Géricault : Exposer la nature humaine
S’il y a bien un genre d’ouvrage dont je sais qu’à chaque fois je vais me jeter dessus, ce sont les récits historiques. Et il ne s’agit pas uniquement de fresques guerrières où l’on va vivre des batailles impressionnantes. Les mangas qui se concentrent sur la vie d’une figure précise ont aussi cette capacité à me captiver aisément. En effet, je suis toujours curieux de voir comment un artiste réussit à retranscrire et à insuffler sa touche personnelle autour d’une personne qui a vraiment existé. Si je parle de ça, c’est parce que cette fois, on va s’attarder sur un one shot de ce type qui nous provient tout droit de chez Panini. Je parle bien sûr de Géricault qui vient nous raconter la vie du peintre du même nom. Rien qu’avec ça, j’étais déjà séduit surtout que l’ouvrage proposé se veut assez conséquent et promet donc de faire un sacré tableau de cet homme. Je n’ai donc pas mis longtemps à me plonger dedans et je dois dire que l’on tient là un excellent ouvrage. Parvenant autant à être instructif sur plusieurs plans, je trouve surtout que cette biographie arrive à s’attarder beaucoup plus sur l’humain derrière le peintre. Soyez prêt à faire la connaissance d’un homme qui voulait capter ce qu’il y a réellement derrière la nature humaine.
Un peintre qui a connu l’enfer

Synopsis
En 1816, la frégate française Méduse s’échoue sur un banc de sable au large de la Mauritanie. Un canot de sauvetage, laissé à la dérive, restera en mer pendant treize jours avant que les sauveteurs ne parviennent à récupérer quelques survivants. L’enquête menée par le gouvernement révèle des actes de meurtres et de cannibalisme. Cette histoire s’articule autour de Théodore Géricault, le peintre du célèbre tableau Le Radeau de la Méduse, qui immortalise cet événement dramatique. La série explore les comportements du peintre à cette époque, notamment les controverses suscitées par ses recherches et la manière dont il parvient à insuffler une telle intensité à cette scène, au point qu’il semble avoir été témoin lui-même de ces atrocités.
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Ce qu’il faut retenir dans ce genre d’œuvre est la manière dont la vie du personnage central va être racontée. Géricault nous présente, comme le dit si bien le résumé, un peintre en quête de gloire, mais aussi d’un objectif bien plus personnel. On va alors non pas être emporté par la partie génie de cet homme, mais bel et bien par ce parcours semé d’embûches et de controverses qui vont finalement représenter tout ce qu’il cherche à montrer. Un homme qui va autant connaître les sommets de cet art que vivre l’enfer. Et c’est dans cette dernière qu’il va trouver ce qu’il cherche depuis tant de temps.
Une biographie captivante
Pour commencer, il est important de noter que ce qui va vraiment être intéressant dans ce one shot sur Géricault est la façon dont va être mis en scène tout son parcours jusqu’à ses derniers jours. Car en effet, ce qui est vraiment le plus intéressant dans ce genre de récit concerne le voyage et non tant la finalité qui peut facilement être disponible en faisant quelques recherches. Et sur ce point, je trouve que l’artiste fait un travail absolument remarquable. En effet, il ne faut pas longtemps pour qu’il réussisse autant à placer le décor que la manière dont celui-ci influence la vie de notre protagoniste. Ce qui est fascinant, c’est que l’on nous montre un Géricault dont tout le monde reconnaît le génie, mais qui est très loin d’être satisfait de ce qu’il fait. Cela permet d’aborder l’élément central de l’ouvrage qui concerne cette recherche de capter la nature humaine dans sa toile et ce qu’elle est capable de faire dans les pires situations. On nous montre alors comment l’événement tragique de “La Méduse” va le hanter comme s’il était possédé par ce projet de dessiner le calvaire de ceux qui ont été abandonnés sur ce radeau. Ce que j’admire, c’est que l’on va être totalement plongé dans ce travail de recherche que le peintre effectue et qui va le transformer petit à petit. Et ce qui est captivant est de voir à quel point ce tableau qui va traverser les âges va aussi l’amener à faire face à la part sombre de sa propre âme.
On le voit peu à peu se métamorphoser, perdre tout ce qu’il a et faire des recherches qui font fi du respect des morts. En fait, je trouve que l’auteur a su créer presque une double toile avec d’un côté Géricault qui se lance à corps perdu dans son projet et, de manière plus large, la vie de ce dernier qui se présente aussi comme une peinture reflétant tout ce qu’il a toujours cherché à montrer. On va alors passer par tout un tas d’émotions en le côtoyant. Que ce soit d’abord l’exaspération de cette vanité qui le caractérise, ses erreurs qui ont détruit des vies et qui sont inacceptables, son côté autodestructeur qui nous rend triste et l’admiration malgré tout de voir ce qu’il a su proposer. Je trouve que cet ouvrage arrive parfaitement à jouer sur les deux tableaux pour que l’on ne soit jamais uniquement focalisé sur l’aspect purement artistique. Au contraire, on ressent la volonté de mettre en avant l’humain derrière le pinceau et cela permet de donner encore plus de poids aux propos qu’il tient à exprimer à travers son art. De même, il y a un remarquable travail de recherche qui est fait pour que l’on prenne conscience de ce que pouvait représenter cette toile qui, aujourd’hui, est un classique, mais qui, à l’époque, était devenu un outil politique contre le régime en place. Je trouve d’ailleurs que c’est finement amené de voir comment les intentions d’un artiste peuvent justement être perçues autrement de la part du public qui va observer son travail. Une excellente façon de montrer que chacun s’empare d’une œuvre pour ce qu’elle nous raconte sans forcément que l’on sache réellement ce qui a voulu être raconté par celle-ci dans l’esprit du peintre.
