Eyeshield 21 : l’extraordinaire par une équipe ordinaire
L’été est toujours l’occasion pour moi de traiter de sujets de fond étant donné que l’actualité s’avère bien plus calme. C’est aussi une période propice à mes yeux pour quelques relectures de séries que j’apprécie tout particulièrement. Un petit rituel que j’apprécie beaucoup et que j’ai déjà commencé en me replongeant dans Eyeshield 21, édité chez Glénat, une œuvre ayant grandement façonné ma passion du manga. Il est vrai que j’ai déjà pu parler à de nombreuses reprises de cette série qui est à présent considérée comme culte par bon nombre de lecteurs. Mais j’avais pourtant le désir de revenir un peu sur un thème que l’on a finalement peu abordé et qui est pourtant au cœur de cette aventure. Quand on s’attarde quelques instants sur les membres de notre équipe adorée, il y a quelque chose qui ressort très fort. Si aujourd’hui on se souvient des scènes cultes du manga ou bien des fameuses techniques de nos protagonistes, il y a quelque chose qu’il est important de souligner avant tout. Alors que l’on va sans cesse côtoyer des équipes extraordinaires tout au long de ce périple, nos protagonistes brillent par leur simplicité. Ils ont beau avoir certaines spécificités, ils ne sont que peu de choses face aux capacités de certains grands joueurs. Et pourtant, leur destin va les conduire vers le sommet de ce sport. Retour sur cette normalité qui a su ébranler des géants.
Les Devil Bats partent de loin
Il faut tout d’abord comprendre que oui Eyeshield 21 est une œuvre sportive qui joue autant sur l’aspect découverte du football américain que sur des matchs épiques et spectaculaires. Il est donc normal d’avoir le droit à de nombreuses scènes surréalistes, mais qui sont rapidement entrés dans la mémoire des fans comme faisant partie de l’identité de cette aventure. Pourtant, quand on prend un peu de recul, on peut constater que nos joueurs des Devil Bats sont très loin d’être aussi exceptionnels que leurs adversaires. Si Sena a une vitesse fulgurante, il n’en reste pas moins un adolescent ordinaire et particulièrement peu habitué aux contacts avec les autres. Un jeune homme banal qui a cultivé sa rapidité à force d’être le larbin de certains voyous. Pareil pour Hiruma même si cela peut sembler totalement farfelu quand on pense à tout ce qu’il accomplit au cours du manga. Pourtant, s’il est un quaterback à l’intelligence diabolique, ses capacités physiques sont très loin d’être fantastiques. Une faille que l’on remarque progressivement au fil de l’histoire et qui ramène ce capitaine démoniaque à une condition plus humaine avec ses propres limites. Il en est de même pour Kurita qui, malgré son physique hors du commun, est considéré comme n’ayant que peu de potentiel sur le long terme en plus d’être sujet à de nombreuses moqueries de certains autres joueurs. On pourrait largement continuer cette liste sur l’ensemble des membres de l’équipe étant donné que derrière leur caractère attachant ou marquant se cachent en réalité des adolescents qui partent de très loin.
Il suffit simplement de voir les débuts de l’équipe pour s’en rendre compte, car même avec l’arrivée de Sena, ils n’en mènent pas large face à une équipe comme les White Knights constitués de véritables monstres de puissance. Des êtres remarquables et qui continuent d’aiguiser leur talent au fil des matchs. On est donc en droit de se demander si nos protagonistes ont la moindre chance face à ces géants qui semblent déjà si loin. Hiruma a beau être là pour nous dire que tout est toujours possible, l’écart semble si grand que l’on se questionne forcément sur les chances de succès. Et ce ne sont pas les nouveaux personnages qui vont rejoindre l’équipe qui vont contrebalancer ce sentiment. En effet, si la team va rapidement se renforcer avec des individus devenus mythiques aujourd’hui, sur le moment présent ils ne sont que des étudiants n’ayant jamais réellement participé au moindre match. Des novices en la matière qui apportent une aura toujours plus singulière aux Devil Bats qui évoluent à part des autres équipes. Et si l’on se demande comment ils peuvent avoir la moindre chance de victoire, on ne peut s’empêcher d’être interpellé par leur envie d’aller de l’avant. Plus on observe les entraînements spartiates concoctés par Hiruma et plus on est témoin de ce qu’ils sont capables d’accomplir. Des lycéens qui se retrouvent du jour au lendemain à enfiler une tenue et à courir le long de ce terrain. Et malgré les échecs, les souffrances et la sueur versée, ils continuent de se pousser les uns les autres dans l’espoir de réaliser un rêve qui semble fou. Sans même que l’on se rende compte, le lecteur devient le fan numéro 1 de cet outsider qui ne brille pas forcément au départ, mais dont la flamme qui anime ces joueurs finit par déteindre sur celui-ci. On se met à partager leur rêve et chaque petite avancée est synonyme d’une grande victoire pour nous. C’est justement en mettant en avant leur banalité que le titre va réussir à en faire un groupe que l’on a envie de suivre.
