Ocean Rush tome 1 : la vie derrière le cinéma
Le monde du cinéma a très souvent été utilisé comme source d’inspiration pour des mangakas au sein de leurs œuvres. Cette forme d’art a ainsi été l’occasion de traiter de sujets variés et pouvant être importants tout comme des références à des films bien connus de la pop culture. Cependant, il arrive que certains artistes arrivent à s’accaparer de ce thème pour nous délivrer une histoire qui retient toute notre attention. Le cinéma est alors utilisé comme une extension servant à traiter de thématiques fortes et souvent très axés sur l’humain. C’est exactement le cas pour le titre dont on va parler aujourd’hui et qui nous provient tout droit du catalogue d’Akata. Il s’agit d’Ocean Rush dont son annonce avait été particulièrement bien accueillie par les lecteurs qui avaient hâte de se pencher sur ce titre. Ayant déjà énormément apprécié les précédentes œuvres de la mangaka, j’étais très curieux de voir ce que pourrait donner cette histoire qui avait décroché un franc succès et un prix au Japon. Je ne m’attendais cependant pas à être autant happé par ce récit et tout ce qui l’englobe. L’heure est donc venue de suivre le nouveau rêve d’une femme qui débute un quotidien inédit derrière la caméra.
Il n’est jamais trop tard
Ocean Rush, imaginé par John Tarachine, nous conte l’histoire d’Umiko. Cette grand-mère de 65 ans a perdu il y a deux mois son mari et se retrouve maintenant à devoir vivre seule chez elle. Si elle est toujours en contact avec sa fille et ses petits-enfants, elle ne peut s’empêcher de ressentir une certaine solitude. Son seul réconfort vient de ce quotidien qu’elle mène et où elle se laisse emporter par ce qui se passe sans jamais poser de questions. Sans même s’en rendre compte, elle reste cantonnée à cette boucle constante qui fait qu’elle enchaîne les mêmes scènes jour après jour sans jamais tenter quelque chose de nouveau. Pourtant, une journée va radicalement changer son existence. C’est poussé par un étrange désir qu’Umiko décide de se rendre dans une salle de cinéma. Cela fait bien des années qu’elle n’était pas entrée dans un tel lieu et si elle ressent une certaine panique, il y a aussi une forme d’excitation et de nostalgie qui s’éveille en elle. Se rappelant de la passion de son mari pour cet art, elle se remémore avec tendresse ces moments où elle regardait un film avec lui même si son attention n’était jamais totalement portée sur ce qui était projeté à l’écran. C’est là qu’elle va faire la connaissance d’un étrange adolescent répondant au nom de Kai. Celui-ci s’avère fréquenter la section cinéma d’une faculté d’arts non loin d’ici.
Ce dernier va se mettre à lui adresser la parole quand il va se rendre compte que ce qui attire le regard d’Umiko n’est pas le film en lui-même, mais le visage des spectateurs. Un comportement pouvant sembler étrange, mais qui semble parler à cet étudiant qui se met à échanger plus longuement avec elle. C’est finalement au cours de leur discussion que cette grand-mère va ouvrir les yeux sur quelque chose d’important. Ce qu’elle désire au plus profond d’elle, c’est de devenir réalisatrice de films. Un projet qui peut sembler totalement fou par rapport à son âge. Après tout, est-ce bien raisonnable d’envisager une nouvelle carrière maintenant qu’elle a 65 ans ? Une hésitation qui pèse sur le coeur de la vieille femme qui sent que si elle ne se lance pas, elle aura des regrets pour le restant de ses jours. C’est là que Kai lui dit que si elle veut, sa fac propose un cursus qui pourrait lui convenir et cela peu importe les années. Tiraillé entre son quotidien qui la rassure et cette envie d’une nouvelle aventure, Umiko s’apprête à faire un choix qui changera à jamais son existence, mais aussi son regard envers elle-même et à l’égard du monde qui l’entoure. Il n’y a pas d’âge pour apprendre et tout le monde pourrait être surpris en voyant qu’elle pourrait bien apporter une vision captivante de cet art. Un chapitre inédit de sa vie s’apprête à s’écrire et il pourrait bien réserver son lot de surprises à cette femme qui pensait avoir déjà fait tout ce qu’elle avait à faire au cours de son existence.
