Sinners tome 1 : la complainte des âmes damnées
2023 n’est pas qu’une année riche en suites attendues. C’est aussi une période propice au lancement de nombreux titres et nouveaux acteurs venant s’implanter dans ce marché. On est alors intrigué de voir ce que peuvent donner toutes ces histoires inédites. Une occasion parfaite pour explorer de nouveaux horizons et ainsi trouver des expériences prometteuses. C’est en tout cas ce que j’ai pu ressentir en découvrant le premier tome de Sinners qui inaugure le catalogue de la maison d’éditions Reborn. Cette série taïwanaise a éveillé ma curiosité à son annonce notamment par le visuel de ses couvertures. Intrigué de voir ce que pouvait raconter cette aventure, j’ai fini par me jeter dessus. C’est alors que j’ai pu découvrir une histoire qui se présente autant comme rythmée que puissante dans ce qu’elle raconte. En utilisant des éléments particulièrement cruels et violents, le titre veut nous embarquer dans une quête sordide où la mort est omniprésente. Une virée infernale où des jours heureux peuvent rapidement s’effondrer. Le temps est donc venu de découvrir le destin tragique de ceux qui ont vu la mort de trop près.
Rencontre avec la mort
Sinners, scénarisé par Xiao Sha Long et dessinée par Gui Yu Zi, nous emmène dans un monde où le chaos s’est installé. En effet, les gens profitaient d’un quotidien paisible jusqu’en l’année 2025. C’est à ce moment précis que tout bascula. Le jour du jugement dernier arriva sur Terre et l’ensemble de la population fut impuissante face au cataclysme qui s’abattit sur eux. D’innombrables fissures s’ouvrirent un peu partout sur le globe. Ces dernières menaient directement au Purgatoire, lieu situé entre le paradis et l’enfer où toutes les âmes pécheresses finissent par déambuler. De ces failles sortirent des monstres effroyables qui se jetèrent sur les humains à proximité. Rien ne semblait pouvoir stopper cette invasion démoniaque et les victimes étaient innombrables. Même l’armée ne pouvait rien faire face à une menace qui n’avait absolument rien d’humain. Les quelques survivants se dirent que c’était peut-être la fin de toute forme de vie et qu’ils ne pouvaient rien y faire pour arrêter ça. Comme s’il s’agissait d’un jugement divin que rien ne pouvait stopper. C’est alors que l’espoir avait totalement perdu que les Illuminati firent leur entrée sur scène. Avec l’aide de leurs armes secrètes et de leurs soldats appelés “Pacificateurs”, ils réussirent à mettre un terme à ces assauts interminables. Les abominations disparaissaient les unes après les autres et la paix semblait de nouveau possible.
Malheureusement, il était impossible de stopper la propagation des fissures qui pouvaient apparaître à tout moment. La menace avait beau être affaiblie, elle n’en restait pas moins présente et attendant le moment opportun pour commettre de nouvelles horreurs. C’est ainsi qu’il fut décidé que cette organisation serait en charge du maintien de l’ordre et le gardien de cette paix que tout le monde souhaitait. Travaillant avec le gouvernement mondial pour établir une ligne de défense et faire renaître la société, un projet fut lancé. Celui-ci se résumait à la construction de treize zones spéciales afin que les quelques survivants puissent reprendre une vie normale. Quinze années s’écoulèrent et la vie semblait reprendre son cours. Les différentes structures débordaient de vie et la prospérité était de retour. Pour les gens, l’incursion des abominations du Purgatoire n’était plus qu’un lointain souvenir. Malgré tout, l’ombre de ce danger n’était jamais bien loin et si le commun des mortels semblait s’en détache de plus en plus, leurs gardiens restaient sur le qui-vive. C’est dans la treizième zone qu’un adolescent, Jay, mène une vie paisible en compagnie de son meilleur ami. Tout va pour le mieux et l’avenir semble radieux pour les deux camarades. Malheureusement, il aura fallu d’une journée pour que leur petit bonheur quotidien ne s’effondre à tout jamais. L’heure serait-il venu pour les pécheurs de l’autre monde de refaire surface pour tourmenter une fois de plus les vivants ?
