Ruridragon T1 : Un réveil difficile
En cette période où bon nombre de nouvelles sorties rythment l’actualité, on peut dénicher de petites pépites. Et surtout, il est toujours captivant de voir ce que donnent certains mangas qui ont déjà une sacrée renommée et ont su faire parler d’eux en dehors du Japon avant même leur parution. C’est exactement le cas du titre dont je vais vous parler aujourd’hui et qui a fait son petit effet sur l’archipel. Je parle bien sûr de Ruridragon dont le premier volume vient juste de sortir chez Glénat. Cette nouvelle série a su convaincre bon nombre de lecteurs japonais avec beaucoup de ventes et ce succès a aussi permis à l’éditeur de proposer une mise en avant assez unique. En effet, tous les chapitres sortis au Japon jusqu’à maintenant furent disponibles, pendant une période donnée, sur Glénat Manga Max avant la sortie de cette introduction. Une manière de s’imprégner longuement de ce récit et surtout de comprendre ce qui fait tout son charme. De mon côté, j’ai craqué et je me suis lancé dans cette nouvelle aventure qui a su me surprendre. Je vous invite à faire la rencontre d’une adolescente qui va voir son quotidien être bousculé violemment.
Une vérité bouleversante

Synopsis
Ruri Aoki, lycéenne, se réveille un matin avec des cornes sur la tête ! D’après sa mère, elle tient probablement ça de son père qui est en réalité… un dragon ?! Malgré cette situation inattendue, Ruri se rend au lycée… Bien évidemment, l’apparition de ces cornes attire l’attention de ses camarades, mais ce n’est pas tout : Ruri se découvre d’autres attributs de dragon ! Le quotidien de Ruri s’apprête à connaître bien des bouleversements !
Mangaka : Masaoki Shindo
Le pitch de départ de Ruridragon a de quoi éveiller l’intérêt, car il est question ici d’une jeune fille banale qui va se réveiller un beau jour pour se rendre compte d’une réalité toute autre sur sa condition. Une œuvre qui, sous couvert de ces changements physiologiques, va amener plusieurs thématiques fortes et importantes sur le devant de la scène. Un slice of life qui, derrière son côté doux et mignon, aborde des sujets parfois difficiles et qui vont amener le lecteur à réfléchir sur sa manière de percevoir les autres. Voilà un titre qui cache très bien son jeu pour mieux nous surprendre !
Le regard des autres
En fait, il y a quelque chose qui va vite se démarquer quand on s’attarde sur ce premier volume de Ruridragon. Dans un premier temps, on va nous amener de façon directe cette intervention du fantastique dans le monde réel avec l’apparition des cornes de Ruri. Le fait de partir dans cette direction permet de s’y habituer rapidement et surtout de se focaliser sur la désorientation de cette demoiselle concernant ce changement radical. Ce qui est bien réussi à ce stade, c’est que l’artiste va presque donner l’impression que ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel pour la mère de Ruri alors que cette dernière est troublée par ce qui se passe. On va alors avoir toute une première partie qui va se concentrer sur les doutes et les questionnements de cette jeune fille par rapport à cette transformation, mais aussi son impact dans sa vie de tous les jours, notamment à l’école. Surtout que le récit ne va pas s’arrêter uniquement à l’apparition de cornes, mais va prendre son temps pour amener divers bouleversements tout au long de la lecture. Cela va amener un sentiment très spécial et qui va nous parler aisément. Il s’agit de la peur du regard des autres par rapport à tout ça. Derrière le prisme du surnaturel, ces attributs draconiques symbolisent surtout une différence notable et visible pouvant être jugés par ceux qui vont l’observer. Et dans un cadre aussi éprouvant que le milieu scolaire, on peut totalement comprendre cette peur qui l’anime même si elle tente de faire bonne figure.
Et le récit va être beaucoup plus étonnant et bien conçu en montrant autant ce problème que des réactions pouvant être à l’opposé de ça. En faisant de son personnage principal le centre de l’attention au sein de sa classe, l’auteur veut autant montrer ceux qui vont être inquiets de ça que ceux qui vont se questionner et se rapprocher de Ruri. Cela va amener un contraste fascinant et qui va aussi montrer que si le regard des autres peut nous effrayer, on peut aussi être la source de jugement à l’égard de personnes dont on ignore finalement tout. C’est ce qui arrive avec notre héroïne qui n’est pas du tout une mauvaise personne, mais qui va aussi se laisser guider par ses aprioris sur certains de ses camarades pour finalement découvrir un tout autre visage d’eux à mesure qu’elle converse avec. C’est captivant de voir ça, car l’imaginaire va autant servir d’attrait principal pour le lecteur qui va se demander jusqu’où elle va être influencée par le sang draconique qui coule en ses veines qu’appuyer des thèmes bien concrets. Sans partir dans un récit manichéen, cette histoire appuie ces “différences” pour montrer que ce n’est vraiment qu’en étant en contact avec quelqu’un que l’on peut discerner qui elle est vraiment. Et plus elle se métamorphose et plus elle se rend compte que son regard change par rapport à ceux qui cherchent vraiment à la comprendre. Une tranche de vie qui parle avec brio de l’acceptation de soi et des autres tout en amenant cette réaction humaine et pourtant terrible qui est de juger sans même savoir.
