Egregor – 1er arc : Ce qui subsiste de la Moisson
Il y a des œuvres dont j’ai envie de parler sous un angle bien particulier et souvent au travers de certains arcs narratifs. La raison à cela est que ces diverses parties ont toujours un impact considérable sur notre appréciation globale d’une œuvre surtout quand il s’agit de celle qui a le difficile rôle de nous plonger dans l’histoire. Je me suis donc dit que ce serait intéressant de tenter l’exercice et heureusement, j’ai le parfait titre pour ça avec Egregor. Ce manga qui a accompagné les éditions Meian depuis quasiment leurs débuts voit son tome 13 sortir cette semaine. Ce volume signe ainsi la fin du premier grand arc de cette saga de dark-fantasy. L’occasion parfaite pour revenir sur tout ce qui s’est construit tout au long de cette période et surtout de voir tout ce que l’on peut analyser de celle-ci. Avec un univers foisonnant de bonnes idées et surtout d’un lore conséquent, il y a largement de quoi faire. Et si cela peut sembler conséquent pour ceux qui souhaitent se lancer dans cette épopée, on se laisse facilement séduire par ce voyage proposé qui se veut aussi marquant que brutal. Je vous invite donc de nouveau sur ces terres où la pleine lune est synonyme de mort.
Virée sanglante sous une éclipse rouge
Pour commencer, je tiens à parler d’un ressenti personnel que j’ai eu dès que j’ai commencé Egregor et qui m’a accompagné quasiment tout au long de la série. Il s’agit de cette capacité du titre à nous donner un sentiment d’oppression constant. Dès les premières pages, on nous présente une menace qui se présente comme implacable et d’une violence inouïe. En plus de ça, il y a un vrai travail de recherche qui est fait autour de ces “Faucheurs” pour qu’ils soient vraiment perçus par les habitants de ce monde, mais aussi par le lecteur, comme des émissaires de la mort. C’est un élément très important, car cela joue aussi sur ce souhait de créer un univers de dark-fantasy qui nous plonge efficacement dans l’horreur vécue constamment par ces personnages. Si je parle aussi de ça, c’est que c’est la première chose qui nous est présentée quand on se lance dans cette épopée et qui va marquer notre rétine presque plus que les protagonistes. Mais c’est tout à fait normal, car on veut justement appuyer le fait que malgré la destinée potentiellement grandiose qui attend ces adolescents, ils sont initialement de pauvres victimes ne pouvant rien faire face à ce fléau qui s’abat à chaque pleine lune. Et là encore, voilà un autre point que je tiens à appuyer et qui approfondit énormément l’impact visuel pour les yeux du spectateur. Il n’est pas uniquement question, pour créer un univers de dark-fantasy, de se montrer brutal et violent dans ce que vont vivre les diverses figures du récit.
Il est important de créer une atmosphère qui soit étouffante et où le moindre petit espoir présent nous terrifie de par sa fragilité et qu’il suffit d’un rien pour le faire disparaître. Et plus on avance dans ce premier arc et plus on se rend compte de ça. La maîtrise est là, car même en mettant en scène des guerriers redoutables avec les Egides, le scénariste les cantonne pourtant à un rôle de protecteur pouvant aussi être les victimes de ces agents de l’ombre. La question n’est donc jamais de savoir s’il est possible d’endiguer cette constante récolte d’âmes, mais de se demander jusqu’à quand ils pourront tenir avant que le cauchemar les emporte. Et plus les tomes défilent et plus on va être témoin de cette puissance écrasante qui règne finalement en maître sur ces terres. Le peu de résistance dont on va être témoin, notamment avec la grande bataille qui occupe une grosse partie de cet arc narratif, ne sonne même pas comme une victoire, mais juste comme un répit avant que l’enfer ne fasse son grand retour. Ce qui est justement fascinant dans Egregor, c’est à quel point cette obscurité va déteindre sur l’ensemble des personnages que l’on va suivre. Tous vont être marqués, d’une façon ou d’une autre, par ce cauchemar vivant représenté par cet ennemi. Mais si tout ça est déjà une formidable qualité pour notre immersion dans ce récit et les enjeux palpables liés à la quête de nos protagonistes, cela ne s’arrête pas là. En fait, plus l’intrigue se développe et plus on se rend compte que le danger est bien plus complexe que ce que l’on pouvait déjà voir. Alors qu’on pense avoir cerné les objectifs de ces êtres néfastes, on finit par se rendre compte que tout ça n’est qu’un écran de fumée pour cacher quelque chose d’encore plus profond et nuancé qu’on pourrait le croire. Tout ça pour un premier arc qui joue admirablement bien sur la peur ambiante de chaque nouvelle confrontation face à cette menace très loin d’être aussi manichéenne qu’on pourrait le penser au départ.
