Shibatarian T1 : un film mortel
J’ai pu l’évoquer à maintes reprises, mais le genre horrifique est un style que j’ai appris à apprécier. Je trouve d’ailleurs qu’il est très souvent sous-estimé au vu des nombreux aprioris installés dans l’esprit des gens suite à bon nombre d’œuvres ratées. C’est souvent le cas au cinéma, mais dans le manga on arrive à s’extraire de cela de par les nombreuses facettes que cet art peut prendre. Parodie, WTF, gore, psychologique ou bien polar, l’horreur peut cohabiter avec de multiples autres propositions lui permettant une grande diversité. Si j’ai fait un long focus ici, c’est parce que le titre dont je vais vous parler aujourd’hui nous délivre une expérience assez spéciale. Il s’agit de Shibatarian chez Panini dont le premier volume vient de sortir et qui est déjà connu par certains via la plateforme Manga Plus. J’avais très hâte de me lancer dans cette aventure qui me promettait pas mal de frissons. Mais je ne m’attendais pas à ce que le récit puisse prendre une telle direction par rapport à son pitch initial et surtout les thèmes abordés. Soyez donc prêts pour une idée de scénario qui va être le début d’un long cauchemar pour un étudiant rejeté par les autres.
Le souhait d’un exclu
Synopsis
Sato Hajime est collégien. Un jour, il découvre un corps semi-enterré sous un cerisier en fleurs. C’est celui de Shibata. Les deux adolescents vont rapidement sympathiser au point de devenir inséparables. Sato prend conscience que personne ne semble connaître ou même remarquer Shibata.
Mangaka : Katsuya Iwamuro
Dès le départ, Shibatarian éveille la curiosité par rapport à cette singulière rencontre entre les deux principaux acteurs de cette pièce. On se rend rapidement compte que quelque chose cloche et on va alors être propulsé dans un premier acte en deux étapes. Ce qui se présente comme une tranche de vie scolaire initialement va peu à peu basculer dans l’horreur. Ce changement va être au cœur de l’attrait que l’on peut avoir pour cette série surtout dans sa faculté à utiliser cette nouvelle tournure pour appuyer les thèmes abordés au départ. Une œuvre qui se joue de nous et qui nous scotche à notre siège comme si on était devant un film nous tenant en haleine.
Un désir qui finit mal
Il faut vraiment prendre en compte que ce premier volume de Shibatarian se compose de deux parties bien distinctes et il y a un rapport très intéressant qui va s’organiser entre elles. Pour débuter, on va suivre notre jeune protagoniste dans son quotidien en tant que lycéen et sa rencontre surtout avec Shibata. Une scène pour la moins surprenante du fait que ce dernier est retrouvé enterré avec juste la tête qui dépasse et qu’il semble garder un grand sourire malgré tout. On prend ici le temps de nous narrer le lien d’amitié très fort qui se tisse entre les deux et qui va aussi mettre en exergue leur solitude face au reste des élèves. Des étudiants qui suivent le mouvement tandis qu’eux vivent dans leur petit monde fait de cinéma et d’imaginaire. Mais, comme très souvent dans ces cas-là, la majorité n’accepte pas ceux qui vivent en marge d’elle et on va être témoin d’un terrible harcèlement et de mots durs de la part des “camarades” de notre héros. On a donc l’impression que le titre part dans la critique sociale et sur fond de school life. Mais plus on avance au sein de ces pages et plus on ouvre les yeux sur le changement de ton qui est en train de s’opérer. A cause d’un malheureux souhait, c’est toute son existence qui va basculer. Après nous laisser sur une énigme qui n’a pas encore de réponses, mais qui contribue à créer une sorte de malaise. On va alors entamer un second acte qui va autant être déroutant que nous amener dans la partie horrifique de l’œuvre.
Et là, il est captivant de voir comment celle-ci s’exprime. Si tout va tourner autour du cinéma dans les intentions de l’antagoniste, l’auteur va surtout parfaitement jouer avec l’aura de ce dernier. En effet, à mes yeux, ce qui provoque l’angoisse chez le lecteur en premier est la manière dont ce personnage va réussir à s’imposer comme une menace. Pourtant, on nous montre ici un individu qui n’a rien d’extraordinaire, mais il suffit de poser les yeux sur son visage pour comprendre à quel point il est déterminé à accomplir son objectif sanglant. Et là, tout va être réfléchi pour que l’on nous impose une atmosphère pesante et où l’on a le sentiment qu’il pourrait débarquer à tout instant. Son visage devient une source de cauchemar et va terrifier nos héros ainsi que le lecteur. Mais surtout, on incorpore une dose de surnaturel qui va accentuer le danger qu’il représente. Sans nous en rendre compte, on est totalement plongé dans l’effroi et dans une course contre la montre qui nous tient en haleine. On cherche autant à voir si nos protagonistes vont survivre que de comprendre tout ce qui est en train de se passer. Le mystère devient autant une source d’angoisse qu’une urgence à résoudre tandis que l’on aborde, au fil de ce cauchemar, des éléments venant renforcer les thèmes introduits dès le départ. Une sorte de vengeance qui tourne mal et où l’on se questionne sur qui est vraiment le véritable antagoniste. Et c’est une très bonne utilisation de l’horreur pour appuyer les propos réels du récit tout en créant une expérience qui nous prend aux tripes.
