Gaming-Horror-Show---James Sunderland-2

Gaming Horror Show : James Sunderland

Et oui, le mois d’Halloween est là et vous savez ce que ça veut dire ! Après avoir déjà lancé les “Manga Horror Show”, il est temps aussi de reprendre du côté jeu vidéo avec le “Gaming Horror Show”. Des rendez-vous que j’apprécie tout particulièrement faire, car ils me permettent de m’attarder sur des sujets dont je n’ai pas forcément le temps de parler en temps normal. Et qui dit effroi dit bien sûr survival-horror. Dans ce domaine, bon nombre de titres se sont distingués et sont devenus cultes. Avec la sortie récente de Silent Hill f, je me suis replongé avec joie dans cette licence en tentant le platine de Silent Hill 2 Remake. J’ai alors pu redécouvrir toute la force de cette histoire et finalement, un élément m’a sauté aux yeux. Dans l’angoisse psychologique que l’on peut ressentir durant notre exploration de cette ville, il y a un personnage qui est source de malaise et contribue grandement à cette immersion. Je parle bien sûr de notre protagoniste James Sunderland qui va être notre sujet du jour. Je vais surtout m’attarder ici sur la manière dont son stoïcisme joue énormément sur la peur ressentie dans cet opus et à quel point il est loin d’être un héros. Je vous invite donc à plonger avec moi au sein de ce brouillard mythique.

L’homme dans le brouillard

Évidemment, tout commence avec cette intro mémorable où l’on voit cet homme dans des toilettes qui auraient besoin d’un bon coup de nettoyage. Quand on ignore ce qui nous attend, on observe surtout un personnage qui semble très pâle, fatigué et peu émotif. A la recherche de sa femme dont il a reçu une lettre récemment lui disant qu’elle est à Silent Hill, une première question se pose. Comment peut-elle avoir envoyé un tel courrier alors qu’elle est censée être morte il y a trois ans de ça. C’est avec ce postulat de départ que James Sunderland se lance dans cette recherche qui va à jamais changer son existence et surtout le confronter aux fantômes de son passé. Si le scénario de Silent Hill 2 est bien connu et considéré comme un classique dans le domaine de l’horreur psychologique, il faut comprendre que le premier contact que l’on a du jeu se fait à travers ce personnage principal. Je ne parle pas ici simplement de l’incarner ou de le jouer. La première chose qu’on va voir est le visage de cet homme qui semble éreinté et qui se lance dans un périple sans réellement savoir si tout ça n’est qu’une farce ou quelque chose de plus important. Et c’est déjà là que le titre fait forte impression, car on est très loin d’avoir devant nous un personnage fort, plein d’assurance ou même capable de se défendre. Il est un être humain comme nous tous qui est loin d’être un pro du combat, peu sportif et qui n’a rien d’extraordinaire qui se dégage de son look.

C’est justement le fait d’avoir un monsieur tout le monde en face de nous qui rend le personnage aussi intrigant, car on se dit qu’on pourrait totalement être à sa place. Sans même nous dévoiler son passé ni même la moindre info le concernant si ce n’est autour de sa femme, il nous apparaît aussi comme un inconnu dont on n’apprendra finalement qu’à la fin du jeu une partie de son ancienne vie. Ainsi, le fait de ne rien savoir va aussi faire que l’on va s’accrocher à la seule chose qui nous reste afin de le cerner : ses réactions et expressions tout au long de l’aventure. Ce n’est pas anodin d’avoir pensé ça, car cela force le joueur à se concentrer sur ce qui va être l’une des principales sources de malaise du jeu, à savoir son attitude envers tout ce qui l’entoure. Par exemple, il suffit de quelques instants pour qu’il fasse la rencontre d’Angela, une jeune femme qui semble tout aussi perdue que lui et qui recherche à son tour une personne qui lui est chère. Et tout cet échange a beau être important et lancer un peu le mystère autour de cette ville et de ce qui s’y passe, on ne peut s’empêcher de se focaliser sur une chose. James semble totalement imperméable à ce qui se passe, répondant lentement, sans aucune émotion, à ce que son interlocutrice lui dit. On se dit qu’à sa place, on poserait évidemment plein de questions, mais aussi que l’on tenterait de mettre de l’ordre dans nos idées.

