Koxinga Z – 1661 : la bataille opposant deux grands généraux
Il est toujours captivant de voir ce qui peut se passer en dehors du manga en matière de récit. En effet, on peut trouver d’incroyables histoires provenant d’autres contrées et c’est ce que l’on a pu découvrir au fur et à mesure des années. Parmi ces belles découvertes se trouve l’auteur Li Lung-Chieh qui avait fait son apparition chez nous aux éditions Nazca avec Ichthyophobia, un titre pour le moins surprenant. Si l’on évoque cet artiste, c’est parce qu’il revient chez la même maison d’édition avec Koxinga Z – 1661. Derrière ce nom pour le moins énigmatique se cache un récit historique qu’il met en scène à travers son style si extravagant et pourtant fascinant. On était donc très curieux de voir ce que pouvait donner une œuvre basée sur des faits réels entre les mains de cet auteur. On a profité d’Angoulême pour découvrir ce one shot en avant-première et on peut dire qu’elle a beaucoup de choses à nous partager. Une fresque guerrière se centrant sur la confrontation ayant eu lieu pour la suprématie de Taiwan et qui va nous captiver du début jusqu’à la fin. L’heure est venue de poser le regard sur le destin de deux grands généraux.
A la conquête de l’île de rêve
Koxinga Z – 1661, imaginé par Li Lung-Chieh, nous plonge à la fin du XVIIe siècle et plus précisément sur l’île de Taiwan. A l’époque, la Compagnie des Indes orientales a étendu son influence sur une bonne partie du globe. Malheureusement, tous ceux qui refusent de se soumettre à son autorité finissent souvent par connaître bien des souffrances. Une entité qui dévore les petits et les assimile à son immense zone d’influence. Son emprise ne cesse de croître au fil des années jusqu’à s’emparer de ce petit monceau de terre qu’elle rebaptise Formose. Tout semble être calme au premier abord grâce aux efforts de certains hommes pour bien s’entendre avec les autochtones. Mais l’avidité de certains hauts-gradés ne fait qu’attiser la colère qui sommeille dans le cœur des habitants des lieux. C’est alors qu’arrive l’année fatidique qui décidera du destin de Formose. En 1661, une force imposante arrive au sud de l’île et fait déjouer toutes les suppositions sur l’impossibilité d’être envahi de ce côté. Pour Frederick Coyett, dernier gouverneur néerlandais en date de l’île, cette situation était pourtant prévisible. Cela fait des années qu’il tente vainement de convaincre ses hommes ainsi que ses supérieurs de rester vigilants face aux agissements d’un homme en particulier. Un général chinois qui a toujours eu des vues sur Taiwan, mais qui a fait de son mieux pour cacher ses ambitions. Cet adversaire aussi roublard que redoutable n’est autre que le célèbre général Koxinga.
A la tête de pas moins de vingt-cinq mille soldats chinois, cet individu est bien décidé à libérer le peuple de l’autorité de la Compagnie des Indes orientales. N’ayant aucune honte à être qualifié de traître, ce loyaliste des Ming ne pense qu’à une chose : reconquérir ce qui revient de droit aux siens. Ayant déjà fort à faire face à la nouvelle dynastie qui s’installe en Chine, tout le monde imaginait qu’il serait trop occupé pour tourner son attention vers Taiwan. Mais tous les soldats doivent se rendre à l’évidence en voyant cette immense flotte se diriger vers eux. Leur erreur fut d’une ampleur inimaginable et seul Coyett observe cette invasion avec une certaine impatience. Il s’était préparé personnellement à ce jour fatidique et est bien décidé à se battre jusqu’au bout pour protéger ces terres ainsi que les forteresses sous son commandement. Mais comment faire face à tant d’hommes alors qu’ils sont à peine un millier pour défendre les remparts ? Une guerre sanglante est sur le point de débuter entre ces deux commandants qui vont devoir redoubler de ruse, mais aussi de détermination pour ne pas laisser l’autre gagner plus de terrain. Entre stratégies, coups bas, traîtrise et honneur, ce champ de bataille va transmettre bien des souffrances pour ces hommes qui ne sont que les marionnettes de gens bien plus haut placés. C’est dans le sang et la violence que va s’écrire cette page importante de l’Histoire de Taiwan dont le destin va radicalement changer à l’issue de cette lutte pour sa suprématie.