Oui, l’univers de Egregor se veut particulièrement éprouvant et ne laisse que très peu d’espoir à ceux qui y vivent. Si cela permet de poser facilement des enjeux qui vont nous prendre aux tripes, ce n’est pas l’unique élément qui fait tout l’attrait de cette histoire. En effet, quand on y regarde de plus près, on se rend compte que le scénariste a vraiment voulu créer un monde où il y a énormément à découvrir. Cela passe par énormément de personnages différents, mais aussi toute une mythologie propre à cet univers. Une richesse qui va forger l’âme de cette série.
Un univers d’une grande richesse
Si j’ai pu évoquer dans la première partie à quel point les “Faucheurs” contribuaient énormément à l’ambiance saisissante de Egregor, le manga ne se limite pas uniquement à ça. En fait, s’il y a bien une chose qui va rapidement se démarquer quand on progresse tout au long de ce premier arc, c’est à quel point cet univers est un vrai terrain de jeu pour notre tandem d’artistes. En fait, on pourrait passer des heures à décortiquer tout le lore, la mythologie et les récits ancrés dans l’écriture de ce monde. A chaque nouveau tome, c’est une occasion d’être abasourdi par tout ce qui se façonne devant nos yeux. Ce n’est pas uniquement propre à l’ennemi, mais à chaque force en présence au sein de ces terres. On découvre constamment des éléments qui vont enrichir non seulement le scénario, mais l’ensemble de cette fiction. Et c’est là que l’on touche à quelque chose qui, pour moi, est important. On sent ce souhait de ne pas s’arrêter uniquement à raconter une histoire qui puisse nous tenir en haleine. L’objectif aussi est d’éveiller notre intérêt pour l’ensemble du cadre qui va englober notre fil rouge. Oui, notre regard va se concentrer en premier sur cette opposition qui se joue entre les deux principaux camps. Mais à chaque nouveau pas, les informations que l’on va obtenir vont pousser notre regard plus loin vers l’horizon. On ne veut plus seulement découvrir qui l’emportera et ce qui est réellement en jeu.
Le lecteur souhaite en apprendre plus sur chaque personnage, royaume et peuples qui prennent vie devant nos yeux. C’est pour ça, par exemple, que Foa et ses amis ont un développement des plus intéressants. On ne va pas tout de suite nous laisser entrevoir un futur grandiose pour eux ou une ascension fulgurante. Mais c’est au fil des chapitres que l’on va partager avec eux que l’on apprend à réellement voir leur potentiel, les secrets qui peuvent les entourer et ce qu’ils peuvent espérer devenir face aux dangers qui se dressent à eux. Prenant le parti de suivre des protagonistes parcourant chacun sa propre voie, cela peut dérouter au départ, mais ce changement régulier de perspective va fortement appuyer la grandeur de cette œuvre. C’est là aussi que l’on ressent toutes les inspirations qui ont permis au scénariste d’imaginer cette aventure. On peut autant retrouver des codes propres au manga de dark-fantasy qu’au monde du jeu vidéo dans la richesse de son écriture et aussi un côté presque roman avec cette envie d’approfondir tout ce que le lecteur va observer. Une œuvre qui joue fortement sur cette description et cette envie de comprendre de la nature humaine pour motiver constamment celui-ci à aller de l’avant. Et tout ça est magnifiquement mis en scène par le talent du dessinateur qui arrive à capter ce qui fait l’essence de cette histoire et de le représenter à travers son style graphique. Les “Faucheurs” nous terrifient, les paysages nous émerveillent et l’on se sent tout petit face à l’immensité de ce monde qui bascule progressivement dans le chaos le plus total.
On sent que Egregor est une œuvre imaginée par deux artistes profondément passionnés de tout ce qui touche à la fiction. En plus des nombreuses inspirations, on remarque aussi cette volonté de repousser sans cesse les limites de ce qui fut construit précédemment. Tout ça pour permettre de développer chaque aspect des mythes, légendes et autres facettes de ce monde où il se passe toujours quelque chose. On va autant être émerveillé de voir tout ce qui façonne ces terres que curieux d’en apprendre toujours plus sur chaque élément même sur ce qui peut paraître insignifiant de prime abord. Avant même d’être une histoire prenante, Egregor c’est avant tout un univers immense qui prend vie devant nos yeux.
