Clayra : un sanctuaire victime de la guerre
On se retrouve aujourd’hui pour repartir en expédition en allant visiter un autre lieu emblématique de Final Fantasy IX. Après avoir évoqué le cas très particulier de Tréno précédemment, j’ai repris le cours de cette épopée qui va renouer avec cette trame narrative où le conflit fait rage sur ces terres. En effet, cette fois on retrouve le groupe de Djidane tandis qu’il quitte Bloumécia pour ce qui est sûrement le dernier refuge des survivants de ce peuple : Clayra. Cet endroit est loin d’être anodin, car il s’agit réellement du dernier lieu emblématique de ce premier continent qui soit habité. Mais surtout, il s’agit d’un symbole très fort de ce que cette guerre va provoquer et où l’on va être directement le témoin des atrocités commises par Branet. Je vous propose donc une virée en deux temps, car notre escapade au sein de cet impressionnant arbre va réellement proposer deux parties bien distinctes. Le chemin est long pour espérer atteindre le sommet et découvrir ceux qui y habitent. Une ascension qui amène le joueur jusqu’à une sublime ville qui connaîtra malheureusement un triste sort. Soyez donc bien accroché, car cette fois on va décortiquer Clayra et ce qu’elle nous raconte.
Une ascension éprouvante
Avant toute chose, il est important de remettre en place le contexte dans lequel on se dirige vers Clayra. Alors que l’on a connu une amère défaite au sein des ruines de Bloumécia, Djidane et ses amis décident de poursuivre les troupes de Branet qui se dirigent maintenant vers le dernier bastion du peuple de Freya. Se trouvant non loin de la cité où il pleut constamment, notre premier contact avec cette fameuse cité est pour le moins atypique. En effet, nous avons devant nous un immense arbre qui est dissimulé derrière une impressionnante tempête de sable. Débute alors une éprouvante montée pour atteindre les habitants qui se trouvent à la cime de ce lieu. Et là, on touche déjà à un point essentiel de l’identité de Clayra. Jusqu’à maintenant, les grandes villes que l’on a pu parcourir ont toujours été accueillantes dans un certain sens et reposantes. A aucun moment il n’y a eu de combats au sein d’une cité de manière délibérée mise à part Bloumécia du fait que l’on est plus devant des ruines encore occupées par l’armée d’Alexandrie. Mais là, pour atteindre ce fameux sanctuaire, il faut montrer que l’on est capable de surmonter tous les obstacles présents pendant notre ascension. Un endroit qui n’ouvre ses portes qu’à ceux qui parviennent à surmonter ce donjon naturel que forme le tronc de cet arbre. On pourrait alors penser qu’il s’agit d’un passage qui sert seulement de mise en jambe afin d’entraîner son équipe et d’ajouter un peu d’adversité à leur périple. Pourtant, toute cette section précédant notre visite dans cette cité contribue à créer l’identité de cette dernière. Ici, nous sommes face à un lieu qui s’est totalement coupé du reste du monde, et même de leurs congénères de Bloumécia.
Dans le but de ne pas voir interférer des forces étrangères, les habitants de ce lieu ont justement misé sur toutes ces défenses. S’il y a bien sûr des monstres faisant partie de l’habitat formé par Clayra, il y a aussi nombre d’éléments qui montrent qu’il y a une implication de ce peuple pour façonner ce système de défense. On peut par exemple citer les étranges golems qui s’éveillent à l’approche d’intrus. Pareil pour la tempête de sable qui est loin d’être naturelle. C’est grâce à un rituel du peuple de Clayra que celle-ci est là pour cacher cet arbre des yeux du reste du monde. Et donc, pour le joueur, il s’agit avant tout de montrer qu’il est digne d’accéder à cet endroit si bien gardé. Toute la partie se situant à la base du tronc de Clayra fait partie intégrante de notre visite de ce lieu. On gravit avec difficulté ce gigantesque arbre en se demandant quand est-ce que l’on atteindra enfin le sommet. Et cela va avoir un autre effet considérable. Au fur et à mesure des combats et autres pièges évités, notre envie de découvrir à quoi ressemble ce sanctuaire grandit. Les efforts fournis nourrissent notre désir d’atteindre cet objectif et d’espérer que la récompense en vaut la chandelle. Dans toutes les autres villes que l’on a pu visiter jusqu’ici, nous étions quasiment invités à y entrer. Ici, il faut le mériter et c’est donc un tout autre but qui est recherché en plus d’accentuer la notion de danger qui plane sur cet endroit. On veut rapidement monter pour venir en aide à ceux qui luttent contre Alexandrie. Et c’est aussi pour ça que les souvenirs de Bloumécia du joueur vont le pousser à se surpasser afin que cela n’arrive plus. Et une fois que l’on monte la dernière marche, on peut alors s’extasier devant le spectacle qui s’offre à nous.
