Pourquoi j’aime – PJ #15 : Père Fouettard Corporation
Ce que j’apprécie avec ce rendez-vous de “Pourquoi j’aime” est que cela me donne l’occasion de vous parler d’œuvres qui ne sont clairement pas les plus populaires ou connues. Il faut dire que le monde du manga regorge de séries qui valent le coup d’œil, mais qui n’ont malheureusement pas l’aura escompté. C’est le cas avec le titre dont je vais vous parler aujourd’hui. Si vous me suivez sur les réseaux, vous savez à quel point j’aime en parler. Surtout qu’il s’agit d’une licence qui a souvent le droit à un seul tome par an et qui en fait donc un petit rendez-vous annuel obligatoire pour moi. Je parle bien sûr de Père Fouettard Corporation chez Kurokawa de Hikaru Nakamura à qui l’on doit aussi le singulier “Les vacances de Jésus et Bouddha”. Dans un sens, quand on voit les histoires que la mangaka propose, on peut souvent s’attendre à tomber devant un récit qui ne ressemble à rien de ce que l’on a vu auparavant. C’est exactement le cas avec cette série qui me tient à cœur et dont je vais vous présenter aujourd’hui les cinq raisons qui me font tant l’apprécier. Préparez-vous à suivre un travail loin d’être aussi magique qu’on pourrait le croire !
Un boulot pas comme les autres
Ce qui est, en premier lieu, important de se focaliser sur Père Fouettard Corporation est qu’il s’agit d’un manga très ancré dans un contexte contemporain. Cela se ressent justement dès le départ avec notre protagoniste qui mène une vie loin d’être fantastique en tant que simple employé d’un konbini. Et quand le surnaturel vient frapper à sa porte en la personne du Père Fouettard, on peut se dire que l’on va basculer dans un aspect beaucoup plus fantastique et presque onirique. Si la transition va être bien là, elle va pourtant nous amener sur un chemin que l’on n’avait pas vu venir. En fait, la mangaka va trouver le parfait compromis entre l’imaginaire et le réel en nous emmenant dans ce légendaire atelier où sont faits les jouets pour Noël. Mais au lieu de découvrir tout un système où la magie serait prépondérante, on pose les yeux sur une entreprise qui pourrait totalement ressembler à n’importe quelle grosse boîte avec des éléments irréalistes évidemment. Et c’est ça que je trouve fantastique en premier lieu, car la série nous propose de plonger dans ces légendes que l’on connaît depuis tout petit, mais pour mieux les tordre et en proposer une version qui soit à la croisée des chemins entre l’enfance et l’adulte. Ce qui fait que ce nouveau job, proposé à notre protagoniste, est captivant dans la manière qu’il a de nous tromper tout en apportant tout de même une dose d’originalité à l’ensemble du récit. Et cela permet aussi d’avoir une critique finalement très intéressante de la société actuelle qui vient même influencer un mythe qui doit rester du domaine de l’imaginaire et de l’émerveillement. Un travail qui va réserver son lot de surprises, de moments forts, mais aussi de défis éprouvants pour ce jeune homme qui devient un engrenage de cette impressionnante industrie.
Une autre vision du mythe du Père Noël
J’ai déjà pu l’évoquer dans le premier point, mais Père Fouettard Corporation se démarque aussi par son appropriation de la légende du Père Noël et des personnages qui gravitent autour. Et ce que j’aime particulièrement à ce niveau, c’est que la mangaka montre clairement son envie de proposer sa vision de tout ça. J’ai parlé de toute la fabrique de jouets, mais il y a plein d’autres éléments qui sont traités différemment de ce que l’on connaît tous normalement. Entre les lutins qui sont loin d’être de vrais lutins comme on les voit dans les livres pour enfants, les rennes qui sont des humains promus dans la société et le Père Fouettard avec ses nombreux mystères, il y a toujours quelque chose d’inédit. De ce fait, on a ce sentiment à la fois étrange et grisant d’être en terrain connu de par les racines de ce mythe que dans un épais brouillard où chaque page est une surprise. C’est comme si l’artiste avait créé sa propre mythologie autour de Noël qui s’inspire autant de l’imagerie populaire que d’une déformation propre à sa créativité. Le titre regorge d’excellentes idées dans ce genre afin que l’on ait l’impression de redécouvrir totalement ces figures emblématiques de la culture populaire et même mondiale. On se demande parfois où tout ça mène avant de finalement comprendre les réelles intentions de l’autrice. Une créativité débordante qui donne lieu à une aventure où l’on est tiraillé entre l’émerveillement, le questionnement et parfois même l’angoisse tant il y a des passages qui tirent presque vers l’effroi. Cela donne ainsi un conte de Noël unique en son genre et qui n’est pas tant adressé aux enfants, mais à ceux qui connaissent la vérité derrière cette légende et qui doivent maintenant découvrir une nouvelle version beaucoup plus sombre sans pour autant faire ses adieux à cette fable qui fait tant rêver.
