Pile et Face : les deux parties d’un seul être
L’heure est déjà venue de repartir dans le monde extraordinaire de Final Fantasy IX afin de continuer notre Vague Gaming autour des antagonistes de cet épisode. Après avoir pris le temps de parler de la Reine Branet, on s’est dit qu’il serait dommage de s’arrêter en cours de route concernant les ennemis provenant de la cour d’Alexandrie. Il ne faut pas croire, mais même les adversaires qui peuvent sembler les plus absurdes ont un rôle à jouer au sein d’une épopée vidéoludique. C’est le cas du duo dont on va parler aujourd’hui et qui est directement sous les ordres de la souveraine de cette nation. On parle bien sûr de Pile et Face, les deux individus servant de bouffons à la cour. S’ils ont tout l’attirail et aussi le caractère pour représenter cet opposant ridicule qui revient à la charge, ces deux individus n’en restent pas moins dangereux. Ayant bien des méfaits à leur tableau, ils vont rapidement se transformer en une menace collante qui va tout faire pour stopper le voyage du joueur et ramener la princesse chez elle. Derrière leur maquillage et leurs pitreries, voilà un tandem qui va faire bien des dégâts et connaître une fin tragique à l’image de beaucoup de personnages. Il est donc grand temps de retrouver ces deux jumeaux dans leur manie de s’interposer sur le chemin de nos héros.
Les bouffons de la reine
Ce qui est remarquable avec Pile et Face, c’est qu’ils vont constamment rester ancrés dans le rôle qui va leur être attribué dès le départ. Pour expliquer cela, il faut revenir à la première rencontre entre ces deux énergumènes et le joueur. Alors que la princesse Grenat vient tout juste de disparaître, on fait la connaissance de ces deux bouffons qui jouent rapidement de leur statut si spécial pour leur donner une aura presque comique. Semblant se perdre constamment et jouant l’ignorance de leurs erreurs, ils collent à cette image que leur tenue installe de prime abord. Un duo comique au sein de cette cour bien plus sérieuse afin de coller à cette ambiance médiévale de cet épisode. Cependant, ils ne sont pas uniquement là pour amuser la galerie. En fait, si Steiner et Beate représentent le bras armé d’Alexandrie et de la couronne, Pile et Face sont un peu les conseillers, mages et hommes à tout faire personnels de Branet. Des sbires qui vont constamment acquiescer dans le sens de leur dirigeante et tout mettre en place pour respecter ses ordres. D’ailleurs, leur implication future dans le traitement subi par l’héritière du trône montre leur importance au sein de cette hiérarchie monarchique. Là où l’on ne voyait que des idiots habillés en une sorte de guignol se trouve en réalité une paire qui représente un atout considérable pour le royaume et les ambitions de la reine. De ce fait, on peut dire qu’avoir réussi à leur donner une aura presque faible au départ est une réussite, car cela nous fait baisser la garde concernant leurs véritables capacités. En plus de ça, ils vont aussi être ceux qui gèrent de manière officieuse le bon déroulement de la création des mages noirs. Étant donné qu’ils sont les véritables sorciers de la cour, ils vont même presque prendre une place de général au sein de cette armée de pantins.
