Pakka tome 1 : nage en eaux troubles
Très souvent, on se penche sur une nouvelle série par simple curiosité ou bien parce que le synopsis a su éveiller en nous de l’intérêt. Cependant, il arrive aussi parfois que l’on soit tenté par un manga, car on a apprécié ce que l’auteur a pu faire avant. On cherche alors à savoir si le plaisir sera aussi au rendez-vous avec ce nouveau projet. Une manière aussi de voir de quelle manière peut se développer le style d’un artiste au fil de ses expériences. Ce fut exactement le cas pour le sujet dont on va parler aujourd’hui et qui nous vient tout droit de chez Mangetsu. Il s’agit du premier volume de Pakka, un récit qui avait su attirer notre regard par sa couverture, mais aussi par le nom qui y était associé. Très friand de sa capacité à nous offrir des tranches de vie fortes et captivantes, on s’est penché sur ce titre avec beaucoup d’attentes. Cette introduction fut alors l’occasion de découvrir un mélange entre réalité et folklore où le fantastique sert habilement une narration mettant l’accent sur le ressenti des personnages. L’heure est donc venue de voir ce qui se cache derrière la malédiction que subit un jeune homme ayant passé beaucoup de temps dans l’eau.
Un quotidien qui vire au cauchemar
Pakka, imaginé par Daisuke Imai, nous fait suivre le quotidien de Kei Suemori. Cet adolescent était il y a peu sous le feu des projecteurs. En effet, pendant le collège, il fut une étoile de la natation. Battant tous les adversaires qui osaient se dresser sur sa route, il semblait promis à un très bel avenir dans cette discipline. Malheureusement, il aura fallu être au lycée pour qu’une terrible désillusion le frappe en plein visage. Plein d’assurance, il va être ramené sur terre par l’une de ses camarades répondant au nom de Saki Hanazono. Perdant face à une fille, son monde s’écroule et toute motivation semble l’avoir quittée. Nager devient maintenant une simple activité à ses yeux et il n’a plus envie de rêver à des titres ou à la gloire. En une seule course, il s’est transformé pour devenir un étudiant assez renfermé sur lui-même qui ne cherche plus à faire un maximum d’efforts pour réaliser l’exploit de s’améliorer. Son quotidien est devenu un long fleuve tranquille où il se laisse aller au gré du courant. Malgré tout, il ne peut s’empêcher de se frotter de temps en temps à celle qui l’a vaincu. Cette volonté de se confronter à cette dernière n’est pas totalement dédiée à son envie de prendre sa revanche. En réalité, il affiche des sentiments pour elle et décide un beau jour de lui lancer un pari. S’il gagne à leur prochaine confrontation, elle devra sortir avec lui. Une proposition qui surprend son amie qui n’a pas l’habitude de le voir aussi motivé.
Finalement, elle semble prête à accepter ce défi, mais un événement inattendu va venir bousculer le quotidien de Kei. Alors qu’il cherche à s’entraîner et à retrouver cette énergie d’autrefois, il a l’impression de couler au fond de la piscine. C’est alors qu’apparaît devant lui Shizuku Kawano, une autre étudiante du lycée. Cette dernière va l’embrasser ce qui va grandement étonner le jeune homme qui est pris entre la surprise de ce geste et la peur de se noyer. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que cet événement va l’amener à faire partie d’un monde qu’il pensait n’être que de la fiction. Le voilà devenu un kappa au milieu des humains. Un état qui le terrifie et dont il veut se débarrasser au plus vite avant que quelqu’un ne découvre son terrible secret. Mais pour ça, il va forcément devoir accepter ce statut d’être folklorique le temps de trouver la réponse à ses questions. Heureusement, il peut compter sur le soutien de Shizuku. Mais cette transformation ne serait-elle pas une chance pour lui de poser un autre regard sur sa vie ? Alors que l’eau était devenue comme une seconde maison pour lui, le voilà maintenant profondément ancré à cet élément. Il pourrait bien découvrir que tout n’est pas tout noir ou tout blanc même en étant devenu une créature surnaturelle. C’est donc un nouveau mode de vie qu’il va devoir accepter le temps de trouver la solution à ce problème. La réponse qu’il trouvera au bout de son chemin pourrait bien le surprendre et changer à jamais sa vie.
