ils ont beau avoir vécu dans des environnements radicalement différents et avoir une personnalité à l’opposé de l’autre, la complicité qui en ressort n’en est que plus forte. Ils se tirent vers le haut l’un l’autre afin de réaliser ce qu’ils ne pourraient résoudre seul. Grenat brise cette image de princesse à sauver pour nous montrer une jeune fille ayant été marquée par la violence d’une telle vie et qui pourtant a continué de progresser sur ce sentier plein de doutes. Une soigneuse qui a ses failles et dont les blessures qu’elle reçoit ne peuvent être soignées uniquement par elle. J’espère que cette chronique vous aura plu et surtout qu’elle vous aura donné un autre regard sur ce personnage. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires votre propre ressenti concernant Grenat et ce qu’elle représente à vos yeux. Voilà qui conclut donc cette première vague FFIX, mais aussi du site et j’espère que le concept vous plaît. Dites-moi d’ailleurs si vous aimeriez que je fasse de ça un rendez-vous récurrent en sachant qu’il y a déjà quelques autres vagues qui ont déjà débuté dans d’autres domaines. Une page se referme sur ce jeu fabuleux, mais il y a encore beaucoup de choses à découvrir dans cette infinité de mondes qui s’offrent à nous.