La Malédiction de Loki tome 1 & 2 : quand l’art devient un cauchemar
Ce que l’on apprécie par-dessus tout lorsque l’on se lance dans une nouvelle licence, c’est d’être surpris. Ainsi, il nous est arrivé plus d’une fois de découvrir une série dont on ne savait rien ou peu de chose et qui nous a totalement bluffé. Des petites pépites prometteuses qui nous laissent envisager de grandes choses pour l’avenir. Le manga dont on va vous parler aujourd’hui est parvenu à nous faire ressentir cela pour notre plus grand plaisir. Il s’agit de La Malédiction de Loki, édité chez Delcourt Tonkam, dont les deux premiers tomes sont arrivés la semaine dernière dans nos librairies. On ne s’était que très peu renseigné sur la licence, car l’on avait envie d’être étonné et d’apprécier cet univers sans aucune première appréhension. On peut clairement dire que l’on a eu raison de faire cela, car on a eu le droit à une incroyable introduction qui est allé bien plus loin que ce que l’on pouvait espérer. Une aventure qui a su nous faire revivre certaines émotions que l’on a pu éprouver lors de nos premières excursions dans cette culture. Le temps est donc venu de rentrer dans le vif du sujet afin d’admirer ses splendides peintures qui ont malheureusement été corrompues par la nature humaine.
Un simple rêve d’enfant
La Malédiction de Loki, imaginé par Hachi, nous plonge dans un monde fantastique où l’on fait la connaissance de la jeune Aisya. Cette petite fille s’avère être orpheline et souffre d’un mal qui l’empêche de sortir de sa chambre. Elle doit donc vivre recluse dans l’orphelinat où elle habite. Cependant, il s’avère aussi qu’elle possède un pouvoir unique qui la rend particulièrement précieuse pour le prêtre qui dirige le lieu. En effet, son sang recèle un don formidable qui lui permet, lorsqu’elle s’en sert pour peindre ses toiles, de les investir d’une force surnaturelle permettant d’accomplir des miracles. De ce fait, elle est constamment sollicitée par les gens du peuple qui cherchent à trouver un peu de réconfort à leur malheur à travers ses œuvres. Malheureusement, un tel don attire forcément la part d’ombre qui se cache en chaque être humain et elle ne devient plus qu’un objet de convoitise pour s’enrichir. Heureusement, elle peut tout de même compter sur le soutien de son seul ami. Il s’agit d’un garçon dessiné de ses mains et qu’elle a nommé Loki. Même s’il ne s’agit que d’un camarade imaginaire, ce dernier est tout de même-là pour la consoler, la soutenir et l’aider de son mieux dans ce quotidien difficile.
Malgré toute la bonne volonté de ce jeune homme fictif, la noirceur des velléités humaines a fini par entacher l’art d’Aisya. Ce qu’elle avait pensé de temps à faire de tout son coeur était maintenant corrompu par les sombres desseins de ces individus qui ont transformés ces dessins miraculeux et qui sont maintenant connus sous le nom “des peintures maudites de la sorcière”. Ne pouvant supporter ce qu’il est advenu de ses créations, la jeune fille commence à perdre espoir et goût à la vie. Elle confie alors une ultime mission à celui qui a toujours été là pour veiller sur elle. Loki se voit confié pour tâche de débarrasser le monde de ces œuvres par le feu. Un sacrifice nécessaire pour empêcher que le malheur se répande sur l’ensemble de ces terres. Ainsi débute le long périple de ce garçon qui ne vit maintenant que pour tenir cette promesse. Guidé par celle-ci et sa haine envers l’espèce humaine, il est bien déterminé à offrir le seul repos que méritent les créations de celle qui lui a donné la vie. Il ne sait pas encore que ce voyage va durer bien plus longtemps que prévu et que cela va le force à faire des rencontres qui pourraient bien le changer peu à peu.
Ce qui retient tout d’abord notre attention lors de nos pérégrinations au sein de La Malédiction de Loki, c’est à quel point l’univers s’avère dense et riche. On prend rapidement conscience de cet environnement qui nous entoure et de tout ce qu’il peut proposer. Un périple bien loin d’être lumineux et qui va même offrir des segments à la fois difficile et sombre où le rêve d’une jeune fille s’est vu écrasé par une population avide de pouvoir. Des premiers pas plus que convaincants et qui nous immergent totalement sur ces terres.