Je trouve que Shibatarian propose une introduction très intéressante dans sa construction horrifique. En effet, toute la première partie du manga se focalise avant tout sur un sujet grave et lié au milieu scolaire pour ensuite s’étendre à la société entière. Des thèmes qui vont être le levier qui va faire basculer ce récit dans l’effroi. Et on ouvre alors les yeux sur une œuvre qui va progressivement créer le malaise pour mieux nous oppresser et faire de ce fameux “scénario” un film dont nous sommes les témoins de l’avant-première et qui nous retourne l’estomac. On se demande alors si tout cela est réel ou non.
Shibatarian nous plonge dans son cauchemar
On peut facilement trouver Shibatarian pour le moins étrange au premier abord. Avec son postulat de départ et surtout la tournure que vont prendre les événements, on se questionne sur où veut nous mener le récit. Et pourtant, je trouve justement qu’il y a de très bonnes idées qui sont exploitées autant dans la critique sociale que dans la manière de créer l’effroi. Premièrement, l’auteur a su, en seulement quelques pages, poser des fondations solides qui vont servir à traiter du harcèlement scolaire, du mépris pour ceux qui sont différents et surtout l’effet de groupe. Quand on voit nos deux protagonistes au début de l’œuvre, on a une certaine sympathie pour eux du fait qu’ils sont tous les deux présentés comme des exclus qui vont finalement devenir amis et être liés par une passion commune. Et cela rend encore plus déchirant et triste le premier twist du manga qui nous fait voir l’ensemble de cette histoire d’un autre œil. Et alors que l’on pense que l’on a déjà de quoi créer une histoire prenante, le mangaka va rapidement plonger ses personnages dans un enfer sans nom et toujours en adéquation avec ce qu’il a introduit initialement. Et alors là, l’horreur va être autant visuel que psychologique. Il faut comprendre que certaines peuvent être choquantes et sont réservées à un public averti. Une brutalité qui vient choquer le lecteur qui ne s’attendait pas à ça avant que ne s’installe dans son esprit ce visage symbolisant la menace de cette histoire. Un faciès qui est pensé pour nous hanter et surtout être quasiment omniprésent.
En partant là-dessus, l’auteur s’assure de créer un climat tendu et une forme de paranoïa en se demandant quand cet être finira par réapparaître. Avec tout ça, j’ai trouvé, pour ma part, que ce premier volume de Shibatarian avait beaucoup de potentiel sur tout ce qu’il essayait d’entreprendre. J’ai vraiment ressenti de l’angoisse et un malaise dès la seconde moitié du tome tant on est dans une opposition forte via les personnages. Mais surtout, j’ai aussi apprécié le fait que le titre ne joue pas uniquement sur une escalade de violence. On va être énormément dans une tension psychologique où l’on sent l’impuissance de nos héros face à cette menace qui semble se multiplier constamment. En plus de ça, l’utilisation du passé et surtout du choix de notre protagoniste est prometteuse pour le développement futur de l’œuvre. Ajoutez à cela les multiples mystères qui entourent cet ennemi et l’on est facilement emporté par l’intrigue. Si vous appréciez les mangas d’horreur et que vous cherchez une expérience haletante et angoissante alors vous devriez être convaincu par ce premier volume. J’ai évidemment énormément de questions qui me viennent à l’esprit au vu de ce que l’on peut voir entre ces pages. Comment est-il possible de vaincre un tel ennemi ? Est-ce que tout ça est bien réel ? Quel rôle va jouer notre protagoniste dans tout ça ? Comment fonctionnent les étranges facultés de cet antagoniste ? Je suis autant impatient qu’inquiet de savoir ce que réserve l’avenir à nos nouveaux amis.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Shibatarian. Est-ce que cette introduction a su, selon vous, créer une ambiance oppressante et terrifiante au vu de la tournure des événements ? Trouvez-vous que les thèmes traités au sein de cette œuvre sont prometteurs et bien travaillés ? Pensez-vous que l’on va avoir le droit à une opposition plus que captivante entre nos deux principaux personnages ? Le titre parvient-il, à vos yeux, à utiliser l’horreur pour amener des sujets de société sur la table ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.