Pakka peut sembler bien étrange quand on se penche sur le synopsis. Il faut dire que l’utilisation du kappa comme élément scénaristique est quelque chose d’assez rare. Mais quand on s’attarde plus en détail sur ce premier volume, on se rend compte que tout ça va grandement servir le propos de l’œuvre. En mêlant romance, tranche de vie et folklore japonais, l’auteur va créer une expérience unique qui va nous amener à découvrir un autre visage de ces personnages. Des individus qui vont prendre conscience de leur environnement, mais aussi de ce qu’ils désirent réellement au fond d’eux.
Un quotidien fait de choix
L’auteur nous montre avec ce premier volume de Pakka qu’il maîtrise très bien l’aspect tranche de vie. Avant même que n’entre la partie folklorique de ce titre, l’histoire brille par cette volonté de montrer le changement chez notre héros. Un jeune homme qui pensait que toutes ses victoires du collège allaient lui créer un chemin tout tracé pour la suite. Finalement, en seulement quelques pages, le manga nous montre que rien n’est acquis. C’est justement parce qu’il avait pu gagner assez facilement auparavant qu’il pensait n’avoir pas besoin du moindre effort pour l’emporter. C’est en faisant face à sa première défaite qu’il prend conscience que la natation est bien loin du rêve qu’il pouvait avoir. Tout ça est habilement raconté dès le premier chapitre et souligne l’efficacité du mangaka à traiter de l’être humain de manière générale. Quand on pose les yeux sur Kei, on peut y voir un adolescent qui a baissé les bras et qui s’accroche juste par rapport aux sentiments qu’il a pour son amie. Un être qui nous laisse avec un sentiment à la fois amer et triste, car on le voit n’avoir quasiment plus aucune considération pour cette activité qui a tant compté pour lui il y a encore peu de temps. L’impact du retour à la réalité et surtout de se confronter à un mur aussi immense peut faire baisser les bras de beaucoup de gens. C’est donc un parti-pris très intéressant qui est proposé ici, car on est bien loin du héros cherchant à se surpasser constamment.
Si cette première partie est déjà particulièrement réussie, l’arrivée du surnaturel va ajouter une toute autre dimension au récit. Cela peut paraître étrange d’avoir du folklore qui s’incorpore dans un slice of life se voulant avant tout réaliste. Pourtant, la transformation en kappa de notre protagoniste est loin d’être anodine. Elle va le mettre face à un conflit personnel très important. Ayant peur du regard des autres, la première chose qui lui vient à l’esprit est de redevenir humain. Une décision qui est tout à fait compréhensible, mais qui semble être étrange aux yeux de celle qui est derrière sa transformation. Elle semble hésitante et veut qu’il découvre que cet état ne doit pas être vu uniquement comme une malédiction. C’est alors que va se jouer cette opposition entre ce nouveau monde qui s’offre à lui et son envie de rester humain. Une lutte qui va s’exprimer à de nombreuses reprises dans ce premier volume et nourrir l’écriture de notre protagoniste. Cela peut sembler paradoxal, mais c’est justement en acquérant des capacités extraordinaires dans l’eau qu’il veut maintenant faire un maximum d’efforts pour briller en tant qu’être humain. A ses yeux, être un kappa est autant synonyme de monstre que de se reposer sur des capacités qui ne sont pas les siennes. C’est pour ça que dans son esprit se joue un bras de fer entre se laisser envahir par ces capacités hors du commun et façonner de ses propres mains ses futures victoires. Le fantastique sert ainsi de tremplin pour mettre à l’honneur l’humanité de cet individu qui s’était cantonné à un rôle passif et qui doit maintenant lutter contre de terribles vagues.
