Pourquoi j’aime – PJ #04 : Artiste – un chef d’exception
Nous en sommes déjà au quatrième numéro de “Pourquoi j’aime” et je suis content de voir que ce rendez-vous vous plaît autant. Cela me donne encore plus d’idées de titres à aborder et d’analyses à faire autour de ces œuvres qui me séduisent tellement. Pour aujourd’hui, je me suis dit que j’allais me pencher sur un manga malheureusement pas le plus connu du catalogue de Glénat et qui pourtant possède des qualités indéniables. Je parle bien sûr de Artiste – un chef d’exception, dont j’ai déjà pu parler notamment sur les réseaux. Il faut dire que dès son premier volume, j’ai été conquis par la proposition de l’auteur et tout ce qu’il souhaite nous partager à travers le récit de ses personnages. Découvert par simple curiosité, j’ai pu me lancer dans une aventure qui commence derrière les fourneaux pour finalement prendre une direction bien plus vaste et captivante autour de la notion d’artiste. C’est pour cette raison que j’avais envie d’en faire le sujet du jour et de revenir en cinq points sur ce qui fait, à mes yeux, toute la beauté de cette série. Avec maintenant neuf tomes de disponibles, ce titre a clairement su montrer ce qu’elle avait dans le ventre afin de nous servir des plats exquis.
Le cadre du récit
Pour bien commencer, je ne pouvais pas ne pas évoquer l’œuvre de Taro Samoyed sans évoquer le décor dans lequel vont évoluer les protagonistes. En effet, le mangaka a pris la décision de baser toute son histoire dans le domaine de la restauration parisienne et force est de constater qu’il a parfaitement su mettre en scène cette ville tout au long de ses chapitres. On a vraiment l’impression de visiter la capitale française, ses grands restaurants, mais aussi ses nombreux lieux touristiques. Et si l’on pourrait croire qu’il s’agit d’un très bon paysage de carte postale, l’auteur ne souhaite pas en faire une simple toile de fond. Ce lieu va être le théâtre de tellement de petits récits qui vont sublimer notre périple. En fait, tout est réfléchi pour que le décor puisse servir aux propos voulus par le mangaka et inversement. On nous dépeint un Paris qui est le foyer de nombreux artistes, mais c’est aussi ces derniers qui font la richesse de cette ville. Ainsi, il y a un lien très fort qui s’exerce entre ces deux facettes du manga et qui va autant jouer sur l’image que reflète cette capitale d’un point de vue culturelle, gastronomique et artistique tout en montrant l’importance des gens qui permettent de créer une telle identité. Et on sent aussi la documentation qu’a pu se faire Taro Samoyed pour vraiment donner cette impression d’être à Paris. Même dans l’esthétique de son trait, il y a quelque chose d’unique qui vient sublimer ce sentiment. En connaissant bien ce décor en réalité, on nous montre que Paris et ses environs ont aussi une richesse incroyable à offrir. Un emballage parfait pour la fiction qui nous est proposée et qui va même faire partie, dans une certaine mesure, des principaux acteurs de cette série. Le quotidien de parisiens ou de voyageurs qui peuvent autant découvrir les bons comme les mauvais côtés de ces rues.
La cuisine et ses saveurs
Bien évidemment, si je parle de Artiste – un chef d’exception, il est nécessaire que j’évoque la manière dont le milieu culinaire est traité dans le manga. Même si on aura l’occasion de revenir sur le fait que la gastronomie n’est plus uniquement au centre de l’histoire, mais une partie d’un ensemble bien plus grand, c’est par là que tout a commencé. Et je dois dire que cela est rafraîchissant de voir une œuvre s’ancrer aussi bien dans la réalité de ce métier, autant positif que péjoratif. En effet, on ne va pas nous épargner la dure loi qui peut régner derrière les fourneaux où chaque service est un combat constant. Si les plats proposés nous font saliver, on est aussi témoin de la complexité que c’est que d’arriver à un tel résultat. Mais si l’on a le droit à un très bon travail visuel au niveau des commandes, ce manga se démarque avant tout par sa dimension humaine. C’est exactement le cas quand l’on passe du côté des cuisines et que l’on voit tous ces gens se démener, gueuler, se confronter, mais aussi s’entraider pour parvenir à satisfaire les demandes des clients. On nous montre que derrière cette haute gastronomie se cache des talents indéniables, mais qui sont aussi et avant tout des humains ayant leurs forces et faiblesses. Justement, c’est en appuyant sur toutes ces différences que l’auteur va nous délivrer une brigade qui se veut aussi captivante à suivre. Il y a beau y avoir des querelles par moment, tout le monde finit par grandir et apprendre à travailler avec les spécificités de chacun. Nous voilà face à un récit qui ne cherche pas uniquement à nous montrer des plats plus savoureux les uns que les autres. Il est avant tout question de prendre conscience que c’est cette diversité en cuisine et les efforts fournis à chacun qui créent toutes ces saveurs que l’on peut découvrir. Une excellente représentation de ce milieu, de ses défauts et aussi du travail acharné de ceux qui remplissent nos assiettes.