Des joueurs exceptionnels et avant tout ordinaire
Mais si l’étincelle procurée par cette équipe fonctionne initialement, il est important de voir comment celle-ci est nourrie au fil du scénario et du développement des personnages. Car oui, Eyeshield 21 n’est pas uniquement un récit sportif où l’on assiste au couronnement de notre équipe. Il va aussi s’agir d’une opposition particulièrement forte entre experts et novices et même talents contre efforts. En prenant de base des gens qui, pour la majorité, n’y connaissent absolument rien dans ce sport, les auteurs souhaitent vraiment partir de zéro. Ce parti-pris fait que l’on va rapidement s’impliquer dans la construction de ceux-ci. Mais surtout, même en permettant à Sena, Raimon ou bien Hiruma d’avoir des techniques qui vont les hisser au sommet de cette compétition, la série va pourtant constamment garder cette envie de mettre à l’honneur la normalité de ces étudiants. Cela s’exprime autant chez nos fameux “trois frères” que dans des personnages comme Manabu ou bien Komusubi. Des joueurs qui sont loin d’être aussi impressionnants que leurs camarades et qui pourtant vont avoir leur moment de gloire à de nombreuses reprises. Ils ont beau faire face à des monstres, ils ne se démontent pas et montrent que même une personne ordinaire peut faire trembler des joueurs extraordinaires par le fruit de ses efforts. Qui n’a pas eu envie d’encourager Manabu quand il amène un incroyable retournement de situation dans un match endiablé ou bien en voyant Komusubi se relever malgré les blessures subies.
On ne peut s’empêcher d’avoir des frissons à leur contact alors que pourtant ce sont des gens comme tout le monde. En fait, la série réussit à rendre leur normalité extraordinaire, car elle est justement unique dans ce sport où les talents pullulent. C’est justement parce qu’ils se donnent à fond pour arracher une possible victoire que l’on est totalement hypnotisé par leur jeu. Face à des adversaires imposants ou bien affichant des capacités extraordinaires, ils montrent que l’effort peut aussi être une arme redoutable. C’est pour ça aussi que les phases d’entraînement sont aussi développées dans la licence et vont prendre une place importante dans la construction de ces joueurs. Il ne s’agit pas uniquement de faire une ellipse pour rapidement montrer le résultat de tout ça. Non, on va justement être plongé dans ces parties qui sont tout aussi importantes que les plus légendaires des matchs. Car oui, l’arc de la marche mortelle aux Etats-Unis revêt un tournant majeur dans le manga. Ils ont beau être ensemble dans cette épreuve, chacun va pourtant s’améliorer à sa manière. Mais ce qui se présente comme un défi infernal imaginé par un capitaine tout aussi démoniaque aurait très bien pu être la fin de leur aventure. C’est justement parce que ce moment les pousse dans leurs derniers retranchements que les Devil Bats vont pleinement montrer la beauté de ce courage qui les anime. Là où certains pensent de manière personnelle ou bien se concentrent avant tout sur leur propre ascension, ici c’est ensemble que nos joueurs vont progresser. S’ils ont chacun une voie à prendre, ils peuvent compter les uns sur les autres pour aller de l’avant. Pour avoir une chance de l’emporter, leur volonté est leur meilleure chance de progresser.
