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Pourquoi j’aime – PJ #09 : Pumpkin Night

C’est devenu un rendez-vous régulier sur le site, “Pourquoi j’aime” fait son retour pour un neuvième numéro. J’ai longtemps hésité à aborder tout de suite cette œuvre, car je me suis dit que ce serait l’occasion parfaite d’en parler quand octobre arrivera. Pourtant, avec la sortie de son prochain volume, cela aurait été dommage de ne pas l’évoquer. Je parle bien sûr de Pumpkin Night, le manga slasher de chez Mangetsu qui n’est pas à mettre entre toutes les mains. Cette série, réservée à un public averti, m’avait interpellé dès son annonce et j’ai pu évoquer celle-ci à plusieurs reprises. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas dédier une chronique de ce rendez-vous à cette œuvre. Jouant admirablement bien sur les codes horrifiques du slasher et rendant même hommage à tout un pan du cinéma de genre, l’histoire de cette tueuse au masque de citrouille a de quoi interpeller. Surtout quand on prend le temps d’analyser tout ce qu’il peut y avoir derrière la création de ce personnage et ce que l’histoire cherche à nous raconter au-delà de juste nous donner des frissons. Soyez donc prêts à ne pas faire trop de bruits, car qui sait quand elle pourrait apparaître pour traquer une autre proie.

Un hommage aux slashers

Pour commencer cet article autour de Pumpkin Night, je suis obligé d’évoquer l’inspiration dans laquelle l’auteur va puiser pour créer son histoire. En seulement quelques pages, on voit très nettement un schéma se dessiner qui n’est pas sans rappeler celui des slashers. Un genre particulièrement prolifique dans les années 80 et qui aura construit tout un pan du cinéma horrifique. Et il ne faut pas croire que le mangaka cherche ici à seulement copier ce qui a pu se faire auparavant. Au contraire, tout est réfléchi pour ne pas être dans l’imitation, mais dans l’hommage de ces œuvres cinématographiques qui ont pu autant nous terrifier à leurs débuts que nous faire sourire par moment de par la parodie qui s’est faite du genre. Et quand j’évoque l’appropriation des codes de ce type de récit, je ne parle pas uniquement tout ce qui tourne autour de cette tueuse que l’artiste a mis en scène. En réalité, tout dans ce manga respire le slasher que ce soit dans son ambiance, sa construction scénaristique, sa figure du mal et les thèmes abordés. On a l’impression d’être en terrain connu, mais en découvrant tout de même une histoire ayant sa propre identité. Cela donne une expérience très intéressante dans le sens où les deux facettes de ce récit se complètent à merveille. En utilisant des leviers scénaristiques et autres tropes liés à ce genre cinématographique, le mangaka va réussir à y insuffler sa propre vision du slasher et ainsi créer une œuvre qui n’a pas à rougir de ses aînés. Mais surtout, ils ne montrent pas ces éléments bien connus comme quelque chose de négatif, mais comme faisant partie intégrante de l’identité de ces histoires qui ont pu nous terrifier autrefois. C’est une approche qui se veut respectueuse de ceux qui sont passés avant lui tout en conservant l’envie de donner des frissons à ceux qui se lanceront dans cette aventure sanglante.


Une antagoniste dans l’air du temps

Ce qui est très intéressant avec Pumpkin Night, c’est que notre figure du mal va s’incruster parfaitement dans l’air du temps. Souvent, quand on parle de slashers, on pense surtout à des tueurs implacables qui peuvent jouer avec leurs victimes, mais qui sont toujours dans l’optique d’accroître leur tableau de chasse. Si c’est aussi le cas ici, notre antagoniste va aussi proposer une approche qui colle parfaitement à ce que l’on peut connaître. Pour commencer, étant donné qu’elle n’est pas un monstre qui n’a pour but que de tuer, elle fait preuve d’une ruse et d’une intelligence qui est symbole de son humanité. Elle est une humaine qui a décidé de devenir un monstre et qui va utiliser tous les outils à sa disposition pour traquer, terrifier et attaquer ses cibles. On peut ainsi la voir faire appel aux réseaux sociaux pour signaler sa venue. Mais elle est aussi apte à créer des pièges et traquenards sophistiqués pour torturer et accomplir sa vengeance. Plus qu’une tueuse, nous sommes face à une entité qui s’adapte facilement pour se rapprocher de ceux qui sont sur sa liste. Et cela donne une dimension encore plus inquiétante et une atmosphère toujours plus réussie à l’œuvre. En effet, l’auteur a parfaitement su créer un personnage qui nous met en garde contre ce qui nous entoure et qui est familier avec tout ça. La surprise n’est pas possible, car elle est aussi apte à se servir de son environnement pour attaquer. Et c’est quelque chose qui résonne fortement avec quelque chose de très contradictoire avec le genre du slasher. S’il y a des exceptions de personnages iconiques parvenant à utiliser tout ce qui fait leur époque comme par exemple Ghostface, la majorité des monstres de ce type d’œuvre sont victimes de ce qu’ils ne savent pas utiliser. Leur principal atout vient de cette aura d’invulnérabilité qui les font toujours revenir. Mais ici, Pumpkin Night nous angoisse encore plus, car elle sait saisir les opportunités que peut lui offrir ce monde et ses évolutions technologiques.


