Interview de Jay Skwar et Kim Jae Hwan
La Japan Expo a beau être fini depuis quelques jours, on ne vous a pas encore tout révélé de ce que l’on avait pu faire durant notre escapade à ce festival. Aujourd’hui, on a décidé de vous partager un moment que l’on a adoré et qui n’est autre que l’interview réalisée auprès de Jay Skwar et Kim Jae Hwan, respectivement scénariste et dessinateur d’Egregor. C’est donc sur le stand de Meian que nous avons eu la chance de les rencontrer et de pouvoir discuter avec eux tout en posant de nombreuses questions. C’est donc avec joie que l’on publie cet instant formidable où l’on a appris à connaître deux personnes passionnées et joyeuses.
Interview de Jay Skwar
Bonjour, merci du temps que vous nous consacrez afin de parler de votre travail sur Egregor.
Jay Skwar : Merci à vous !
1. Tout d’abord, peux-tu nous dire comment t’es venue cette envie de faire un manga ? Qu’est-ce qui t’a poussée à vouloir te lancer dans ce média ?
Jay Skwar : J’ai toujours été bercé et entouré par l’univers du manga et des animes. Il y a bien sûr eu Dragon Ball et cela s’est ensuite étendue à plein de titres différents par la suite. De plus, depuis que je suis jeune, j’ai toujours aimé imaginer et écrire des histoires. Cela pouvait autant être des petits romans ou des nouvelles. Concernant Egregor, j’ai commencé à écrire dessus et à développer l’univers en 2010. Au départ, tout cela fut fait sous la forme d’un roman. Cependant, c’est après avoir vu Berserk que j’ai eu ce désir de transposer Egregor sous un format plus graphique. Au départ, je me suis tourné vers des auteurs français, mais je n’ai jamais pu trouver l’esprit recherché concernant l’intensité et le dynamisme pour les planches. C’est finalement par la suite que j’ai eu la chance de rencontrer Mr. Jae Hwan dont je me rappelais le travail qu’il avait fait sur des oeuvres de Warcraft. En revoyant ses dessins, j’ai vraiment senti que c’était ce qui serait parfait pour Egregor. Finalement, l’alchimie est là et de plus, il a beaucoup apprécié l’univers et avait envie de relever ce challenge de cette collaboration franco-coréenne. C’est ainsi qu’est né cette dernière.
2. En restant sur le sujet de votre collaboration, Mr. Jae Hwan est-il totalement libre dans la création de ses dessins ou avez-vous des demandes vraiment spécifiques ?
Jay Skwar : En fait, je lui fais d’abord parvenir le scénario au format écrit. Ensuite, on se concerte et c’est là qu’il me donne certains conseils concernant certaines scènes ou dialogues. Je vais donc me servir de ces conseils pour retravailler l’ensemble et lui faire parvenir un découpage technique. Cela lui permet de lui donner une idée de la mise en scène que j’ai en tête et de l’aiguiller. Par la suite, il fait à sa sauce concernant ce qui touche le dessin sauf certains personnages où j’ai des idées en tête spécifiques. Je lui fais donc parvenir certaines images pour lui servir d’inspiration afin qu’il puisse imaginer et travailler tout cela à sa manière.
3. On voulait aussi savoir comment se passe la collaboration avec Meian. L’éditeur a-t-il des demandes particulières concernant l’œuvre ou avez-vous carte blanche ?
Jay Skwar : On a vraiment carte blanche et le champ libre pour travailler comme on le souhaite. Le seul point bien défini concernant le titre est le nombre de pages que l’on doit faire qui doit tourner autour de 200 environ par tome. Mise à part cela, c’est surtout en terme de rythme qu’il est nécessaire d’être constant. On s’est donc fixé un volume qui sort tous les trois à quatre mois. Ce qui fait que l’on serait à trois ou quatre ouvrages par an. Sinon, on est totalement libre en ce qui concerne tout ce qui est artistique et créatif. On est tous à fond pour que ce projet aille le plus loin possible.
4. C’est la première fois que vous êtes en dédicace à la Japan. Comment avez-vous perçu le ressenti des fans ?
Jay Skwar : Cela me fait extrêmement plaisir de voir des fans nous complimenter que ce soit au niveau du scénario ou bien du dessin et qui fait aussi chaud au coeur à Jae Hwan. D’ailleurs, il me disait aussi que les lecteurs coréens avaient moins ce souci du détail que peut avoir les lecteurs français. Il peut autant s’agir de certains éléments, personnages ou décors qui sont vraiment analyser par le lectorat français. On aurait même jamais pensé que des gens puissent découvrir certains détails. Cela nous fait très plaisir, car cela montre aussi que notre volonté de mettre en place ces détails ne passe pas inaperçu auprès de nos lecteurs.
5. Pour en venir au titre en lui-même. On a pu ressentir dans le premier tome que les méchants avaient une place importante dans l’histoire. Ils prennent d’ailleurs quasiment tout le devant de la scène au début. Etait-ce une volonté de votre part de mettre autant en avant ces antagonistes ?
