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Le rideau se baisse : Limit

L’heure est venue de vous proposer une nouvelle chronique autour d’une série qui se termine aujourd’hui même. Actuellement, il peut être très difficile de se lancer à l’aveugle dans un manga avec uniquement un simple retour sur un premier volume. Il est donc très intéressant de se pencher sur une série quand celle-ci trouve sa conclusion. Cette fois, je vous amène du côté de chez Pika avec une œuvre qui a vu son grand final débarquer ce mercredi. Une saga en six volumes et qui peut donc autant être appréciée pour sa courte durée que pour tout ce qu’elle raconte au travers de ses pages. Je parle bien sûr de Limit qui fut un titre très attendu par beaucoup de gens. Pour ma part, j’étais curieux au vu du synopsis de ce que donnerait cette histoire avant d’être totalement accroché par cette quête de survie sur fond de drame humain. Derrière son synopsis, ce récit va autant nous prendre aux tripes que nous faire réfléchir à notre rapport avec les autres surtout dans le milieu scolaire. Il est donc temps de baisser le rideau sur cette licence qui a tout pour plaire au plus grand nombre.

Un voyage qui finit mal

Pour bien commencer, il faut s’attarder sur le principal événement qui va déclencher toute l’histoire de Limit. Je parle bien sûr de l’accident de bus qui va entraîner les quelques rescapés dans un véritable enfer. On va rapidement comprendre que ce levier scénaristique va autant contribuer à exposer l’autre point fort de la série que servir de toile de fond à cette intrigue. Car si je reviendrais un peu plus tard sur toute la partie sociale et humaine de l’œuvre, il ne faut pas oublier que ce manga est aussi une quête de survie de la part de ces adolescents ayant échappé à la mort. Il est donc important de voir si oui ou non le titre réussit à nous tenir en haleine sur ce point. Pour le dire clairement, on va être facilement emporté par toute cette histoire. La raison à ça est assez simple. Nous sommes face à des adolescents qui ne sont pas du tout préparés à une telle situation catastrophique. S’il y a au moins une figure parvenant à calmer un peu la tension en montrant ce qu’il faut faire, la mangaka veut justement confronter des gens ordinaires à un tel incident. C’est comme ça qu’elle parvient à montrer au lecteur ce qui peut se passer dans ce genre de situation et comment n’importe qui pourrait réagir. Car oui, il y a un sentiment d’oppression et de peur naturelle qui va les accompagner tout au long de ce séjour dans la forêt. Après tout, il s’agit avant tout de tenir en attendant que de potentiels secours fassent leur apparition.

Et inexorablement, le temps qui passe vient resserrer l’étau autour de ces étudiantes qui ont l’impression que chaque minute écoulée les rapproche de leur fin. En seulement six volumes, la licence parvient à maintenir constamment notre angoisse envers le destin de ces personnages qui font de leur mieux pour tenir bon. Finalement, je trouve justement que cette approche est pertinente, car au lieu de voir des protagonistes qui parviennent à s’en sortir, ici il est constamment question de difficultés sans parler des rapports houleux entre eux. Et même en dehors des préoccupations concernant le manque de nourriture et la recherche d’eau, on nous présente aussi d’autres dangers au sein de cet environnement. Rien que le relief peut cacher de terribles risques et c’est quelque chose d’assez rare dans ce genre de récit que je trouve qu’il est important de le souligner. Si c’était déjà un miracle pour ces demoiselles de survivre à un tel incident, il est tout aussi compliqué de s’en sortir au milieu de cette nature implacable. Et comme si tout ça ne suffisait pas, la dimension humaine va jouer un grand rôle dans l’attrait que l’on va ressentir pour cette licence. Un aspect du manga qui va servir d’âme à celui-ci et utiliser avec brio cette situation désespérée pour faire ressortir tout ce que ces adolescentes ont sur le cœur et la conscience. Une expérience traumatisante qui nous tient en haleine tant on ne sait pas combien s’en sortiront quand on tournera la dernière page.

