Kijin Gentôshô T1 & 2 : une traque à travers le temps
La chasse aux démons est un thème particulièrement fréquent dans le monde du manga. Il faut dire que c’est un contexte à la fois très ancré dans la culture du pays ainsi qu’une excellente solution pour créer une aventure exaltante. Mais alors que l’on a déjà eu le droit à pas mal de titres de ce genre, comment est-il encore possible de tirer son épingle du lot ? Il faut réussir à se différencier comme c’est le cas pour la série dont je vais vous parler aujourd’hui. Faisant tout juste son apparition au catalogue de Panini, il s’agit de Kijin Gentôshô dont les deux premiers volumes viennent juste de sortir. En plus de ça, ce nom vous dit peut-être quelque chose, car un anime est prévu aussi la saison prochaine sur ADN. Un titre qui va donc être très présent dans les prochains mois dans nos librairies et dont j’étais curieux de voir comment il allait parvenir à capter l’attention du lecteur. Ce qui m’a alors marqué lors de cette découverte est la manière dont le récit va prendre son temps pour poser les bases de son intrigue et surtout élever une menace importante qui va s’étaler non pas sur une période donnée, mais s’étendre sur plusieurs époques. L’heure est donc venue de traquer une créature pendant un long moment.
Le gardien ayant tout perdu
Synopsis
Vers la fin de l’ère Edo, il y a près de deux siècles, un petit village isolé au cœur de la montagne est la cible régulière d’attaques de démons. Les habitants laissent à Jinta, un sabreur accompagné de son étrange petite sœur, le soin de défendre la prêtresse de leur sanctuaire. Un jour, alors que le jeune guerrier est parti dans la forêt pour traquer un monstre, il se retrouve face à un adversaire qui lui parle d’un lointain futur…
Pour le chasseur de démons en quête de réponses, cette rencontre marque le début d’une errance à travers les âges.
Mangakas : Motoo Nakanishi & Yu Satomi
Comme on peut le voir à travers son synopsis, Kijin Gentôshô débute comme une œuvre assez classique de prime abord. Pourtant, le premier volume va surtout être l’occasion de préparer au mieux le terrain de ce qui va advenir ensuite dans le second tome. On va alors prendre conscience de la nature dramatique de cette histoire tout en étant emporté par l’action frénétique que va nous dépeindre le manga. Des affrontements spectaculaires, mais qui vont aussi amener notre protagoniste à être à la frontière entre l’humain qu’il est et ces monstres qu’il cherche à éliminer de toutes ses forces.
Un voyage aux multiples nuances
Ce que je trouve tout d’abord excellent dans Kijin Gentôshô est la manière dont le récit va prendre le temps d’axer tout son premier volume sur la mise en place de l’intrigue. En effet, nous sommes ici face à un manga qui ne précipite pas les choses et souhaite réellement nous imprégner du quotidien de ces personnages qui sont rongés entre leur sens du devoir et leurs émotions. Il suffit par exemple de s’attarder sur Jinta pour se rendre compte que l’on fait face à une histoire qui ne vise pas à être purement manichéenne. On nous montre un jeune homme dévoué à son rôle de protecteur et qui va aller jusqu’à refouler ses sentiments, au même titre que celle qu’il aime, pour se concentrer avant tout sur son combat contre les démons. Ainsi, si l’on va être emporté dans l’action frénétique du titre, celui-ci arrive à créer un drame humain qui va conduire inexorablement au début de cette traque. Et quand on arrive au moment où tout bascule, on se rend compte qu’il n’est pas uniquement question ici d’une évolution naturelle du conflit entre démons et humains. Il s’agit surtout d’un enfer créé par l’incompréhension des uns des autres et par cette volonté de faire passer le bien commun avant le bonheur personnel. Quand j’ai assisté à toute la mise en place de cette scène, j’ai été bluffé par la manière dont celle-ci va réussir à nous prendre aux tripes. On a beau être face à un passage sanglant, on ouvre les yeux sur le fait que tout ça aurait pu être évité.
Ainsi, je trouve que le titre, dès son premier volume, parvient à traiter de thèmes assez importants par le biais de ce combat. Il n’est pas uniquement question ici du bien contre le mal où l’on va soutenir à fond le héros. Au même titre que ce dernier, on va se sentir déchiré par ce qui se passe et cela va amener deux éléments très importants pour l’appréciation de l’œuvre. La première concerne évidemment cette poursuite à travers les âges qui ne va pas uniquement avoir pour but de créer une originalité à la série. Cette idée va aussi énormément contribuer à la tension du récit, car on nous expose très bien le fait qu’il y a une date butoire avant que le pire ne frappe l’humanité. Une deadline mortelle qui va renforcer notre inquiétude au fur et à mesure que l’on progresse vers celle-ci tout en renforçant le sentiment d’urgence. Un parti-pris très intéressant et qui peut amener à une évolution captivante de l’intrigue sur les prochains volumes. Et l’autre point que je trouve captivant concerne l’évolution de Jinta. Alors qu’il est présenté à la base comme un épéiste hors pair pouvant faire face aux nombreux démons qui troublent la quiétude de son village, les événements qui vont le lancer sur sa quête personnelle bousculent ce côté immaculé du héros. De ce fait, nous n’allons plus être face à un gardien désireux de rester fidèle à son devoir, mais à un homme rongé par le chagrin et la colère qui n’hésite plus à utiliser toutes les armes à sa disposition. Il y a donc un contraste fantastique qui s’opère en cet individu qui se retrouve à la frontière des deux mondes dans l’espoir de mettre un terme à tout ça. Une figure centrale pleine de nuances comme c’est le cas pour une bonne majorité des acteurs et actrices de ce début d’aventure.
