Sidooh Sunrise : sous un même soleil

Il y a des mangakas qui sont particulièrement présents sur le marché français et c’est notamment le cas pour Tsutomu Takahashi. En plus d’être un auteur prolifique avec énormément de séries et de one shots à son actif, cet artiste a toujours su séduire le cœur de nombreux fans. Pourtant, rares sont ses histoires à être joyeuses ou bienveillantes. Au contraire, il s’est fait une spécialité de décortiquer et mettre à nu la nature humaine pour exposer ses plus sombres facettes. Cela donne des intrigues qui, en plus de nous prendre aux tripes, vont nous faire réfléchir sur le monde qui nous entoure. Un auteur que j’apprécie énormément et dont je suis toujours content de voir une de ses œuvres inédites faire son apparition chez nous. Et encore une fois, c’est Panini qui nous fait le plaisir d’un nouveau titre de ce dernier avec le spin-off de Sidooh : Sidooh Sunrise. Il faut dire que cette série a su frapper fort et que cela aurait été dommage de ne pas voir cette autre œuvre la rejoindre. Après lecture de ce one shot, je peux clairement dire que l’on retrouve tout ce qui fait le style de l’auteur tout en ayant des petits points à traiter en plus. Soyez donc prêts à embarquer sur un navire qui va devenir un vrai cauchemar. 

Une tempête qui fait des ravages

Synopsis

Décembre 1886

Un puissant navire de guerre, le Kamui fait route pour rejoindre le Japon depuis les chantiers navals de France où il a été construit. Alors qu’il vient de quitter Singapour où il avait fait escale, il se trouve pris dans un gigantesque typhon en plein milieu de la mer de Chine méridionale. Seuls survivent quinze Français et sept Japonais. À la dérive, ils sont recueillis par un navire de la marine russe. Hélas, le capitaine voue une haine féroce envers les Japonais…

Mangaka : Tsutomu Takahashi

Si Sidooh Sunrise est présenté comme une sorte de “conclusion” à Sidooh, il est tout à fait possible de l’apprécier en solitaire. En effet, cette histoire va nous amener dans un tout autre cadre où l’on va se concentrer sur un événement en particulier. Et c’est justement là que le one shot va être fascinant, car il va réussir à retranscrire tout ce côté sinistre et violent de cette sombre époque tout en amenant d’autres éléments sur le devant de la scène. Il va alors être question d’une opposition forte entre les deux principaux camps qui vont amener un cycle de haine ancré dans l’âme de tous ces personnages.

Haine et respect

Comme je l’ai cité un peu plus haut, il n’est pas nécessaire d’avoir lu Sidooh pour découvrir Sidooh Sunrise. En fait, on est vraiment sur un spin-off qui va être un complément pour appuyer les propos de l’auteur concernant cette période sombre de l’Histoire. Car oui, il suffit de quelques pages pour être pleinement immergé dans cette époque et surtout nous rendre compte de ce qui nous attend. En effet, nous vivons un retour en arrière à un moment où les tensions sont fortes entre les diverses nations et notamment autour du Japon. C’est là que l’on suit nos protagonistes qui se retrouvent survivants de ce naufrage et vont être récupérés par ce navire russe. Et il suffit de quelques cases pour ouvrir les yeux sur où va nous amener cette histoire. En effet, ce récit va être l’occasion de mettre en avant la haine qui peut lier diverses nations autant par des questions de racisme que de souffrance suite à des conflits militaires. Et le titre va s’axer principalement autour de deux liens qui vont être l’exact opposé et avoir pour dénominateur commun notre protagoniste japonais. D’un côté, on nous expose sa relation amicale avec l’un des naufragés français qui le remercie pour tout ce qu’il lui a apporté. A travers leurs échanges, on peut déceler l’esprit de camaraderie, mais aussi le fait de grandir au contact des autres peu importe d’où on vient. Cela est magnifiquement exposé par certaines phrases qui indiquent que l’on a beau venir de pays différents, on vit tous dans le même monde avec ce soleil qui se lève et se couche pour chacun.

