Valse des nouveautés – VEGA-Dupuis #01

Décidément, septembre ne nous laisse pas le temps de souffler. Il faut dire que les nouveautés s’enchaînent chez tous les éditeurs et cela peut être difficile de s’y retrouver au milieu de tout ça. Ayant toujours envie de parler d’un maximum d’œuvres, je me suis dit que j’allais proposer aujourd’hui une chronique regroupant mon avis sur certaines de ces nouvelles lectures. Et cette fois, on se tourne du côté de chez VEGA-Dupuis qui nous propose en ce mois deux one shot qui me faisaient de l’œil depuis leur annonce. Surtout que l’on est là face à deux œuvres diamétralement différentes dont l’une propose une expérience assez unique qui fut assez remarquable dans sa proposition. Tandis que l’autre ouvrage va être un recueil de plusieurs histoires qui vont toutes tourner autour d’un thème précis et dont les problèmes et messages véhiculés sont particulièrement importants. Vous l’aurez compris, aujourd’hui on va parler de “Journal d’un naufragé” et de “Le monde dans leurs yeux”. Préparez-vous donc à faire la découverte de deux lectures qui ont chacune d’excellentes qualités.

Journal d’un naufragé

Journal d’un naufragé, écrit par Gozz, nous plonge dans une aventure unique en son genre où l’on suit le journal de bord d’un homme qui s’est échoué sur une île inconnue. Amnésique et totalement ignorant de ce qui l’entoure, il doit absolument tout faire pour survivre. Désireux de repartir, guidé par les quelques bribes de souvenirs qui lui restent, il va pourtant devoir faire face aux dangers de ce lieu pour espérer s’en sortir. Entre la difficulté des premiers jours où l’exploration est vitale pour comprendre son environnement et les menaces qui se tapissent dans l’ombre, cet inconnu doit être sur ses gardes. Alors que son existence ne tient qu’à un fil, il va devoir jouer les aventuriers et tenter des expériences inédites pour ne serait-ce que trouver de quoi se nourrir ou pour faire du feu. Au total, ce sont pas moins de cent jours qu’il va passer en ce lieu. Et il va progressivement se rendre compte que cette île cache bien des secrets. Entre les étranges créatures qui peuplent ces lieux et les traces d’une ancienne civilisation, les mystères sont innombrables. Serait-ce un endroit qui aurait servi de base à une forme de vie étrangère ? Quoi qu’il en soit, il ne peut pas se permettre de divaguer trop longtemps, car la moindre inattention pourrait l’amener dans la gueule de terribles et gigantesques prédateurs. Mais pour le spectateur qui aura trouvé ce journal, c’est un récit captivant qui se présente à lui. Au même titre qu’un Robinson Crusoé, ce naufragé nous partage son histoire durant ce laps de temps où il a mis de côté son ancienne vie pour jouer les survivants dans un lieu qui ne le laisse jamais tranquille. Une épopée hors du commun où l’homme se retrouve face à une nature qu’il ne peut dompter, mais où il doit s’adapter à elle afin de ne pas être engloutie par ses enfants.

Autant le dire tout de suite, Journal d’un naufragé n’est pas un manga et souhaite proposer une expérience assez unique dans ce que l’on peut avoir l’habitude de lire. Comme je l’ai évoqué dans le résumé, cet ouvrage prend la forme d’une sorte de journal de bord où l’on va donc suivre jour après jour les péripéties de ce petit bonhomme sur cette île. Et franchement, j’ai adoré cette proposition qui ne va pas se limiter uniquement à cette forme de narration. En effet, ce qui va marquer notre regard avant tout est l’aspect graphique de chaque page qui prend la forme d’illustrations hakoniwa. Si vous ne savez pas, il s’agit de visuels au format 3D isométrique où l’on peut autant admirer ce qu’il se passe au-dessus que les différentes couches inférieures. Et c’est bien la première fois que je vois ce procédé être utilisé pour raconter toute une histoire et non juste un passage unique ou une référence à des univers déjà bien connus. Franchement, cette idée est remarquable et marche tellement bien par rapport à ce récit digne d’un Robinson Crusoé. On va autant lire avec attention les notes de ce naufragé pour comprendre ce qu’il s’est passé que de décortiquer chaque illustration pour voir tous les petits secrets pouvant se cacher dans chaque environnement. En plus d’offrir une perspective assez unique, ces illustrations contribuent énormément à la narration à leur manière. En dehors des mots transmis, l’histoire nous est aussi racontée par tous ces petits détails qui se cachent dans chaque page. Sans oublier aussi que cet ouvrage a le droit à une édition qualitative où l’on va aussi avoir tout un pan focalisé sur le lore propre à ce récit, aux personnages et à des informations inédites sur cette aventure. Une lecture qui m’aura donné un vrai sentiment d’évasion et d’aventure en montrant qu’il y a tellement de façons différentes de raconter une histoire. Une très belle surprise et un gros coup de coeur.

