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Pourquoi j’aime #38 : Sou Bou Tei

A chaque nouvelle semaine, son numéro de “Pourquoi j’aime” et cette fois j’avais envie d’aller du côté de chez Mangetsu. Cela faisait un moment que l’on n’avait pas parlé d’un titre de la maison d’édition alors que pourtant il y a de très bonnes séries. Et pour aujourd’hui, j’avais envie de m’attarder à nouveau sur un manga qui m’a rapidement conquis dans sa proposition. Une œuvre qui est à l’image de son auteur, à savoir unique en son genre. Car oui, on va traiter de Sou Bou Tei de Kazuhiro Fujita. Cet artiste est bien connu pour créer des histoires d’une grande originalité et qui, en plus de ça, nous tiennent en haleine tout du long. Alors qu’on lui doit des séries comme Karakuri Circus ou bien Moonlight Act, j’avais ce désir de replonger une fois de plus dans cette imagination débordante qui est la sienne. Surtout que là, on bascule dans un univers bien plus horrifique et c’est un style qu’il maîtrise assez bien notamment grâce à son trait si spécifique et sa créativité sans limite. Préparez-vous donc à connaître les cinq raisons qui me font apprécier ce titre. Je vous invite dans une demeure qui ne vous laissera plus jamais sortir.

Le manoir de l’horreur

Sou Bou Tei Vol.1

J’en ai parlé en introduction, mais Kazuhiro Fujita est un auteur qui aime sortir des codes établis tout en amenant, dans pas mal de ses récits, des éléments qu’il apprécie tout particulièrement. L’horreur en fait partie, mais il n’a jamais dédié pleinement une œuvre à ce genre avant car même les “Black Museum” sont plus des réinterprétations de certaines histoires qu’un scénario totalement dédié à nous faire frissonner. Avec Sou Bou Tei, le mangaka nous plonge totalement dans l’effroi et montre à quel point c’est un style de récit qu’il apprécie écrire. Contrairement à certaines de ses séries où l’on suit des personnages remarquables, forts ou bien puissants, ici même ceux qui font office d’individus exceptionnels ne sont que peu de choses entre les murs de cette maison. Et ça, c’est déjà quelque chose de remarquable qui joue admirablement bien sur la peur. On nous présente un lieu qui a tout de l’antre du diable et où aucun moyen humain n’est capable d’en venir à bout. Même l’équipe que l’on suit, qui est composée d’exorcistes et de militaires surentraînés, ne semble pas faire le poids face aux phénomènes propres à cet environnement. Ainsi, on nous présente des individus extraordinaires ou faisant pratiquement partie de l’élite qui se retrouvent eux aussi à être tétanisés ou possédés par cette maison. Cela appuie brillamment le fait que peu importe le talent ou les compétences, rien ne semble être de taille face à cette chose qui dépasse la compréhension humaine. De plus, le style graphique de Fujita est juste idéal pour créer des planches terrifiantes où l’on peut voir des déformations ou des visages qui expriment à merveille le sentiment de terreur. En fait, dès l’instant où l’on entre dans ce lieu, on va vivre un véritable enfer qui va autant nous fasciner que nous donner bien des frissons.


Un décor qui suinte

Sou Bou Tei Vol.2

Ce titre peut donner à rire et nous questionner sur si c’est réellement une qualité du manga et je vous dirais que oui. Comme je l’ai évoqué plus haut, Sou Bou Tei est un récit horrifique dont une grande partie de sa force réside dans l’ambiance qui va s’installer autour de ce fameux lieu. Et cela passe inexorablement par le trait du mangaka. C’est vrai que celui-ci est assez particulier, à l’image des œuvres que l’auteur écrit, et qu’il contribue énormément au charme propre à son style. Mais dans ce manga, je trouve que c’est encore plus fort, car il y a vraiment une angoisse palpable qui nous serre le cœur. Par exemple, je trouve que le titre s’en sort admirablement bien dans son approche de l’obscurité. On arrive à ressentir pleinement ce manque de clarté qui assaille nos protagonistes tandis qu’ils parcourent les longs couloirs de cette maison. Une atmosphère oppressante qui contribue énormément à notre immersion et nous donne le sentiment que quelque chose peut bondir à tout moment de l’obscurité. De même, concernant les phénomènes inexpliqués, possessions et autres dangers qui sont présents en ces murs, là encore il y a un formidable travail de mise en scène et aussi d’un point de vue artistique. Fujita nous propose une menace qui est à la fois tangible à travers ces manifestations surnaturelles qu’un danger beaucoup plus flou à travers le Sou Bou Tei. Ce qui fait que si l’on se concentre initialement sur l’obstacle devant nous, on a aussi l’impression que les personnages sont constamment observés par une force invisible. Ils se retrouvent dans la gueule du diable et se rendent compte trop tard qu’ils sont pris au piège et doivent tout faire pour survivre. Tout ça se ressent sans même que l’auteur l’exprime avec des mots grâce à ses dessins terrifiants, mais aussi vecteur de nombreuses émotions.