Une figure pouvant devenir iconique

Alors ça, c’est un très important morceau de Pumpkin Night et sûrement l’une de ses plus grandes forces. Comme vous pouvez l’imaginer, l’un des principaux socles de ce manga n’est autre que cette tueuse qui poursuit inlassablement ses anciens bourreaux. Mais là où elle débute comme une personne angoissante qui va débuter sa traque, l’auteur va progressivement en faire une figure iconique de ce medium. Pour comprendre ça, il faut s’attarder sur l’iconographie qui se rattache à elle. En fait, s’il y a bien une chose qui caractérise les tueurs de slasher, ce sont ces éléments qui font leur identité. Le masque de Mickael Myers ou celui de Jason, les griffes, les brûlures et le pull de Freddy, je pourrais continuer comme ça pendant un bon moment. Cela permet, en plus de leur modus operandi spécifique, d’inscrire leur image dans l’esprit du spectateur. Pumpkin Night le fait très bien, car la série ne va avoir de cesse de créer des détails qui vont consolider son mythe. Il suffit de voir sa tête de citrouille pour que des frissons nous parcourent l’échine. Pareil pour les réseaux sociaux qui sont sa marque de fabrique pour dire à quelqu’un qu’il est le prochain sur sa liste. Je peux aussi citer sa façon de parler si caractéristique et qui est le symbole de ce qu’elle a pu vivre par le passé. Sa force qui n’a rien d’humaine, sa faculté à apparaître toujours au pire moment  pour sa cible, sa résistance même face à des blessures mortelles sont autant de caractéristiques qu’elle partage avec ses homologues du cinéma. Plus on avance dans le manga et plus cette antagoniste évolue dans le mythe horrifique qu’elle est en train de créer. Ce qui devait être une histoire de vengeance initialement a finalement réveillé une entité qui dépasse l’entendement et qui semble impossible à arrêter. D’ailleurs, il y a eu une excellente décision prise par le mangaka pour faire cette scission entre l’humain qu’elle était auparavant et le monstre de légende qu’elle finit par devenir au terme des cinq premiers tomes.


Un titre qui évolue dans son schéma

Si l’on sort du cadre uniquement centré sur le personnage de Pumpkin Night, le manga propose aussi d’autres éléments pertinents et prometteurs sur la durée. Pour commencer, on est face à une série qui ne cherche pas uniquement à faire du gore et à enchaîner les effusions de sang. Il y a une réelle évolution qui se fait ressentir tout au long des tomes. D’ailleurs, l’auteur signe un premier arc plus que réussi dans son développement à travers les cinq premiers volumes. C’est là que l’on découvre l’histoire et l’origine de cette tueuse. Plus on avance dans le récit et plus on se rend compte que la proposition de base va être renforcée dans l’optique de prendre un chemin dont on ne s’attendait pas forcément. Initialement, nous sommes face à un slasher qui prend pour base un désir de vengeance à l’égard de ceux qui ont laissé de profondes cicatrices sur le visage de cette jeune meurtrière. Un objectif simple et qui permet de rapidement être plongé dans l’intrigue ainsi que dans l’ambiance de la saga. Mais au fil des chapitres, on nous décrit un récit dont les enjeux sont encore plus grands. Pumpkin Night n’est plus uniquement une demoiselle cherchant à se faire justice. On nous conte la naissance d’un symbole horrifique qui représente le courroux de ceux qui ont été victimes du pire chez l’être humain. Toute une première partie qui sert à présenter celle derrière le masque comme une simple hôte de cet esprit vengeur qu’est Pumpkin Night qui n’hésitera pas à frapper dès que quelqu’un sortira du droit chemin. Et même dans les petites histoires bonus de fin de tome, la série parvient à créer un parallèle intéressant qui renforce tout bonnement l’histoire qui nous est racontée dans la trame principale.


Un monstre parmi les monstres

Il est déjà temps de conclure ce “Pourquoi j’aime” avec le dernier point que je trouve particulièrement réussi dans Pumpkin Night. Je vais parler ici de quelque chose de bien plus profond que décrire juste le côté slasher de l’œuvre. En fait, je trouve que le titre, derrière toute sa violence et sa brutalité, réussit aussi à parler de quelque chose d’important qui est tout bonnement le harcèlement scolaire et même le harcèlement de façon générale. Après tout, notre figure du mal est devenue comme ça suite à l’effroyable farce de ses camarades qui a totalement dévisagé son visage. Des séquelles physiques et mentales qui l’ont entraîné dans cette abîme dont elle est finalement ressortie sous les traits de Pumpkin Night. Si l’on reste effectivement dans la fiction, il y a aussi quelque chose d’important qui se forme au fil de la lecture. C’est que l’on nous fait comprendre que si cette tueuse est devenue un monstre, c’est parce que les autres ont aussi été des monstres à son égard. Une bête qui s’est réveillée pour s’occuper de ses semblables. Mais en plus de ça, quand on voit ses cibles et leur comportement, on a quasiment à aucun moment une forme de pitié pour eux. Tout est fait pour qu’il n’y ait aucune empathie à leur égard et ainsi quasiment mettre tous les personnages au même niveau de bassesse et de noirceur. L’auteur cherche même à ce que l’on s’attache plus à cette détresse qui ronge le cœur de cette demoiselle meurtrie que ces anciens étudiants qui pensent réussir à échapper à leur crime. Plus on progresse dans l’intrigue et plus le masque de victime qu’ils avaient se fissure pour laisser entrevoir ce qu’ils sont réellement. Finalement, ce manga se présente comme une traque qui va surtout chercher à montrer que l’être humain est parfois le plus effroyable des monstres sans même avoir besoin d’un déguisement pour se cacher.

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