Gaming Horror Show : Le fabuleux cauchemar Dead Space
On attaque déjà le second numéro du “Gaming Horror Show” et il est temps de s’attarder sur un autre thème horrifique via le jeu vidéo. Et dans les nombreuses licences qui ont su se faire un nom et une place dans ce genre, il y en a une que je voulais absolument évoquer. Elle fut capable, dès son premier opus, à créer une angoisse palpable qui change drastiquement de ce que l’on pouvait voir habituellement. Je parle ici de Dead Space et plus particulièrement du premier opus. Alors que l’horreur spatiale a souvent été l’apanage du xénomorphe qui en avait fait son terrain de chasse, un sérieux concurrent est apparu avec les nécromorphes. Et je trouve qu’il y a énormément à dire sur cette expérience vidéoludique qui a su me donner bien des sueurs froides en compagnie de l’ingénieur Isaac. Je me dis donc qu’il est temps de reprendre mon courage à deux mains pour m’aventurer de nouveau au sein de ce vaisseau en perdition. Une expérience qui peut être marquante et qui ne va pas uniquement jouer sur le gore, mais sur tout un tas d’autres éléments venant renforcer l’angoisse ressentie. On est parti pour une petite virée dans l’espace.
Personne ne vous entendra crier
Pour ceux qui ne connaissent pas, Dead Space est un survival-horror où nous sommes aux commandes de Isaac Clarke qui, en compagnie d’une petite équipe, va répondre au signal de détresse du vaisseau Ishimura. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur qu’ils vont découvrir un silence de mort et l’impression que cette épave n’a plus âme qui vive. Mais c’est en avançant au bout de quelques minutes de jeu que l’on va faire connaissance avec la source du malheur ayant frappé l’équipage de l’Ishimura : les nécromorphes. Dès cet instant, c’est un véritable enfer que vont vivre les membres de cette mission qui vont devoir se confronter à un puissant artefact extraterrestre. Et la première chose qui est intéressante à noter est le cadre dans lequel cela se passe. En effet, les jeux d’horreur se déroulant dans l’espace sont loin d’être monnaie courante. On préfère souvent se retrouver sur la terre ferme que loin de notre bonne vieille planète. Impossible alors, en débutant l’aventure, de ne pas penser à l’inspiration cinématographique du jeu comme la saga Alien ou d’autres films comme Event Horizon. Car si le jeu vidéo a rarement utilisé ce thème pour créer l’effroi, le cinéma quant à lui a su donner bien des pépites dans ce domaine. Et cela va créer rapidement quelque chose de très fort chez le joueur qui se retrouve dans cette vieille carcasse de vaisseau où la lumière est loin d’être aussi rayonnante que sur Terre. Au contraire, on va progresser au sein de nombreux couloirs et salles où l’obscurité n’est brisée que par quelques petites lumières artificielles qui sont loin d’être suffisantes pour nous rassurer. De plus, c’est aussi un excellent théâtre de l’action qui nous est proposée, car c’est justement en étant coincé au sein de l’Ishimura que va naître un élément primordial à l’expérience vécue : la claustrophobie.
En plus de se retrouver aux prises avec des créatures cauchemardesques, Isaac est tout bonnement coincé dans cette prison d’acier où il ne semble y avoir aucune échappatoire. La question est donc de savoir s’il aura le temps de trouver une issue à tout ça ou de se faire engloutir dans les ténèbres de ce lieu. Et surtout, on a un réel sentiment de solitude qui nous prend aux tripes. A part quelques messages des autres membres de l’escouade, on est livré à nous-mêmes dans un environnement qui est déjà source d’effroi. Et cela joue admirablement bien sur une angoisse très ancrée dans la nature humaine qui est la peur de la solitude face à une menace bien présente. On se sent impuissant face à tout ça et on prend juste notre courage à deux mains pour avancer petit à petit. Et le fait de savoir que l’on ne peut compter sur aucun soutien fait que l’on a peur de cet isolement que l’on ressent. Sans même avoir un adversaire bien visible devant nous, on n’a jamais le sentiment de pouvoir se reposer, car la peur est omniprésente. Et cela nous amène sur un autre état d’esprit qui va découler directement de la mise en place de ce décor. Que ce soit notre protagoniste ou bien le joueur, les deux vont voir naître en eux une paranoïa tout à fait légitime. Cette pièce vide serait idéale pour se reposer et pourtant on ne peut s’empêcher de se dire qu’un nécromorphe peut se cacher dans les conduits. C’est encore plus flagrant dans des salles assez grandes où les chemins d’attaques sont bien plus nombreux. On en vient à préférer des endroits encore plus réduits pour n’avoir qu’un accès possible pour bloquer d’éventuels intrus. Et tout ça montre que le studio a largement su créer quelque chose d’encore plus grand que simplement un jeu où l’on avance face à des ennemis monstrueux. Rien que de progresser au coeur de l’Ishimura est déjà une torture qui rend l’expérience encore plus marquante.
