Kyûki no Adabana T1 : au mauvais endroit, au mauvais moment
J’ai déjà pu l’évoquer à plusieurs reprises, mais tout ce qui touche au domaine des esprits, mythes et divinités offre énormément de créativité aux artistes pour donner vie à des histoires captivantes. En réalité, il existe énormément de possibilités de traiter ce thème tout en parvenant à proposer une certaine originalité ou attrait propre au manga lu. La question est justement de savoir comment trouver ce petit truc qui peut réussir à accrocher notre regard pour nous donner envie de lire la suite. C’est ce que l’on va voir aujourd’hui avec le titre du jour provenant de chez Meian. Il s’agit de Kyûki no Adabana, une nouveauté récente de l’éditeur, dont j’étais intrigué de voir ce qui pouvait se cacher derrière cette couverture attrayante. En me plongeant dedans, j’ai pu découvrir un récit prometteur et qui confronte un jeune garçon ordinaire à un monde qui est totalement irréel uniquement à cause d’une particularité. Une immersion pouvant le conduire à de graves dangers, mais aussi à des rencontres formidables. Soyez donc prêts à faire vous aussi votre entrée dans le royaume des kamis où il est difficile d’en réchapper.
Un voyage au pays des divinités
Synopsis
Haru Tamaki est un garçon capable de voir et de parler avec les » kamis « , les innombrables divinités qui peuplent le Japon. Un jour, il fait la rencontre de Kazura, un kami de la pauvreté, et alors qu’ils se rendent dans un sanctuaire de mauvais augure, ils se font tous deux avaler par un trou béant apparu de nulle part… À son réveil, Tamaki découvre qu’il a atterri au » Takama-ga-hara « , le royaume des kamis…
Mangaka : Tsugaru Toba
Ce qui peut à la fois être intéressant et en même temps déroutant dans ce synopsis est la part importante de termes liés au folklore japonais. Si l’on ne connaît pas forcément tous les détails se cachant derrière ces mots, on peut sentir que notre jeune héros va se retrouver dans une aventure qui le dépasse. Devant survivre à tout prix et fuir sans se faire remarquer, ce récit va alors nous plonger dans ces mythes du Japon tout en les traitant d’un point de vue très humain. En débarquant sur leurs terres, Haru s’apprête à découvrir que ces êtres célestes sont loin d’être miséricordieux.
L’humain parmi les dieux
Quand on commence Kyûki no Adabana, on a le sentiment d’être dans un schéma assez classique. Après tout, il n’est pas rare d’avoir des œuvres qui nous mettent au contact d’un protagoniste ayant la capacité de voir les esprits contrairement à ses camarades et aux gens qui gravitent autour de lui. Mais progressivement, on se rend compte que le titre va chercher à proposer quelque chose d’assez différent de ce que l’on a habituellement. Au lieu de nous faire rentrer très vite dans le cœur de l’action, ici tout est plus lent. On nous montre que même s’il désire mener une vie normale et fait de son mieux pour éviter tout contact visuel avec ces êtres surnaturels, Haru ne peut s’empêcher d’agir quand quelqu’un lui semble en détresse. Et cela inclut aussi ces entités quitte à ce qu’il finisse par se retrouver impliqué dans des affaires qui peuvent le dépasser. Et finalement, son attitude à toujours agir quand il sent un appel à l’aide va nous permettre de faire connaissance avec bien des kamis loin d’être aussi dangereux que l’on pourrait le supposer. Ils ont beau avoir des facultés hors du commun, au contact de notre protagoniste nous les voyons avant tout comme des êtres qui peuvent aussi avoir leurs failles et blessures. C’est par exemple très bien représenté dans les premières pages de ce premier volume. Cela va avoir pour effet de nous donner envie de nous rapprocher d’eux alors que cela signifie aussi se mettre potentiellement en danger. Haru est en réalité un pont reliant le lecteur à ces créatures célestes afin de mieux les comprendre et ainsi d’entrevoir leur véritable nature.
Au même titre qu’il existe de nombreuses nuances chez les humains, il y a des tonnes de kamis différents. Et c’est justement dans cette différence que le titre va se démarquer tout juste après que le déclencheur scénaristique va amener notre jeune héros dans ce monde réservé aux divinités. En effet, accompagné de Kazura, on va le voir totalement déboussolé et surtout ouvrir les yeux sur le fait que les kamis sont loin de vivre comme les humains. Ils ont leur propre société avec leurs règles et leurs coutumes. Et tout en cherchant à fuir ce lieu avant d’être traqué par ses habitants, cette escapade va être l’occasion de nous en dévoiler un peu plus sur leur mode de vie. Et finalement, même en faisant en sorte de symboliser l’écart entre humains et divinités, on voit aussi à quel point ces derniers ont aussi besoin d’un cadre pour évoluer et surtout ont aussi leurs problèmes qui amènent un visage à l’opposé de ce qu’on pouvait s’attendre d’eux. Ils ont beau être dangereux, on cherche aussi à nous faire comprendre que c’est l’ignorance à l’égard de l’autre qui crée aussi cette peur intrinsèque à l’égard de ces divinités. Evidemment, elles sont présentées comme supérieures à l’être humain, mais sont aussi des entités bien plus complexes que des personnalités qui jouent avec le monde des vivants. Et c’est ce que j’aime par-dessus tout dans cette lecture, car elle nous immerge totalement dans cette découverte de cet autre monde tout en gardant en tête l’aspect divertissement en créant une tension palpable.