D’ailleurs, on pourra faire un parallèle très intéressant entre leur destin et celui de leurs soldats sans âme. En fait, on se rend compte que Pile et Face sont des adversaires qui, comme pour leur suzeraine, vont offrir un décalage entre cette première impression que l’on a d’eux et comment ils vont évoluer par la suite. Cela est dû, en grande partie, à leur traitement autant sur leur physique que sur leur caractère. Des individus qui nous paraissent presque idiots et inoffensifs, au départ, avant de mieux nous surprendre par la suite. Cependant, la différence entre ces antagonistes est que Branet va rapidement montrer toute l’étendue de son ambition dévorante là où nos deux jumeaux vont toujours garder cette place de sbires tout au long de l’aventure. Cependant, ce n’est pas parce qu’ils sont bloqués dans ce rôle de larbins qu’ils ne vont pas nous exprimer des choses très intéressantes durant notre aventure. Après tout, ce sont eux qui vont lâcher les trois Valseurs aux trousses de notre groupe. On peut même dire qu’ils sont les premiers véritables obstacles humains à notre progression. Une étape initiale à franchir à plusieurs reprises pour finalement se rapprocher des ennemis se trouvant au-dessus d’eux. Voici donc ce qui se cache derrière ces deux bouffons qui vont servir de défis récurrents au joueur tout au long de ses pérégrinations. Le destin de deux êtres qui vont autant nous énerver que nous faire ressentir une certaine pitié à leur égard du fait de ce qu’ils deviennent. Car il ne faut pas croire que ces deux individus, dont le maquillage laisse exprimer une sinistre folie, sont uniquement prévus pour être des opposants que l’on souhaite abattre à tout prix. Pour commencer, il faut voir aussi à quel point ils vont avoir un impact sur le déroulement de l’histoire même si cela ne s’exprime que sur quelques scènes.
Deux ennemis aussi absurdes qu’importants
Ce qui est important de noter avec Pile et Face, c’est qu’il faudra un long moment avant que le joueur ne se retrouve directement face à eux. A chacune de leurs premières apparitions, cela se passe non loin du groupe ou bien auprès de la Reine Branet. Cela a pour effet de nous présenter ces deux énergumènes et surtout d’appuyer ce côté presque pitoyable qu’ils ont en se cachant derrière ces marionnettes qu’ils nous envoient. Des individus qui se dissimulent dans l’ombre d’autres personnes pour frapper un coup. Cela se voit par rapport à la finalité des Valseurs notamment quand le troisième nous attaque. Restant au loin pour observer, ils vont se contenter d’encourager leur poulain sans jamais entrer directement en contact avec le champ de bataille. Même quand Valseur 3 finit par avoir un dysfonctionnement, ils vont simplement prendre la fuite comme si de rien n’était. Cette partie est représentative d’une chose que l’on veut nous présenter concernant Pile et Face. Il s’agit de leur faiblesse apparente. Quand on observe leur comportement, le joueur ne peut s’empêcher de voir en eux des lâches qui préfèrent éviter le moindre contact et se cantonner à donner des ordres de loin. Une situation qui va se renforcer quand on leur fait face dans la Caverne de Guismar et Bloumécia. A chaque fois, ils sortent une de leurs tirades avant de se retirer pour laisser le champ libre aux mages noirs. Un jeu du chat et de la souris qui est là pour provoquer un agacement chez nous afin de nourrir notre envie d’en finir avec ces deux adversaires. C’est là un sentiment très important pour le joueur et les protagonistes étant donné qu’à ce niveau de l’histoire, la Reine Branet nous semble bien trop loin. Pile et Face sont ses représentants sur le terrain et c’est donc tout naturellement dans leur direction que se dirige notre colère.