Egregor construit une fresque impressionnante
Maintenant que Egregor conclut son premier grand arc, je peux dire que je suis admiratif de tout le travail fourni. Comme je l’ai évoqué plus haut, nous ne sommes pas dans une épopée médiévale-fantasy où l’on va se cantonner à suivre une quête menant d’un point A à un point B. L’objectif ici est autant d’être pris à la gorge par ce voile sombre qui englobe ce monde que d’éveiller notre envie de parcourir celui-ci en long, en large et en travers. C’est une très bonne réussite de la part de ce duo d’artistes où chacun a su combiner son talent avec l’autre pour donner vie à une fresque aussi prenante que terrifiante. Surtout que l’on voit aussi le souhait de développer toujours plus cet univers avec des éléments en plus comme c’est le cas avec le “Carnet de Foa” qui vient enrichir l’histoire par le biais de ces notes écrites par le protagoniste. Une autre forme d’expression permettant de renforcer ou de percevoir différemment le point de vue de ce garçon face aux événements dont il est témoin. Et je pense que le vrai obstacle de cette licence repose justement sur sa densité. Il y a tellement de choses à découvrir que cet appel au voyage est aussi fantastique que déroutant quand on lit deux tomes avec plusieurs mois d’écart. C’est pour ça que je trouve que c’est une très bonne idée de découper le récit en de tels arcs narratifs, car ça permet de se lancer véritablement dans ce périple en dévorant à la suite les tomes constituant cette première partie. Surtout qu’il y a aussi le coffret contenant les six premiers volumes qui est idéal pour se lancer pleinement dans cette aventure.
Avec la lecture du tome 13, Egregor réussit à conclure cet arc introductif qui aura déjà été très mouvementé. Entre l’événement tragique qui a poussé Foa et ses compagnons à prendre les armes, l’immense bataille qui aura fait tant de victimes et les nombreuses révélations apportées pour renforcer le mystère autour de ces adversaires, on est passé par toutes les émotions possibles. J’ai l’impression d’avoir vécu une expérience grandiose alors que pourtant, il ne s’agit que des prémices de cette série. Une manière de réellement pousser notre ancien apprenti forgeron à choisir cet avenir incertain où les coups de marteau sont remplacés par le sang et les larmes. Le rideau se baisse sur ces premières lignes retranscrivant cette lutte entre la vie et la mort. Un autre se lève vers un avenir incertain pour ces terres, mais qui sera, j’en suis sûr, palpitant à suivre. N’hésitez pas à me dire si ce type d’articles vous plaît et si vous aimeriez que je traite d’autres arcs narratifs en particulier. Si vous aimez la dark-fantasy et que vous souhaitez vous lancer dans une épopée à la richesse insoupçonnée, alors vous pouvez trouver votre bonheur avec ce manga. A présent, je suis surtout curieux de voir comment le second arc sera amené et ce qu’il provoquera comme chamboulement pour nos protagonistes.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant tout ce premier arc narratif de Egregor. Trouvez-vous que la série a su créer un monde regorgeant de possibilités et d’excellentes idées ? Avez-vous été conquis par la richesse de cet univers et de son lore ? Pensez-vous que l’on a devant nous un récit qui peut devenir un inoubliable de la dark-fantasy ? Est-ce que cette série a su, selon vous, retranscrire le cauchemar que c’est pour ces habitants de vivre dans la crainte d’une future Moisson ? Qu’attendez-vous pour le second arc à venir ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
Tu as un vrai don pour l’écriture ! J’ai d’autant plus apprécié te lire que tu parles de ma série fantasy préférée ! ♥ Moi aussi, j’ai ressenti cette oppression constante tout au long d’Egregor, cette sensation de danger permanent, même dans les moments plus calmes. D’ailleurs, je bosse sur mon projet YouTube, et je compte bien faire une vidéo sur Egregor, mais pas tout de suite, car ce sera une sacrée vidéo et je veux prendre le temps de bien la préparer ! Mais si jamais tu veux y participer, qu’on échange de vive voix dessus, ce serait formidable ! Tu parles si bien de Egregor, de son lore, de ses enjeux, tu as un regard très analytique dessus. Il y a vraiment un travail de dingue sur le scénario, je suis admirative moi aussi de ce duo d’artistes. Si tu savais comme je suis énervée quand les gens se plaignent de la densité / du nombre de personnages alors qu’ils adorent Kingdom / l’attaque des titans ou d’autres séries avec énormément de termes / de personnages différents, il y a aussi Five Stars Stories, très très dense et personne se plaint de cela. Des fois, j’ai l’impression qu’on critique parce que c’est Français !! Tu ne trouves pas ? En tout cas bravo pour cet article !
Merci beaucoup Sandra !
Content que cet article t’ai plu et trop content de savoir que tu bosses sur un tel projet ! De tout coeur avec toi !
Et avec grand plaisir pour échanger 🙂
C’est vrai que parfois, il peut y avoir un côté mis à l’écart à cause de l’origine du titre.
Merci beaucoup !!