Cela a pour effet de nous donner un peu d’espoir au milieu de cette tempête qu’une entente est possible. Mais l’auteur va aussi confronter ce lien avec l’apparition de ce capitaine russe qui a une haine farouche pour les japonais. En seulement quelques secondes, on bascule d’un enfer à l’autre pour ces survivants japonais. On va ressentir toute l’animosité de cet équipage pour une partie de leurs passagers à tel point qu’ils vont leur faire vivre un vrai calvaire. On est alors le témoin impuissant de cette haine qui consume le cœur de ces hommes et dont on ne peut imaginer les raisons initialement. Ce n’est qu’au détour d’une conversation que l’on va avoir un début de réponse qui mêle autant un dégoût inhumain à l’égard de ce pays qu’une profonde blessure qui anime un besoin de vengeance. Et ce sujet est toujours autant d’actualité, parce qu’il nous montre, en ces temps troublés, que beaucoup préfèrent se réfugier dans la haine de l’autre que de chercher à tendre une main compatissante. Tsutomu Takahashi expose cette noirceur qui peut exister en chaque être humain et qui est, pour certains, un prétexte pour s’attaquer à ceux qui ne sont pas conformes à leur vision de l’homme. Mais si le titre se veut en grande partie tragique et sinistre, la dernière partie du tome est captivante dans ce que l’auteur réussit à créer. On nous montre une petite lueur d’espoir qui montre que l’on ne juge pas une personne à sa nationalité, couleur de peau ou des préjugés que l’on peut avoir. C’est avant tout par ses actions et ses principes que l’on comprend réellement une personne et tout ce dernier acte le montre à merveille. Un ascenseur émotionnel qui sait où s’arrêter pour que l’on passe de la peur à la colère pour finalement entrevoir un salut.

Tsutomu Takahashi a vraiment ce don de nous transporter dans ses récits même quand ceux-ci ne sont que des one shots. Sidooh Sunrise en est un très bon exemple et s’inscrit autant dans la même ligne que son prédécesseur qu’il parvient à retranscrire d’autres aspects de la nature humaine. En plus de s’inscrire dans une époque bien précise, tout ce qui est abordé dans cet ouvrage peut aussi totalement être transposé dans une période plus contemporaine. Car si ce récit se déroule dans un contexte historique bien précis, les thèmes abordés continuent encore de résonner aujourd’hui.

Sidooh Sunrise lève le cap

Comme je l’ai un peu évoqué en introduction, je prends toujours un grand plaisir à découvrir chaque nouveau titre du mangaka. Qu’il s’agisse de Sidooh, Blue Heaven, Alive, Bakuon Retto, Détonations et tous les autres, je trouve que c’est un auteur qui reste fidèle à son style et aux thème qui lui tiennent à coeur tout en réussissant à se renouveler fréquemment. Avec Sidooh Sunrise, il parvient, en un one shot, à retranscrire avec brio ce cycle de haine, de colère et de tristesse découlant des sinistres événements de cette époque. Mais au-delà de tout ce qui touche au contexte historique, ce récit est aussi là pour mettre en lumière cette part d’ombre qui peut apparaître en chacun et qui nous pousse à repousser ceux qui ne sont pas comme nous. Une œuvre critique qui vaut largement le coup d’œil et qui peut être appréciée de tous. Sans oublier aussi la puissance qui se dégage du trait si particulier du mangaka et qui capte bien toute cette obscurité qu’il cherche à faire ressortir. Et c’est d’autant plus puissant quand on a pu découvrir Sidooh avant. On remet tout en perspective et on comprend que dans un monde en proie au chaos, au désespoir et à la souffrance, les actes valent bien plus. Et c’est aussi ce que démontre ce spin-off dans sa conclusion et surtout à travers son personnage principal. Un one shot qui traite de tous ces sujets pour, finalement, nous laisser avec un espoir qui a son importance.

J’ai donc été conquis du début jusqu’à la fin de cette lecture. Sidooh Sunrise est tout ce que j’ai pu évoquer dans cette chronique, mais aussi un peu plus. En effet, il est question de rapprochement entre les hommes et de liens faisant fi de toute culture, idéologie ou préjugés de toutes sortes. On a beau être dans un cadre historique militaire, on a envie de croire en cette humanité qui se dégage de ce jeune soldat japonais. Un homme désireux de venir en aide à ses compagnons et même à son ami dont les origines sont bien éloignées des siennes. Une lettre ouverte à l’acceptation les uns des autres et qui fait finalement de ce one shot une œuvre porteuse de paix. C’est en tout cas ce que j’ai pu ressentir tout au long de cette découverte qui montre autant le pire que le meilleur chez l’être humain. Si vous avez apprécié Sidooh ou que vous cherchez un ouvrage qui vous tiendra en haleine tout du long, alors vous devriez trouver votre bonheur dans ce one shot. Évidemment, pas de questions cette fois-ci, mais juste des pensées qui virevoltent suite à cette lecture. Je me demande maintenant ce que nous réserve l’auteur à travers ses autres histoires qui ne sont pas encore arrivées en France.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Sidooh Sunrise. Trouvez-vous que ce one shot réussit à proposer les mêmes thèmes forts que son aîné ? Est-ce que cette histoire a su vous tenir en haleine jusqu’au bout ? Le titre réussit-il à traiter avec brio, selon vous, des sujets qu’il aborde ? Est-ce que ces derniers sont toujours d’actualité pour vous ? Considérez-vous qu’il s’agit d’un très bon complément à la série principale ? Auriez-vous aimé que cette histoire aille plus loin dans le développement de ses personnages ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.