Il y a déjà beaucoup à dire sur Ocean Rush rien qu’en lisant son synopsis. En effet, le manga va habilement utiliser son personnage principal pour traiter de rapports inter-générationnels, mais aussi de notre rapport aux images et plus particulièrement au cinéma. Des thématiques fort intéressantes et qui vont être brillamment mises en scène par la mangaka notamment dans la relation qui va naître entre les deux protagonistes de son récit. On va alors découvrir une histoire aussi touchante que marquante dans sa manière de traiter la vie, la peur du regard des autres ainsi que dans l’apport que peut nous donner une passion.
Le film d’une vie
Il y a énormément de choses à dire sur ce premier volume de Ocean Rush qui prend le temps de poser des bases solides autour de son personnage central. Tout d’abord, Umiko est une femme incroyable à suivre tant elle traite, par son prisme, de sujets importants. Il est bien sûr question ici du temps qui passe et surtout de ce sentiment de solitude qui peut s’emparer de nous quand les êtres que l’on aime finissent par disparaître. On se raccroche alors à ce que l’on peut pour ne pas se laisser engloutir par ce qui nous entoure et cela est magnifiquement représenté par ce quotidien que cette grand-mère semble suivre scrupuleusement. Cependant, en entrant finalement dans cette salle de cinéma et en faisant la rencontre de Kai, la mangaka va donner un nouvel essor à son protagoniste. Une vieille femme qui ouvre les yeux sur le fait que même si elle est âgée, cela ne doit pas l’empêcher d’avoir des rêves. Et même là, l’autrice fait un travail remarquable pour accompagner ce changement au travers de nombreuses hésitations et doutes qui ajoutent encore plus de sincérité à ce personnage. Elle a beau ressentir une passion naître pour le cinéma, Umiko ne peut s’empêcher de dire qu’il ne s’agit que d’un passe-temps ou bien que cela lui permet d’occuper ses journées. Ce n’est pas qu’elle dénigre ce qu’elle fait, mais qu’elle a peur du jugement des autres ainsi que de son propre regard sur ce qui lui semble être une folie à son âge.
Pourtant, c’est en côtoyant Kai qu’elle va comprendre que cela n’a que peu d’importance. Ils ont beau être séparés par de nombreuses années, ce duo nous montre à quel point il est important d’être à l’écoute l’un de l’autre et surtout de s’encourager mutuellement même si beaucoup de choses nous séparent. Quand on les observe, on ne voit pratiquement plus une vieille femme et un adolescent, mais juste deux amoureux du cinéma qui cherchent à faire de leur passion un élément vital de leur existence. Et en fait, on se rend compte plus on avance dans l’histoire que le plus grand frein d’Umiko dans son envie d’être réalisatrice est elle-même. C’est sa perception de sa vie et du fait que la société se cantonne beaucoup à des cases qu’elle se dit qu’elle n’est pas légitime dans sa démarche alors que c’est faux. Plus on progresse et plus on voit notre protagoniste se libérer de ses chaînes et s’épanouir en faisant quelque chose qu’elle aime. Une formidable fresque humaine qui va aussi être fascinante par son traitement du cinéma. Ici, il n’est pas tant question de ce que l’on projette sur l’écran, mais de ce que l’on arrive à faire ressentir par le biais de ces images. Même face à quelque chose qui peut sembler simple ou bien insignifiant, il est possible de ressentir quelque chose de fort et cela est très bien montré tout au long de cette lecture. C’est notamment le cas à certains moments-clés où l’on est happé par ce que le regard des spectateurs indique alors que l’on ne voit même pas ce qui est projeté. Une aventure qui nous fait apprécier cet art par le biais de ceux qui l’observent.