Je trouve qu’il est intéressant, avant d’entamer l’autre gros point fort de la série, de voir comment Limit se débrouille dans son aspect survie. Comme j’ai pu l’évoquer dans cette partie, on ressent la détresse des personnages face à cette situation cauchemardesque en soulignant le fait que l’on n’est pas préparé à ce genre d’événements tragiques. Faisant de leur mieux pour tenir en attendant les secours, on va être totalement plongé dans leur détresse, mais aussi cette rancœur qui s’exprime pleinement maintenant que les personnages sont livrés à eux-mêmes. Un manga qui va alors avoir une dimension sociale hors du commun en traitant de sujets graves et importants pouvant frapper n’importe qui.

Harcèlement et effet de groupe

On pourrait croire que Limit se concentre avant tout sur cette survie en terrain hostile, mais il n’en est rien. En réalité, cet événement tragique va autant ajouter de la tension au récit qu’être l’élément déclencheur des réels propos que souhaite avoir la mangaka à travers ses protagonistes. Quand on commence le manga, on a l’impression d’être face à une tranche de vie classique en milieu scolaire. On voit des adolescentes qui représentent les diverses personnalités que l’on peut retrouver très souvent et souvent dans ce qu’il y a de plus négatif. Ainsi, le titre nous présente des étudiantes qui n’hésitent pas à harceler la plus timide de la classe et qui profitent de l’effet de groupe pour asseoir leur sinistre influence. Et on pourrait alors croire que le manga va suivre le chemin assez classique en matière de school life avant ce fameux accident qui va tout chambouler. Et là, on va basculer dans un drame humain sur fond de survie en laissant pour survivants la demoiselle harcelée et ses bourreaux. Sauf que là, les cartes sont redistribuées et c’est la première qui est en position de force. En partant dans cette direction, l’autrice va jouer, pendant une bonne partie de son récit, sur le fait que même face à une crise aussi urgente, l’être humain ne peut oublier ce qu’il a pu subir. Alors que la logique serait de s’entraider pour avancer, le manga nous prouve que c’est loin d’être aussi facile. Au vu de l’enfer dans lequel elles sont, on voit la tendance s’inverser et la harcelée se transformer en chef despote.

Un choix finalement compréhensible tant on ressent les blessures qu’elle a pu vivre au quotidien auprès de ses camarades de classe. Le cauchemar de l’accident devient alors une aubaine pour prendre sa revanche et le manga prend une tournure encore plus psychologique. Par le biais de ce contexte, l’histoire nous montre à quel point le harcèlement peut être destructeur et se retourner contre ceux qui pensent s’imposer de cette manière. Et surtout, on nous parle aussi à quel point l’effet de groupe joue un rôle important dans des actes aussi horribles. Certains, pour éviter d’être leur cible à leur tour, participent à cause du regard des autres. Un cycle qui finit par être sans fin et peut causer encore plus de souffrances. Ce qui fait que quand on s’attarde sur ce que raconte Limit, tous les personnages vont provoquer en nous un sentiment bien particulier. On va autant avoir envie de les voir survivre qu’être dégoûté de ce que certaines ont pu commettre. Mais c’est pareil aussi pour la victime qui se retrouve dans une position où l’on a de l’empathie pour elle, mais aussi une profonde tristesse à voir qu’elle décide elle aussi d’agir comme elles quand l’occasion se présente. Finalement, Limit est une œuvre qui traite avec brio et beaucoup d’émotions ce problème de société qui existe et qui est bien trop fréquent. Laissant de profondes cicatrices dans la chair et dans l’âme, ces moqueries et agissements peuvent alors entraîner un violent retour de bâton quand les personnes derrière se trouvent dans une situation aussi catastrophique. Une représentation réussie de cette terrible souffrance et des raisons qui poussent à ça.

