Bloumécia : une cité en larmes
A peine vous ai-je proposé le dernier numéro en date des focus sur les lieux emblématiques de Final Fantasy IX que voici déjà un autre article sur le sujet. En effet, j’avais déjà beaucoup de choses à dire sur les prochaines escales à venir de cette grande épopée. Alors que je vous avais laissé avec Lindblum qui était symbole d’espoir, c’est le chemin inverse que l’on va faire ici. En effet, cette fois nous allons nous rendre dans l’un des lieux les plus cultes, mais aussi les plus tragiques de ce neuvième opus. Un endroit qui va représenter un tournant dans cette épopée et qui va laisser le joueur profondément meurtri. Je parle bien sûr de Bloumécia, la cité que l’on ne connaîtra jamais du temps de sa gloire. Un endroit qui porte les stigmates de cette guerre qui vient tout juste de commencer sur ce continent et qui va mettre à feu et à sang l’ensemble de ces terres. C’est donc un article sous le signe de l’émotion, de la tristesse et des larmes que je vous ai préparé au vu de tout ce que va nous raconter cette ville ravagée et profondément meurtrie. Soyez prêts à retourner une fois de plus sous ces nuages portant toutes les larmes d’un peuple.
Des ruines à perte de vue
Avant même de parler de Bloumécia en elle-même, il est important de voir à quel point la construction de ce lieu ne se limite pas uniquement à notre visite de celui-ci. En fait, Squaresoft a tout fait pour préparer le bouleversement que l’on allait vivre dès Lindblum. Pour rappel, à ce moment précis de l’aventure, on ignore totalement la raison qui pousse à Branet à créer des mages noirs. Tous les dangers que l’on a pu vivre étaient avant tout focalisés sur notre groupe et donc d’une portée peu grande pour l’ensemble de ce monde. Mais dès l’instant où l’on va assister à la venue du soldat de Bloumécia à l’agonie dans la salle du trône de Cid, tout va basculer. Pour la première fois, on nous parle d’attaque de grande envergure et d’un conflit opposant deux peuples. De plus, on nous fait rapidement comprendre que c’est un véritable massacre qui s’opère au moment où l’on nous transmet ce message. Pour la première fois, on assiste à la disparition d’un personnage qui avait beau être une sorte de figurant a su marquer notre esprit. Quelques instants qui suffisent à nous ouvrir les yeux sur le cauchemar qui s’abat sur ces terres. Et plus on avance en direction de Bloumécia et plus l’angoisse qui assaille notre cœur se fait forte. Encore plus quand on traverse la caverne de Guismar qui va être un petit reflet de l’enfer qui frappe cette ville. D’ailleurs, il est impossible de parler de Bloumécia sans évoquer le court passage que l’on va faire dans cette grotte servant de lieu sacré, mais aussi de défense à ce royaume. On y débarque alors que les mages noirs sont en train d’éliminer tous les soldats restants. Le joueur est témoin d’un véritable massacre qu’il ne pourra pas arrêter.
La seule chose que pourra faire le groupe sera de venger ceux qui sont tombés au combat et ainsi montrer l’impuissance des héros face à ces événements qui les dépassent totalement. Et le pire, c’est de voir à quel point ce lieu hautement symbolique et éclatant finit par être souillé par les corps et le sang. Cela ne fait qu’ajouter encore plus de poids à l’horreur que l’on vit et qui, pour Branet, n’est rien étant donné qu’elles n’envoient que des “marionnettes” pour faire la sale besogne. Et si l’on garde un maigre espoir de voir Bloumécia tenir debout et se défendre corps et âme même après cette traversée tragique, la réalité va très vite nous rattraper. Tandis que l’on avance sur la carte en direction de cette cité que l’on n’a encore jamais vue, mais qui hante depuis des heures nos pensées, un sentiment d’étouffement s’empare peu à peu de nous. En observant les nuages et la pluie qui déferlent sur cet endroit, on sait inconsciemment que nos espoirs sont vains. Et il suffira d’un seul écran pour donner le ton de ce qui va nous attendre tout au long de notre exploration. Là où devait se trouver autrefois une ville glorieuse et splendide ne se tient plus qu’un champ de ruines. Accompagné de Freya, seule témoin de ce que fut autrefois Bloumécia, le joueur ne peut s’empêcher d’avoir des frissons d’effroi en voyant ce triste spectacle. Alors que la caverne de Guismar avait encore un peu de vie avec ces combattants luttant contre les mages noirs, ici ce n’est plus qu’une ville fantôme où la moindre existence semble avoir été effacée. Les seuls êtres qui sont présents dans ces rues sont ceux qui ont commis de telles atrocités. Des ennemis qui se sentent comme des conquérants et qui écrasent du pied tout un peuple et leur héritage.