James Sunderland - début

Un silence pesant

Si on peut penser que ça s’arrête là, il n’en est rien. Notre protagoniste semble éviter la discussion et continue d’avancer comme si c’était la seule raison de son existence. On se dit alors que même si ça paraît étrange, c’est peut-être dû au fait qu’il ignore tout de cette personne et qu’il préfère se concentrer sur sa quête. Et finalement arrive le moment où l’on peut se dire que quelque chose ne va pas. Il s’agit tout bonnement quand l’horreur et le surnaturel vont débarquer dans l’aventure à travers ces créatures effroyables et souvent grotesques que l’on va affronter. Dans tout jeu d’horreur, le premier contact avec ceux qui servent d’ennemis suscitent clairement l’angoisse et vont faire monter le rythme de plusieurs niveaux. Pourtant là, c’est le contraire qui se passe. James se montre surpris par l’apparition de ce premier monstre mais sans vraiment exprimer une très grosse peur. Au contraire, il se saisit rapidement d’un bout de bois comme arme et on enchaîne avec le premier affrontement. Et par la suite, tous les monstres que l’on va rencontrer en se baladant n’amène jamais une frayeur chez le protagoniste. Même en avançant et en discutant avec d’autres survivants, ils ne semblent pas plus touchés que ça par ce dont il a été témoin. On pourrait se dire que c’est étrange de réagir ainsi au vu du cauchemar éveillé qu’il vit, mais pour lui tout semble finalement tout naturel. Et c’est ça qui rend notre parcours à ses côtés aussi angoissant.

Au-delà des monstres qui vont surtout nous offrir quelques jumpscares, ils sont avant tout des obstacles que l’on va franchir et on finit même par s’habituer à leur physique grotesque ou repoussant. Non, la véritable raison qui va nous pousser à avoir quelques sueurs froides provient de celui qui agit comme une coquille vide. James Sunderland, je le rappelle, est un personnage tout à fait lambda et c’est justement ce qui fait qu’il devrait réagir comme tel. Mais au contraire, il avance inexorablement la piste de sa femme en ayant, à deux trois moments, un petit sursaut d’émotions qui va rapidement s’éteindre pour refaire de lui ce visage fatigué. Ce manque d’expressions n’est pas anodin quand on connaît son histoire et ce que le récit cherche à nous raconter. Cependant, il faut aussi voir ça sous un autre prisme par rapport à tout ce qui l’entoure. Au milieu des monstres et autres abominations, l’élément le plus dérangeant est sans conteste cet homme qui vagabonde comme si de rien n’était et ne remet jamais en cause tout ce qu’il voit. Il y a par exemple une scène très forte dans cette symbolique qui implique un autre personnage important du récit. Un passage assez tragique et qui, pour beaucoup, pousserait le personnage à crier, extérioriser sa haine ou sa peine. Mais c’est tout le contraire qui se passe ici. On voit un James sans voix qui attend quelques secondes le temps d’encaisser la nouvelle pour finalement reprendre la route en remettant son masque froid et stoïque comme si rien ne s’était passé. Il nous effraie par ce manque d’humanité qui se dégage de lui. Et cette transposition que l’on pouvait avoir envers lui finit par s’effacer pour faire naître une crainte dont il est à l’origine. Un malaise sur lequel on ne peut mettre réellement de mots si ce n’est que cet individu semble n’être humain qu’en apparence alors qu’au fond de lui c’est juste une coquille vide qui cherche juste à cacher ça à travers des réactions sans réelle conviction.

Une émotion terrifiante

Si James se résume, durant une grande partie de l’aventure, à être cette enveloppe sans émotions que l’on va guider vers l’unique raison qui le pousse à avancer, son écriture ne s’arrête pas là. Dans un premier temps, il faut vraiment comprendre que ce manque d’empathie à l’égard des autres et même d’émotions normales découle directement de ce que symbolise pour lui cette quête dans Silent Hill. Mais au-delà de ça, cela permet de déshumaniser son personnage au même titre que les créatures qui pullulent dans les diverses zones du jeu. Si le mystère qui l’entoure nous pousse à aller toujours plus loin dans le jeu, on est aussi mal à l’aise en le contrôlant, car ce lien que l’on pouvait espérer au départ n’a jamais vraiment eu lieu. De par son manque d’action et son côté stoïque, il est bien plus un fantôme qu’un homme ordinaire et chacune de ses scènes sert justement à nous éloigner de lui, car sans même le percevoir totalement, on se met à imaginer et comprendre ce qu’il est réellement. Et c’est justement en faisant face à la seule émotion qui va l’animer à quelques reprises que l’on va percevoir ça. En effet, il arrive, à plusieurs moments dans l’intrigue, que James se mette alors à reprendre un peu de vie, mais c’est rarement pour une bonne raison. Si je dis ça, c’est parce que la seule chose qu’il va exprimer en dehors de cette attitude imperméable est la colère.