Voilà l’autre raison qui fait que j’apprécie autant Limit. L’artiste ne se contente pas de retenir notre attention en se focalisant sur cette survie en forêt. Il y a aussi une énorme place qui est faite aux interactions entre les protagonistes qui, même dans cette situation de crise, ne peuvent tirer un trait sur le passé. Et c’est même quand le chaos et la peur s’emparent du cœur d’une personne qu’elle se raccroche à ce qu’elle peut même si cela signifie s’en prendre aux autres. Magnifiquement représenté tout au long de la série, on a presque l’impression que cet accident n’est finalement que le déclencheur d’un contexte exposant le réel problème que désire présenter la mangaka.

Limit et sa main tendue

Déjà la dernière partie et je dois dire que Limit fut un énorme coup de cœur pour toutes les raisons que j’ai mentionné un peu plus haut. On est devant une courte série d’une grande intensité et qui met surtout à l’honneur la psychologie de ses personnages. Il n’est pas uniquement question ici de voir comment nos protagonistes peuvent s’en sortir suite à cet accident. Il est aussi question des rapports humains que l’on peut avoir entre nous et aussi de ce que peut engendrer ce que certaines personnes ne pensent être que des moqueries. On est face à un véritable mal-être qui va se ressentir même quand la situation exige un travail d’équipe. Cela a beau être tragique, c’est aussi le reflet de cette société où l’on oublie trop souvent à quel point des mots peuvent blesser et marquer à jamais une adolescente qui ne sait alors plus comment agir face aux autres. La peur de mourir se combine ici à une volonté, dans un premier temps, de faire endurer à ces demoiselles ce qu’elles ont pu elles-mêmes infliger. D’ailleurs, je trouve que l’évolution du récit va autant mêler une dose de tragique qui va nous serrer le cœur que nous donner une lueur d’espoir. Ce manga parle des problèmes cités plus haut, mais aussi de cette capacité à avancer pour devenir quelqu’un de meilleur et voir ce qui est réellement important. Une ode à l’entraide qui prend le parti de créer une histoire déchirante pour mieux souligner le fait de tendre la main à ceux qui en ont besoin.

Voilà donc un manga que je recommande fortement autant pour l’histoire qui est captivante que pour les sujets traités. Une œuvre qui, à mes yeux, n’a clairement pas besoin de plus. Avec ses six volumes, Limit est une série qui vaut largement le coup d’œil et qui ne laisse absolument aucun temps mort dans son intrigue. Une narration simple et efficace qui expose les failles et blessures que l’on peut cacher au fond de nous pour mieux montrer à quel point elles peuvent détruire une vie. De même, la conclusion que l’on peut découvrir dans le dernier tome est largement satisfaisante. Nous ne sommes pas dans une histoire cherchant absolument à ce que tout finisse bien. On nous fait comprendre que cet incident aura eu des conséquences dramatiques et que beaucoup de vies ont été perdues. Mais on veut aussi nous transmettre la volonté de ces personnages d’aller de l’avant malgré tout ce qu’ils peuvent connaître. Un récit que j’ai trouvé brillant dans sa manière de traiter la psychologie de chaque personnage et à quel point cet événement va faire tomber les masques. Une forte recommandation de ma part qui peut être un beau présent à mettre sous le sapin. Voici le genre de titre qui nous fait réfléchir sur le monde qui nous entoure et comment cette société peut détruire ceux qui ne font pas partie de la “meute”. Je pense que l’on peut tous être impacté par ce scénario qui est empreint d’un réalisme que l’on ne peut ignorer.

N’hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de Limit autant dans votre appréciation du titre que dans ce qui vous a le plus marqué. Trouvez-vous que la série a parfaitement su aller au bout de ses idées à travers ses six volumes ? Croyez-vous qu’il aurait pu y avoir d’autres éléments venant perturber ce récit ? Avez-vous ressenti une profonde empathie pour l’ensemble de ce casting ? Est-ce que le titre a su vous émouvoir et surtout vous montrer les cicatrices qui peuvent exister dans le cœur d’une personne rejetée par tous ? Avez-vous apprécié toutes les thématiques bien concrètes présentes dans cette histoire ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© by Keiko SUENOBU / Kôdansha

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