Un ciel partageant la tristesse d’un peuple
A présent que l’on est pleinement au cœur de Bloumécia, il est vital de s’attarder sur un premier élément qui a son importance. Il s’agit tout bonnement de la pluie qui s’abat continuellement sur cette cité. En fait, on nous fait comprendre que ce n’est pas un phénomène unique dont on est témoin ici. Cette météo est constante pour les habitants de cet endroit qui ont toujours vécu sous un torrent plus ou moins fort. On pourrait donc se dire que cela fait partie intégrante du décor, mais le problème est que l’on n’a jamais vu Bloumécia au moment où la vie parcourait encore ses rues. La seule image que l’on a de cette zone est celle de ruines encore fumantes qui sont violemment balayées par cette pluie glaciale. Ainsi, cet élément, qui faisait partie intégrante de la vie de ces gens, prend une toute autre tournure. Tandis que l’on progresse lentement parmi ces décombres, ces gouttes d’eau rendent chaque pas encore plus lourd. A aucun moment on a le sentiment d’être face à un temps ordinaire. Au contraire, cette pluie battante se veut encore plus violente tant elle entre en résonance avec ce que l’on peut observer. Tandis qu’il n’y a que des cadavres et de la poussière autour de nous, ces sombres nuages sont là comme pour refléter la tristesse qui s’est emparée du peuple de Bloumécia. Le parallèle entre la pluie et des larmes versées est tout à fait compréhensible et c’est justement ce que le studio désire nous faire ressentir à ce moment. Ce n’est pas seulement de l’eau qui coule sur ce sol fissuré et le visage de nos protagonistes. Il s’agit aussi de toute cette détresse et cette fatalité qui ont rongé ceux qui ont lâché leur dernier souffle dans ce qui fut autrefois leur foyer. C’est pour ça que l’atmosphère est aussi oppressante dès que l’on entre dans cette capitale.
Accompagnée d’une musique déchirante, on veut nous faire pleinement ressentir, à travers chaque élément composant ce sinistre tableau, à quel point cette guerre a déjà fait des ravages. Et justement, tout notre voyage à Bloumécia va être là pour symboliser ce sentiment d’impuissance face à un conflit qui nous dépasse totalement. Nos héros ont beau faire de leur mieux et vont même réussir à sauver quelques vies, ils n’en restent pas moins que quatre individus face à une armée qui a déjà fait son œuvre macabre. Tout ce que l’on peut faire, à notre niveau, c’est de parcourir ces ruines en espérant trouver ne serait-ce qu’une âme à sauver tout en étant le témoin des souffrances engendrées. Jusqu’ici, les villes que l’on avait parcourues étaient synonymes de luxe, d’émerveillement ou de repos. Mais avec cette cité, c’est l’ensemble de cette épopée qui s’en trouve bouleversée. Finie la douce fantaisie qui pouvait nous accompagner en quittant la caverne de glace ou bien la chaleur des rues de Lindblum. Cette fois, nous sommes face à ce que l’être humain est capable de pire et tout va être minutieusement pensé pour créer cette colère à l’égard de Branet, d’Alexandrie et de ses soldats. En plus de ça, on pourrait croire que cette escale serait le summum de l’horreur de cette guerre, mais il n’en est rien. Ce n’est que le commencement d’une très longue bataille qui va engendrer bien plus de souffrances, de haine et de pleurs. Bloumécia est la première victime d’une longue série et qui va nous briser le cœur sans même que l’on soit arrivé au centre du conflit. En fait, la vue de cet endroit nous rappelle que même si nous jouons des héros, ils restent des êtres ayant des failles et qui ne peuvent malheureusement pas être toujours là quand le mal vient frapper à la porte des innocents.
Un silence de mort
Si l’on a pu aborder jusqu’ici notre rapport avec Bloumécia et le fait qu’elle restera à jamais gravée comme une ville meurtrie dans l’esprit du joueur, il est aussi nécessaire d’aborder plus en détails notre parcours au sein de ces ruines. Comme dit un peu plus haut, nous n’avons aucun moyen de savoir à quoi pouvait ressembler cette cité du temps de sa splendeur. Tout ce que l’on peut faire, c’est imaginer comment était la vie il y a encore peu ici avant que les feux de la guerre ne la ravagent. Et c’est quelque chose qui va brillamment se faire ressentir tout au long de notre exploration. On parcourt chaque plan de ce lieu en observant chaque élément composant ce sinistre décor. Là où l’on voit les restes d’un vieux marché piétiné par les mages noirs, on se met à imaginer comment celui-ci devait être animé autrefois. Pareil pour le temple que l’on visite et dont la grandeur qui devrait nous émerveiller finit par devenir pesant tant le silence qui règne nous déchire le cœur. En fait, toute cette partie du voyage va montrer le talent des développeurs pour stimuler notre imagination et surtout jouer sur nos suppositions. On a beau n’avoir plus aucun moyen pour connaître la Bloumécia d’autrefois, le fait de laisser le joueur dans ces vestiges avec pour seule compagnie un silence de mort nous pousse inéluctablement à imaginer. Et c’est pour ça que le silence est un élément primordial dans la construction de cette ville détruite. C’est elle qui pousse notre esprit à vagabonder vers tout un tas de scénarios possibles. En faisant ça, le joueur va autant tenter de s’imaginer une vision de Bloumécia plus chaleureuse qu’une sorte d’échappatoire à ce cauchemar qu’il vit en ce moment. C’est le cœur lourd que l’on avance et le fait de n’entendre aucun bruit est une tragédie, car cela témoigne qu’il ne reste plus une âme vivante dans cet endroit.