Oui, notre protagoniste se réveille uniquement lorsque celle-ci arrive à raviver le feu qui sommeille en lui. On peut le voir à quelques reprises avec le personnage de Laura, mais aussi Eddie ainsi que face aux deux Pyramid Head. Jusqu’à présent, on le voyait comme une âme résignée qui n’avait même aucun mal à se mettre en danger ou à évoquer son envie de disparaître. Ces quelques moments parvenaient à créer une certaine empathie à son égard, car ce sont les scènes qui nous font comprendre, sans le moindre mot, les stigmates qu’ils portent en lui. Mais quand sa rage prend le dessus, on recule de nouveau, car la graine de l’angoisse qui avait été plantée en nous depuis le début grandit au contact de ces passages. Il est un personnage qui n’arrive jamais à se mettre à la place des autres et est prêt à frapper, tuer ou crier quand on se dresse sur sa route. Un autre visage bien plus sombre et qui prouve aussi à quel point cet individu cache quelque chose de bien plus sinistre derrière sa venue à Silent Hill. D’ailleurs, on le voit aussi très bien manette en main quand on affronte nos adversaires au corps-à-corps. Les cris de rage qu’il pousse à chaque coup et l’acharnement qu’il montre pour s’assurer de la mort d’un ennemi ne sont pas anodins. C’est très rare d’avoir un tel souci du détail à ce niveau in-game pour justement exprimer cette colère. Encore une fois, on peut se dire au départ que c’est normal au vu de ce qu’il affronte et même le joueur va justement s’acharner sur les touches jusqu’à ce que l’adversaire soit vraiment mort. Mais c’est justement ce qui est le plus marquant. On va totalement partager cette colère qui anime notre protagoniste. On peut même dire que cette émotion est celle qui va prendre le pas sur tout le reste et même sur la peur qui va justement accentuer cette fureur. Et c’est fabuleux de voir comment le jeu arrive à jouer sur ça pour créer une peur de ce que l’on peut devenir et de ce qu’est James Sunderland.

James Sunderland

James Sunderland est l’antagoniste de sa vie

Il va déjà être l’heure de refermer ce premier numéro du “Gaming Horror Show”, mais il est important d’évoquer une dernière chose. Après avoir fait plusieurs runs sur Silent Hill 2 et avoir côtoyé un long moment James Sunderland, je me suis rendu compte de quelque chose. La raison pour laquelle il met autant mal à l’aise et provoque en nous des émotions contraires à ce que l’on a l’habitude d’avoir pour un héros de jeu vidéo est tout simplement parce qu’il n’en est pas un. C’est très simple, il ne fait jamais rien d’héroïque et ne va clairement pas venir en aide aux autres personnes. Au contraire, il va même causer la mort de l’un d’entre eux et n’avoir aucune réelle empathie pour les autres. A aucun moment il ne cherche à les comprendre, à les aider ou même à être réconfortant. Les quelques gestes qu’il peut avoir sont presque plus un automatisme qu’une véritable volonté de sa part de les aider. Pour lui, tout tourne autour de la recherche de Mary et de sa propre personne. Et quand on découvre le fin mot de cette histoire et tout ce qu’a représenté cette aventure, on peut en déduire une chose : James est l’antagoniste de sa propre histoire. Du début jusqu’à la fin, il va être confronté non pas à des “monstres”, mais à des choses qui reflètent son propre dégoût de ce qu’il a fait ainsi que de la colère qu’il a envers certaines personnes, mais surtout envers lui-même.

Evidemment, Silent Hill 2 aborde des thèmes forts à travers son scénario et notre personnage central en est le parfait vaisseau. On se met à réfléchir activement sur tous les sujets abordés et qui peuvent finalement frapper n’importe qui. Mais la plus grosse qualité, selon moi, de cet opus vient du traitement de James. Un homme ordinaire, torturé, violent et vide qui n’a même pas conscience de sa propre obscurité et de la prison qu’il s’est forgé lui-même au fil du temps. Et finalement, il représente à la fois la détresse humaine poussée à son paroxysme, la difficulté de faire face à d’horribles décisions et surtout un reflet de notre propre obscurité qui peut surgir à tout moment. Voilà pourquoi je dis que James Sunderland contribue énormément, de par son attitude et ce qu’il exprime manette en main, à l’angoisse ressentie. Une peur qui n’est pas tant concrète, car il faut beaucoup de temps avant de comprendre réellement ce qui ne va pas avec ce personnage. Mais c’est justement ce qui fait toute l’âme de Silent Hill qui n’emprisonne pas uniquement ces hommes et femmes virtuels, mais aussi le joueur. J’espère en tout cas que cette longue chronique vous aura plu. Si vous avez appréciez, n’hésitez pas à me dire si vous voulez que j’aborde d’autres sujets en particulier. Partagez aussi votre ressenti dans les commentaires concernant cet opus et son protagoniste. On se retrouve très vite pour la suite.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *