Diver tome 1 : les pros de l’infiltration
Comme on vous l’avait montré dans nos attentes de juillet, il y a beaucoup de titres ce moi-ci que l’on avait hâte de découvrir. Parmi cette longue liste se trouve un manga qui a su particulièrement retenir notre attention. Il s’agit de Diver, édité chez Delcourt Tonkam, dont le premier tome est sorti la semaine dernière. C’est donc à l’occasion de la Japan Expo que l’on a pu se lancer dans cette aventure littéraire très réaliste. Ce qui avait éveillé notre curiosité était le fait de suivre la vie de ceux qui s’infiltrent parmi les pires gangs qui soient. On était intéressé par ce sujet, car il est assez peu utilisé dans le monde de la bande dessinée japonaise. Nous avons toujours eu le droit à d’excellents polars, mais presque jamais ce genre de récit. Après lecture, on peut vous dire qu’on est loin d’être déçu ! On est donc parti pour aller rejoindre la brigade des Divers et leur quotidien tumultueux.
La mainmise des gangs
Diver, imaginé par Shuntaro Ohsawa, nous plonge dans un Tokyo contemporain. Derrière le calme apparent de la métropole se cache une menace qui ne cesse de croître. Cette dernière n’est autre que la prolifération des gangs en tout genre. Depuis la loi de lutte contre les Boryokudan, promulguée en 1991, ces sociétés de l’ombre ont continué de se multiplier. Qu’il s’agisse des yakuzas qui sont prêts à tout pour survivre ou des organisations étrangères, le sol nippon est envahi par ces groupes criminels. Le Japon est devenu un lieu propice pour les cartels et les mafias de tout horizon pour faire fructifier leurs affaires. Afin de réguler cette expansion et d’afficher une image suffisamment sûre à l’approche des Jeux olympiques, le département de la police métropolitaine de Tokyo a décidé de mettre en place des missions d’infiltration. C’est ainsi qu’est né la section D. Celle-ci regroupe tous les agents qui devront rejoindre l’ennemi pour mieux le détruire de l’intérieur. On appelle ces hommes et ces femmes les “Divers”.
Ils font partie d’une petite élite qui ont été triés sur le volet afin de pouvoir agir en sous-marin au sein de ces clans. Parmi eux se trouve un policier dont les aptitudes s’avèrent être parfaites pour ce poste. Son nom est Hyogo Kurosawa et est considéré comme le meilleur “Diver” de la section. La raison d’un tel talent est qu’il est sans nul doute le pire des pourris au sein de la police. Il sait parfaitement comment réagir en tant que criminel et peut infiltrer tout type de gangs. Un élément qui pourrait être perturbateur en temps normal, mais qui est devenu l’arme la plus efficace face à ces adversaires. Celui-ci doit rejoindre un groupe d’escrocs à l’intellect très développé et provenant des plus grandes écoles du pays. Ces derniers n’hésitent pas à ruiner les personnes âgées par le biais d’arnaques au virement bancaire. Notre loup parviendra-t-il à se faire passer pour l’un d’entre eux ? La frontière entre le crime et la justice n’existe pas chez les “Divers” pour accomplir leur devoir.
Ce qui captive notre regard, dans un premier temps, dans Diver est son personnage central. Hyogo Kurosawa a beau être plus proche du criminel que du policier, il se dégage de lui une aura envoûtante. Un anti-héros charismatique qui ne laisse pas indifférent.
Le plus dangereux des flics
Pour accomplir un tel job, il est nécessaire d’avoir des épaules solides et de pouvoir s’adapter à toute situation. C’est exactement le cas de Hyogo qui parvient à nous surprendre dès sa première apparition. On ne sait pas à ce moment précis qu’il est un agent infiltré. Ce n’est que peu de temps après que l’on découvre son vrai visage. L’auteur a su donner vie à un protagoniste fascinant de par son talent à jouer les criminels. Ce qui fait tout l’intérêt de cet individu est la facilité avec laquelle il peut s’intégrer dans n’importe quelle organisation criminelle. Doué d’un excellent sens de l’observation et de la déduction, il sait toujours comment réagir à tous les types de situations. Pourtant, son talent ne se cantonne pas à cela et va bien plus loin qu’on ne pourrait l’imaginer. Son plus grand atout réside dans sa facilité à franchir la limite entre la justice et le crime. Comme le dit si bien son chef, il est le plus pourri des policiers et c’est ce qui en fait une arme redoutable. On se retrouve donc à suivre un homme qui n’hésite pas à bafouer les règles si cela peut lui permettre d’accomplir sa mission.
Il y a donc constamment cette volonté de montrer que Hyogo est capable de faire ce que les autres refusent d’accomplir. En voyant cela, on pourrait penser qu’il n’est guidé que par son instinct et ressemblerait plus à une bête qu’à un être humain. Cependant, son écriture va bien plus loin que le simple policier voyou. En effet, il est loin d’être dénué d’une certaine compassion. Il semble même afficher une certaine pitié à l’égard des gens qui se font avoir. Cet aspect de sa personnalité désamorce alors tout ce que l’on a pu voir auparavant le concernant. En fait, notre policier est guidé par un code moral qui lui est propre. Cette facette de sa personnalité rend son personnage bien plus complexe qu’il n’y paraît. On a donc du mal à discerner par moment le vrai du faux et cela joue en la faveur du récit. Le fait que l’on n’arrive pas à le cerner accentue l’intérêt que l’on porte à ce Diver qui semble fait pour endosser ce rôle. Un homme bien mystérieux et dont on a envie d’en savoir plus.