Quand on se concentre sur le synopsis de Sinners, on se rend rapidement compte que l’on a face à nous une œuvre voulant étouffer le peu d’espoir que peuvent avoir les protagonistes. Une série qui nous laisse présager un possible avenir paisible, mais tout ça pour mieux nous confronter à la réalité de ce monde. On va alors être happé par ce qui se passe et surtout intrigué par le futur qui attend ceux qui survivent face à un tel drame. On va alors être amené dans un combat prenant et tragique où les âmes torturées cherchent à imposer leur empreinte parmi les vivants.
Une lente transformation
Ce qu’il faut retenir de ce premier tome de Sinners, c’est la manière dont le titre va se découper en deux parties et surtout l’importance de chacune d’entre elles. Pour bien comprendre pourquoi, il faut s’attarder sur ces dernières. La première moitié de l’œuvre va prendre le temps de nous exposer la menace qui plane sur ce monde et surtout à quel point celle-ci s’est montrée meurtrière. On parle ici d’une possible fin du monde qui n’a été empêchée que grâce à l’intervention de quelques personnes sans pour autant que le danger ne soit totalement écarté. En lisant ça, on peut s’attendre à ce que l’action puisse prendre rapidement le pas sur tout le reste dans l’histoire. Cependant, c’est tout le contraire qui se passe. On veut nous emmener dans l’une de ces petites sociétés qui semblent épargnées par le chaos qui peut régner à l’extérieur. Tout semble paisible et les habitants vaquent tranquillement à leurs occupations. On nous donne un sentiment de sécurité rien que par le comportement global des gens. Cela donne presque l’impression que tout ça est maintenant fini et qu’il n’y a plus rien à craindre. De même, cette partie va avoir un grand intérêt en nous exposant le quotidien de notre protagoniste. Il mène une vie tout à fait normale et cela nous est montré de manière à ce que l’on puisse se rendre compte du côté précieux de cette tranquillité. Ainsi, on s’imprègne de cet environnement paisible et cela nous réconforte dans le fait que cette banalité est symbole de paix.
C’est alors qu’intervient le fameux événement qui va faire basculer l’ensemble du récit dans une tout autre dimension. On est témoin de l’apparition de l’un de ces monstres et surtout des dégâts qu’il commet. Un véritable massacre qui détruit en un clin d’œil ce semblant de paradis que l’on nous promettait. Tout vole en éclats et c’est justement le fait que tout ça soit aussi bref et peut survenir à tout moment qui rend cet ennemi aussi imprévisible et terrifiant. On va alors progressivement basculer dans l’envers du décor. Que cela soit au niveau des autres personnages qui font leur apparition ou bien de ce qui se passe chez notre jeune étudiant, tout est pensé pour que l’on s’enfonce dans ce conflit qui n’a jamais vraiment cessé. Cela nous amène aussi progressivement à faire la lumière sur ce qui se cache autour de ces adversaires et de ce qu’ils peuvent amener à chacune de leur apparition. La mort qui accompagne chacun de leur geste n’est en réalité que le début d’une longue et effroyable torture qui se prolonge même dans l’au-delà. Cela appuie un peu plus ce côté presque religieux qui entoure cette œuvre où il est question de déchéance, de pécheurs et d’âmes égarées. Et tout ça est très bien représenté par la suite avec l’évolution de notre personnage central qui est pris entre deux feux et se questionne sur ce qu’il doit faire à présent. Il ne souhaite pas s’enfoncer dans cette bataille de l’ombre, mais ne peut non plus reprendre réellement le cours de sa vie comme si de rien n’était.