Un récit bien plus sombre qu’il n’y paraît
Je parlais un peu plus haut d’un récit particulièrement mature dans les diverses intrigues qu’il va mettre en place. Il faut comprendre que Père Fouettard Corporation s’éloigne justement de la partie enfantine et festive de ce qui touche au Père Noël pour créer un univers bien plus sombre. Cela ne saute pas forcément aux yeux au tout début étant donné que l’on est surtout dans une phase de découverte. Pourtant, plus on s’attarde sur le fonctionnement de cette entreprise et les gens qui y travaillent et plus on a un sentiment de méfiance et même parfois d’insécurité. En réalité, il y a toute une part d’ombre qui se dissimule aux yeux du protagoniste. Entre le mystère autour de son père, les nombreux secrets de son nouvel employeur, l’entraînement éprouvant subi par le protagoniste et la menace qui débarque un peu plus tard, je ne m’attendais pas du tout à ça en me lançant dans cette aventure. Cela montre, une fois de plus, le talent de cette mangaka pour surprendre son lectorat et surtout créer une histoire qui va nous tenir en haleine à travers des personnages détournés qui sont loin d’être aussi féeriques que l’image que l’on a d’eux initialement. De plus, je trouve que le scénario prend une ampleur assez conséquente au fil des chapitres tant on va être immergé dans les manigances qui ont lieu en coulisses. Derrière les cadeaux et le fait de rendre les enfants heureux, une vraie bataille a lieu pour comprendre ce qui est à l’origine de la disparition du vrai patron de cette entreprise ainsi que les motivations de son nouveau chef. Même dans certaines intrigues secondaires on arrive à ressentir une certaine tension ainsi que des moments très tournés vers le drame humain. Énormément de surprises à découvrir au cours de cette lecture où chaque tome possède son lot de rebondissements et de mystères à résoudre.
Des personnages originaux et captivants
Je ne peux pas évoquer Père Fouettard Corporation sans parler évidemment de son casting qui est vraiment excellent pour plusieurs raisons. Pour commencer, je me focalise sur ceux qui vont se retrouver employés par ce chef d’entreprise pour le moins particulier. Cela comprend notre protagoniste et ça permet de rebondir directement sur un point précis. Ces nouveaux salariés sont présentés comme des gens tout à fait ordinaires et qui ont accepté de signer ce contrat pour des raisons qui sont propres à chacun. Et c’est cette simplicité humaine que je trouve rafraîchissante au milieu de cet univers teinté de fantasy. Ils n’ont pas de pouvoirs particuliers ou bien de capacités extraordinaires. Ce sont juste des humains qui ont vu une opportunité d’obtenir de l’argent, d’accomplir un rêve ou un autre objectif. Et plus on progresse dans l’histoire et plus on assiste à leur évolution et surtout à leur adaptation par rapport à cet environnement qui a son propre fonctionnement. Ils vont tous avoir leur moment de gloire ou bien exprimer leurs inquiétudes personnelles avant de basculer progressivement dans le fantastique. Cette transition est magnifiquement travaillée tout au long de la série afin que l’on soit happé par leur écriture et leur développement. Les autres figures importantes du récit ne sont pas en reste, car elles sont toutes une version déformée de ce que l’on peut connaître d’eux. Le Père Fouettard et ses secrets qui dirige ce lieu et va à l’inverse de son rôle initial. Le chef des lutins qui n’a absolument rien de charmant et donne l’impression d’être tortionnaire avant de finalement montrer des actes plus touchants. Et je pourrais continuer comme ça avec quasiment l’ensemble des personnages du manga. Des acteurs et actrices qui dénotent et qui arrivent à retenir notre attention afin que l’on voit jusqu’où ils vont nous emmener.
L’envoûtement Père Fouettard Corporation
Il est déjà temps de conclure cette chronique autour de Père Fouettard Corporation et j’aurais encore tant de choses à dire. Je terminerais donc en parlant du fait que ce manga a vraiment été un envoûtement pour ma part. Cela peut paraître paradoxal au vu de tout ce que j’ai évoqué précédemment. Pourtant, Hikaru Nakamura parvient à conserver cette magie qui est propre à ce mythe que tout le monde connaît et à l’imaginaire de façon générale. Nous sommes juste devant sa vision de ces personnages iconiques qui ont gravé leur nom dans l’esprit de chacun. Une réinterprétation qui nous prouve que même une idée pouvant sembler aussi farfelue et improbable a cette capacité à séduire. Quand je lis un nouveau tome de cette série, c’est comme retrouver de vieux amis qui ont des défauts, des failles, des secrets, mais aussi de formidables qualités. Et surtout, à chaque fois que je me dis que je ne pourrais plus être autant surpris, ce titre y parvient. En plus d’avoir un trait qui retranscrit à merveille ce côté féérique teinté de nuances assez sombres, nous sommes surtout face à une œuvre unique. Oui, c’est un ovni au milieu de toutes les séries que l’on peut avoir en librairie. Mais c’est justement cette volonté de sortir des sentiers battus qui rend cette histoire aussi géniale à suivre. Sans oublier que les intrigues sont loin d’être inintéressantes et j’ai envie de savoir ce qui peut bien se cacher derrière tout ça. Père Fouettard Corporation est une magnifique preuve que l’imaginaire aura toujours le moyen de nous surprendre et de créer des aventures que l’on ne peut oublier. Et même s’il faut toujours attendre qu’un seul tome par an, ce n’est pas grave. C’est devenu un petit rituel qui rend d’autant plus plaisante ces retrouvailles avec cet univers où l’on tremble et s’émerveille de cette entreprise hors du commun.