Pourquoi j’aime #46 : Kotaro en solo
Une nouvelle semaine et donc un nouveau numéro de “Pourquoi j’aime”. C’est maintenant devenu un rendez-vous régulier sur le blog. Il faut dire aussi qu’il y a tellement de titres qui sortent qu’il y a toujours de quoi s’émerveiller et surtout trouver de belles petites pépites. Cette fois, je me suis dit que j’allais me tourner du côté de chez Panini afin de vous évoquer une œuvre qui a su m’émouvoir profondément. Beaucoup l’ont connu au départ avec son adaptation anime. Je parle bien sûr de Kotaro en solo qui arrivera bientôt à sa conclusion avec son tome 10. Et avec l’arrivée de l’avant-dernier volume, c’était l’occasion parfaite pour mettre en lumière ce titre qui vaut clairement le coup d’œil. Surtout qu’on est face à une tranche de vie aussi surprenante que poignante pour bien des raisons. Le récit de cet enfant qui doit vivre seul va autant nous offrir quelques moments de rires, mais surtout énormément de moments forts qui vont nous faire passer par toutes les émotions possibles. Le genre de manga où l’on n’en ressort pas indemne et qui affiche énormément de qualités. Soyez donc prêts à faire la connaissance d’un petit garçon et de ses voisins si attachants.
Kotaro tout simplement
Kotaro en solo doit une grande partie de sa force à son protagoniste, Kotaro Satō, un enfant de 4 ans vivant seul dans un appartement modeste, qui captive immédiatement par son mélange d’innocence et de maturité forcée. Ce petit garçon, parlant comme un samouraï féodal inspiré de son dessin animé préféré Tonosaman, gère son quotidien avec une indépendance déconcertante : courses, lessive, et même paiement du loyer via une mystérieuse aide financière. Derrière cette façade comique, Kotaro porte les cicatrices d’un passé traumatique qui sera révélé progressivement tout au long du manga, rendant son personnage profondément émouvant. Tsumura excelle à le rendre attachant sans le mettre forcément d’un point de vue d’un enfant isolé: ses maladresses enfantines (comme menacer avec un sabre en plastique) contrastent avec sa résilience, inspirant admiration et tendresse. Cela souligne remarquablement bien comment Kotaro incarne l’enfance volée, forçant une réflexion sur la vulnérabilité des enfants. Son évolution, de la solitude farouche à son ouverture envers ses voisins, est nuancée et réaliste, évitant les clichés. Ce protagoniste unique transforme un premier ressenti pouvant sembler absurde en une exploration touchante de la force intérieure. Kotaro n’est pas seulement mignon ; il est un miroir des traumas enfouis, rendant chaque interaction cathartique. Sa pureté influence positivement les adultes autour de lui, prouvant que même un enfant peut guérir les autres. Cette profondeur psychologique élève le manga au rang de classique feel-good tragique à mes yeux tant on ne peut que craquer devant lui et tout ce qu’il symbolise. Un petit garçon pour qui on espère qu’il puisse retrouver un peu de cette enfance perdue.
Entre humour et émotion
L’un des atouts majeurs de Kotaro en solo est son équilibre magistral entre comédie légère et drame poignant, créant une expérience « douce-amère » qui ne peut clairement pas laisser de marbre. Les gags naissent des situations absurdes : un enfant de 4 ans vivant seul, parlant en langage archaïque, ou interagissant avec des adultes excentriques comme un yakuza ou un mangaka flemmard. Ces moments hilarants – Kotaro offrant des mouchoirs en cadeau ou menaçant de « trancher » les problèmes – allègent l’atmosphère. Pourtant, derrière l’humour, se cachent des révélations déchirantes sur l’abandon, la maltraitance et la solitude, faisant verser bien des larmes. Tsumura maîtrise parfaitement sa narration : un chapitre drôle peut basculer en flashback tragique sans choquer. Cet équilibre évite certains travers ou tropes, rendant le manga réconfortant malgré les thèmes lourds. Là où pas mal d’œuvres mettant en scène des enfants sont là pour souligner la joie et le bonheur simple de l’instant présent, Kotaro se veut bien plus nuancé de par son vécu et ce qu’il doit vivre au quotidien. Pas de temps mort : chaque chapitre nourrit l’émotion globale du lecteur qui ne va faire que s’attacher un peu plus à ce qui se passe. Cette dualité rend la lecture addictive, alternant rires et larmes en enchaînant certaines planches. Le manga réussit l’exploit d’être feel-good tout en étant cruellement réaliste sur certains aspects de la société japonaise. Cette force narrative touche en plein cœur et permet autant de rire avec sincérité que de pleurer au sein du même tome. Et c’est un pari très difficile que de réussir à concilier ces deux facettes tant l’équilibre peut être fragile et basculer vers l’un ou l’autre facilement. Un véritable ascenseur émotionnel.
