Le rideau se baisse : One Half of a Married Couple
Le genre du slice of life ne cesse de me happer un peu plus au fil du temps. Il faut dire que ce type de récit arrive souvent à attirer le regard au fur et à mesure que l’on grandit et que les expériences de la vie se multiplient pour nous. On peut alors facilement se projeter dans ce qui est conté et ainsi transposer ça à ce que l’on a pu connaître. Et puis c’est aussi un formidable terreau pour faire pousser des idées prometteuses afin d’aborder certains thèmes bien précis. C’est exactement le cas pour notre sujet du jour qui est une autre série de chez Meian ayant trouvé sa conclusion récemment. Je parle bien sûr de “One Half of a Married Couple” qui s’est terminé en huit volumes. Un nombre de tomes finalement assez court, mais qui est largement suffisant pour la mangaka de retranscrire l’histoire de l’autrice à l’origine de ce scénario. Nous plongeant, comme son nom l’explique si bien, au cœur d’un couple en apparence classique, cette œuvre veut montrer les réactions et comportements pouvant naître dès lors que la confiance s’étiole entre les deux concernés. Soyez donc prêts pour un dernier lever de rideau sur cette licence prenante et émouvante.
Une histoire de confiance
Pour vous resituer un peu le contexte, “One Half of a Married Couple” nous plonge dans le quotidien de Aya et Kazuma, un jeune couple marié qui vit des jours paisibles. Malheureusement, le comportement de plus en plus étrange de son mari pousse Aya à voir sa confiance en lui ébranler. Débute alors une angoisse de chaque instant à l’idée de connaître la vérité derrière ses agissements. Dès le départ, je trouve que le manga réussit à poser une atmosphère qui va nous interpeller. On a devant nous un mariage qui semble fonctionner avec deux êtres dont on sent leur amour l’un pour l’autre. Mais on nous montre aussi à quel point la confiance est une chose fragile qui peut rapidement voler en éclats dès lors que quelque chose change. Et sur ce point, le titre fait un remarquable travail tant on ressent l’angoisse naissante en Aya à l’idée de s’imaginer le pire concernant Kazuma. On partage ses craintes, et même cette forme de paranoïa qui peut se créer. Les jours de bonheur s’éloignent et le moindre petit élément sortant de l’ordinaire se transforme en une peur de plus en plus forte. L’amour se transforme alors en une sorte de prison où l’on ne sait plus s’il faut douter ou croire en la personne qui partage notre vie. Je trouve qu’en plus d’aborder avec brio ce thème, on est face à une œuvre qui parvient à traiter habilement de cette notion de confiance.
Une chose rare et précieuse, mais qui peut finalement s’effondrer sans forcément que l’on ait de preuve directe que quelque chose ne va pas. Et c’est justement ça qui fait que la première partie de la série est aussi intense. On voit nous aussi ces petits changements qui s’opèrent et qui éveillent tout naturellement la méfiance. Mais on a aussi envie de croire, pendant une bonne partie de l’œuvre, que tout ça n’est qu’une mauvaise impression. Que ce soit Aya ou bien le lecteur, on veut croire en cette histoire d’amour. Et même le rôle de l’entourage respectif à chacun va être intéressant, car cela joue aussi sur notre perception de ce que devient ce couple et si oui ou non nos craintes sont fondées. En plus de l’intrigue découlant de toute cette histoire, c’est vraiment dans tout ce qu’implique ce nouveau rapport entre nos deux protagonistes qui rend cette tranche de vie aussi prenante. En cela, on nous montre la difficulté que c’est de vivre ensemble et surtout qu’une relation peut s’effondrer en une fraction de seconde sans même qu’il ne soit clairement question d’un problème direct. Un slice of life qui réussit à nous plonger dans l’effondrement de ce lien et de ce que cela entraîne dans cette relation. Mais surtout, on voit aussi l’escalade qui va en découler où les petits doutes du début finissent par se métamorphoser pour devenir des craintes bien concrètes et une distance toujours plus grande entre les personnages. Et cela ne se limite pas uniquement à notre couple de base, mais aussi aux autres personnes qui gravitent autour de celui-ci.
J’avais déjà pu l’évoquer quand je me suis lancé dans “One Half of a Married Couple”, mais je trouvais que cette série parvenait à proposer une tranche de vie à la fois mature, captivante et profonde. Et c’est encore plus flagrant quand on voit que le manga prend le parti de nous raconter cette histoire deux fois, mais en passant du point de vue de cette jeune femme à celui de son époux. Un choix qui n’est pas anodin et qui permet alors de voir la perception de chacun d’entre eux sur ce qui se passe et surtout à quel point un gros problème se dégage de leur relation.
L’importance de la communication
Comme évoqué un peu plus haut, “One Half of a Married Couple” propose une narration singulière. En effet, les premiers tomes de la série se concentrent sur le point de vue de Aya concernant cette histoire jusqu’au point culminant de l’intrigue. Et ensuite, quand la vérité éclate, on bascule du côté de Kazuma pour revivre ce récit à travers ses yeux. Un choix vraiment très intéressant, car il permet de voir comment est perçue cette triste affaire d’un côté comme de l’autre. On se concentre initialement sur la méfiance grandissante de la jeune femme avant de voir la raison derrière le comportement étrange de son époux. Un même scénario, mais avec deux facettes bien différentes et tout aussi intéressantes l’une que l’autre. La raison à cela est que ces deux visions ont beau apporter leur lots de problématiques spécifiques, elles vont aussi soulever un problème commun majeur. Il s’agit tout bonnement du manque de communication au sein d’un couple. Si en apparence tout semble bien se passer et que les deux concernés donnent l’impression d’être heureux, la réalité est tout autre. On comprend alors que tout ça aurait pu être évité s’ils avaient pris le temps de discuter à coeur ouvert et ainsi avancer ensemble plutôt que séparément. Evidemment, cela est dû à la peur de briser la relation existante et de faire au mieux pour régler les problèmes soi-même.
Mais cela a un effet inverse en venant tout simplement instiller le doute dans le cœur de son ou sa partenaire. Que l’on soit du point de vue de Kazuma ou bien de Aya, cela se ressent pleinement. Ils s’enferment dans leurs propres angoisses de faire voler leur idylle en éclats et cela les conduit inéluctablement à s’éloigner progressivement. En fait, “One Half of a Married Couple”, en plus de proposer des personnages captivants et bien écrits, retranscrit à merveille cette chose qui doit exister au sein de chaque couple, mais qui est bien plus difficile qu’il n’y paraît à appliquer. L’angoisse, la peur, la méfiance amènent fatalement à plus de blessures et de tristesse, car on veut régler un problème en solo alors que ce n’est plus le cas. Il s’agit avant tout d’un binôme où chaque décision ou acte a une influence sur la vie des deux. Même si cela implique de se disputer, de hausser le ton ou bien d’exposer ce que l’on a sur le cœur, c’est en réussissant à dire ces mots à l’être aimé que l’on peut aller de l’avant. Une série qui nous plonge dans la complexité des rapports avec l’autre et surtout de cette nature humaine où l’on va souvent à l’encontre de la logique au vu de la volonté de tout résoudre soi-même. D’ailleurs, le manga nous délivre aussi une conclusion en parfaite adéquation avec ce message. Un final qui donne le sentiment d’avoir enfin un couple prêt à surmonter les futurs défis de leur vie. Un face-à-face qui aurait pu arriver plus tôt, mais qui justement sert de final parfait pour montrer cette complexité à parler de ce que l’on ressent, même face à la personne qui partage notre vie.
