Tokyo Cannabis T1 : le désespoir d’un homme
Décidément, février est un mois qui fut particulièrement chargé en nouvelles licences. Alors que l’on se rapproche des derniers jours de celui-ci, on continue encore de découvrir tout un tas d’histoires inédites. Et certaines nous emmènent aux frontières de la légalité à travers leur scénario où un homme plonge dans le milieu criminel dans le but de préserver sa famille. Voilà le synopsis de Tokyo Cannabis, la nouveauté du catalogue de Kana, qui avait interpellé de nombreux lecteurs à son annonce. Très curieux de voir ce que ce titre pouvait proposer, je me suis penché sur ce premier volume et je dois dire que je suis très convaincu par ce que j’ai découvert. En prenant un sujet comme le cannabis au Japon et en y insufflant une dose d’humain, ce manga nous immerge dans une quête initiée pour de bonnes intentions, mais qui ne peut amener qu’à plus de destruction. Si le synopsis peut sembler être assez classique dans sa forme, c’est bel et bien dans son fond que celui-ci va se démarquer aux yeux du lectorat. Je vous emmène donc à la capitale au sein d’une boutique de fleurs qui va se lancer dans une toute autre affaire.
Des malheurs entraînant la chute
Synopsis
Morio Chitô tient un magasin de fleurs et vit avec son épouse et sa fille. Mais les revenus de la boutique sont maigres et sa femme est obligée de travailler à côté à temps partiel pour arrondir les fins de mois du foyer.
Lorsque son ami Kagayama apprend sa situation, il lui propose de se lancer dans un business qui rapporte : la culture du cannabis, une plante interdite par la loi…
Auteurs : Yûto Inai
Tokyo Cannabis n’est pas le premier manga qui cherche à nous faire suivre le parcours d’une personne juste et attachante dans un milieu criminel. Mais là où ce premier volume se démarque fortement, c’est dans la manière de l’amener jusqu’à ce carrefour de sa vie. Travaillant autant sur sa grande passion pour les plantes et son envie d’aider ses proches, on va être embarqué dans une chute infernale. En pensant trouver un moyen de s’en sortir et de sauver sa famille, il ne se rend même pas compte qu’il s’enfonce dans un marais pouvant l’absorber entièrement à tout instant.
Un choix dicté de bonnes intentions
Comme je l’ai dit un peu plus haut, Tokyo Cannabis est une œuvre dont le pitch initial peut sembler assez commun. Après tout, ce n’est pas la première série qui nous met au contact d’un personnage qui va progressivement perdre pied pour finir par plonger dans un milieu très loin de ce qu’il connaissait habituellement. Cependant, le manga va ici se démarquer sur le fond en nous proposant tout d’abord de suivre un fleuriste passionné par son métier et les plantes qui l’entourent. D’ailleurs, toute la première partie du tome est là pour que l’on s’imprègne totalement de ce bonheur qu’il a de s’occuper de son commerce et de la bonne ambiance qui existe au sein de sa famille. Et c’est justement fantastique de créer une atmosphère si chaleureuse d’entrée de jeu, car cela permet de s’attacher à ce lien qui unit ce père et ses proches. On va ainsi être beaucoup plus impliqué dans ce qui se passe par la suite. Car oui, on va progressivement se rendre compte que derrière cette quiétude se cache pourtant un certain mal-être venant du peu de revenus engendrés par la boutique de notre protagoniste. Le récit nous montre avec brio des problématiques bien réelles et concrètes pouvant parler à chacun et qui viennent confronter la passion de Morio à la dure réalité de cette vie. Et surtout, il va y avoir constamment cette comparaison qui va être faite avec les autres gens de la société. Une manière à la fois cynique et tristement vraie du comportement des gens à l’égard de ceux qui n’arrivent pas à s’en sortir.
Tout ça va donc créer un cercle vicieux qui va justement le pousser progressivement vers ce milieu que son ancien ami lui propose. Et si on est content de voir notre protagoniste résister au mieux pour ne pas avoir de problèmes, il va finalement être rattrapé par ce monde qui l’empêche d’offrir le meilleur à sa famille malgré sa passion pour son métier. Suite à tous un tas d’événements qui vont venir chambouler leur existence, on sent l’étau qui se resserre et surtout le poids qui pèse sur les épaules de cet homme. Le pire, c’est que l’on continue à voir une famille qui cherche à s’entraider dans l’adversité et c’est l’enchaînement de petits éléments qui va rendre cette lecture absolument brillante. Elle est le parfait reflet de ce que la société peut créer comme angoisse chez une personne ordinaire dont le seul rêve était de vivre de sa passion en veillant sur les siens. Totalement éreinté et mis plus bas que terre par cette existence qui ne lui laisse pas de répit, on est encore plus marqué par cette tentation qui s’offre à lui. Ce n’est pas qu’il est attiré de son propre fait par cette culture interdite, mais il est tellement acculé qu’il ne voit plus d’autres issues que celle-ci pour s’en sortir. Une œuvre qui va donc nous interpeller par la question qui est de savoir si oui ou non il finira par s’extraire de cette boucle et qui va brillamment créer une colère non pas à l’égard de ce fleuriste, mais de cette société qui l’a conduit jusqu’ici. Une bien tragique et sincère retranscription que même notre plus grande passion ne suffit pas forcément à être heureux et que face à l’adversité, il peut être malheureusement facile de succomber à certaines voies.
