Le Gros Chat et la Sorcière Grincheuse T1 : une cohabitation mouvementée

Vous le savez, le marché du manga est particulièrement vaste et se décline en de très nombreux genres. Mais cela n’empêche que l’on peut avoir certains de ces styles qui se montrent particulièrement prolifiques en séries. C’est ainsi que l’isekai ou bien les histoires de chats ont su envahir les étagères des librairies et des lecteurs, même si cela peut sembler un peu trop répétitif pour certains. Mais malgré les aprioris qu’il peut y avoir concernant ces deux types de mangas, il arrive souvent que l’on tombe sur de belles surprises. C’est exactement le cas pour la nouvelle licence dont je vais vous parler aujourd’hui et qui nous provient tout droit du catalogue de Doki-Doki. Il s’agit du premier volume du Gros Chat et la Sorcière Grincheuse venant tout juste de sortir. Dès le départ, le pitch avait su m’interpeller étant donné que l’on est sur la fusion de deux genres que l’on aurait jamais réellement cru possible qu’ils puissent cohabiter. Mais en me plongeant dans ces pages, j’ai pu déceler bien des atouts en dehors de son postulat initial. L’heure est donc venue de rencontrer un chat particulièrement encombrant et une sorcière au mauvais caractère !

Un familier qui n’en fait qu’à sa tête

Le Gros Chat et la Sorcière Grincheuse, imaginé par Hiro Kashiwaba, nous emmène dans un monde féérique où les gens semblent vivre en harmonie. Une quiétude salvatrice qui n’a été possible que grâce aux efforts du héros ayant sauvé ces terres. Mais si la population semble profiter pleinement de cette quiétude, il y a une personne qui semble pourtant préférer l’éloignement à la société. Il s’agit de Jeanne, une vieille femme solitaire qui vit recluse dans la forêt et qui est considérée par beaucoup comme une menace potentielle en la considérant comme une sorcière à ne surtout pas côtoyer. Ce que la plupart ignorent ou ont préféré oublier, c’est que celle-ci a autrefois aidé à la sauvegarde du monde en venant à bout du Roi démon. Un exploit qui aurait dû lui valoir les louanges de la populace. A côté de la statue du héros, les gens auraient aussi idolâtré cette femme qui a mis sa vie en péril pour sauver la leur. Mais c’est tout le contraire qui s’est passé et aujourd’hui plus personne ne voudrait croire à de tels propos. Ils prendraient tout ça pour les divagations d’une vieille femme n’ayant plus toute sa tête et pouvant se montrer dangereuse si on s’approche d’elle. Si Jeanne semble être indifférente du regard qu’on lui porte après toutes ces années, elle a cependant envie de briser la solitude de son quotidien en faisant appel à ses pouvoirs magiques. Ainsi, elle espère invoquer un familier qui lui tiendrait compagnie et qui surtout pourrait l’aider dans ses tâches quotidiennes. 

Préparant le rituel comme elle se doit, son esprit s’imagine déjà voir un puissant dragon faire son apparition. Mais malheureusement pour elle, le résultat est bien différent de ce qu’elle souhaitait. A la place d’une créature magique se tient un chat qui a la particularité d’être immense. Pour la vieille femme, cet animal lui semble inconnu et elle pense qu’elle va pouvoir en faire quelque chose afin qu’il apporte son soutien dans la maison. Elle ignore totalement le comportement capricieux de ces félins qui peuvent n’en faire qu’à leur tête quand on aimerait qu’ils obéissent. La vieille femme doit reconnaître que son nouvel ami est particulièrement mignon et adorable même s’il ne crache pas du feu ou qu’il est incapable de voler. En plus de ça, difficile d’espérer la tranquillité quand on a un compagnon poilu aussi imposant que celui-ci. Ainsi, cette cohabitation s’annonce déjà mouvementée pour la sorcière et ce gros chat qui ont des caractères diamétralement opposés. Mais ne serait-ce pas ce qu’il faut à Jeanne ? Elle qui a été si longtemps coupée du reste du monde, n’ayant que peu d’interactions pour subsister à ses besoins, la voilà maintenant avec un autre être vivant qui peut se montrer encombrant. Cette ancienne solitude risque fort de laisser place à un quotidien où chaque jour est une petite aventure. Cela sera-t-il suffisant pour redonner le sourire à cette ancienne héroïne qui a tout perdu ? Seul le temps le dira, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle n’est pas au bout de ses surprises.