Avec ce premier volume, Ocean Rush parvient à poser à merveille les fondations de son récit tout en réussissant à traiter avec beaucoup de sincérité ses divers thèmes. C’est ainsi que l’on va être emporté par le parcours de cette personne âgée qui se lance dans un projet qui peut sembler fou et qui pourtant nous touche par son implication. Un récit qui nous montre avec brio qu’il n’y a pas d’âge pour se lancer dans de grandes aventures et surtout à quel point le cinéma ce n’est pas uniquement du divertissement. Il s’agit avant tout d’une forme d’expression pouvant refléter le passé, les aspirations et les rêves de celui qui le réalise.
Ocean Rush réussit son repérage
Ocean Rush est un formidable ouvrage permettant de cerner tout le talent de la mangaka pour nous délivrer une histoire qui puisse parler au plus grand nombre. Il s’agit d’une sublime tranche de vie qui aborde des sujets trop peu présents dans le monde du manga. Rien que l’idée d’avoir un personnage central qui soit aussi âgé amène inéluctablement de nombreuses thématiques fortes et qui poussent à la réflexion. Comme j’ai pu le dire un peu plus haut, cette œuvre n’est pas uniquement tournée vers le cinéma. En fait, cela est avant tout un élément qui découle du traitement apporté par l’autrice à son héroïne. Umiko est un personnage pour lequel on a rapidement de la sympathie, mais aussi de l’empathie tant on voit qu’elle se laisse aller à son quotidien réconfortant sans jamais réellement chercher à s’en défaire. Une représentation très réussie de cette période de la vie où l’on se demande justement ce que l’on peut faire ou non. On pourrait croire que le temps apporte une certaine liberté, mais il amène surtout encore plus d’inquiétudes et de peur par rapport à des choses qui ne devraient pas avoir autant d’emprise. Ce qui a permis à cette vieille dame de se sortir de là aura été une simple rencontre et un écran de cinéma. C’est avant tout à travers un échange humain et une nouvelle passion qu’Umiko va prendre son courage à deux mains pour débuter une nouvelle vie qui amène autant des expériences inédites que des peurs compréhensibles. Une œuvre qui se montre autant comme une lettre d’amour au cinéma qu’une main tendue pour unir des générations qui sont souvent bien trop séparées.
Vous l’aurez donc compris en lisant ces quelques lignes, mais Ocean Rush a été un énorme coup de cœur avec cette introduction. Une découverte dont j’attendais énormément de choses et dont je ne suis clairement pas déçu. Au contraire, même en connaissant la force de l’artiste pour mettre en scène l’être humain, j’ai été bluffé par sa capacité à parler de sujets aussi importants et universels par le prisme du cinéma. Il n’est pas tant question ici de faire appel à des références bien connues du septième art qui vont nous faire sourire. Au contraire, on revient à l’essence de ce moyen d’expression qui peut, le temps de quelques heures, nous partager les émotions voulues par une poignée de personnes. J’ai été profondément touché par cette bienveillance et cette approche de ces thèmes qui sont importants à mettre sur le devant de la scène. Un manga qui cherche à unir autour d’une passion commune et à montrer que peu importe notre âge, il n’est jamais trop tard pour apprendre, échanger et s’ouvrir aux autres. Voilà une série que je peux facilement recommander au plus grand nombre tant John Tarachine réussit à parler à n’importe qui au travers de ses personnages et de ses propos. Une expérience qui mérite amplement de trôner dans n’importe quelle bibliothèque. A présent, j’ai tout de même des questions concernant l’avenir de nos étudiants en cinéma. Est-ce que Umiko va réussir à aller au bout de son projet ? Comment va évoluer sa relation avec Kai ? Quels sont les défis qui attendent ces deux amis ? Que donnera le premier film de cette nouvelle venue ? J’ai hâte de me lancer dans la suite de cette aventure.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Ocean Rush. Trouvez-vous que la mangaka délivre un premier acte d’une grande puissance émotionnelle ? Appréciez-vous le fait que le cinéma et le quotidien de cette femme se mélangent aussi bien ? Est-ce que le titre a su vous toucher par rapport à ce nouveau projet que va entreprendre notre protagoniste et ce qui va en découler ? Le manga est-il parvenu, selon vous, à mêler habilement son thème principal avec des sujets beaucoup plus ancrés sur l’humain ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 2020 Tarachine John, Akita Shoten