Le calme avant la tempête
Il est grand temps maintenant de s’attaquer au cœur du sujet à savoir les premiers pas que l’on fait au sein de Clayra. Quand on pose les yeux sur ce lieu, on va être émerveillé par l’apaisement qui semble en ressortir. Il y a beau y avoir une menace considérable qui plane sur eux, ce village respire une forme de sérénité qui donne l’impression que rien ne peut arriver. De même, l’architecture se fonde à merveille avec la nature propre à cet arbre pour un résultat jouant sur cette communion avec les éléments. On parcourt ces quelques ruelles qui peuvent donner le vertige tant on est aussi en contact du vide qui nous sépare du sol. Tout semble si onirique que l’on a du mal à croire que la guerre approche. Et c’est justement un point très important de Clayra. On veut nous dépeindre celle-ci comme un refuge pour ceux qui ont fui Bloumécia, mais aussi comme un endroit reculé où les gens vivent en autarcie. De même, il y a aussi une forte composante religieuse propre aux coutumes de ce peuple et qui est très présente lorsque l’on explore l’endroit. Entre les nombreux prêtres, le temple qui trône au sommet de l’arbre, et même la confiance dans leur rituel de protection, on est témoin d’habitants qui sont confiants dans ce qu’ils ont pu créer jusqu’ici. Et à ce moment précis de l’aventure, on profite de cette accalmie tant qu’elle est possible, car on n’oublie pas pour autant le cauchemar dont on a été témoin un peu plus tôt. C’est justement en ressassant ça que l’image rayonnante de cette ville nous touche profondément. On a envie de tout faire pour la protéger ainsi que les gens qui y vivent face aux ambitions d’une seule personne. Et si notre escale à Clayra va être quelque peu bousculée suite à l’incident du Fourmilion, une grande partie du séjour va être sous le signe du repos avant la tempête.
Mais cela ne signifie pas pour autant que l’on est face à une cité qui semble distante par rapport à la menace qui se profile au loin. Après tout, les survivants de Bloumécia sont aussi présents et vont servir à rappeler à chacun ce dont ils ont été témoins et ont vécu. D’ailleurs, cela donnera à une scène particulièrement forte et tragique où Bibi sera pris pour cible étant donné qu’il est lui aussi un mage noir sans que les autres ne cherchent à comprendre qu’il n’a rien avoir avec tout ça. Ainsi, le joueur et les protagonistes sont plongés dans une atmosphère singulière. Un mélange étonnant, mais qui va consolider notre envie de protéger ce lieu. Il s’agit de cet équilibre qui est trouvé entre la quiétude de cette zone et le climat lourd qui pèse sur tous ces gens qui savent que le pire est à venir. L’image du sanctuaire n’a jamais aussi bien été représenté qu’avec Clayra autant par son envie d’être coupé du reste du monde que par la paix qui y règne. Un lieu où il fait bon vivre pour ceux qui se sont acclimatés à cet environnement particulier et qui dégage une aura apaisante rien qu’en contemplant cet impressionnant paysage que l’on peut admirer de tout là haut. Une sorte de joyau à préserver à tout prix, mais qui va aussi progressivement perdre de sa splendeur au fur et à mesure que l’ombre d’Alexandrie la recouvre. Nous ne sommes pas ici dans une région qui cherche à nous montrer l’étendue de ses richesses ou à nous en mettre plein les yeux par des bâtiments majestueux. Ici, c’est la simplicité de Clayra qui rend ce lieu aussi magique. Un endroit où l’on communie avec la nature et où l’instant présent est ce qu’il y a de plus précieux. Mais à l’image de Bloumécia qui fut ravagé par cette puissance étrangère, Clayra va aussi faire face à un funeste destin qui est peut-être encore plus marquante pour le joueur par rapport à certaines raisons.
Un arbre consumé par les flammes de la guerre
Il est évidemment impossible de parler de Clayra sans évoquer le tournant majeur que va connaître cette ville. Alors que l’on sait pertinemment que les troupes d’Alexandrie sont en approche, beaucoup pensent que la tempête de sable va protéger cet arbre de toute intrusion. Pourtant, il suffit d’une apparition de Beate pour venir dérober la pierre permettant à ce bouclier de disparaître. Dès lors, c’est le chaos qui s’installe tandis que les amazones et autres mages noirs commencent à se hisser jusqu’au sommet. Il n’est plus question ici de profiter du cadre idyllique que nous offre ce paysage. Le joueur connaît le danger qui frappe à la porte de ces gens et se lance dans une course contre la montre pour protéger ce qu’il est encore possible de sauver. Ainsi, tout ce passage va basculer dans une profonde tension pour cette équipe qui ira jusqu’à redescendre de Clayra pour endiguer l’avancée des soldats adverses. Et là, on touche à quelque chose de très intéressant et représentatif du contexte proposé par ce neuvième opus. Sans crier gare, ce qui nous paraissait être un havre de paix il y a seulement quelques minutes a fini par se transformer en un vrai champ de bataille. Jusqu’ici, nous n’avons jamais été en contact direct avec la guerre. Même à Bloumécia, Djidane et ses amis étaient arrivés après la bataille et se confrontaient avant tout aux troupes restantes au sein des décombres. Cette fois, le groupe et le joueur sont directement impliqués dans la défense d’un lieu face à une marée que rien ne semble stopper. On lutte de notre mieux pour gagner quelques précieuses minutes aux survivants pour se mettre à l’abri.