On prend très vite conscience de ce que veut raconter Koxinga Z avec ces pages qui vont nous dépeindre avec brio la violence de ce conflit. Cependant, l’auteur ne va pas uniquement se limiter à nous raconter les faits qui ont marqué l’histoire de cette île. Il va aussi y insuffler son style pour un rendu original et non moins saisissant. De son trait à la fois élégant et presque cartoonesque, cet artiste va nous emporter dans ce conflit qui va s’enliser pendant des mois et faire ressortir deux grands noms tout en appuyant sur ce qui gravite autour de ces derniers.
Une confrontation haletante et surprenante
La très grande partie de Koxinga Z va s’axer autour de cette confrontation entre nos deux principaux personnages. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on va être uniquement concentré sur l’action. Bien au contraire, ce one shot parvient à utiliser toute cette partie militaire pour amener beaucoup de sujets sur la table. Pour commencer, la première chose qui saute aux yeux est à quel point le trait de l’auteur va autant sublimer qu’offrir une vision très singulière de ces batailles. En effet, les dessins peuvent sembler presque parodiques à certains moments comme avec Coyett qui semble presque disproportionné par rapport aux autres individus qui gravitent autour de lui. De même, il y a une exagération qui se fait dans certains combats qui vient justement créer un écart avec le fait que l’on est devant un récit véhiculant des faits réels. Cela peut dérouter, mais c’est tout le style de cet artiste qui s’exprime ici en parvenant à utiliser sa maîtrise du dessin pour proposer un récit haletant sur le fond qu’extrêmement divertissant sur la forme. De plus, certaines des planches qui nous sont offertes sont bluffantes tant elles regorgent de vie et de détails à découvrir. Une œuvre qui va donc exprimer énormément de choses par le dessin. Mais si la partie graphique joue un rôle essentiel dans notre appréciation de ce titre, l’écriture est tout aussi intéressante à analyser. En effet, on va être rapidement immergé dans cette lutte d’une violence incroyable.
Ce qui est bien, c’est que l’on n’est pas uniquement face à une épreuve de force entre les deux camps. Au contraire, il va y avoir une dimension stratégique et aussi des éléments extérieurs qui vont venir jouer un rôle crucial dans le déroulement de cette campagne. Le lecteur est alors happé par des éléments qui ne sont pas forcément spectaculaires, mais qui vont avoir une énorme incidence sur la suite de cette lecture. On est constamment tiraillé entre notre admiration pour l’ingéniosité de ces deux généraux et l’effroi que peut nous inspirer ce conflit qui fait tant de victimes. De plus, il y a un réel travail apporté sur la psychologie de ces deux grandes figures qui ont chacun leur vécu, leurs rêves, mais aussi leurs propres démons. Tout ça va s’exprimer au sein de ce one shot de manière brillante à travers des décisions ou bien des comportements qui vont appuyer la peur que Koxinga peut engendrer et la fougue de Coyett qui aurait aimé trouver une entente entre eux et les habitants de l’île. Sans oublier que notre attention ne va pas être uniquement tournée vers ces deux hommes. On va aussi être témoin des mouvements qui ont lieu hors de ce champ de bataille et qui montrent que tout peut basculer en quelques instants si un facteur inconnu vient s’intégrer à l’équation. On va même ressentir un profond dégoût à l’égard de certains personnages qui montrent que ce conflit n’est rien de plus pour eux qu’une perte de temps et qu’ils n’ont que faire des vies perdues. Voilà un ouvrage qui, derrière son design particulier, exprime avec beaucoup de justesse les affres de la guerre et le tragique destin de ces grands noms.