Ainsi, ce premier volume de Tokyo Cannabis parvient à nous mettre rapidement dans l’ambiance de la série et surtout à installer des bases solides pour la suite. On arrive à comprendre et l’on partage en partie la peine de ce père de famille qui cherche juste à protéger les siens du besoin. Mais aussi, on s’inquiète de le voir s’enfoncer dans une telle voie où il ne pourrait ne plus revenir dans le droit chemin. Tout est alors entre ses mains et l’on a envie de croire en lui tout en se demandant si ce business ne va pas le conduire à se mentir à lui-même. Une œuvre venant tout juste de planter des graines prometteuses.
Tokyo Cannabis entame sa culture
Comme j’ai pu le dire un peu plus tôt dans la chronique, Tokyo Cannabis parvient à se démarquer par sa manière d’utiliser la société comme véritable ennemi de notre protagoniste. En faisant tout pour nous faire adhérer à ce cocon familial si chaleureux malgré les problèmes financiers, l’auteur parvient à créer un sentiment d’injustice à l’égard de notre protagoniste, de sa femme et de sa fille qui désiraient juste vivre paisiblement. C’est finalement une succession de malchance, mais aussi le peu de présence de la part de ce monde, qui nous conduit inexorablement vers ce marché interdit. Et c’est là tout le génie de cette histoire qui nous donne le sentiment qu’il n’y a pas d’autre choix alors que l’on sait pertinemment que cela ne fera qu’amener encore plus de problèmes à notre personnage principal. On se retrouve face à une description très juste d’un homme qui perd pied et cherche juste à se raccrocher à la première branche qu’on lui tend même si celle-ci est déjà rongée par de nombreux vers. De même, tout est amené pour que ce choix difficile soit encore plus éprouvant, parce qu’il ne le fait pas uniquement pour son propre profit, mais pour aider sa famille. Comme le dit le proverbe “l’enfer est pavé de bonnes intentions” et le lecteur se met à craindre que celui-ci finisse par être véridique pour Morio. Une manière intelligente et très humaine d’amorcer ce qui va être le cœur de cette intrigue pour ensuite capter toute l’attention du lectorat pour les futurs tomes.
C’est donc un gros coup de cœur que j’ai eu pour ce début de Tokyo Cannabis qui a parfaitement su mettre en place son décor et les raisons derrière son scénario. En fait, le lecteur que l’on est va être tiraillé entre plusieurs sentiments. Il y a tout d’abord l’envie de croire que Morio parviendra à mettre sa famille à l’abri et à quitter ensuite ce milieu. Une autre facette va être de se questionner sur jusqu’où il ira au sein de ce commerce au vu de ses compétences et de son talent pour tout ce qui touche aux plantes. Et pour finir, on a aussi envie de savoir s’il parviendra à tirer son épingle du jeu face à ceux qui commencent à apparaître comme les principaux adversaires qui se dresseront sur sa route. Réussir à nous faire ressentir ça en seulement une introduction est un joli tour de force qui prouve que ce volume vaut le détour. Si vous cherchez une histoire aussi puissante sur le plan psychologique de son protagoniste que déchirante dans ce qu’elle raconte alors vous devriez trouver ici votre bonheur. A présent, voici quelques questions qui me restent en tête maintenant que je clôture cette première partie. Est-ce que Morio va finir par devenir une légende de ce milieu ? Quels autres ennuis vont se présenter à lui au vu de ce qu’il s’apprête à faire ? Son ancien meilleur ami est-il vraiment une personne digne de confiance ? Comment va réagir sa famille face à son changement de comportement ? Il me tarde déjà de me plonger dans la suite de cette aventure.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Tokyo Cannabis. Trouvez-vous que le titre retranscrit bien à quel point une personne peut perdre pied quand le désespoir vient frapper à sa porte ? Etes-vous intrigué de voir à quel point notre protagoniste va se lancer dans ce business ? Pensez-vous qu’il a encore une chance de faire machine arrière ? Est-ce que ce premier volume a su montrer, selon vous, le dilemme qui s’impose à notre fleuriste pour préserver sa famille ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.