Danzai Lock T1 : une justice implacable
L’année est déjà bien avancée et l’on ne compte plus le nombre de nouveautés que l’on a déjà pu découvrir. Une grande diversité qui montre aussi la capacité du medium à nous proposer des histoires toujours plus variées et intéressantes. Mais il est vrai qu’au milieu de toute cette masse, il peut être difficile de sortir du lot. Cependant, il arrive que l’on tombe sur une œuvre qui nous interpelle par ce qu’elle laisse miroiter avant de découvrir à quel point elle est capable de nous emporter dans son récit. C’est exactement le cas pour le titre dont je vais vous parler aujourd’hui et qui nous vient tout droit du catalogue de Doki-Doki. Il s’agit du premier volume de Danzai Lock qui vient tout juste de sortir. J’ai pu me faire une excellente idée de cette lecture au départ en m’attardant sur le premier chapitre disponible. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela a largement suffit pour me donner envie de lire l’ensemble de cet ouvrage. Finalement, après avoir pris le temps de le savourer et de l’analyser, j’ai été bluffé par tout ce que ce premier acte offre. Une aventure à la fois bien pensée, sombre et pertinente dans le traitement de ses thèmes. Il est donc temps que je vous partage mon avis sur cette introduction qui nous amène dans une prison bien particulière.
La mort appelle la mort
Synopsis
Dans ce monde qui pourrait être le nôtre, toute personne qui cause le décès d’un tiers est automatiquement condamnée à mort. Et cela, qu’il s’agisse d’un meurtre prémédité, d’un homicide involontaire ou de légitime défense. Les coupables se voient attribuer un nombre d’années restant à vivre et sont envoyés dans le 6e district carcéral.
Dans cette ville à part entière, tous les moyens sont bons pour gagner quelques minutes supplémentaires de vie… L’arrivée de Yûshin, un intrigant moine censé soulager les âmes, confronté à Kunoji, un mystérieux bourreau veillant sur une adorable petite fille, va bouleverser ce monde où règnent crimes et châtiments !
Mangakas : Yasuko Kobayashi & Masaki Nonoya
Rien qu’avec le contexte initial que nous présente Danzai Lock pour son histoire, le titre parvient à capter notre attention. Un synopsis qui nous laisse présager d’une aventure sombre et même possiblement sordide avec cette immersion dans un milieu carcéral très différent de ce que l’on peut connaître ou voir. Avec des règles bien spécifiques introduites dès le départ, ce manga va rapidement poser sa toile de fond pour créer une intrigue qui va nous prendre aux tripes. Avec un seul volume, la série va ainsi nous présenter avec brio tout ce qui façonne cet univers et surtout la puissante dualité qui va unir nos deux protagonistes.
Une plongée dans une boucle sans fin
Si le scénario de Danzai Lock est un point fort que je vous laisserais découvrir étant donné qu’il réserve d’emblée pas mal de surprises, je tenais à m’attarder avant tout sur tout ce qui englobe cette intrigue. En effet, ce manga est, selon moi, une très belle preuve de réussite en matière de construction globale d’un univers autant dans ses règles, ses thématiques et ses personnages. Tout d’abord, l’idée de nous emmener dans une société où le meurtre, sous toutes ses formes, est condamné à la peine capitale est ingénieuse. Car si l’on peut comprendre que celui qui a commis un tel crime soit puni en conséquence, il y a aussi un sentiment d’injustice qui va s’opérer à l’égard de ceux pour qui ce fut un accident ou bien de la légitime défense. Un verdict déjà décidé à l’avance peu importe l’implication de l’accusé et ses motivations. En un sens, cela vient amener une sorte de justice implacable et pourtant loin d’être équitable. Ainsi, c’est toute une réflexion qui va être construite autour de ce système tout en amenant devant nos yeux des histoires tragiques de vies brisées par le simple fait qu’une personne a cherché à se défendre. De même, le fait que l’on axe avant tout cette histoire autour du meurtre et de ses répercussions va aussi entraîner de nombreuses représentations réussies du poids que cela peut être d’avoir arraché une vie surtout quand cela fut un accident. Nous ne sommes donc pas uniquement face à des monstres assoiffés de sang, mais aussi à des malheureux qui attendent la fin en tremblotant d’avoir causé une telle perte.