On ne s’attendait pas du tout à ce que Pakka puisse être aussi prenant dès son premier volume. En apparence, on peut avoir le sentiment qu’il ne se passe pas grand-chose. Mais quand on s’attarde plus en détail sur le développement des personnages et l’impact que va avoir ce changement chez Kei, on ouvre les yeux sur l’intelligence derrière ce mélange des genres. Une volonté de montrer l’importance des efforts, mais aussi la question de trouver sa place à une période de la vie où l’on est souvent perdu. La question intéressante va être de justement savoir comment il va endosser cette double vie.
Pakka entame son sprint
En se lançant dans Pakka, on était curieux de voir comment le mangaka allait réussir à proposer une œuvre qui arrive à se renouveler tout en conservant ce qui fait la force de son style. On a finalement été agréablement surpris par la tournure de la série qui arrive autant à jouer habilement sur la métamorphose en kappa que sur le ressenti des personnages. On ne s’attarde pas uniquement sur les problèmes liés à l’intrusion de la fiction dans le réel. Cette série veut aussi nous mettre face à d’importantes épreuves de la vie pour notre protagoniste. Il est autant question d’amour que de dépassement de soi tout au long de cette lecture qui est emplie d’un réalisme bluffant. Même le folklore utilisé est mis à contribution pour sublimer les réactions humaines de nos protagonistes. Que ce soit dans la frayeur de son nouvel état, son envie de surpasser celle qu’il aime ou bien de savoir si la natation pourrait vraiment être sa voie future, Kei n’a de cesse de se questionner. Des interrogations pertinentes qui ne sont pas uniquement pensées pour nous divertir, mais aussi pour nous amener à réfléchir sur cette période importante de la vie de chaque être humain. Il va alors être très intéressant de voir comment va évoluer le récit et surtout quelle place va prendre ce changement en kappa dans la vie de notre nouveau compagnon de route. Une lecture qui fait entrer deux mondes en collision pour en extraire une expérience plus que prometteuse et qui brille déjà par les réflexions apportées.
On ressort de cette première lecture avec beaucoup d’intérêt pour le futur de la série. Pakka propose déjà quelques excellentes idées et surtout une envie de voir le développement de Kei et de son entourage. Il y a cette marque très propre à l’auteur qui s’exprime dans cet ouvrage qui est de réussir à parler de sujets importants, mais avec une certaine tendresse. Même s’il y a des moments où l’on a envie de voir ces étudiants se reprendre en main, on finit toujours par avoir une sympathie pour eux. Après tout, il s’agit d’adolescents qui doivent trouver ce qui peut motiver leur avenir, mais aussi enchaîner les expériences pour grandir. Une série qui pourra plaire aux amoureux de slice of life et à ceux désirant voir une histoire mêlant habilement questionnement personnel et folklore japonais. Bien évidemment, on ne peut terminer une chronique sans évoquer les multiples questions qui nous trottent dans la tête. Est-ce que notre jeune sportif va finalement accepter sa nouvelle condition ? Va-t-il réussir à redevenir humain ? Son regard se portera-t-il sur son amie d’enfance ou bien sur une toute autre personne ? Finira-t-il par trouver ce qui peut animer la flamme qui est en lui ? Quoi qu’il en soit, on fait face à une histoire ayant beaucoup de potentiel et qui doit maintenant prendre son envol pour montrer toute l’étendue de ses capacités. Une expérience littéraire qui nous délivre un très bon moment en compagnie d’un casting attachant et touchant.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Pakka. Avez-vous apprécié ce mélange entre tranche de vie et folklore japonais ? Trouvez-vous que la transformation en kappa est une bonne plu-value pour l’histoire ? Est-ce que vous avez eu de l’empathie pour ces personnages qui vivent un quotidien classique de prime abord, mais qui est ponctuée de nombreuses questions ? Avez-vous pu vous transposer à la place de ces derniers ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.