A travers la sombre manipulation qu’il va y avoir autour de ce couple, “One Half of a Married Couple” parvient à apporter des réflexions importantes sur cette vie à deux. Proposant en apparence un duo qui a tout pour lui, on se rend finalement compte que c’est beaucoup plus compliqué que ça. Une série qui les pousse à faire face à ce qu’ils ont vraiment sur le cœur afin de mieux se comprendre et aller de l’avant. On sera passé par bien des émotions tout au long de ces tomes qui viennent mettre à mal cet amour qui semblait pourtant si parfait au lancement de cette histoire.
One Half of a Married Couple rapproche
Il est déjà temps de conclure cette chronique sur “One Half of a Married Couple” et je dois dire que je ne me suis pas ennuyé un seul instant au cours de cette lecture. Une courte série qui n’a rien à envier aux autres mangas du même genre. On est face à une histoire qui nous présente une formidable fresque humaine où l’amour et la méfiance se mêlent pour un résultat qui va nous tenir aux tripes. Entre les premières inquiétudes de Aya à l’égard de Kazuma, les nombreux indices dévoilés au fil des chapitres, l’influence de leur entourage et la conclusion de tout ça, tout est finement écrit afin de donner vie à une histoire qui va nous émouvoir de bien des façons. On peut autant passer de la peur à la haine pour finalement craquer pour certains personnages. Et d’ailleurs, je trouve que les derniers tomes donnent un final que je trouve remarquable. Après avoir suivi chaque point de vue, nous sommes maintenant à la jonction des deux et où tout va se rejoindre pour donner lieu à des échanges particulièrement réussis. Et même en dehors de ce couple, le manga va aussi jouer sur les expériences des autres personnages pour aborder bien d’autres sujets tout aussi importants comme l’infidélité, la société patriarcale surtout au Japon, réussir à avoir des enfants ou non et bien d’autres thématiques. En seulement huit volumes, on enchaîne les moments qui nous poussent à réfléchir avec une intrigue qui va nous tenir en haleine jusqu’au bout.
Je terminerai donc cette chronique en vous confirmant mon énorme coup de cœur pour “One Half of a Married Couple”. Un manga qui ne s’arrête pas uniquement à nous raconter une histoire d’amour. Au contraire, on met de côté la magie des débuts et de tout ce qui peut être positif dans une telle relation pour se concentrer sur ce qui pourrait finalement la détruire. Si l’on est tiraillé pendant un bon moment sur ce que sera la finalité de cette histoire, on se rend compte aussi que ce titre ne cherche pas à créer un drame humain, mais à nous montrer ce qui peut être important pour justement éviter ça. Un récit qui prend le temps d’approfondir tous ses personnages en montrant qu’ils ne sont pas tout blanc ou tout noir, mais qu’ils ont tous des nuances et un vécu rendant leur développement beaucoup plus proche de la réalité. Et finalement, j’ai une profonde tendresse pour bon nombre de ces acteurs et actrices qui rythment cette histoire. Des âmes dont certaines sont perdues, souffrent et d’autres font de leur mieux pour que chaque jour soit meilleur que le précédent. Nous sommes face à un ascenseur émotionnel qui ne peut laisser de marbre et qui nous pousse aussi à la réflexion sur les rapports humains. On s’interroge et on se demande finalement ce que cela aurait donné si on avait été à la place de nos deux amoureux. Franchement, que vous soyez fans ou non du genre, vous pouvez facilement adhérer à cette série pour la profondeur de son écriture et ce qu’elle cherche à apporter comme piste de réflexion. Une bien belle surprise que je vous conseille et qui a une durée idéale selon moi.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis et ressenti sur l’ensemble de la série “One Half of a Married Couple”. Trouvez-vous que le titre a su aller au bout de ses idées tout au long de ses huit tomes ? Avez-vous apprécié le fait que l’on aborde le point de vue des deux protagonistes ? Est-ce que vous trouvez que ce récit parvient à nous raconter avec brio tout ce qu’il souhaite autour de la vie de couple et des problèmes qui peuvent exister en son sein ? Les thématiques abordées ont-elles su vous convaincre ? Trouvez-vous que le manga véhicule des sujets importants ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
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