Le monde dans leurs yeux

Le monde dans leurs yeux, imaginée par Ebine Yamaji, nous emmène aux quatre coins du monde pour découvrir le destin de cinq jeunes filles. A travers leur quotidien respectif, chacune d’entre elles doit se confronter à un environnement qui veut leur dicter leur conduite et avenir. Dans ces sociétés patriarcales, elles doivent lutter chaque jour pour conserver cette flamme au fond d’elle qui leur permettra de déplacer des montagnes plus tard. Présentant de multiples cultures différentes, il va autant être question de choc générationnel, d’abus d’autorité, de liberté, mais aussi d’emprisonnement dans des modes de vie ne laissant aucune chance à ces demoiselles de s’épanouir réellement. Ainsi, cet ouvrage nous raconte le récit d’une demoiselle en Arabie Saoudite qui découvre une terrible vérité sur sa famille. On enchaîne ensuite en partant direction le Maroc pour faire face à l’opposition entre une jeune fille et une vieille femme dont la vision de la vie diffère grandement. La troisième escale s’arrête en Inde en compagnie d’une fille et de sa mère qui débute une nouvelle vie auprès d’un autre homme en tant que chef de famille. Mais tout le luxe qui les entoure pourrait bien cacher quelque chose de bien plus sinistre. Le quatrième arrêt nous emmène au Japon où une écolière fait face à la séparation de ses parents et au regard tourné vers le passé de sa grand-mère. Pour conclure, le récit nous embarque en Afghanistan où une enfant va enfin pouvoir aller à l’école en chérissant précieusement ce moment, car elle sait pertinemment que cela peut lui être enlevé du jour au lendemain. Cinq destinées qui vont être une fenêtre ouverte sur une réalité bien triste et dont on a beaucoup trop tendance à détourner le regard. Une importante leçon de vie à découvrir.

Nous sommes encore ici dans un one shot et plus précisément un recueil de plusieurs histoires courtes. Le monde dans leurs yeux est une œuvre que j’ai beaucoup aimé pour tout ce qu’elle arrive à transmettre en aussi peu de temps. Si chacune de ces histoires se focalise sur un thème précis, à savoir la place de la femme dans la société actuelle, elles arrivent aussi à avoir bon nombre de différences. Cela commence tout bonnement par rapport au pays d’origine de chacune de ces jeunes filles qui va amener ses propres coutumes, mais aussi problèmes à leur égard. Et je trouve justement que l’on a toujours un fond pertinent tout en proposant des récits qui vont aborder bon nombre d’éléments en adéquation avec la vie de chacune de nos héroïnes. Il va ainsi être question dans l’une de ces nouvelles d’aborder le cas du mariage forcé, dans un autre on voit deux générations qui confrontent leur point de vue sur la vie et le rôle de la femme dans un foyer. On a aussi d’autres sujets d’importance qui sont abordés comme l’école, la liberté, mais aussi la guerre et d’autres thèmes bien plus sombres. En lisant cet ouvrage, j’ai eu plus d’une fois la gorge nouée tant on est face, pour beaucoup, à des injustices à l’égard de ces demoiselles qui cherchent juste à vivre leur existence sans qu’on les rabaisse constamment. On a envie de crier avec elles leur droit à l’égalité et surtout qu’elle soit maîtresse de leur destin plutôt que de le laisser à des hommes qui veulent montrer leur supériorité. Une œuvre qui, comme le dit son titre, est là pour nous montrer le monde à travers leurs yeux et que l’on soit témoin de leur force à aller de l’avant et de lutter contre les regards méprisants et un monde où l’on veut les mettre de force dans une case. Une lecture qui fut un coup de cœur pour tout ce qu’elle transmet et la manière dont ces messages nous sont présentés. Le genre de titre qui revêt une grande importance.

[PS : L’éditeur va bientôt communiquer concernant le prix pour « Le monde dans leurs yeux »]