Murder Lock : sombrer ou tenir

On le sait, il n’est pas rare maintenant d’avoir des éditeurs qui nous proposent plusieurs tomes d’une série pour que l’on puisse se faire un avis plus concret de ce qu’elle nous réserve. C’est pareil pour les titres courts qui peuvent ainsi sortir dans leur intégralité. Mais parfois, on peut avoir une grosse surprise en voyant débarquer plus de deux tomes et ainsi se plonger dans un manga à la fois court et pourtant avec un nombre de tomes suffisants pour que l’on puisse assister à un gros développement de son histoire. J’ai pu assister à ça récemment chez Mangetsu qui nous délivre l’intégrale de la série Murder Lock, une œuvre à ne pas mettre entre toutes les mains, constituée de cinq volumes. J’étais très curieux de voir ce que donnerait cette histoire qui s’annonçait sanglante. Et j’ai alors pu rapidement découvrir un récit où le ton est rapidement donné, mais aussi avec un sentiment très étrange qui va naître au fil du récit notamment dans sa conclusion. Le divertissement était bien là et les thématiques proposées prometteuses tandis qu’il y a plusieurs points à évoquer. Préparez-vous donc à faire votre entrée dans une école particulièrement spéciale et dangereuse.

L’enfer d’un bouc émissaire

Synopsis

Surnommé « le mec le plus fort du quartier », Kôtarô Kudô est un jeune lycéen qui vit seul avec sa petite sœur, Hinami. Lorsqu’elle se fait kidnapper, Kôtarô se charge de donner une bonne leçon à ses ravisseurs mais se retrouve alors accusé de leur meurtre. Il devient un criminel redouté, alors même qu’il clame son innocence, et se voit transféré dans une prison pour mineurs un peu spéciale : l’institut de Kokuyô, composé uniquement de tueurs de son âge aux passés troubles….

Bienvenue dans « l’école des tueurs », où la folie et le chaos règnent en maîtres.

Scénario : Mizushiro Mizuki

Dessin : Ko-dai

Comme on a pu avoir accès directement à l’intégralité de la série, il est intéressant de voir ce que donne le résumé de Murder Lock et le regard global que l’on peut avoir suite à la lecture. Et en réalité, j’ai eu le sentiment de retrouver une atmosphère propre à certaines vieilles séries qui ont pu me marquer il y a plusieurs années. Avec son petit côté survival-game sans pour autant en être un et des personnages qui vont rapidement se démarquer, on obtient une histoire qui va nous plonger dans un récit à la fois oppressant et brutal où le couperet peut tomber à tout moment. Une ambiance qui va y être pour beaucoup dans l’appréciation globale de la série.

Un cursus sanglant

Comme j’ai pu l’évoquer un peu plus haut, Murder Lock dégage quelque chose qui m’a fait rappeler ce que je pouvais retrouver dans des séries comme Deadman Wonderland ou bien Doubt et Judge. Pour expliquer ça, il faut comprendre que l’on est dans une œuvre où il n’est pas question de trouver la moindre lueur d’espoir. A peine un rayon de lumière apparaît qu’il est très vite étouffé par le rôle de ce sinistre établissement. De même, il est question ici de suivre un personnage à la force impressionnante, mais qui n’est pas un criminel comparé aux autres. Un bouc émissaire qui se retrouve embarqué dans cet institut où on lui annonce qu’il va devenir un tueur professionnel sous peine de perdre la vie. Et là, l’auteur parvient à poser un décor et des acteurs qui vont nous interpeller. Tout est pensé pour que l’on ait l’impression d’étouffer entre ces murs où chaque individu est une menace potentielle. Et je trouve que sur ce point, le manga est particulièrement réussi, car il amène une large palette de personnages qui vont tous avoir quelque chose à raconter ou bien nous faire trembler à leur manière. On est clairement dans un récit où il n’y a quasiment aucun personnage de respectable si ce n’est notre protagoniste. Et c’est justement le contraste entre lui et ses nouveaux “camarades” qui va interpeller. Au milieu de ces criminels, tueurs et fous, il doit faire de son mieux pour ne pas basculer à son tour. Ce défi fonctionne très bien, car on est témoin, au même titre que lui, des actes ignobles dont sont capables ces individus.

Des personnages qui prennent plaisir dans leurs méfaits et qui nous délivrent un profond dégoût ou effroi. Mais pourtant, l’auteur veut aussi pousser le protagoniste et le lecteur vers eux, car ils sont aussi la seule possibilité d’alliance dans cet environnement où les pièges sont nombreux. D’ailleurs, j’ai aussi pu trouver qu’il y avait un très bon travail d’écriture autour de certains membres de cette classe. S’il y a quelques individus qui restent dans l’ombre, on a le droit à des passages qui permettent de mieux cerner la personnalité et l’histoire de ces criminels. Et cela donne lieu à un sentiment assez étrange où l’on va s’intéresser à eux malgré toutes les horreurs qu’ils ont pu commettre. Une envie de mettre en avant de tels personnages qui ne sont pas des modèles de vertus, mais qui deviennent ici les seuls acteurs de cette pièce. En outre, la tension et le rythme se veulent assez frénétiques donnant lieu à des passages bien angoissants ou prenants. Et ce qui est bien trouvé je trouve, c’est qu’à aucun moment le mangaka ne cherche pas à changer l’ambiance qu’il a installé pour partir sur quelque chose de plus joyeux. Au contraire, il veut vraiment que l’on s’imprègne de cette angoisse palpable qui règne au sein de cet établissement et qu’on ouvre les yeux sur le fait que n’importe qui peut y passer. Une courte épopée qui sait comment nous tenir en haleine, mais qui va aussi se présenter un peu comme le début d’une autre épopée qui restera de l’ordre de l’imaginaire pour le lecteur.

