Manga Horror Show : un Smile ou rien
Après une petite semaine où on avait mis de côté l’horreur dans les mangas, il est temps de reprendre de plus belle avec un nouveau numéro de “Manga Horror Show”. Vous le savez, j’utilise ce rendez-vous pour vous parler de divers thèmes autour de ce genre et de comment il peut réussir à nous tenir en haleine. Et je me suis dit qu’en plus d’aborder certains sujets de fond, il était aussi possible d’utiliser une nouvelle série pour amener un autre point de vue. Après tout, c’est à travers ces récits que l’on peut assister à des histoires qui vont nous prendre aux tripes, nous tenir en haleine ou bien créer un profond malaise. Et il est alors très intéressant de voir comment un auteur y parvient. S’il y a bien un éditeur qui a su se créer toute une partie horrifique au sein de son catalogue, c’est bel et bien Mangetsu. En plus d’avoir des grands noms du genre, la maison d’édition a proposé récemment une toute nouvelle licence. Il s’agit de Smile et vous l’aurez compris, c’est sur ce manga que l’on va s’arrêter aujourd’hui. Il faut dire que rien qu’à sa couverture, le ton est donné et l’on ressent un sentiment de malaise à l’idée de ce que l’on va découvrir en son sein. Prenez donc votre courage à deux mains, car on va tenter de voir ce qui se cache derrière cette étrange secte dont les membres ont le sourire facile.
A la recherche d’une disparue
Synopsis
Yûshi Kamome, un journaliste free-lance fauché, peine à retrouver du sens à sa vie depuis le départ de son épouse, Megumi. Mais la visite de deux femmes venues prêcher pour une certaine « Église du Sourire Éternel » va changer le cours de son existence. D’abord réticent à les écouter, un détail finit par l’interpeller : sur la brochure, il aperçoit son ex-femme, pourtant portée disparue…
Yûshi se retrouve plongé dans une quête de plus en plus angoissante, alors que des cadavres sont retrouvés le visage mutilé, entièrement nus…
Manga : Hattori Mitei
Quand on s’arrête quelques instants sur le synopsis de Smile, on voit rapidement le décor qui se présente à nous. On nous laisse comprendre que l’on va suivre la quête d’un journaliste pour retrouver son ex-femme. Un but qui va le conduire directement au sein d’une secte qui va donner froid dans le dos. Et c’est là que le titre va briller, car c’est dans cette immersion au sein de ce groupe que la peur va véritablement s’installer. Au même titre que notre protagoniste, on va être témoin des actes aussi étranges que malsains de ces gens qui semblent totalement endoctrinés par les paroles de ceux qui sont au pouvoir.
Une secte qui n’a rien de drôle
Ce qu’il est important de noter tout d’abord est le sujet principal dont traite Smile. En effet, il est finalement assez rare que l’on utilise le thème des sectes dans le manga. Nous sommes beaucoup plus souvent face à des groupuscules dont on sent rapidement qu’ils représentent une menace pour l’ensemble de la série. En réalité, c’est souvent dans le domaine du cinéma, de la littérature ou même du jeu vidéo que l’on aborde la question de ces organisations. Et c’est donc très intéressant de voir que ce titre décide de se lancer sur cette voie surtout au vu de comment l’auteur réussi à nous représenter celle-ci. Evidemment, dans notre société actuelle, on nous dépeint, à raison, le côté néfaste de ces groupes qui se servent souvent de la faiblesse, des craintes ou de la fragilité des gens pour les enrôlés et s’agrandir. On connaît tous plus ou moins de noms certains de ces rassemblements qui ont déjà été sur le devant de la scène. Même le Japon ne fait pas exception à la règle avec certaines sectes qui ont fait parler d’elles. D’ailleurs, on peut aussi en voir une représentation dans la saga des Yakuza, notamment dans l’épisode 0. On ouvre donc les yeux sur le fait que c’est souvent un sujet délicat à traiter et que peu de personnes décident de réellement s’attarder dessus à travers ce média. C’est donc d’autant plus pertinent de voir ce que propose le mangaka à travers Smile et la manière dont il décide de traiter ce sujet.