Il est vrai que quand on lit le résumé du Gros Chat et la Sorcière Grincheuse, cela peut donner à sourire. Après tout, nous avons ici un croisement atypique de deux styles d’œuvres qui ont connu moult déclinaisons au fil des années et des séries. Pourtant, si l’on peut penser que ce parti-pris va finalement nous conduire à des codes bien connus, le résultat est différent par rapport à ce que l’on pouvait prévoir. Sous couvert de cet univers de fantasy, le récit va surtout nous raconter avec brio le quotidien d’une vieille femme recluse, chassée par les autres et qui n’a plus de réel contact avec ce monde qu’elle a autrefois sauvée.

Briser la solitude

Quand on pose les yeux pour la première fois sur Le Gros Chat et la Sorcière Grincheuse, on peut s’attendre à avoir une aventure donnant le sourire et qui va jouer sur ce décalage entre nos deux protagonistes pour nous faire rire. Cependant, quand on se penche plus en détail sur ce premier volume, on se rend compte que le mangaka va bien plus loin qu’une fusion des genres. Au contraire, il utilise son concept initial pour amorcer des thématiques qui vont rapidement parler à chacun d’entre nous. On nous dépeint au départ le quotidien de cette femme âgée comme une vie de paria. Cet ouvrage veut, au fil des chapitres, que l’on puisse ressentir la douleur silencieuse qui anime le cœur de cette personne, mais qu’elle ne révèle jamais au grand jour. Une symbolique très forte du fait qu’elle n’a même pas été félicitée pour ce qu’elle a pu accomplir. Mise au ban de la société par l’ensemble de cette population qu’elle a sauvé, elle est maintenant seule dans les bois à attendre que son heure arrive. Une représentation plus que juste et déchirante de ces personnes âgées qui disparaissent progressivement de l’esprit des gens et qui finissent par être seule jusqu’à la toute fin. Quand on ouvre les yeux sur ça, on comprend que cette série va bien plus loin qu’une énième histoire de chat. D’ailleurs, notre cher félin à la taille démesurée va aussi jouer un rôle crucial pour les sujets que le titre aborde. 

Il va débarquer dans la vie de sa nouvelle maîtresse comme par enchantement et sans qu’elle ne sache réellement de quoi il est capable. Très vite, il va lui montrer que c’est très difficile de se faire obéir d’un chat pour qui son libre-arbitre est plus précieux que tout. Un rapport singulier s’installe alors entre eux et va briser cette atmosphère pesante pour offrir une douceur aussi relaxante que drôle. Quand on les observe tous les deux, on vient presque à oublier le reste du monde et à ce qui s’est passé autrefois pour se concentrer sur l’instant présent. Le spectateur, tout autant que Jeanne, vont alors cerner le rôle de cette gigantesque boule de poil. En arrivant dans cet univers, cet énorme chat va apporter ce qui pouvait manquer à cette vieille femme. Une compagnie qui puisse briser sa solitude, son ennui, mais aussi lui donner du réconfort. Elle a beau se plaindre d’avoir invoqué un familier qui ne sert pas à grand-chose, il suffit de la voir câliner sa tête pour déceler un tendre sourire sur ce visage qui fut si froid pendant tant d’années. Nous avons ici une parfaite représentation de ce que la présence d’un animal peut apporter comme bienfaits à une personne qui peut se sentir isolée, abandonnée ou bien simplement triste. Le sentiment d’être seul s’atténue en compagnie de ce compagnon qui transforme chaque jour en une petite aventure. C’est en ça que ce manga tire magnifiquement son épingle du jeu en parvenant à utiliser l’humour de ce décalage pour appuyer des thématiques bien plus tristes et importantes. Une oeuvre qui veut souligner l’importance de notre rapport à nos animaux de compagnie et surtout nous conter l’histoire non pas d’une héroïne déchue, mais d’une vieille femme fatiguée qui retrouve un peu de joie avec un tel chat.

