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Pourquoi j’aime #40 : Akane-banashi

Comme chaque semaine depuis un moment, il est temps de retrouver un nouveau numéro de “Pourquoi j’aime”. Ce que j’apprécie tout particulièrement avec ce rendez-vous, c’est de réussir à mettre en avant les qualités de ces œuvres que j’adore suivre. Surtout que dans le monde du manga, il y a bon nombre de titres qui abordent des sujets qui, au premier regard, peuvent sembler peu attrayants, notamment quand ça concerne quelque chose qui est très ancré dans la culture japonaise. Après tout, on est rarement au contact de ça, ce qui fait que l’on peut avoir l’impression de ne pas pouvoir s’intéresser à tel thème. Pourtant, les excellentes séries abordant diverses facettes de la société japonaises sont nombreuses et je vais vous parler aujourd’hui de l’une d’entre elles. Il s’agit tout bonnement de Akane-banashi, édité chez Ki-oon, qui est un titre rapidement devenu fort au Japon, mais qui peut sembler déroutant pour nous autres étant donné qu’on est sur un récit abordant le rakugo. Pour beaucoup de lecteurs, ce terme peut sembler obscur, et même être inconnu étant donné qu’il s’agit d’un art du spectacle profondément ancré dans l’Histoire de son pays d’origine. Mais vous allez voir, ce manga regorge d’atouts qui peuvent facilement nous faire adhérer à son histoire et nous donner envie d’en apprendre plus sur ce domaine.

A la découverte du rakugo

Akane-banashi Vol.1

En premier lieu, il est évident que je ne pouvais pas parler du sujet principal du manga qui n’est autre que le rakugo. Avant même d’aborder tout ce qui tourne autour de notre héroïne et de son parcours, il est important de s’arrêter sur cet art oral qui va guider sa vie. Pour ceux qui l’ignorent, le rakugo est une forme de théâtre solo où un conteur narre une histoire, souvent comique, en jouant tous les rôles. Sans bouger de sa place, il doit réussir à transmettre diverses émotions et à donner l’impression d’avoir des personnages bien différents qui parlent et s’adressent entre eux. Cela peut paraître bien étrange quand on n’est pas familier et que l’on découvre pour la première fois, mais le manga va réussir à lui donner une aura compréhensible par chacun. Et c’est l’une des forces du manga que de réussir à nous intéresser à cet art et surtout à nous donner envie d’en apprendre plus. Surtout que l’on nous montre à quel point ce milieu est loin d’être uniquement une histoire de narration. Il y a énormément à dire autour de ces hommes et femmes qui se dressent seuls devant une salle remplie et doivent réussir à capter toute leur attention. En plus de ça, on ne se limite pas uniquement à la face visible de ce métier, mais aussi aux coulisses, le rapport entre aînés et cadets, les différentes compétitions, forces et faiblesses de chaque conte et tant d’autres choses. Cela a pour effet de nous attirer progressivement dans cette activité qui est bien plus complexe qu’on pourrait le croire. Et même si cela peut dérouter au départ, l’artiste réussit à rendre tout ça ludique et parfaitement ancré dans sa trame narrative afin que l’on puisse apprendre progressivement tout ce qui tourne autour de ce domaine artistique.


Une héroïne qui captive

Akane-banashi Vol.3

Impossible aussi de parler de Akane-banashi sans traiter de sa protagoniste. Celle qui donne son nom au manga va rapidement attirer toute notre attention et cela pour plusieurs raisons. On assiste ici à la naissance d’une étoile montante du rakugo qui affiche une telle détermination à chaque tome que l’on ne peut qu’avoir envie de la soutenir. On comprend totalement la raison qui la pousse à se lancer dans ce milieu et ce qu’elle cherche à atteindre. Mais ce qui fait que l’on affectionne tant le personnage d’Akane provient du fait qu’elle est vraiment un modèle de courage et de dépassement de soi. Si on nous la présente comme une demoiselle qui a su apprendre et mettre en pratique ce qu’elle a pu voir de la part de son père, elle n’est jamais présentée comme un génie. Elle a un don, mais elle est très loin de se concentrer uniquement dessus et va même avoir beaucoup à apprendre sur le rakugo à force d’exercer, mais aussi au contact de ses mentors et aînés. C’est ça qui rend son personnage aussi génial, car on est face à une héroïne qui va en baver, se confronter à d’autres grands noms de ce milieu et surtout comprendre que son talent inné pour capter la foule ne suffira pas à atteindre le sommet. Et même quand elle se retrouve en mauvaise posture ou confrontée à la défaite, elle ne va jamais avoir ce souhait de baisser les bras. C’est tout l’inverse, elle se relève constamment et même quand elle doute, cela finit par lui servir à enrichir sa palette d’émotions pour séduire un peu plus son auditoire. Elle déborde d’énergie et cela fait du bien d’avoir un personnage principal qui soit autant une source d’inspiration. Elle nous montre que le travail et les efforts peuvent soulever des montagnes. Et surtout, même si elle apprend constamment et doit parfois contenir son envie de tout balayer, elle arrive à apporter un vent de fraîcheur à cet art ancestral qui évolue progressivement.