Des protagonistes soulevant de l’empathie

Sou Bou Tei Vol.3

Oui, c’est quelque chose qui peut sembler assez classique de prime abord, mais Sou Bou Tei réussit à en faire quelque chose de fort. Quand je parle d’empathie, je parle surtout à l’égard des protagonistes du récit et non forcément de toute cette équipe qui va se concevoir autour. Par exemple, le personnage de Tsutomu est, à mes yeux, vraiment génial de par son humanité. Là où l’on observe des gens extraordinaires ayant du mal à faire face aux horreurs de cette maison, cet artiste qui n’a aucune capacité remarquable arrive à trouver le moyen de surmonter ça. Il déborde de sincérité et surtout d’un réalisme qui le rend proche de nous avec autant ses failles et ses doutes. Un individu lambda qui se retrouve mêlé à tout ça malgré lui et qui souhaite juste faire de son mieux pour venir en aide à un garçon dans le besoin. C’est l’une des forces du mangaka de réussir à créer des héros qui ne sont pas forcément les plus balèzes ou impressionnants, mais qui parviennent pourtant à attirer notre regard. On a envie de croire en lui au même titre que Rokurou et l’autre garçon qui va faire équipe avec lui. Pour leur part, on voit ici des gamins qui se sont retrouvés empêtrés dans cette affaire sordide et qui sont, avant tout, portés par leur désir d’en finir avec tout ça. Ils sont terrifiés, mais ils affichent aussi une détermination qui donne un peu d’espoir au milieu de tout ça. Et ça, c’est aussi quelque chose que le mangaka aime proposer dans ses récits. Des figures d’innocence qui se retrouvent mêlés à quelque chose qui vient briser leur quiétude et qui doivent surmonter leurs peurs pour faire face à la vague qui approche. Le manga affiche des personnages pour lesquels on a une vraie sympathie qui se construit non pas immédiatement, mais chapitre par chapitre au fil de leurs péripéties. 


La maison des mystères

Voilà sûrement l’une des pierres angulaires de Sou Bou Tei, car le titre ne brille pas uniquement par son côté horrifique. L’une des forces du manga est de justement trouver un juste équilibre entre la peur que procure ce lieu et l’envie irrépressible de savoir ce qui se cache derrière. Ce qui fait que même si on est témoin d’événements terribles et d’effroyables dangers, notre curiosité nous pousse à vouloir aller plus loin. Surtout que l’on ne sait que peu de choses finalement en nous lançant dans cette aventure sur cette maison que rien ne peut détruire. On suppose énormément de choses et les premiers tomes vont être là pour nourrir une multitude de scénarios possibles. Et même quand arrive l’une des révélations majeures de ce début d’aventure, cela ne fait que renforcer nos interrogations sur ce qui a donné vie à cette bâtisse. Car oui, l’auteur ne se limite pas à trouver une explication surnaturelle à ce qui se passe et va même amener un aspect science-fiction à tout ça pour encore plus troubler notre perception sur ce que l’on a devant nous. Ce n’est donc pas uniquement une série qui a pour but de nous donner des sueurs froides, mais de faire face à cet enfer pour en comprendre la véritable nature. Et pour ça, le mangaka montre tout son talent en parvenant à doser ce qu’il faut d’éléments intéressants et pertinents pour que l’on soit sans cesse à aller de l’avant même en sachant ce qui nous attend. C’est pareil aussi pour ce qui concerne les secrets de certains personnages qui vont se dévoiler au fur et à mesure de notre avancée dans ces couloirs. Comme si ce lieu n’était pas uniquement pour nous glacer le sang, mais aussi pour révéler la part sombre et cachée de tous ceux qui franchissent sa porte.


Une narration pleine de surprises

Sou Bou Tei Vol.8

Pour conclure ce “Pourquoi j’aime” dédié à Sou Bou Tei, je tiens à parler d’un sujet que je trouve assez fascinant et qu’on retrouve régulièrement dans les séries de Kazuhiro Fujita. Je parle ici de la narration que propose le mangaka. En quoi est-ce un élément important et une force de ce manga ? La raison est qu’il sait parfaitement comment densifier une intrigue en partant d’une idée simple sans que jamais cela ne nuise à la narration. Après tout, cette histoire commence tout bonnement par un objectif clair et précis qui est la destruction de cette maison infernale. Quand on voit ça, on peut tout de suite y voir des références à certains films d’horreur par exemple. On va ainsi se lancer avec ça en tête et cela va créer une forme d’anticipation pour la suite comme c’est le cas dès que l’on prend conscience des enjeux d’un récit. Mais plus on avance et plus l’artiste va s’amuser à montrer que ce but initial est bien plus complexe à atteindre qu’on aurait pu le croire initialement. Ce qui commence comme une histoire de fantômes, d’âmes errantes et de monstruosités se transforme finalement en une sorte d’horreur cosmique qui va prendre tout le monde de court. Fujita a un talent pour tout ce qui touche au storytelling en étant capable de tisser une intrigue complexe avec de multiples personnages et sous-intrigues tout en restant clair. Ce qui fait que peu importe le nombre de tomes qui s’enchaînent, notre intérêt est sans cesse renouvelé pour la suite de cette histoire. Et tout ça en parvenant à créer une véritable originalité dans l’écriture, les thèmes abordés et l’univers qui va découler de cet affrontement contre une bâtisse. Une œuvre surprenante tout comme son auteur qui n’a de cesse de repousser les limites de sa propre imagination.

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