D’ailleurs, c’est au moment où l’on rencontre Branet, Beate et Kuja à la fin de Bloumécia qu’ils vont peu à peu s’éloigner de l’objectif du groupe. Après tout, on a devant nous les instigateurs de ces massacres et notre rage se tourne vers eux. Pile et Face ont ainsi joué un rôle de catalyseur afin de nourrir de manière récurrente les émotions que l’on ressent tout au long de nos premières escapades. Mais est-ce que cela signifie qu’ils disparaissent totalement par la suite ? Au contraire, ils vont s’engouffrer un peu plus dans les coulisses pour attaquer au moment opportun et dévoiler ainsi quel est vraiment leur principal devoir. En effet, les deux bouffons vont être ceux qui vont piéger Grenat, Steiner et Markus alors qu’ils reviennent à Alexandrie. Alors que l’on ignore encore réellement les projets autour de la princesse, on se dit qu’ils vont simplement les ramener auprès de leur dirigeante. Pourtant, c’est à travers eux qu’ils vont entamer le véritable plan de cette dernière en entamant le rituel pour extraire les chimères. Se moquant royalement des injonctions du chef des Brutos, ils montrent leur maîtrise de la magie tout au long de cette cérémonie. C’est à cause de ce binôme que notre héroïne est à deux doigts de mourir en perdant petit à petit ses invocations. Pour la première fois, ils entrent directement en action et représentent une menace de taille alors que l’on doit se dépêcher de les retrouver au sein de cet immense château. Une situation qui va grandement chambouler le rythme de l’aventure et nous faire prendre conscience de cette menace que représente ce tandem qui cache bien son jeu. En plus de ça, l’affrontement contre eux est toujours chronométré et même si ce choc n’est pas si difficile, on est témoin des multiples sorts que peuvent posséder Pile et Face. Des ennemis qui, contrairement à leur maîtresse, peuvent frapper fort quand ils se retrouvent acculés.
Des opposants “jetables”
Ce titre de partie n’est aucunement dans une optique péjorative de Pile et Face. En fait, cette phrase représente surtout la triste perception que l’on peut avoir d’eux au vu de comment va évoluer leur rôle tout au long du jeu. On l’a dit un peu plus haut, mais nos deux antagonistes sont toujours cantonnés à un statut de sous-fifres pour les grands méchants de cet opus. Il y a donc une impression de moindre importance les concernant même si on a montré qu’ils avaient leur place dans l’intrigue. Mais ce qui donne ce sentiment qu’ils semblent “jetables” est tout bonnement le fait qu’ils sont constamment mis au rebut par leurs supérieurs. Cela commence avec la Reine Branet qui, ne supportant plus leurs échecs, va finir par les chasser. Dans un sens, ils se sont toujours montrés loyaux envers elles et leur unique récompense est d’être jeté comme s’ils n’étaient que des outils n’ayant plus d’utilité. Un sort peu enviable et amenant une certaine empathie à leur égard tout en appuyant un côté presque pathétique à ce duo. Juste après, ils finissent par rejoindre les rangs de Kuja et se rallient donc à celui qui mis un terme à la vie de leur ancienne souveraine. Une loyauté vacillante et où ils vont être encore plus effacés face à cet antagoniste qui se présente comme la principale menace pour ces terres. A partir de cet instant, même s’ils sont toujours un peu présents, Pile et Face vont être encore plus relégués au second plan que ce qu’ils étaient au début du récit. Des sbires qui ont tout perdu et qui sont obligés d’obéir aux ordres d’un être qui ne fait que tolérer leur présence dans les rangs de ses troupes. C’est pour cette raison que l’on assiste en réalité à une véritable descente aux enfers pour ces jumeaux qui avaient un tant soit peu de pouvoir avant et qui finissent finalement par n’être que des marionnettes entre les mains des puissants.
D’ailleurs, cette symbolique du pantin qui n’est pas conscient qu’il en est un est quelque chose de très fréquent chez la majorité des antagonistes. A l’image des mages noirs qui mettent à feu et à sang le continent, Pile et Face ne sont que des armes entre les mains d’autres individus sans même qu’il s’en rende compte avant les derniers moments de leur vie. C’est aussi le cas avec Branet qui n’était que la marionnette de Kuja et ce dernier aussi n’était que le résultat d’une expérience de la part de Garland. Un lien qui enchaîne finalement chaque adversaire que l’on rencontre et va nous amener à avoir une autre perception de ces personnages. C’est ce qui arrive avec nos deux bouffons qui perdent au bout du compte tout ce qui faisait un peu leur personnalité pour n’être qu’un ennemi de plus à abattre. Un contraste qui va aussi être renforcé par l’émancipation progressive de certains mages noirs qui prennent conscience du monde qui les entoure. Alors qu’ils ouvrent les yeux sur leur existence, Pile et Face perdent eux toute possibilité de fuite et deviennent ce qu’ils ont commandé pendant si longtemps. Un tragique destin qui finira par les tuer avant que Kuja ne décide d’utiliser leurs corps pour les fusionner et donner vie à une abomination qui sera terrassée par le groupe. Quand on prend du recul et que l’on voit cette dégringolade de la part de ces méchants, on ne peut s’empêcher d’avoir une forme de pitié à leur égard. Ils ont beau avoir été des individus agaçants n’ayant de cesse de se dresser entre nos héros et leur but, leur évolution est si sordide que l’on a une certaine compassion qui naît pour eux. Comme quoi, même le plus petit des sbires peut réussir à raconter des choses fascinantes quand l’écriture arrive à sublimer ce qu’il est et que l’on prend le temps de voir ce qu’il y a derrière cette façade.