En fait, étant très friand de ce genre d’ouvrage historique, je n’ai pas loupé une miette de tout ce qui était raconté dans Géricault. Une œuvre qui réussit, à travers ce simple ouvrage, à nous plonger dans le quotidien de cet artiste maudit qui a constamment cherché à trouver sa place dans cet art et qui a enchaîné déconvenues et erreurs. Je suis impressionné par le travail de recherche de l’auteur afin de coller au mieux à ce qui a bien pu se passer à cette période tout en y amenant une narration qui colle à ce que ce peintre a toujours cherché à mettre en avant dans ses toiles.
Géricault fait perdurer sa mémoire
Evidemment, j’aurais pu parler encore longtemps de ce one shot sur Géricault. Rien que le traitement apporté à l’obsession de cet homme pour les chevaux est intéressant, car cela finit même par montrer une certaine fusion entre l’homme et l’animal. D’ailleurs, c’est très bien représenté sur la couverture de l’ouvrage. Mais au-delà de ça, j’ai trouvé cette lecture vraiment réussie sur quasiment tous les plans. Je ne me suis pas ennuyé un seul instant durant cette découverte. Et comme très souvent quand je me plonge dans ce type de biographie, cela me donne envie de faire encore plus de recherches de mon côté pour bien cerner cette figure historique et tout ce qui a gravité autour. C’est aussi ça que je tiens à souligner dans ce type de manga. En effet, il s’agit ici d’une interprétation de l’auteur autour de cet artiste, mais nous ne pouvons que très difficilement savoir ce qui a bien pu y avoir dans la tête de Géricault tandis qu’il peignait ses tableaux. La première force de ce type d’expérience est de justement donner envie aux lecteurs de prolonger le récit en faisant par nous même des petites recherches afin d’avoir une vue d’ensemble de ce passé. Ce one shot arrive très bien à susciter ça tout en amenant, je trouve, des thématiques très intéressantes et finalement aussi très actuelles. J’ai adoré le fait que l’on montre ici que Géricault avait une vision bien précise de ce qu’il voulait dire par son tableau et que finalement tout son message a été déformé pour servir ce que les gens désiraient voir à travers celui-ci.
C’est donc un gros coup de cœur que j’ai eu pour ce one shot Géricault qui fait plaisir tant il est important d’avoir des mangas de ce style. Des récits qui nous font réfléchir sur notre perception du monde, mais aussi sur ces œuvres d’art dont nous ne cernons pas forcément, au premier coup d’œil, les intentions de l’artiste derrière. De même, le récit de cet homme qui s’est donné corps et âme pour son art jusqu’à connaître une fin tragique ne peut laisser de marbre. Que l’on aime ou pas le style de cet homme, il y a quand même une forme de fascination pour ce qu’il a voulu laisser derrière lui, son amour de la peinture, mais aussi les erreurs qu’il a pu commettre. Sans même forcément être passionné de peinture, tout le monde peut trouver son compte dans cette lecture qui se concentre avant tout sur la vie d’un homme qui n’a jamais pu réellement concrétiser son rêve de son vivant. Voilà pourquoi je recommande fortement cette découverte qui s’inscrit aussi dans un souhait de Panini de proposer des titres historiques comme c’est le cas avec Cocoro centré sur Léonard de Vinci. Un parti-pris que j’affectionne et je vous parlerais d’ailleurs très bientôt de cette autre série. En attendant, voilà une excellente aventure historique à savourer pleinement. Le genre de récit dont je suis toujours friand et qui a la capacité de nous faire voyager, durant quelques instants, dans le passé. Hâte de voir maintenant ce qui peut nous attendre dans ce domaine dans les prochains mois.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant cet ouvrage sur Géricault. Trouvez-vous que ce one shot arrive à capter tout ce qui a pu rythmer la vie de cet artiste ? Est-ce que vous appréciez toute la construction autour de ce personnage et de ce qu’il a vécu ? Avez-vous ressenti pas mal d’émotions tout au long de cette vie qui fut la sienne et des défis qu’il a dû relever ? Est-ce que vous ne trouvez pas que ce peintre a finalement été, de par sa vie, la toile la plus représentative de ce qu’il voulait peindre sur la nature humaine ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.