Et finalement, je trouve que Ruridragon est une œuvre qui utilise habilement sa part de fantastique au service d’un message réaliste. Quand on regarde simplement l’histoire comme elle est présentée, on peut avoir l’impression d’avoir une protagoniste qui doit s’adapter à ses nouvelles particularités. Mais dès l’instant où on prend du recul, on se rend compte que cette lecture est bien plus profonde que ça. Une histoire qui nous parle d’acceptation de soi, de préjugés et aussi de la peur que l’on peut ressentir face au regard des autres quand nos différences sont pointées du doigt.
Ruridragon pête le feu !
En fait, avant que le titre sorte, je ne m’étais pas du tout intéressé à Ruridragon. Même si le manga avait déjà une forte aura auprès de nombreux fans, j’avais envie de voir ce que cette histoire pouvait raconter en ayant le tome dans les mains. Et je dois dire que je suis loin d’être déçu. Cette introduction, au-delà de tout ce qui est lié à l’aspect dragon, est un slice of life que j’ai trouvé brillant dans la manière d’amener et traiter ses thèmes. Voici un parfait exemple d’utilisation du fantastique qui ne va pas prendre le dessus, mais au contraire sublimer le réel pour mieux se mélanger à celui-ci. Car oui, les changements que Ruri subit sont exceptionnels entre les cornes ou bien le fait de pouvoir cracher du feu; Cela joue indéniablement sur le côté spectaculaire tout en rappelant que l’on est sur une fiction. De ce fait, on a envie de voir comment notre protagoniste peut réussir à concilier sa vie d’étudiante avec ce sang draconique qui s’éveille en elle. Cela amène forcément des situations inattendues et qui vont provoquer pas mal de remous autour d’elle. Mais si cela est intéressant et fait partie intégrante du divertissement proposé, il y a beaucoup plus à tirer de cette lecture. Il suffit juste de prendre du recul et de voir cette métamorphose comme un signe de ce qui fait que Ruri est unique en son genre. Nous avons tous quelque chose qui nous est propre et permet d’appuyer notre identité. Et si c’est la meilleure chose qui soit que d’accepter cette part de soi, c’est aussi une source d’angoisse terrible par rapport à ce que les autres pourraient dire. Et là, Ruridragon devient une remarquable critique de la société qui ne limite pas à un sens, mais va amener deux points de vues nécessaires pour bien cerner tout ce qui se passe réellement dans l’esprit de chaque acteur. Un formidable travail d’écriture sur ça.
Quand j’ai refermé ce premier volume de Ruridragon, je me suis surpris à être profondément touché par cette histoire. Ce n’est pas tant par l’utilisation du surnaturel que par la manière d’amener cette réflexion sur un monde où chacun juge l’autre et inversement sans même qu’il y ait eu le moindre réel échange. Une critique de cette opinion préconçue que l’on se fait d’une personne alors qu’il faudrait juste accepter de discuter même un peu pour potentiellement mieux comprendre notre interlocuteur et créer un lien. Voilà pourquoi cette découverte a été un gros coup de cœur pour moi. Surtout que le mangaka ne cherche pas, en tout cas pour l’instant, à amener une atmosphère pesante. Au contraire, son récit se veut porteur d’espoir et surtout un message de tolérance à l’égard des gens que l’on côtoie chaque jour. Une très importante leçon de vie qui peut vraiment parler au plus grand nombre et que je recommande chaudement autant pour le plaisir d’accompagner Ruri dans son quotidien que pour tout ce qui peut être lu à travers son parcours. A présent, j’ai quelques questions concernant la suite de la série. Est-ce que l’on va encore plus appuyer la différence de Ruri avec une métamorphose de plus en plus importante ? Comment va évoluer son rapport avec les autres ? Est-ce que l’on va tomber dans une mise à l’écart totale de celle-ci ou bien une acceptation de cette part non humaine ? Va-t-elle faire la rencontre de nouveaux amis ? Il me tarde de voir comment tout ça va évoluer.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Ruridragon. Trouvez-vous que l’on a le droit à un propos intéressant autour des transformations subies par notre héroïne ? Est-ce que vous appréciez suivre cette dernière dans ce quotidien tumultueux ? Le manga est-il, selon vous, une excellente métaphore des différences que l’on peut avoir et de la peur que peut infliger le regard des autres par rapport à ça ? Etes-vous curieux de voir jusqu’où ira sa transformation ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.