Une démonstration de l’effort face au talent
Comme j’ai pu le dire un peu plus tôt dans ma chronique, Eyeshield 21 est une œuvre qui, en effet, joue sur le côté grandiose de ses équipes, personnages et même techniques. Cependant, il est aussi fascinant de voir le message qui est amené derrière tout ce spectacle. Nous ne sommes pas uniquement dans la quête d’ascension des Devil Bats pour devenir les meilleurs. Il s’agit aussi d’une remarquable opposition entre des joueurs qui sont présentés dès le début comme des pros n’ayant plus rien à prouver et des étudiants ordinaires qui n’y connaissent quasiment rien à ce sport. Un décalage particulièrement puissant et qui va justement prendre tout son sens au fil des chapitres alors que l’on observe attentivement ces lycéens s’améliorer progressivement pour faire tomber un à un leurs adversaires. Une très bonne représentation de cette bataille est celle qui oppose notre équipe à Agon des Naga. Un joueur qui semble imbattable, qui ne se soucie même plus de s’entraîner et qui a une confiance aveugle dans le talent qu’il a reçu dès la naissance. Pourtant, alors qu’il montre toute sa force sur le terrain, le déroulement du match et le résultat final vont lui montrer que même un être sans capacités innées peut faire chavirer un prodige. Les exemples sont nombreux tout au long de cette épopée sportive et voir ce groupe qui part de zéro finir par atteindre les hautes sphères du football américain lycéen a quelque chose de grisant.
On nous montre que même si l’on n’a pas un don inné pour un domaine, si l’on est suffisamment déterminé à progresser et à s’entraîner, alors il n’est jamais impossible de réaliser ses rêves. Eyeshield 21 est un classique qui, en dehors d’être un formidable divertissement, véhicule des valeurs fortes. A la fois sportives et humaines, ces dernières peuvent totalement s’appliquer à la vie de tous les jours et à toutes les formes de passion. Sena, qui n’était qu’un étudiant ordinaire voulant se faire le plus petit possible, a pris confiance en sa vitesse et dans sa faculté d’endosser ce numéro si important pour son équipe. Un joueur qui ne brille pas uniquement par ses jambes, mais par tous les efforts accomplis pour enfin qu’il puisse aller sur le terrain à visage découvert, fier du chemin qu’il a parcouru. Et c’est exactement le cas pour chaque membre des Devil Bats. Ils ont tous fourni des efforts surhumains pour simplement être sur la ligne de départ en compagnie des autres équipes. Ce manga, c’est avant tout une fresque hypnotique nous racontant le combat d’un groupe d’élèves auquel on peut facilement s’identifier et qui décide de s’unir pour inscrire leur nom à jamais dans ce sport. Une saga qui offre une très belle leçon de vie et qui surtout a su transformer des êtres ordinaires en des personnages que l’on a envie de suivre autant dans leur évolution sportive que personnelle. Là où les autres semblaient avoir une longueur d’avance, notre regard s’est porté sur des adolescents partant de zéro et qui ont su rattraper progressivement ce retard. Une ode au dépassement de soi et à la camaraderie qui résonne encore aujourd’hui comme rarement des œuvres ont pu le faire.
J’espère en tout cas que cette chronique spéciale Eyeshield 21 vous aura plu. J’ai vraiment eu envie d’aborder ce point qui me semblait important étant donné ce que l’on retient le plus souvent de ce manga. Oui, la défaite d’Agon, le Devil Bat Ghost ou bien la baliste sont des moments forts de la série. Mais il est intéressant de voir comment tout ça fut construit pour que justement on soit autant captivé par ce qui se passe sur le terrain. Une épopée qui n’est pas faite uniquement de moments spectaculaires, mais aussi d’instants plus personnels où chacun grandit. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires votre propre ressenti d’Eyeshield 21 et ce qui vous a le plus fasciné dans l’évolution de ces personnages.