Si tout ça est déjà remarquablement bien intégré dès ce premier volume, il faut aussi parler de tout ce fonctionnement qui s’opère au sein de la prison avec cette notion de temps qui est à la fois une épée de Damoclès, une monnaie d’échange et un moyen de survivre. On nous montre que même s’ils sont condamnés, ces prisonniers ont encore une possibilité de retarder l’inévitable au sein de ce district carcéral que ce soit en travaillant, en s’adonnant à certains jeux d’argent ou par d’autres moyens loin d’être légaux. On fait face alors à une sorte de mini-société au sein de cet environnement et qui n’a plus rien à faire avec le monde extérieur. Des prisonniers qui sont à la recherche constante de temps et qui retrouvent ici un faux-semblant de vie pour mieux les tromper ou se jouer d’eux. C’est remarquable d’avoir su implanter ça sans que cela ne soit trop lourd en un seul volume et c’est loin d’être tout. Le tandem que l’on va suivre va aussi avoir un rôle crucial dans l’attrait que l’on va avoir pour cette œuvre. D’un côté, on a Yûshin, un moine chargé de veiller sur ces prisonniers et de les guider vers leurs derniers instants pour les apaiser. De l’autre, Kunoji qui n’est autre que le bourreau de cet endroit et qui est synonyme de fin pour ceux qui le croisent. Si on peut initialement penser qu’ils symbolisent l’ombre et la lumière du fait de leur rôle respectif, l’autrice va justement prendre à contrepied cette idée. En fait, tout va se jouer sur une incroyable dualité entre les deux. Le prêtre se présente comme un homme n’ayant aucune pitié pour ces criminels tandis que le bourreau est celui qui fait preuve de clémence et de respect. Une opposition qui va rendre ce duo brillant et qui ne va pas se jouer uniquement sur le conflit au niveau de la personnalité, mais aussi avec eux-mêmes et ce devoir qui est le leur. Tous ces éléments forment alors un ensemble absolument fascinant qui nous tient en haleine et va construire toute une intrigue utilisant à merveille l’ensemble de ces facettes.
C’est une incroyable surprise que nous offre Danzai Lock autant dans son écriture que dans le décor qui prend forme devant nous. Tout est bien pensé pour apporter quelque chose à ce scénario et surtout appuyer chaque thème abordé durant ce premier volume. On est alors littéralement emporté dans le quotidien de ces prisonniers, de ce prêtre et du bourreau qui va nous réserver bon nombre de rebondissements et surtout un environnement aussi tragique que fort. Une œuvre qui nous fait réfléchir sur la culpabilité, le remords, la colère et le désir de vengeance pouvant guider les pas de n’importe qui. Derrière la fiction de cette histoire se trouve aussi une volonté de retranscrire certaines facettes de l’être humain.
Danzai Lock rend son verdict
Comme j’ai pu le dire à plusieurs reprises au sein de cette chronique, j’ai été bluffé par le travail de l’artiste pour créer un univers qui soit riche, logique dans sa diégèse et prenant dans ce qu’il nous raconte. On est autant attiré par tout ce qui se dessine autour de nos protagonistes que cette épopée en elle-même. Et surtout, tout est construit de manière fluide sans que l’on n’ait jamais l’impression que ce soit forcé ou lourd dans la narration. Au contraire, tout s’imbrique parfaitement et il suffit simplement d’un seul chapitre pour parfaitement cerner ce qui nous attend en matière d’environnement et des règles dictant la vie au sein de Danzai Lock. En outre, il y a aussi une forte volonté de nous faire réfléchir sur la notion de justice et surtout à quel point la haine, la colère et la tristesse peuvent engendrer un cercle sans fin de représailles. C’est remarquablement bien représenté par le prisme de notre moine qui semble se satisfaire des souffrances ressenties par ces condamnés dont le temps est venu. On assiste même à des scènes particulièrement dures qui vont appuyer la noirceur de cette histoire et de ce lieu qui engloutit tous ceux qui finissent entre ses murs. Il est aussi important de souligner que la série est présentée comme se voulant courte et que cela colle très bien au rythme que l’on peut avoir dès cette introduction. Un début qui ne perd pas de temps et qui arrive à trouver un juste équilibre entre une narration effrénée et une écriture efficace de chaque élément de cette pièce.
C’est donc un immense coup de cœur que j’ai eu pour ce premier contact avec Danzai Lock. Tout est juste et je suis encore fasciné de voir à quel point cette lecture peut autant s’apprécier pour ce qu’elle raconte au premier plan que pour toutes ces symboliques et représentations qui forment les diverses couches de cette fiction. On peut autant profiter de cette nouvelle aventure pour l’intrigue qui se dessine devant nous que pour tout ce qu’elle nous apporte en matière de réflexions et de contraste autour de ses nombreux sujets. Voilà un manga qui semble savoir où il va dès le départ et qui façonne son récit avec des bases solides et où chaque petit détail va renforcer notre attrait pour la série. Si vous appréciez les œuvres qui traitent de justice, de l’être humain et même de la mort, alors vous pourrez facilement être conquis par ce premier acte. Evidemment, j’ai plusieurs questions qui me viennent à l’esprit maintenant que je referme ce volume. Qu’est-ce qui attend ce binôme au sein de cet endroit qui cache son atmosphère macabre derrière une façade attirante ? Leur collaboration permettra-t-elle de changer ce prêtre et ce bourreau ? Quels sombres secrets peuvent se dissimuler au sein de ces sinistres ruelles ? Est-ce que cet univers proposé va-t-il continuer à nous surprendre ? J’ai déjà très hâte de voir ce qui nous attend pour la suite avec un second tome qui s’annonce déjà prometteur.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Danzai Lock. Trouvez-vous que le titre propose des idées intéressantes autour de la notion de justice, de crime et de peine ? Appréciez-vous la dualité qui s’opère autour de nos deux protagonistes autant dans leur personnalité distincte que dans leurs rôles ? Pensez-vous que cette aventure peut amener de pertinentes réflexions autour de ce contexte et du destin de ces prisonniers ? Est-ce que vous trouvez que ce récit est propice à une courte et intense histoire ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© Yasuko Kobayashi, Masaki Nonoya / Kodansha Ltd.