Je ne suis pas un héros
Je veux aborder maintenant un point que je trouve particulièrement important et qui joue grandement sur l’horreur que l’on va ressentir. Il s’agit tout bonnement du personnage d’Isaac qui en est pour beaucoup dans l’immersion que l’on va ressentir. En fait, dans le survival-horror, on peut voir deux types de protagonistes se démarquer le plus souvent. La première est d’avoir un personnage jouable qui soit capable de se défendre face à l’ennemi. Une personne entraînée pouvant faire étalage de plusieurs compétences pour se sortir des pires situations. De l’autre, nous avons des individus lambdas qui se retrouvent face à un mal qui les dépasse. Dead Space bascule clairement dans cette seconde catégorie, car même si Isaac peut faire appel à plusieurs armes et donc se défendre, il n’est pas du tout un combattant aguerri. Il n’est qu’un ingénieur se retrouvant dans un véritable enfer et qui ne peut compter que sur son instinct de survie pour s’en sortir. D’ailleurs, on peut remarquer qu’il n’est pas particulièrement robuste ou fort de par son côté assez pataud dans les mouvements. De même, ce n’est que grâce à son armure et ses optimisations futures qu’il peut encaisser les coups de ses ennemis. Et je trouve que ce parti-pris est très important et surtout crucial pour construire une expérience horrifique intense. La raison à ça est que l’on peut justement se transposer à la place de notre ingénieur. Un gars tout à fait banal et qui a pour première arme un simple cutter plasma qui est un outil de travail. On se met à sa place et c’est ce qui fait que l’on avance autant la boule au ventre au sein de ces longs couloirs. Dans notre esprit, on ne peut s’empêcher de se demander comment on agirait à sa place et de ce fait, nous sommes autant interpellé par le récit de notre protagoniste qu’impliquer dans notre quête de survie.
Et je trouve que cette proposition est vraiment un choix parfait pour le survival-horror qui ne cherche pas uniquement à nous divertir. Si certains partent dans le gore et le sanguinolent pour choquer, il y a aussi tout un tas d’éléments qui peuvent jouer sur l’émotion que l’on va ressentir et justement donner le sentiment de faire partie intégrante de cette aventure. C’est pour ça d’ailleurs qu’il y a un remarquable travail effectué au sein du jeu pour réduire au maximum les informations à l’écran pouvant nous faire sortir de l’expérience. Ainsi, la barre de vie est directement intégrée à la colonne vertébrale de l’armure d’Isaac. Pareil pour la carte qui est directement liée à son bras et qui ne met pas le jeu en pause. Le guide pour savoir où aller, les munitions dans l’arme, la jauge des pouvoirs psychiques et beaucoup d’autres choses sont directement implantés dans le gameplay et non juste des informations qui sont balancées comme ça sur un ATH. Ce qui fait que la frontière entre le jeu vidéo, le récit horrifique et le cinéma est particulièrement floue. Ainsi, le joueur doit rapidement s’adapter à ça et s’immerger encore plus dans cette virée angoissante au sein du Ishimura. Dead Space, déjà à l’époque de sa première sortie, se présentait comme une aventure à part entière dans le paysage du survival-horror. Une épopée où l’on avance en terrain inconnu au contact d’un homme qui n’est pas extraordinaire et dont l’unique raison pour laquelle il continue est son envie de retrouver sa femme. Dans un sens, il y a même un petit côté Silent Hill quand on prend du recul sur cette licence. Car si l’horreur que représente les nécromorphes est bien réelle et viscérale, il y a aussi une grosse partie psychologique propre à notre héros et à ce qu’il va découvrir au fil de son périple.
La menace nécromorphe
Si j’ai pu me focaliser ici sur le décor représenté par l’Ishimura et la banalité importante d’Isaac, il est important de se concentrer maintenant sur ceux qui représentent la principale menace de Dead Space. Pour commencer, il faut reconnaître que les nécromorphes filent la chair de poule rien que par leur chara-design. Des êtres humains difformes avec des pics acérés à la place des mains et une soif de sang inextinguible. Dès leur première apparition, ils instillent la peur chez le joueur qui doit fuir à tout prix pour ne pas finir entre leurs griffes. Et je trouve que la manière dont ces créatures sont introduites y est pour beaucoup dans l’angoisse qu’elles nous font ressentir. Pour comprendre ça, il faut revenir un peu sur cette scène qui va faire basculer le jeu dans l’horreur. On se retrouve dans une salle des commandes avec une vitre donnant sur une autre pièce où nos compagnons attendent que l’on dégage le passage. A ce moment, rien n’indique qu’il y ait un danger immédiat. Mais il suffit que l’on accomplisse notre tâche pour que d’un coup la pièce soit plongé dans le noir avec juste assez de lumière pour entrevoir le monstre qui est avec les autres membres de l’équipe. On voit impuissant aux coups de feu d’un membre de l’équipe avant qu’il ne soit finalement emporté par la bestiole. Et tandis que l’on ignore le sort de nos comparses, on a juste quelques mots de leur part qui nous disent de fuir à tout prix. Un avertissement qui nous fait entrer dans une panique tandis que l’on court pour échapper aux nécromorphes qui sortent des conduits et autres bouches d’aération. Sans armes, on ne peut que prier de réussir à atteindre une zone sûre. Et cette montée en puissance de l’angoisse très brusque fait que l’on imprime à jamais l’image de ces ennemis dans notre esprit.