Pour ma part, je trouve que Kyûki no Adabana parvient à traiter des mythes et divinités du Japon avec beaucoup d’élégance. Nous ne sommes pas dans le récit qui cherche absolument à délivrer de l’action ou bien à nous faire ressentir une panique à l’égard de cet environnement pouvant être hostile. On veut autant nous donner envie d’en apprendre plus sur ces entités divines que de s’éloigner d’elles. Un contraste qui va faire tout l’intérêt du manga en plus de nous proposer des personnages très loin d’être manichéens et qui ont chacun leur combat à mener pour avancer.
Kyûki no Adabana entame son voyage
Au final, Kyûki no Adabana prend un chemin assez particulier. Habituellement, c’est le surnaturel qui s’invite dans le monde réel quand il s’agit de yôkai, esprits ou autres divinités. On a donc toujours un point de vue ancré dans notre quotidien de cette intrusion de l’imaginaire. Mais là, c’est l’opposé qui se passe. Si l’on débute l’aventure dans un Japon contemporain, il ne faut pas longtemps pour que ce soit ce qui est qualifié de “normal” qui fasse irruption dans le monde fictif de ces kamis. C’est donc Haru qui devient l’intrus et non l’inverse ce qui amène un tout autre prisme qui n’en est pas moins captivant. Justement, ici la banalité est proscrite et la discrétion est de mise jusqu’à ce qu’il puisse retrouver le chemin de son foyer. Mais en infiltrant ce terrain interdit à toute autre espèce, il nous permet d’avoir un oeil sur ce quotidien imaginé par l’artiste. Une manière de se rapprocher d’eux et surtout d’observer un quotidien où l’extraordinaire est omniprésent et sert finalement de “normalité” là où tout nous paraît inimaginable. A cela s’ajoute aussi une bonne maîtrise de la narration permettant au manga de retenir notre attention tout du long. Et surtout, on nous présente au sein de ces cases des personnages qui cherchent aussi à se trouver et à s’épanouir dans leur place respective. Une œuvre qui cache bien son jeu et qui prend une autre voie que celle que l’on pouvait imaginer au départ afin de mélanger le surnaturel à de la tranche de vie tout en y apportant un soupçon de tension au vu de la quête de nos héros.
En conclusion, j’ai trouvé ce premier volume de Kyûki no Adabana particulièrement convaincant et surtout ayant un bon potentiel pour la suite. Oui, le genre de la divinité ou du folklore japonais sont des thèmes qui sont particulièrement présents sur le marché et qui ne parlent pas forcément à tout le monde. Mais j’ai pu découvrir ici une histoire qui cherche non pas à prendre le même chemin que les autres, mais à faire l’inverse de ce que l’on peut voir habituellement. Sans oublier les quelques protagonistes qui vont être au cœur du scénario et qui vont rapidement éveiller en nous de la sympathie. Que ce soit cet adolescent qui est tiraillé entre l’envie de rentrer chez lui et la curiosité du monde qui l’entoure ou bien ce kami de la pauvreté qui est un peu considéré comme une paria par ses semblables permet d’appporter énormément de profondeur à ce titre. Un manga qui peut donner une épopée fort plaisante et qui doit maintenant s’épanouir pleinement à travers les prochains volumes. Si vous cherchez une aventure imprégnée du folklore japonais ou juste une histoire utilisant le fantastique d’un point de vue très humain alors cet ouvrage peut vous convenir. A présent, il est grand temps de s’arrêter quelques instants sur les questions qui me trottent dans la tête pour le futur de la série. Est-ce que Haru va finalement réussir à rentrer chez lui ? Que va-t-il découvrir d’autres au sein du » Takama-ga-hara » ? Va-t-il se faire repérer par d’autres kamis ? Et qu’en est-il de ceux qui ont décidé de l’accompagner dans son périple ? La suite promet d’être pleine de surprises.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Kyûki no Adabana. Trouvez-vous que le titre a de quoi convaincre sur le long terme ? Êtes-vous intrigué dans voir plus de cet environnement où règne les êtres divins ? Pensez-vous qu’il soit possible que ce périple nous réserve bon nombre de surprises et des défis inattendus ? Est-ce que les personnages ont su vous interpeller et avoir un développement intéressant dans ces premiers chapitres ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.