Pouvant sembler imposant comme ouvrage, Koxinga Z reste un one shot que l’on dévore rapidement tant on est plongé dans l’effervescence propre à cette confrontation. On est autant captivé par le face-à-face qui se joue entre nos deux principaux protagonistes qu’attristé par tout ce qui entoure ce pan de l’histoire. On y voit surtout de nombreux échecs qui ont marqué la vie de ces citoyens et de ces hommes qui ont laissé leur nom dans les livres. Une plongée dans la vie de ces soldats qui ont lutté pour ce petit bout de terre selon leurs propres ambitions, souhaits et aussi rancune.
Koxinga Z à la croisée des genres
On a vraiment été très emballé par cette proposition que nous offre l’auteur avec Koxinga Z – 1661. Un ouvrage qui nous aura totalement convaincus de bout en bout et qui surtout sera parvenu à nous impliquer grandement dans cette bataille historique. Le fait de voir les deux points de vue de manière alternée permet de mieux cerner les enjeux propres à chaque camp. De plus, il faut aussi souligner à quel point le trait de Li Lung-Chieh réussit à créer une expérience qui sort de l’ordinaire dans ce genre souvent très sérieux dans le dessin. Ici, il réussit à combiner autant des propos historiques avec une volonté de romancer tout ça pour accentuer l’aspect épique de cette guerre et le charisme de ces imposants officiers. Il suffit de voir les premières pages de l’œuvre pour pleinement prendre conscience de ça et il faut donc apprécier ce mélange pour pleinement apprécier ce qui se forme autour de nos deux figures historiques. Sans oublier que ce one shot n’est pas uniquement un témoignage de cette période trouble. Il est aussi là pour nous montrer les coulisses de ce conflit qui ne s’est pas uniquement décidé sur le champ de bataille et qui va même laisser un goût amer aux deux camps qui s’opposent. De même, on est subjugué par certaines planches qui nous donnent l’impression de voir de réelles représentations de batailles où se mêlent d’innombrables vies cherchant à s’en sortir. Voilà une œuvre qui a su trouver le bon compromis entre apprentissage de l’Histoire et un divertissement spectaculaire.
On avait beaucoup d’attentes à l’égard de cette lecture et force est de constater que l’on n’est clairement pas déçu de Koxinga Z – 1661. Un récit qui a su nous tenir en haleine alors même qu’il était assez facile de se douter de la conclusion de cette opposition. Pendant quelques minutes, on a totalement oublié la finalité de cette bataille pour se questionner sur qui l’emportera. Chaque camp se rend coup pour coup et le titre arrive parfaitement à retranscrire cette impasse qui semble se dessiner pendant des mois. Une bien belle surprise qui mérite amplement le coup d’œil et qui peut autant plaire à tous les amoureux d’Histoire qu’à ceux qui veulent une aventure d’une grande intensité. Une expérience littéraire qui a su nous proposer l’exposition de faits historiques tout en y insufflant sa propre identité. On finit par refermer cet ouvrage en gardant fortement en mémoire le souvenir de ces deux hommes qui se sont opposés autant sur le plan martial que sur leur détermination à s’approprier ces terres pour y instaurer la paix. Deux êtres pouvant se montrer terrifiants, mais qui sont aussi guidés par des stigmates et un passé qui les hante. S’il est évident que toute cette histoire est romancée, cela n’enlève en rien à l’émotion que l’on peut ressentir au fil des coups échangés et des balles qui fusent. Une bien belle trouvaille de la part de l’éditeur et qui nous donne envie de suivre attentivement les prochains travaux de cet auteur.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Koxinga Z – 1661. Trouvez-vous que l’auteur a su trouver un juste équilibre entre le récit historique et une aventure où l’action se veut exagérée ? Est-ce que vous avez été conquis par cette bataille qui se joue entre ces deux grandes figures de l’époque ? Ce one-shot est-il parvenu à vous tenir en haleine jusqu’à la conclusion de cette histoire ? Cette histoire a-t-elle su retranscrire le côté remarquable de ces deux hommes qui s’affrontent ainsi que l’instabilité de l’époque ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de cette œuvre fascinante.
© by LI Lung-chieh / Gaia Culture