La symbolique de ces appartements
Alors oui, je touche ici à un sujet assez précis dans Artiste – un chef d’exception, mais je trouve qu’il est particulièrement réussi et joue un grand rôle dans mon appréciation générale de l’œuvre. En effet, il ne faut pas longtemps dans la série pour que Gilbert, personnage principal du manga, trouve un appartement au sein d’un immeuble où se trouve bon nombre d’autres résidents. Si je vais me pencher un peu plus bas sur l’importance de ses voisins, je trouve que l’idée de focaliser une bonne partie du récit au sein de ce bâtiment est très intéressante. On va appuyer le fait d’être dans une tranche de vie qui ne cherche pas juste à se focaliser sur le métier des acteurs que l’on va suivre. On va aussi assister à leur quotidien de tous les jours, y compris au sein même de leur foyer. Et ce qui est génial, c’est encore cette notion de diversité qui va s’exprimer à travers ce lieu. Derrière chacune de ces portes va se trouver une personne que l’on va apprendre à connaître. Des individus qui ont tous quelque chose à nous raconter et qui vont nous inviter à entrer au sein de leur petit univers. Ce manga va ainsi progressivement scinder sa route en de multiples sections qui vont tous vers le même but, à savoir s’épanouir, mais sur des routes où chacun va vivre ses propres défis. Et tout ça est réuni au sein d’un même endroit qui va autant nous servir de toile de fond pour de nombreuses scènes qu’être une sorte de refuge quand ça ne va pas pour certains. Au même titre que Gilbert, nos premiers pas au sein de cet immeuble furent hésitants et maintenant c’est juste un pur bonheur que d’y retourner pour retrouver tous ces gens formidables. Si les fourneaux sont le champ de bataille de notre protagoniste, ce nouveau chez lui est un formidable endroit pour se reposer et partager des moments inoubliables.
Des personnages uniques
Comme j’ai pu l’évoquer un peu plus tôt, l’une des plus grandes forces du manga de Taro Samoyed provient des personnages qu’il met en scène. Alors que l’on pouvait croire au départ de la série que tout allait se focaliser sur le monde de la haute gastronomie, l’auteur va prendre un tournant assez rapidement pour amener toute une fourchette d’acteurs et d’actrices qui vont avoir une importance considérable. Si l’on va déjà être conquis par tous les gens qui vont constituer la brigade de Gilbert, il y a aussi tous ses voisins qui vont être sur le devant de la scène. La première chose est que chacun d’entre eux va permettre à notre protagoniste d’élargir ses horizons. Ce jeune cuisinier au talent indéniable qui restait pourtant si effacé va progressivement prendre de l’assurance et montrer un tout autre visage. Cela est dû à ses efforts, mais aussi et surtout suite aux interactions qu’il va avoir avec son nouvel entourage. Des hommes et des femmes qui ont tous un parcours qu’ils vont nous dévoiler et qui, au final, sont aussi les protagonistes de ce manga. Et c’est ce que je trouve fabuleux, car là où le premier volume nous donne l’impression que l’on va suivre deux personnages en particulier, la suite va venir tout bousculer. On nous montre que chaque individu à son importance et qu’il peut nous émouvoir et nous transmettre des valeurs fortes par rapport à ce qu’il a vécu ou ce qu’il va connaître. Il n’est donc pas rare qu’à certains moments, Gilbert vient à laisser totalement sa place sur scène pour ses nouveaux amis. Des chapitres entiers dédiés à un personnage en particulier et qui vont servir à consolider notre attachement envers eux et à montrer des vies qui peuvent être fabuleuses, touchantes, déchirantes ou même tragiques. Un remarquable patchwork de ce que l’être humain peut vivre.
Un artiste en chacun de nous
Il est grand temps de conclure ce quatrième numéro de “Pourquoi j’aime” dédié à Artiste – un chef d’exception avec ce qui est sûrement pour l’un des plus beaux messages de l’œuvre. Quand on se lance pour la première fois dans ce titre, on se dit qu’au vu du titre et de l’introduction, on cherche à nous montrer la cuisine sous une perspective artistique. C’est totalement vrai, mais ce n’est pas l’unique manière que l’auteur a choisi pour traiter du sujet de l’art. Pour ça, je suis obligé de revenir sur le cœur de cette œuvre qui est l’humain. En fait, chaque personnage que l’on va rencontrer est un artiste à sa manière. Cela ne concerne pas uniquement le milieu gastronomique, mais tout un tas d’autres métiers. Peintre, mangaka, mannequinat et bien d’autres sont en rendez-vous. Et une fois de plus, tout est centralisé au sein de cet immeuble que l’on va rejoindre. Plus les pages se tournent et plus on ouvre les yeux sur ce que désire réellement transmettre le mangaka à travers son histoire. Il nous montre que chacun peut faire preuve de créativité peu importe le travail ou la passion qui l’anime. Nous sommes tous des artistes de notre propre vie, de nos désirs et de nos rêves et c’est magnifiquement représenté tout au long de ce titre. En abordant ce récit à travers ce prisme, le mangaka cherche à nous montrer l’importance d’ajouter de la création à notre quotidien. On peut tous en faire preuve, d’une façon ou d’une autre, et cela permet de s’épanouir pleinement. C’est exactement ce que l’on peut voir avec le personnage de Gilbert qui va concilier de mieux en mieux ses devoirs en tant que chef de brigade et son envie de créer des plats toujours plus fantastiques. Et on peut voir ça pour quasiment chaque acteur de cette pièce. Une ode à cette conciliation que l’on ne doit jamais perdre entre ce que l’on est obligé de faire et l’amusement que l’on peut exprimer à travers l’art et ses multiples ramifications.