Alors oui, Murder Lock peut donner une impression d’inachevée tant il y avait encore de la matière pour écrire la suite. Cependant, je trouve que l’auteur a su s’arrêter au bon moment pour donner une certaine forme à sa conclusion et nous laisser imaginer la suite. J’aurais beaucoup aimé que cela continue, notamment au vu de certains éléments intéressants de cette histoire. Mais je retiens surtout un récit qui ne laisse aucun temps mort et nous délivre un casting à la fois angoissant et captivant qui n’hésite pas à se salir les mains pour survivre et satisfaire les pulsions ou objectifs qui les animent.

Murder Lock obtient son diplôme

J’étais très intrigué de voir ce que pourrait donner Murder Lock au vu du fait que la série sortait dans son intégralité. Finalement, je dois dire que je suis autant séduit par ce qui fut proposé que déçu de ne pas en avoir eu plus. L’ensemble fonctionne très bien et l’on passe un bon moment à suivre le récit de notre jeune condamné qui clame son innocence et doit survivre au milieu d’autres tueurs. Mais on se rend compte aussi qu’il y a énormément d’éléments qui nous sont présentés et que l’on aurait aimé voir développer bien plus. C’est par exemple le cas pour certains personnages qui vont apparaître vers la fin de l’histoire ou bien des intrigues annexes qui ont tout de même leur importance. Ainsi, ces cinq volumes donnent l’impression de former un immense premier arc qui pouvait nous amener à une histoire encore plus palpitante par la suite. Et on le sent dans la conclusion qu’il y avait d’autres surprises qui pouvaient arriver ensuite. Cependant, si cela est dommage de ressentir ça, il est aussi important de juger un manga sur ce qu’il propose à travers ses différents ouvrages. Est-ce que l’on peut être convaincu et apprécier ce qui nous est raconté à travers ces chapitres ? La réponse est oui, car on voit à quel point le mangaka a tout donné pour créer un récit où l’on est happé par ce qui se passe. L’envie de donner vie à des personnages aussi intrigants que menaçants se fait ressentir et je trouve le thème de la difficulté de s’accrocher à un sens moral dans un environnement où la survie prime a énormément de potentiel. C’est juste qu’il faut voir ce manga comme une épopée sombre et sanglante qui nous laisse ensuite imaginer ce qu’il adviendra de ces protagonistes par la suite.

J’ai donc apprécié ma découverte de Murder Lock à tel point que j’aurais justement voulu que ça perdure. Et je trouve que le duo d’auteurs a su nous amener sur une fin ouverte qui laisse présager qu’il y avait d’autres choses à venir, mais qui a su aussi s’arrêter au bon moment pour que l’on ait n’a pas un réel sentiment de frustration. Un peu comme si la suite appartenait maintenant à l’imaginaire du lecteur. Je retiendrais donc une aventure frappante à plus d’un titre et qui n’est pas à mettre entre toutes les mains en plus d’avoir un casting que j’ai trouvé très intéressant notamment concernant certains personnages bien précis. Je pense que cette nouveauté est un très bon exemple à quel point cela peut être difficile pour un artiste d’aller au bout de ses idées et de l’envie de faire au mieux pour que ceux qui lisent ses œuvres ne soient pas frustrés en tournant la dernière page. Si vous appréciez en tout cas les histoires aussi tragiques que sinistres en compagnie d’une belle brochette d’individus dangereux alors vous prendrez du plaisir à la lecture de ce manga. A présent, ce n’est pas parce qu’une série se conclut qu’elle est réellement terminée pour le spectateur que l’on est. C’est encore plus vrai ici où ces personnages continuent à vivre dans notre esprit et dans ce que l’on pourrait imaginer concernant leur futur au sein de cet institut. Il y aura tout de même eu pas mal de moments intenses et surtout un protagoniste qui se retrouve à la croisée des chemins.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Murder Lock. Trouvez-vous que la série arrive à proposer une histoire suffisamment solide sur ces cinq volumes ? Auriez-vous aimé que cela puisse perdurer un peu plus longtemps ? Est-ce que vous avez apprécié tout ce qui s’est construit autour de cette “académie” bien spéciale et des élèves qui doivent tout faire pour survivre en devant des tueurs ? Le titre parvient-il, selon vous, à proposer des thématiques intéressantes autour de chacun de ces personnages qui ont franchi la ligne rouge ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.