Des voisins inoubliables
Les voisins de Kotaro forment une “famille” qu’il n’a jamais vraiment eu, à la fois riche et diversifiée. Un pilier du manga qui enrichit chaque chapitre d’une autre dose d’émotion sans forcément venir directement de notre protagoniste. Shin Karino, le mangaka paresseux et déprimé par exemple, évolue grâce à Kotaro, passant de l’apathie à la responsabilité. Isamu Tamaru, le yakuza au cœur d’or, cache une culpabilité paternelle profonde. Mizuki, l’hôtesse maltraitée, ou d’autres comme l’avocate Kobayashi, apportent des backstories complexes : addictions, regrets, violences conjugales. Tsumura les rend humains et atypiques, évitant les stéréotypes pour des portraits tendres et réalistes. Leurs interactions avec Kotaro révèlent leurs failles et leur croissance mutuelle. J’adore cette dynamique où l’enfant guérit les adultes brisés. La raison à ça est que l’on nous montre aussi la force de cet enfant pour les adultes alors que cela devrait être l’inverse. Cela appuie bien le contraste et surtout le problème qui nous frappe en voyant le comportement de Kotaro. Il devrait être protégé par ceux plus âgés et c’est finalement l’inverse qui se passe même si la relation avec ses voisins va progressivement l’aider lui aussi. Chaque personnage a un arc personnel, influençant Kotaro en retour, créant une toile relationnelle chaleureuse. Cette galerie transcende le slice of life, explorant l’empathie adulte face à l’enfance blessée. Ils ont beau être des figures « étranges » au premier abord, ils deviennent finalement une famille choisie pour ce jeune voisin. A travers eux, nous faisons face à des thèmes universels porteurs de profondes blessures pour certains, mais aussi un important message d’espoir et de réconfort pour ceux qui peuvent s’identifier à eux.
Des thèmes universels
Kotaro en solo brille par ses thèmes matures : négligence infantile, violence domestique, solitude urbaine, et le rôle de la communauté dans la guérison. Sans moraliser, Tsumura dépeint la face sombre du Japon – enfants abandonnés, adultes dysfonctionnels – avec tendresse, via les yeux de Kotaro. Le manga questionne : qui protège les vulnérables ? Les voisins deviennent des figures parentales improvisées, illustrant le fait que les liens du sang ne sont pas forcément ceux qui seront les plus précieux. Au contraire, tout le récit va s’axer sur le fait de se reconstruire et de s’ouvrir aux autres pour finalement se créer son propre foyer où l’on puisse se sentir bien. Les thèmes comme l’acceptation des différences, la rédemption (père alcoolique cherchant de l’aide), et la pureté enfantine face au cynisme des adultes résonnent profondément. Mais le plus incroyable, c’est que l’on peut facilement s’identifier, d’une façon ou d’une autre, à l’un de ces personnages. Des gens tout à fait ordinaires qui vont avoir le malheur de voir leur vie leur échapper et de ne pas réussir à se relever seul. Il faut louer cette exploration de la compassion et de l’empathie qui sont bien trop rares de nos jours. D’ailleurs, si notre jeune protagoniste nous est clairement présenté comme une figure solitaire au départ, on se rend compte que c’est finalement le cas pour tous ceux qui habitent ces appartements. Kotaro, avec son sabre symbolique, représente la force intérieure face au trauma. Ces réflexions, intégrées naturellement au quotidien, élèvent le manga au-delà de la comédie. Et à chaque fin de tome, on se met à réfléchir sur notre propre existence, nos traumas et la manière d’y faire face, mais aussi de croire en cette lueur d’espoir que ce gamin arrive à insuffler à travers ces pages. Voilà des sujets pouvant être difficiles, mais qui sont amenés de manière à ce que l’on ne soit pas plongé dans le désespoir en voyant qu’il est toujours possible de s’en sortir.
Un choix narratif parfaitement utilisé
Pour conclure ce nouveau numéro de “Pourquoi j’aime” dédié à Kotaro en solo, il était important que j’aborde le cas de la construction narrative du manga. La structure épisodique de Kotaro en solo, centrée sur des petites saynètes du quotidien de ce casting, est une force narrative réussie, maintenant l’intérêt tout au long des tomes. Chaque chapitre explore un petit événement révélant progressivement les mystères autour de Kotaro. Ce rythme fluide, sans fioritures, alterne humour quotidien et flashbacks émouvants avec efficacité, créant une immersion addictive. Tsumura distille les infos avec maîtrise pour que l’on n’ait jamais le sentiment d’être dans un récit redondant. Et là où d’habitude, un tel découpage en petites scènes de la vie de tous les jours peut vite tourner en rond ou entraîner des lenteurs, ici cela sert pleinement la trame narrative. Car c’est en suivant les habitants de ces appartements dans leur vie commune avec Kotaro que l’on va réellement cerner qui ils sont et tout ce qui se cache derrière leur masque. On va être profondément ému par Kotaro et alors que l’on voudrait juste le voir s’amuser comme n’importe quel enfant de son âge, il vient ouvrir la porte de ses voisins en grand pour les sauver de leur solitude. Il ne s’en rend pas forcément compte, mais tous ses actes vont avoir pour effet d’égayer la vie de ces hommes et femmes qui vont faire sa rencontre. C’est pour ça que la chaleur que l’on peut ressentir quand ils sont ensemble est si précieuse. Elle représente le fait qu’au contact de ces gens, Kotaro a au moins trouvé quelque chose qu’il n’a pas eu depuis sa naissance, un cocon où il peut se sentir heureux. Une véritable petite pépite du genre qui ne vous laissera clairement pas de marbre.