Sinners porte bien son nom au vu de ce que l’histoire nous raconte. Voici le destin d’individus qui espéraient profiter d’une quiétude méritée et qui vont finalement sombrer dans un véritable enfer. Le temps n’est plus à l’innocence et aux rires, mais bel et bien à la confrontation et à la douleur. On observe le combat mené par ce jeune protagoniste qui ne sait plus s’il peut encore profiter d’une adolescence ordinaire ou bien devenir un chasseur ayant les mains tachées de sang. Une lecture qui arrive à nous raconter bien des choses derrière ce rideau de violence et de noirceur entourant la trame principale.
Sinners déploie ses chaînes
On peut dire que ce premier volume de Sinners réussit très bien son pari. En voulant nous mettre face à l’effroi propre à ce fléau qui frappe ce monde, on voit à quel point celui-ci peut se montrer encore plus sinistre. Il n’est pas uniquement question ici de faire face à des monstres qui tuent tout sur leur passage. Une fois que l’on découvre la vérité, le récit bascule dans une tout autre dimension. Cela nous amène à assister à ces divers combats en ayant autant envie de voir la puissance de ces combattants qu’attrister par rapport à ce que cela signifie. De même, il est très intéressant de voir l’évolution de notre protagoniste qui ne se contente pas uniquement de se lancer dans cette lutte de l’ombre. On observe ses doutes, ses inquiétudes, mais aussi sa peur de ne plus jamais pouvoir connaître une vie normale où tout allait pour le mieux. Il a beau avoir maintenant des pouvoirs considérables, ce n’est pas la puissance qu’il recherche, mais la normalité. Le voilà obligé de lutter autant contre ces calamités que contre ce qui grandit en lui. Sans oublier que les diverses capacités et autres facultés propres à ces guerriers et guerrières sont fascinantes du fait qu’elles s’inspirent grandement de ce qui sommeille en chacun d’entre eux. Une œuvre qui se présente donc autant comme une aventure explosive qu’une histoire pouvant être bien plus psychologique qu’il n’y paraît de prime abord. Cela donne vie à une épopée aussi grisante que prenante dans ses diverses facettes.
Avec Sinners, j’ai pu découvrir un premier acte prometteur et qui arrive rapidement à donner le ton de cette épopée aussi sombre que glauque. Tout est justement pensé pour tirer au mieux parti de cette ambiance macabre pour montrer que même si l’on nous présente une société qui semble à peu près équilibrée et paisible, cela n’est qu’une façade. On a même presque le sentiment que cette paix factice semble n’être qu’un outil pour cette organisation de maintenir son ascendant sur toute la population. Il y a ainsi un bon équilibre qui est trouvé entre ces divers aspects pour donner vie à une structure dans laquelle on se laisse facilement convaincre de continuer notre périple. On a beau être face à des scènes effroyables et craindre la venue de la prochaine abomination, on finit inlassablement par tourner les pages afin de voir ce qu’il en sera vraiment. Un récit pouvant autant plaire à ceux désirant une histoire glauque et violente que ceux voulant suivre les troubles d’un étudiant qui doit participer à un combat qui n’est pas le sien. Evidemment, j’ai plusieurs questions qui me viennent à l’esprit après avoir lu ces quelques pages. Est-ce que notre nouvel ami va réussir à retrouver un semblant de vie ? Quels adversaires se dresseront sur sa route ? Que peut-il bien se cacher derrière l’apparition de ces monstres ? Jusqu’où le pouvoir qui sommeille en ce jeune garçon prendra-t-il possession de lui ? Hâte de voir ce que donnera la série sur l’ensemble de ses tomes.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Sinners. Trouvez-vous que l’on a devant nous une série prometteuse pouvant nous tenir en haleine durant ces quelques tomes ? Avez-vous été marqué par la brutalité dont fait preuve ce titre et tous les thèmes qui sont abordés autour de ce contexte ? Est-ce que les scènes d’action ont su vous interpeller et vous offrir une bonne dose de frissons ? Etes-vous intrigué par l’avenir de ces protagonistes qui luttent autant contre les abominations que contre le démon en eux ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 2016 Xiao Sha Long / Gui Yu Zi, Tong Li Comics