Un sujet traité avec beaucoup d’aisance

Akane-banashi Vol.6

Quand je parle d’aisance par rapport au rakugo, cela rejoint ce que j’ai un peu évoqué dans le premier point. Après tout, nous sommes face à un récit qui va s’axer grandement sur les prestations des personnages et cela pourrait vite devenir redondant à force. Et malgré ça, on a toujours l’impression que l’on découvre de nouvelles choses même après déjà autant de tomes. La raison à ça est que l’artiste réussit à transformer chaque représentation en une sorte de leçon pour exprimer toute la richesse du rakugo. Durant tout un chapitre, on va se concentrer sur l’importance de l’ordre durant un show pour qu’à celui d’après, on tire des enseignements de ceux qui vont passer sur scène. Ce que je veux dire par là, c’est que même s’il y a toute une partie informative nécessaire pour cerner cet art, nos deux mangakas derrière le manga arrivent aussi à utiliser la pratique comme vecteur important de l’attrait que l’on va avoir pour cette histoire. On ne va pas uniquement être là pour suivre l’évolution d’Akane au fil de ses grades. Chaque personnage va être là pour nous séduire à travers leurs histoires, mais aussi nous montrer leur vision du rakugo. Il n’y a pas un personnage qui soit identique à un autre dans sa manière d’aborder sa prochaine prestation. Cela montre la volonté de nos auteurs de montrer toute la richesse de ce type de spectacle. Mais surtout, on fait tomber les barrières pour montrer que non, le rakugo n’est pas uniquement une personne face à un public qui se met à raconter une histoire. Il y a un tas d’éléments qui entrent en ligne de compte afin de permettre à cet art de la culture japonais de captiver notre attention. Comme si on commençait au début de la série en tant que simple spectateur pour ensuite découvrir tout l’envers du décor.


Une autre forme de rivalité

Et oui, on pourrait croire qu’en axant son récit autour du rakugo, Akane-banashi aurait du mal à proposer des rivalités intenses et pourtant on a le droit à des oppositions très marquées et importantes pour l’appréciation globale de l’œuvre. Ce qui est justement intéressant de voir ici est comment cette notion de rivalité est appliquée à un art qui se veut surtout solo. On nous parle déjà, dans un premier temps, des tensions pouvant exister d’une “école” à l’autre par rapport à des styles diamétralement opposés, de vieilles querelles qui découlent sur les nouvelles générations, mais aussi tout simplement l’envie d’être le meilleur. Ce qui fait que quand on lit un tome et que l’on assiste à une prestation d’un de ces artistes, on ne va pas uniquement observer son efficacité par rapport au public. Le récit cherche justement à ce que l’on mette face-à-face les diverses prestations jouées durant un événement afin de voir qui tire le mieux son épingle du jeu. Cela permet d’appuyer sur les particularités propres à chaque conteur, mais aussi à sa manière d’emporter le public dans son histoire. Ce qui était alors un simple spectacle où l’on s’amuse des fables racontées devient alors une intense bataille où tout rentre en ligne de compte. De sa position dans le show à sa posture en passant par les mimiques où la manière de transmettre des émotions, tout y passe. C’est alors fascinant de voir comment nos deux auteurs ont su transformer ces événements en une lutte palpitante où vont s’affronter des artistes célèbres, mais aussi cette nouvelle génération prometteuse désirant apporter leur empreinte à cet art. Une double lecture vraiment rafraîchissante où l’on peut autant apprécier les histoires contées pour ce qu’elles sont que de se demander qui sera le plus acclamé à la fin de la journée.


A chacun sa narration

Il va déjà être l’heure de conclure ce numéro de “Pourquoi j’aime” centré sur Akane-banashi. Et pour finir en beauté, je me devais de parler des contes proposés étant donné qu’il s’agit finalement des armes avec lesquelles nos protagonistes s’affrontent sur scène. Même si on ne connaît quasiment aucune de ces histoires, cela n’empêche nullement d’apprécier leur contenu. D’ailleurs, excellent travail de traduction et de recherches pour justement que l’on puisse facilement s’imprégner de celles-ci même en étant peu familier à ce niveau. Mais ce qui est génial, c’est que l’on nous montre aussi qu’un même conte ne transmettra pas forcément la même intention en fonction du narrateur. En effet, chaque rakugoka a sa manière d’exprimer le contenu d’un récit et de l’exposer aux yeux de tous. Cela peut être en appuyant sur le côté comique à travers des mimiques appuyées, un travail approfondi pour donner vie aux personnages endossés ou bien d’aborder une prestation sous un angle différent. C’est là que l’on comprend à quel point ce manga est une leçon en matière de narration, car il existe autant de façons de raconter une histoire que de personnalités uniques. C’est ce qui donne aussi un cachet tout particulier quand on se pose pour assister à la prochaine représentation. Même si on nous dit que l’on va revoir une œuvre déjà citée auparavant, on est tout de même curieux de voir comment l’artiste sur scène va réussir à y amener sa touche personnelle. C’est ce qui fait que l’on ne s’ennuie jamais tout au long des tomes du manga. On est constamment surpris par les progrès de certains, le changement radical de ton d’une prestation à l’autre et surtout la façon dont chacun, à leur manière, réussit à nous immerger dans ces histoires qui ne sont pourtant pas ancrées dans notre propre culture. Une remarquable manière de transmettre ce pan du Japon.

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