Un univers à la fois sombre et riche
On pourrait parler des heures de ce monde que l’on foule du pied à chaque case que l’on parcourt. En plus de proposer un folklore unique à cet univers, l’auteur parvient à nous faire traverser des dizaines de paysages au cours de ces deux expéditions. On peut ainsi prendre conscience de l’ampleur de ce territoire qui recèle de multiples secrets. Pourtant, cet environnement ne serait pas aussi captivant sans l’ingéniosité du mangaka qui a su le rendre intéressant à travers les fameuses cibles de Loki. De par sa quête, notre jeune homme nous pousse à aller d’une région à l’autre sans vraiment poser le moindre bagage. Ainsi, on est constamment ballotté sur ses sentiers à la recherche de ces peintures maudites. C’est au moment de les rencontrer qu’on peut remarquer à quel point ce titre fait preuve d’une immense créativité. La manière dont est retranscrite la perversion de cet art est tout simplement formidable et montre à quel point la noirceur qui se dégage de l’homme peut contaminer ces somptueuses fresques. Il y a autant un incroyable travail d’imagination de la forme maudite que de la beauté qui se cache derrière ses ombres. On est donc autant abasourdi par les confrontations que l’on observe que par la pureté qui était à l’origine de ces créations.
Cela nous implique énormément dans ce que l’on peut observer et fait que l’on a toujours plus envie de s’engouffrer dans ce récit. Au vu de tous les tableaux recherchés, on se dit déjà que l’on va avoir le droit à une pléthore d’aventures incroyables. Cela joue grandement sur notre appréciation de cette épopée qui nous fait ici une énorme promesse. Outre cela, il est aussi important de noter que l’ensemble de ce monde affiche aussi des cultures bien distinctes ainsi que des organisations qui ne font qu’enrichir le lore de cette saga. On découvre tout cela avec des étoiles plein les yeux, car Hachi est parvenu à rendre tout cela à la fois cohérent et grisant. Chaque nouvelle page permet ainsi d’être un peu plus émerveillé par tout ce savoir que l’on accumule au cours de notre séjour. Ce qui est aussi très fort dans la construction et la mise en scène de tout ce décor, c’est qu’il reste encore une très grande part de mystère. Des zones d’ombre qui nous interpellent et laissent libre cours à notre créativité et notre imagination. Une manière d’éveiller l’artiste qui sommeille en nous en imaginant toute l’étendue de cette terre. En plus de cela, on a beau parcourir des plans assez féeriques, cela n’empêche pas à cette lecture de nous exposer les ténèbres qui peuvent se cacher derrière chaque relief. Un monde qui nous séduit autant qu’il peut nous inquiéter et qui forge cette identité propre et puissante à cette licence.
Outre le monde qui constitue le décor de La Malédiction de Loki, ce récit ne serait pas aussi prenant s’il n’avait pas tous ces acteurs qui offrent une prestation remarquable. Des protagonistes farfelus, complexes et attachants qui nous donnent constamment cette envie d’en apprendre plus sur eux. Qu’il s’agisse des premiers rôles, des figurants ou des antagonistes, chacun de ces individus apportent quelque chose d’important à l’écriture de cette histoire et au plaisir que l’on a de les rencontrer et de les suivre.
Une galerie de personnages incroyable
Ce qui a aussi marqué notre lecture concerne le soin qui fut apporté à l’écriture de chaque personnage que l’on a pu rencontrer. On peut bien sûr cité Loki en premier qui ne cesse d’être hanté par cette promesse qu’il a fait. De par son statut très particulier, ce garçon a une vision bien spécifique de l’être humain qui ne le voit que comme un nuisible ayant saccagé la mémoire de son amie. Pourtant, on peut déjà sentir une certaine évolution dans son comportement. La colère qui le ronge se dissipe pour dévoiler un héros avant tout tourmenté qui n’a que peu de raisons de s’accrocher à cette vie sans sa créatrice. Il doit évoluer dans un milieu qui le dégoûte, mais où il parvient tout de même à se trouver des compagnons de route. On a donc un protagoniste qui a ses raisons d’être en colère et dont on ne peut que comprendre son attitude au vu de tout ce qu’il a vécu. D’ailleurs, cette complexité dans le background ne s’arrête pas uniquement à celui-ci. On peut aussi s’attarder sur ces camarades qui semblent tous avoir une histoire fascinante. Bien sûr, nous ne sommes qu’à deux tomes et il est donc impossible de connaître tout d’eux.