L’un des rares moments où cette ambiance se brise est quand il est possible pour Djidane et ses amis de venir en aide à une famille. Une scène vitale, car elle va autant nous donner le sentiment d’avoir au moins pu aider des survivants que nous rappeler notre propre impuissance de n’avoir pu faire que ça. C’est encore plus fort quand on sait que ce sauvetage peut être raté et donc amener un autre habitant à s’éteindre sans même que l’on soit forcément au courant. L’exploration de Bloumécia a pour principal but de renforcer cette colère que l’on a vu naître en nous dès l’instant où l’on a été témoin des atrocités commises par l’armée d’Alexandrie. Un lieu emblématique de ce neuvième opus qui va aller à contre-courant de ce que l’on peut entendre habituellement par ville dans un JRPG. En effet, quand on parle de cité, il est souvent question d’escale reposante servant aux protagonistes à se détendre, à faire des quêtes ou bien à faire le plein d’équipements. Mais là, on nous décrit une ville qui aurait pu endosser ce rôle, mais qui n’est plus qu’un donjon à ciel ouvert où chaque coin de rue cache un triste spectacle. Il ne s’agit pas ici d’un lieu que l’on va visiter à de nombreuses reprises. Bloumécia est le décor d’un seul passage qui va à jamais marquer l’esprit du joueur et des personnages. Une destination qui va autant offrir une toile de fond travaillée et réfléchie pour nous immerger pleinement dans cet enfer qu’être une victime de cette stupide guerre. Il ne s’agit même pas ici d’une ville conquise, mais d’un lieu rasé où se tient en son centre celle qui a causé tous ces malheurs et qui rit à gorge déployée de tout ça. On progresse parmi les fantômes de cette capitale dont les cris semblent résonner en nous alors que pourtant le silence et la pluie nous entourent.
Bloumécia témoigne de la guerre
J’avais très à cœur de parler de Bloumécia tout en craignant un peu l’écriture de cet article. La raison à ça est que l’on est, à mon sens, dans l’un des moments les plus forts de FFIX, mais aussi de toute la franchise. Il y a une si forte symbolique et d’éléments à analyser derrière cette ville que j’avais peur de ne pas réussir à tout retranscrire à la hauteur de ce que les développeurs ont su créer. Mais je ne pouvais pas ne pas parler de ce lieu si emblématique de la franchise tant il a su secouer mon cœur et amener cet épisode dans une toute autre dimension. En fait, même en parvenant à traiter de chaque détail de cette cité déchue, la claque ressentie ne peut l’être qu’en vivant directement ce pan important de l’épopée de Djidane. C’est à ce moment que notre voyage prend une tournure bien plus dramatique, tragique et déchirante. Derrière le côté coloré des personnages, la personnalité rayonnante de son protagoniste et les régions que l’on parcourt, FFIX est sûrement l’un des opus les plus sombres de la saga. Et Bloumécia est clairement le lieu qui va déclencher ce changement. On est devant l’exemple parfait d’une ville qui représente tellement plus qu’un simple arrêt que l’on va vivre pour discuter avec des personnages. Au contraire, tout y est vide, froid et terne pour coller à cette situation qui nous met mal à l’aise. En explorant cet endroit, on aurait aimé le voir sous son meilleur jour et malheureusement pour le joueur, il ne verra Bloumécia que comme un immense cimetière où la mort règne en maître.
Et d’ailleurs, cette capitale va aussi être le levier qui va déclencher un enchaînement de situations désastreuses et effroyables du fait du lancement de cette guerre. Mais surtout, Bloumécia va symboliser l’échec et le retard de nos protagonistes qui vont y connaître une défaite amère et brutale. A partir de cet instant, Djidane et ses amis vont se rendre compte que malgré toute leur bonne volonté, ils auront quasiment toujours un train de retard par rapport à cet enfer que la reine Branet a déclenché. Une triste vérité que vont apprendre les membres de ce groupe et le joueur dans les ruines fumantes de cette ville autrefois radieuse. Voilà pourquoi Bloumécia est une zone si importante dans FFIX. Elle contraste totalement avec ce que l’on a pu vivre jusqu’à ce moment de l’aventure et va être porteuse d’un message si déchirant. Le côté mignon et drôle vole en éclats pour ne laisser qu’un sentiment amère et un immense vide. Pour la première fois dans cette épopée, l’espoir disparaît en même temps que les cris de victoire d’une souveraine qui se délecte du malheur de tout un peuple. Et c’est alors que Djidane, Freya, Bibi et Kweena sont vaincus par Beate que va réellement débuter leur quête qui va les amener à lutter pour la sauvegarde de ce monde. Un nouveau point de départ qui se forme dans le sang, la pluie et le silence. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et qu’elle aura su mettre en avant ce lieu si chargé en émotions pour tous les joueurs ayant connu ce moment. N’hésitez pas à me dire si ce rendez-vous vous plaît toujours autant et si vous aimeriez que je le fasse pour