Une expérience traumatisante d’entrée de jeu et qui va dicter notre conduite ensuite. Mais alors que cette première rencontre nous pousse à la précipitation, celle-ci peut alors devenir un piège mortel au vu des spécificités de ces créatures. En plus de rendre chaque espèce de nécromorphe plus effroyable que la précédente, le studio a aussi pensé à en faire des prédateurs particulièrement rusés. Il n’est pas uniquement question de cibles à abattre qui se dirigent droit sur nous. On nous présente de vrais chasseurs qui peuvent surgir à tout instant d’un conduit pour nous prendre à revers. De même, il peut aussi arriver qu’en revenant dans un couloir, on découvre un cadavre de nécromorphe par terre. L’ignorance nous fait avancer en pensant qu’il s’agit d’un ennemi que l’on a abattu précédemment. Et c’est là qu’il se réveille d’un bond à notre approche pour nous attaquer. Tous ces comportements contribuent à faire de ces adversaires des monstres mémorables du survival-horror. On a beau se défendre du mieux que l’on peut et avoir vaincu tous les ennemis d’une pièce, on a toujours le sentiment d’être observé. Le moindre bruit devient alors une source de peur en pensant qu’ils sont en train de ramper dans notre direction. En outre, les nécromorphes sont aussi des entités particulièrement résistantes qui obligent le joueur à aborder une stratégie bien précise pour les vaincre efficacement. Tirer simplement dessus ne servira à rien et le plus efficace est de les démembrer en visant leurs divers membres. Une idée parfaite, car dans le stress du moment, la panique peut nous faire trembler et nous faire rater notre cible surtout au vu de la difficulté parfois de toucher les jointures des diverses parties de leur corps. Dead Space est parvenu à proposer une menace qui semble omniprésente et qui nous donne le sentiment d’être une proie dans un labyrinthe d’acier où chaque virage peut nous amener à notre fin.
Dead Space ne nous laisse pas intact
Dès que j’ai eu l’idée de faire le “Gaming Horror Show”, j’avais en tête de parler de Dead Space. Pour avoir fait pas mal de jeux d’horreur, il fait sûrement partie de ceux qui m’ont le plus marqué. Cela est dû au remarquable travail du studio dans la réalisation de ce titre autant dans le gameplay que le level design ainsi que chaque élément construisant cette expérience. En reprenant un thème bien ancré dans le monde du cinéma et en l’appliquant au gaming tout en y insufflant leur propre vision, on débouche sur une aventure horrifique qui nous glace le sang. Alors oui, Dead Space joue aussi sur un aspect sanglant de par la nature des nécromorphes ainsi que les mises à mort d’Isaac ou bien les scènes que l’on va pouvoir découvrir tout au long de notre exploration de l’Ishimura. Mais ce n’est clairement pas, à mes yeux, ce qui est le plus terrifiant. On sent que l’on est dans un environnement où personne ne viendra nous sauver. Comme le disait très bien cette célèbre phrase “dans l’espace, personne ne vous entendra crier”, ce titre en a parfaitement saisi tout le sens. On nous montre, avec cette épopée, que le décor peut jouer un rôle essentiel dans l’angoisse ressentie. Ici, tout est équilibré pour que l’on passe d’une envie irrésistible de fuir à une peur panique d’avancer de crainte de ce qui nous attend. A la fois statique et en mouvement, le joueur est tiraillé par cette peur qui l’assaille. Et c’est la preuve que cette aventure fonctionne à merveille.
Une excellente preuve que l’horreur dans le jeu vidéo peut prendre bien des formes et qu’il ne s’agit pas uniquement de se confronter à un danger bien flippant. Tout est une question d’équilibre et c’est ce que nous montre Dead Space pendant toute la durée de cette virée. On tremble, on a peur et l’on est terrifié à l’idée de progresser, mais en même temps on a envie de voir si l’on peut s’en sortir. Un challenge de taille et qui est le parfait compromis entre le divertissement vidéoludique et une horreur qui nous prend aux tripes. Et en plus de ça, ce jeu ne cherche pas seulement à nous plonger dans une quête de survie où l’on doit quitter ce vaisseau. Comme dit un peu plus haut, il y a aussi toute une partie psychologique qui va parler de la question du deuil, de la difficulté d’accepter la réalité et le fait de se raccrocher à la moindre source de lumière même si celle-ci nous enferme encore plus dans les ténèbres. Des thématiques qui vont aussi être approfondies dans la suite et même si le troisième opus a des lacunes, l’ensemble de la licence est, pour moi, un classique du genre. Une oeuvre qui s’inspire du cinéma pour y ajouter toute l’implication du joueur par le gameplay et faire de lui un prisonnier de l’Ishimura au même titre que Isaac. J’espère en tout cas que cette seconde chronique du “Gaming Horror Show” vous aura plu. On se retrouve très vite pour le troisième article de ce rendez-vous d’octobre. N’hésitez pas à me dire en commentaires si vous avez joué à Dead Space et votre ressenti global sur ce titre.