Pile et Face ne font plus qu’un
Pour finir avec cette chronique, il est intéressant de se pencher sur ce dernier monstre que l’on combat et qui résulte de la fusion de Pile et Face. Il est vrai qu’étant des jumeaux, il y a un lien très spécifique qui les unit. Pourtant, on n’a jamais eu le sentiment qu’ils étaient incomplets. Au contraire, les deux frères se complétaient à merveille tout en partageant de multiples similitudes. On se dit même que c’est l’image de ces deux bouffons de la reine qui correspond à leur véritable identité. Pourtant, quand on voit Kuja utiliser sa magie pour donner naissance au monstre Siamois, il y a quelque chose qui se brise en nous. Il s’agit bien plus d’un ressenti personnel, mais aux yeux de notre marchand d’armes, il considère que ces deux êtres sont réellement complets sous cette forme. Mais cela signifie donc que pour atteindre ce stade, ils doivent perdre toute forme d’humanité qui les a tant caractérisés jusqu’ici. Oui, Pile et Face sont des êtres profondément absurdes et machiavéliques, mais leurs agissements symbolisent une partie de la nature humaine qui peut être d’une profonde noirceur. Sans oublier qu’ils sont aussi des individus qui ne peuvent réellement vivre sans être dans l’ombre de quelqu’un. Leur plus grosse perte aura été justement d’être chassé de l’entourage de la Reine Branet. Un acte qui va justement les conduire progressivement à leur perte et nous donner le rôle de mettre un terme à leurs souffrances.
Voilà en tout cas comment on peut percevoir le parcours de Pile et Face au sein de cette grande épopée qu’est Final Fantasy IX. Si l’on a le sentiment qu’ils tiennent un rôle de plus en plus léger dans l’intrigue, leur présence est tout de même là pendant un long moment. Des adversaires qui se sont montrés lâches, orgueilleux, idiots pour finalement devenir des victimes eux aussi des ambitions de leurs supérieurs. En écrivant cet article, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à tous ces instants où les deux comparses ont fait leur apparition pour entraver notre progression. J’ai alors ouvert les yeux sur le fait qu’ils ont grandement contribué à l’expérience vécue tout au long de nos premiers pas dans ce monde. Représentant une menace concrète que l’on cherche à arrêter, ils finissent par passer le flambeau aux vrais instigateurs de ce mal qui ronge ce monde. Leur rôle s’étiole alors pour qu’ils ne deviennent plus que l’ombre d’eux-même jusqu’à ne plus avoir la moindre conscience. Alors que l’on voit Siamois lâcher son cri d’agonie, on se dit que cette poursuite se termine enfin et surtout que l’on a mis un terme aux souffrances de ces deux ennemis qui n’ont connu qu’une longue déchéance. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura offert un autre regard sur ce tandem et aussi qu’elle vous aura plu. C’est un réel plaisir que de prendre le temps d’analyser et surtout de retranscrire la manière dont on a pu percevoir ces opposants qui ont laissé leur trace dans notre esprit. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous avez pensé de Pile et Face ainsi que leur moment le plus marquant.