Avec Le Gros Chat et la Sorcière Grincheuse, on nous montre qu’un récit autour de nos félins adorés peut encore proposer une expérience originale. Si l’on reste sur des thèmes forts comme la joie que peut procurer la présence d’un animal chez une personne seule, le manga réussit aussi à proposer un contexte surprenant. Il ne faut pas longtemps pour s’attacher pleinement à ce duo qui prend naissance devant nous et qui symbolise si bien ce que l’on peut connaître de nos amis les chats tout en conservant une touche fantastique. Un mélange des genres qui réussit pleinement son pari.

Le Gros Chat et la Sorcière Grincheuse trouve sa routine

Autant le dire tout de suite, j’ai été profondément touché par cette lecture du premier tome du Gros Chat et la Sorcière Grincheuse. Me transposant aisément à la place de Jeanne autant par rapport à mon entourage que ma propre personne. C’est sûrement ça le plus grand atout de cette histoire qui arrive à nous faire comprendre que l’on pourrait très bien être à la place de cette vieille femme. On ouvre alors les yeux sur tout l’amour que peuvent avoir nos animaux à notre égard et le bonheur qu’ils nous donnent chaque jour. On a beau faire face à un monde de fantasy, tout ce qui nous est raconté peut trouver écho dans notre réalité. Que cela concerne notre rapport à nos compagnons poilus, l’oubli dans lequel peuvent se trouver les personnes âgées ou la souffrance que la solitude peut engendrer, tout fonctionne à merveille. Un récit qui arrive ainsi à aborder des sujets profonds et importants tout en gardant cette envie d’être un divertissement amusant. En plus de ça, il y a une véritable alchimie qui se forme entre nos deux protagonistes, car même au-delà de leur incompréhension mutuelle, ils forment avant tout un tandem capable de donner le sourire. Plongé dans un univers qui se veut hostile à l’égard de notre héroïne, la présence de ce chat imposant vient apporter un bonheur qui n’a pas de prix. Il est à la fois un ami, un gardien et un réconfort pour cette dame qui a déjà tant donné au monde et qui veut maintenant se concentrer sur son propre bonheur.

C’est donc un énorme coup de cœur que j’ai eu pour cette introduction à l’univers du Gros Chat et de la Sorcière Grincheuse. Une aventure qui arrive à trouver un parfait équilibre entre ses diverses parties pour un résultat enchanteur. A la fois triste, joyeux et émouvant, ce conte a su tirer le meilleur de ces deux genres pour donner vie à une fresque lente et chaleureuse. Rien que les interactions entre cette maîtresse et son familier sont un véritable bonheur pour le spectateur qui va rire et s’amuser à leur contact. Voilà un manga qui nous offre un sourire simple, sincère et efficace en utilisant la fantasy comme outil pour amener une problématique qui touche beaucoup de gens. Pour ma part, cette série a su résonner en moi et m’offrir un petit cocon de douceur le temps de cette lecture. En fait, que vous soyez fans de chats, d’isekai ou non, ce titre peut facilement parler au plus grand nombre tant il tient un discours qui dépasse le cadre de la fiction. Une bien belle épopée qui ne cherche pas à être grandiose, mais à nous impliquer dans cette relation entre un félin imposant et sa maîtresse ronchonne. J’ai, bien sûr, plusieurs questions qui me viennent à l’esprit maintenant que j’ai fini ce premier volume. Est-ce que ce lien entre nos deux protagonistes va continuer à se renforcer ? Le monde va-t-il nuire à ce bonheur naissant qu’est en train de vivre Jeanne ? Notre gros chat parviendra-t-il à s’acclimater à ce nouveau foyer ? Ce qui est sûr, c’est que je serais au rendez-vous pour la suite.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume du Gros Chat et la Sorcière Grincheuse. Trouvez-vous que cette introduction réussit à poser les bases d’une aventure touchante, drôle et plaisante ? Avez-vous eu de l’empathie pour nos deux protagonistes qui se retrouvent à devoir vivre ensemble ? Est-ce que vous avez ressenti la relation naissante entre cette maîtresse et son félin disproportionné ? Le titre parvient-il, selon vous, à traiter de sujets difficiles avec beaucoup de douceur et de tendresse ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

ISEKAI NEKO TO FUKIGEN NA MAJO © 2022 Hiro KASHIWABA / SHOGAKUKAN