Ainsi, si l’on pense initialement que Kijin Gentôshô va partir sur un sentier bien connu et particulièrement codifié, on se rend compte qu’il y a tout un tas d’éléments attisant notre curiosité. Nous sommes face à une histoire qui prend son temps pour créer une menace imposante et surtout renforcer notre intérêt dans le déroulé de cette confrontation qui s’étend sur plusieurs âges. Une idée très intéressante et qui va sonner comme une sorte de compte à rebours pour le protagoniste qui sent que le temps lui est compté. Une oeuvre qui amène son héros à la limite entre ce qu’il est et ce qu’il combat.
Kijin Gentôshô voit du pays
J’avais pas mal de petits aprioris sur ce qui pouvait m’attendre à la lecture de Kijin Gentôshô au début. Pourtant, plus je progressais dans le récit et plus je me suis rendu compte des qualités de cette œuvre. Oui, le contexte initial du récit est assez classique étant donné que l’on est sur de la chasse aux démons. Mais c’est dans tout ce qui va graviter autour que le titre réussit à devenir vraiment plaisant à suivre. La preuve en est de ce premier volume qui a compris qu’il faut prendre son temps pour développer au mieux l’écriture de ses personnages. J’ai justement trouvé que l’on est captivé par ce qui se passe et j’ai été admiratif de la manière dont le récit va finalement transformer ce récit pour montrer qu’il n’y a pas de réels méchants. Tout est une question de point de vue et on le ressent très rapidement notamment par rapport aux démons qui vont servir de levier à l’intrigue principale. Chacun cherche juste à protéger ce qui leur tient à cœur et cela entraîne inéluctablement une opposition des deux camps. De même, la transformation progressive de notre gardien suite à ce qu’il va vivre et les douleurs ressenties est particulièrement pertinente. On oppose son devoir à ce qu’il a sur le cœur et si il se lance dans cette traque pour sauver l’humanité, au plus profond de lui on sent qu’il le fait surtout pour cette rancune personnelle qui l’anime. Finalement, on nous montre un casting où chacun a été profondément blessé par la vie et le regard des autres. Un récit d’action qui a aussi une dimension très humaine.
C’est donc une bien belle surprise que j’ai pu avoir en me lançant dans la lecture de ces deux premiers volumes de Kijin Gentôshô. Une œuvre qui maîtrise son sens du divertissement avec des combats prenants et intenses tout en y insufflant une approche très humaine de ce conflit opposant les deux camps. Si les démons sont l’ennemi à abattre, on arrive à avoir par moment un élan de compassion pour ces créatures qui peuvent aussi faire preuve d’entraide et de solidarité entre eux. Avec son protagoniste brisé qui se rattache à cette souffrance et cette colère qui rongent son cœur, on assiste à la quête d’un homme qui avance pour sauver le monde tout en pensant avant tout à son propre désir de vengeance. Un début tout en nuances et qui laisse présager de belles choses pour la suite de la série. Je suis aussi très curieux de voir ce que donnera l’adaptation anime pouvant amener un attrait encore plus fort pour cet univers. Si vous aimez les scènes de combats grandioses et bien rythmées ainsi que des personnages loin d’être manichéens alors vous devriez être intéressés par cette nouvelle aventure. A présent, j’ai quelques questions qui me viennent en tête quand je réfléchis au futur de cette épopée. Est-ce que Jinta va continuer d’être nourri par cette rage qui l’anime ? Va-t-il trouver la force d’aller de l’avant ? Que va donner la suite de son périple par rapport à ses futures rencontres ? Les prochains combats de notre jeune chasseur s’annoncent épiques !
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de Kijin Gentôshô. Avez-vous été intéressé par la façon dont le conflit entre les deux groupes va se construire ? Est-ce que le titre parvient, selon vous, à créer une atmosphère dramatique et éprouvante dès les premiers chapitres ? Appréciez-vous la manière dont Jinta évolue et surtout ce qu’il est prêt à faire pour mettre un terme à son combat qui semble pourtant éternel ? Trouvez-vous que le principe de parcourir diverses époques est prometteur ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.