Le studio va même nous mettre dans une position délicate en nous demandant de diriger certains habitants en lieu sûr en sachant qu’il est tout à fait possible de ne pas sauver tout le monde. Cela ajoute encore plus de poids sur nos épaules quand on comprend que la moindre erreur peut être fatale pour ces innocents. Et malgré tous nos efforts, on ne pourra empêcher l’inévitable. Mais là encore, Squaresoft n’a pas cherché à nous conter une victoire classique de la part d’Alexandrie. Au contraire, on veut nous présenter Clayra comme le symbole de la folie destructrice de Branet dans son désir de conquête. Elle ne va pas hésiter un seul instant à faire appel à la chimère Odin pour non pas prendre possession de la région, mais pour tout bonnement rayer de la carte ce gigantesque arbre. La scène cinématique qui en découle est particulièrement forte, car on y voit la représentation du dieu suprême de la mythologie nordique apparaître sur son destrier et préparer sa lance. Comme un cavalier de l’apocalypse venant sonner le glas de tous ceux qui vivent en bas, il tend son bras pour armer son tir avant de lancer ce qui sera le point final de Clayra. Jusqu’au bout on se dit que cela n’est pas possible et pourtant on assiste médusé et impuissant à la destruction totale de ce lieu que l’on cherchait à protéger. Si Djidane et ses compagnons parviennent à échapper in extremis de cette ville avant l’impact, ils restent sans voix devant ce qui se passe. En une fraction de seconde, ce symbole de la nature a disparu sans laisser la moindre trace derrière lui mise à part un immense cratère. Clayra, qui était si belle et reposante, n’existe plus et est alors une étape qui va appuyer l’horreur de cette guerre qui ne cherche même pas à annexer, mais à annihiler entièrement les ennemis désignés par Branet. Une page éprouvante qui se tourne et qui nous met directement en contact avec ce désespoir qui frappe ce monde que l’on pensait magique lors de nos premières heures de jeu.
Clayra, une beauté éphémère et inoubliable
Nous approchons déjà de la conclusion de cette chronique et j’ai le sentiment qu’il y a encore tant à dire sur Clayra. J’ai évoqué par le passé à quel point Final Fantasy IX pouvait se montrer violent dans ce qu’il raconte et son traitement de la guerre et des horreurs qui y sont liés. C’est par exemple le cas pour Lindblum ou même Alexandrie qui sera aussi impactée par la croisade menée par Branet. Mais Clayra marque un tournant majeur dans l’expérience du joueur au même titre que Bloumécia. Si la cité de la pluie éternelle avait totalement fait basculer le récit dans le drame géopolitique et une importante critique du pouvoir en place représenté par cette reine rongée par l’ambition, le village au sommet de l’imposant arbre va aussi avoir son impact. Car oui, nous sommes ici un témoin direct de la destruction que laisse cette armée derrière elle. Cette fois, nous ne pouvons détourner les yeux de ce qui se passe et le studio veut justement que l’on observe ça en ayant ce sentiment d’impuissance et d’effroi qui nous assaillent. On veut, à travers ce passage de l’aventure, renforcer notre désir de mettre un terme à tout ça sans savoir que cela n’est que le début d’une longue succession de destructions qui va frapper chaque ville de ce continent. Clayra fut autant un lieu qui a su apaiser le cœur meurtri de nos héros et du joueur qu’un pieu enfoncé dans celui-ci par Branet et ses sbires à travers cette chimère délivrant son courroux. Ce n’est même plus des ruines qui se tiennent devant nous comme ce fut le cas pour Bloumécia. Il n’y a plus rien à reconstruire là où se tenait Clayra.
Une représentation de la communion qu’il peut exister entre l’homme et la nature, mais aussi à quel point le premier peut aussi être l’élément de sa propre destruction. C’est ce que je trouve captivant en analysant et en observant ces lieux emblématiques qui ponctuent notre épopée. On a beau parfois ne pas se rendre compte de tout ce qui nous est transmis à travers des paysages, des maisons ou une architecture, ces endroits réussissent pourtant à s’ancrer dans notre esprit comme des escales qui ont su laisser une trace chez le joueur. Et cela peut être pour des raisons totalement différentes les unes des autres. Clayra fait ainsi partie de ces endroits légendaires de Final Fantasy IX et dont nous ne pouvons profiter qu’un court instant de sa tranquillité avant de lui faire nos adieux, les yeux embués de larmes. J’espère en tout cas que vous aurez apprécié cette nouvelle chronique et qu’elle vous aura donné un autre regard sur cette ville perchée quasiment dans les nuages. J’apprécie énormément vous délivrer ce type d’articles et vous pouvez être sûr que l’on va s’attarder sur bon nombre d’autres régions de cet épisode et possiblement sur d’autres sagas vidéoludiques.