Jay Skwar : Je voulais vraiment que l’histoire et l’univers prennent place dans une atmosphère pesante et assez terrifiante. Je souhaitais que l’on sente que l’espoir est mince, et ce, malgré la présence des Egides. J’aime beaucoup cette idée de voir que le héros doit évoluer dans un monde où personne n’est réellement à l’abri. Le faux espoir que l’on peut mettre en place à travers cette soi-disant protection est là pour endormir la vigilance de ces gens qui pensent que rien ne peut leur arriver. Après, il faut admettre que le début est assez manichéen dans cette scission entre le bien et le mal. Ce que je souhaite par la suite, c’est que cette frontière entre ces deux forces devienne de plus en plus floue. Une manière de montrer que chacun peut avoir une part de lumière et de ténèbres en lui.
6. D’ailleurs, concernant les égides et nos héros, on peut ressentir tout au long de ces trois tomes ce désir de mettre en avant cette destinée qui force les gens à suivre une route précise. Foa est un bon exemple de ce style de personnage devant abandonner son rêve pour suivre l’avenir qui lui a été choisi. C’était donc une thématique qui vous intéressait à traiter ?
Jay Skwar : C’est vrai que notre petit héros est actuellement ballotté par ce futur. Il n’est pas du tout maître de sa destinée et suit un peu passivement le fil des évènements. En fait, on souhaite vraiment montrer le parcours initiatique de ce jeune garçon qui débute sans pouvoir contrôler son destin et qui va peu à peu prendre les choses en main. Lui qui ne désirait pas suivre les traces de sa mère va finalement devoir se soumettre à cette voie pour pouvoir finalement trouver son rôle.
7. Le tome 3 amène aussi de nombreux éléments concernant cette confrontation qu’il peut y avoir entre la volonté de suivre ses principes et celle de suivre un code. Cela va-t-il prendre toujours plus d’ampleur ?
Jay Skwar : En effet, on peut vraiment sentir cette fissure qui commence à se dessiner entre ceux qui veulent être des héros et la génération qui reste fidèle aux préceptes qu’on leur a inculqué. Un élément que l’on a jugé essentiel pour justement aller sur cette disparition de la ligne coupant le bien et le mal.
8. En ce qui concerne l’aventure que l’on va suivre. Est-ce que l’on va s’axer sur l’histoire de Foa ou se dirige-t-on vers le récit d’un groupe de héros avec les camarades de notre apprenti Egide ?
Jay Skwar : Au départ, il ne devait y avoir que Foa et maintenant il est le pilier central autour duquel vont graviter ses trois camarades. Chacun va avoir son rôle à jouer et être impliqué dans des intrigues et des récits apportant toujours plus d’informations et de révélations quant au fil rouge du récit et de l’univers. C’est pour cela que l’on tenait à vraiment travailler la destinée de ces quatre protagonistes pour qu’ils puissent plus tard se retrouver et qu’il y ait une fusion des intrigues.
9. Pour en revenir à tes inspirations, tu as cité Berserk et on sent vraiment cette touche très dark-fantasy dans votre ouvrage. Y a-t-il d’autres oeuvres qui t’ont inspiré dans l’élaboration du scénario et de ce monde ?
Jay Skwar : Il y a déjà la saga Zelda qui a bercé mon enfance et à laquelle je joue encore aujourd’hui. Cependant, en terme de jeux vidéo il y a un titre qui m’a vraiment marqué et m’a influencé dans la réalisation d’Egregor. Il s’agit de Fable sur lequel j’ai passé de nombreuses heures et dont j’appréciais beaucoup cette orientation possible entre le bien et le mal pour le héros. J’aimais cette idée qu’une pièce a deux facettes et qu’à tout moment elle peut révéler autant le meilleur que le pire chez quelqu’un. Il y a aussi eu Fly et l’univers de Dragon Quest sans oublier Star Wars qui m’a aussi inspiré sur de nombreux points.
10. Pour finir, concernant Egregor, est-ce que tu te vois sur une série à long terme ou plutôt courte ? As-tu déjà une idée de jusqu’où tu veux aller ?
Jay Skwar : Pour l’instant, on part sur dix tomes mais j’aimerais beaucoup que l’on puisse faire trois saisons de dix volumes. Cela permettrait qu’entre chaque saison il y ait un petit saut dans le temps où l’on verrait nos héros grandir. Cela permettrait d’articuler le récit sur trois grands arcs narratifs et de développer plusieurs points de vues au sein même de l’histoire. Ce serait mon objectif, mais on se concentre pour l’instant sur la première partie qui serait constitué de neuf ou dix tomes. Quoi qu’il en soit, j’ai déjà la fin en tête et je sais que je m’y tiendrais quoi qu’il arrive.
Merci pour cet interview, et pour Egregor.
Des questions essentielles, pertinentes, qui permettent d’en savoir beaucoup plus sur cette collaboration franco-coréenne et Meian.