L’autre grande force de ce premier tome de Diver est le métier qu’il nous conte. Le fait de suivre des infiltrés apporte une bonne dose d’originalité et de suspense. Un travail qui est bien loin d’être sans danger au vu de ce qu’ils doivent endurer.
Une vie pleine de dangers
Devoir s’infiltrer au sein des gangs toujours plus nombreux implique une multitude de dangers. À tout moment, nos policiers peuvent se faire repérer et subir alors un funeste sort. Il y a donc une tension qui est palpable à chaque fois que l’on assiste à l’une de ces missions. Malgré les capacités hors du commun de Hyogo, on ne peut s’empêcher de craindre le pire. Cette angoisse permanente qui nous assaille, prouve que l’auteur maîtrise à merveille son sujet. En effet, malgré l’aura d’invincibilité qui englobe notre policier, on continue d’avoir peur pour sa survie. Cela démontre le danger que représente un tel métier et que la moindre erreur peut être fatale. Tout est présent pour que l’on n’oublie pas qu’il s’agit de faits qui pourraient être tout à fait réels. Cette idée ne disparaît jamais de notre esprit. Elle va ainsi continuer de nous faire vivre cette histoire avec autant d’ardeur et de réalisme. On passe de chapitre en chapitre en n’espérant que la roue ne tourne pas pour nos taupes.
De plus, le récit ne se restreint pas à l’infiltration d’un seul gang. Que ce soit un groupe d’arnaqueurs, des mafieux ou même une secte, les cibles sont aussi diverses que variées. Rien ne nous est épargné et on peut suit avec grande attention chaque étape de ce travail. On découvre comment les agents prennent contact avec leur proie et s’intègrent aux troupeaux. Une fois à l’intérieur de l’organisation, il n’est plus possible de faire marche arrière. On assiste alors au quotidien souvent éprouvant que doivent endurer ces espions. Chaque mot, chaque mouvement et chaque action doivent être pensés avec la plus grande précaution pour éviter d’éveiller les soupçons. C’est une parfaite immersion que l’on nous fait vivre à travers cette première excursion qui arrive à nous tenir en haleine constamment. La scène sur laquelle joue ces acteurs est aussi importante et fascinante que ces derniers. Un univers sombre et violent dont il est difficile d’en ressortir totalement indemne.
Diver propose un très bon premier pas dans cet univers où les forces de l’ordre et les gangs ne font qu’un. On reste pendu à ce qui se joue devant nous en se demandant sans cesse si la couverture de notre policier finira par être grillé.
Diver nous immerge totalement dans son quotidien
On attendait beaucoup de choses de ce premier tome et l’on peut dire que Diver a su combler toutes nos attentes. Que ce soit dans l’univers proposé où son anti-héros, ce seinen parvient à séduire notre regard à travers une histoire originale et prenante. Même s’il n’y a pas d’intrigue à proprement parler, cela n’enlève en rien le charme de cette série qui nous captive autant qu’elle nous inquiète. Cette immersion au coeur des plus dangereux groupes criminels est grisante et permet d’offrir une expérience littéraire qui sort de l’ordinaire. Il faut savoir que le titre se termine en deux tomes. Si cela peut paraître peu ça ne signifie pas que la suite sera bâclée. Au vu de tout ce qui a été proposé dans ces premiers pas, on peut être confiant envers le mangaka pour nous proposer une fin digne de ce nom. Il a su, en seulement quelques pages, nous plonger et nous intéresser totalement à ce métier où le danger est partout.
Voici donc une toute nouvelle oeuvre que l’on vous recommande avec joie. Si vous cherchez un récit policier bien ficelé qui parvient à conter avec brio le quotidien d’agents infiltrés alors Diver est fait pour vous. De plus, en voyant la dernière page de ce tome 1, on est impatient de voir ce qui risque d’arriver à Hyogo. Continuera-t-il à se sortir des pires situations possibles ? Trouvera-t-il finalement un objectif trop difficile à atteindre ? Quel destin attend cet homme qui flirte sans cesse avec la moralité ? Peu importe les réponses à ces questions, car le plus important c’est que la suite soit faite avec autant d’habileté que ce début. Un récit qui nous happe dans ce milieu oppressant pour ne plus jamais relâcher son emprise. Pour notre part, on est très curieux de voir ce que donnera la conclusion de toute cette histoire. Ce qui est sûr, c’est que Kurosawa aura réussi à marquer notre esprit !
Et vous, avez-vous apprécié ce premier tome de Diver ? Hyogo Kurosawa a-t-il su vous convaincre de son talent en tant que voyou ? N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires. 🙂
© Ohsawa Shuntaro / Shueisha