Pourtant, il y en a un qui se démarque et qui a aussi le droit à un long passage pour mieux le cerner. On parle de notre ami kleptomane qui, en plus d’être totalement déjanté, s’avère bien plus complexe à cerner qu’on n’aurait pu l’imaginer. Si les rires et les sourires accompagnent notre périple en sa compagnie, on finit par éprouver une profonde peine à son égard en découvrant son passé. On se rend compte alors que chacun de ces acteurs a des stigmates de son ancienne vie qui continuent de le poursuivre bien des années après. Il y a donc constamment cette lutte entre ce qui a bien pu les traumatiser ou en faire des gens aussi étranges et l’acceptation de ses origines pour aller de l’avant. Un contraste qui est parfaitement maîtrisé et qui fait que l’on s’investit derrière ces gens que l’on a envie d’encourager. Une sympathie se forge alors rapidement entre eux et le lecteur dont le désir de les voir grandir et s’améliorer ne fait que croître. Englobé par cette intrigue grisante, La Malédiction de Loki est avant tout un récit qui met en avant ses personnages qui donnent toute la saveur de cette aventure littéraire. C’est à travers eux que l’on s’émerveille, que l’on s’attriste et que l’on rit au vu de toutes les épreuves qu’ils doivent traverser.
Au final, La Malédiction de Loki est sûrement l’une des plus belles surprises que l’on ai pu avoir cette année. Une odyssée envoûtante qui nous fait vivre une expérience à la fois savoureuse, divertissante et surtout d’une profondeur insoupçonnée. Alors que l’on tournait la dernière page de ce second volume, on se demandait déjà pourquoi on n’avait pas la suite entre nos mains. Un manga qui nous propose un voyage autant stupéfiant que touchant à plus d’un titre. Une belle petite perle dont on espère que l’éclat continuera de briller.
La Malédiction de Loki nous offre une sublime toile
Il est assez facile de comprendre, en lisant ces lignes, à quel point on a pu apprécier ce premier contact avec La Malédiction de Loki. Le fait d’avoir pu découvrir les deux premiers volumes d’un coup est une bonne chose, car cela permet de vraiment poser les bases de l’intrigue ainsi que de ce monde. Ce qui fait la qualité de cette série repose avant tout sur la narration et l’écriture qui permettent de sublimer chaque élément à nos yeux. On est vraiment interpellé par toutes ces peintures que l’on découvre et les intentions d’Aisya lorsqu’elle a voulu les peindre. Un héritage qui finit par partir en fumée et qui ne fait que renforcer ce sentiment de tristesse que l’on peut avoir en constatant à quel point l’être humain peut corrompre ce qui n’était à la base qu’un innocent dessin d’enfant. Une oeuvre qui veut mettre l’accent sur ce point pour que l’on redoute et soit dégoûté de cette malédiction qui plane sur ces œuvres et que l’on soit impliqué dans leur destruction. Un conte qui parvient à nous prendre aux tripes et à nous faire oublier tout le reste pour nous concentrer uniquement sur cette mission.
C’est donc avec une immense joie que l’on recommande ce manga qui a su tirer habilement son épingle du jeu. Une excellente surprise qui mérite de trôner dans n’importe quelle bibliothèque. Si vous souhaitez vous lancer dans un périple à la fois émouvant, profond et divertissant avec un esprit très shônen alors La Malédiction de Loki saura répondre à toutes vos attentes. Deux escapades qui nous mettent le décor en place alors que l’on s’attaque maintenant à cette fresque qui est autant magnifique que tragique. Bien évidemment, les questions sont nombreuses après avoir refermé ces ouvrages. Loki parviendra-t-il à détruire toutes les toiles ? Qui est donc cette jeune fille qu’il a découvert ? Lui et son groupe devront-ils se mesurer à l’organisation qui semble vouloir leur mettre des bâtons dans les roues ? Quel avenir attend notre héros après qu’il ait accompli son devoir ? Toutes ces interrogations suffisent à nourrir notre besoin de connaître le futur de cette saga.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de La Malédiction de Loki. Avez-vous été séduit par l’univers et ces personnages ? Ressentez-vous une profonde empathie pour les divers protagonistes que l’on rencontre ? Avez-vous hâte de voir quelle sera la prochaine peinture qui devra être détruite ? Qu’attendez-vous pour les prochaines péripéties de nos héros ? On est impatient de pouvoir débattre et échanger avec vous autour de cette licence qui vaut le coup d’oeil. 🙂
© Hachi / Shueisha