Tout d’abord, il faut reconnaître que l’intrigue se lance très vite et permet d’entrer rapidement en contact avec les premiers représentants de “L’Eglise du Sourire Éternel”. Et dès cette rencontre, le malaise va s’installer de façon brillante. On voit des gens qui savent se montrer insistants et surtout persuasifs dans leur discours pour recruter d’autres membres. Si notre journaliste accepte dans le but de retrouver sa femme, on assiste malheureusement à son entrée dans un cycle infernal où il semble très difficile de s’en défaire. Tout est très bien représenté entre ces pages dans cette difficulté à s’extirper d’un tel groupe dont l’emprise est tel un poison qui corrompt l’esprit et le corps. Et cela ne s’arrête pas là, car plus on avance dans la lecture et plus on ouvre les yeux sur le statut presque intouchable de cette secte. Tout le monde les craint et personne n’ose remettre en question leurs agissements. Leur influence est bien plus grande qu’on ne l’imagine et cela donne aussi un autre sentiment d’effroi très important et toujours efficace : la paranoïa. On a le sentiment que peu importe où on va, il y aura toujours un agent de cette “église” pour nous observer et rapporter les moindres faits et gestes de notre protagoniste. Le groupe devient une prison dont on ne peut s’échapper et ceux qui tentent de le faire font face à la pire facette de celui-ci. Et c’est cette escalade dans la violence, le macabre et l’endoctrinement qui donne toute sa force à cet ouvrage pour nous glacer le sang. Surtout que là, nous ne sommes pas, pour l’instant, dans une œuvre qui utilise le surnaturel pour nous effrayer. Le lecteur est face à des gens ordinaires, mais qui sont d’autant plus effrayants, car ils pourraient être n’importe qui autour de nous. Une proposition qui joue sur l’insécurité et surtout sur ce que certains sont capables de faire au nom d’un idéal qui leur sert de refuge.
Une autre forme d’angoisse
Ce que je trouve aussi tout à fait fascinant dans la lecture de Smile, c’est que le mangaka ne s’arrête pas uniquement à l’angoisse que l’on peut ressentir face à un tel groupe. Il réussit à renforcer l’effroi ressenti par l’utilisation du sourire. En effet, au vu du titre et de la cover, on se doute avant même de lire que cette série va aborder cette forme d’expression. Et c’est là que l’on se rend compte qu’un sourire n’est pas forcément un signe positif. Si cela est censé exprimer notre joie, notre amusement ou bien notre bonheur, le manga va ici le déformer pour montrer qu’un tel visage peut aussi être un masque cachant bien horreurs. Tout au long de cette lecture, on voit des gens de ce groupe garder un large sourire à tel point que cela appuie le sentiment de malaise que l’on va ressentir. Alors que ce devrait être le symbole d’une émotion passagère, ici on a l’impression qu’ils sont figés avec ce rictus sur le visage. Ainsi, ce qui devait initialement être une expression communicative devient la source d’une angoisse bien réelle. On sent que tout ça ne sont que des faux-semblants et que le libre-arbitre perdu de ces “disciples” est représenté par cette incapacité à faire étalage d’autres expressions faciales. Et surtout, un sourire n’est pas forcément signe de joie. Si, à l’origine, il s’agit d’un excellent moyen de communication pour partager un moment de joie, elle peut aussi être détournée pour cacher d’autres motivations.
Sourire est tellement devenu une norme sociale qu’il est aisé de se dissimuler derrière pour ne pas éveiller les soupçons. Ainsi, c’est aussi une arme terrible entre les mains de manipulateurs désireux de séduire d’autres personnes. Et c’est exactement ce qui se passe entre ces pages. Si l’on ignore la raison réelle des instigateurs de cette “église” a poussé leurs recrues à devoir sourire constamment, leur processus de recrutement est justement là pour appuyer le fait que l’on est face à des visages qui n’ont rien de naturels. On enlève justement toute la spontanéité d’une telle expression pour la dénaturer et ainsi créer un environnement qui peut sembler amicale pour ceux qui rejoignent ces rangs, mais qui est infernal pour une personne de l’extérieure comme nous ou ce journaliste. L’auteur a parfaitement su s’approprier de ce moyen de communication pour en extraire tout ce qui est positif et le transformer en une source d’effroi qui est bien concrète. Et plus on avance dans le récit et plus on comprend que tout n’est qu’apparence. C’est d’ailleurs pour ça que les dernières pages vont autant nous terrifier. Autrefois source de joie, le sourire ici devient le signe distinctif de ces sinistres personnes qui n’hésitent pas à s’en prendre à ceux qui osent leur mettre des bâtons dans les roues. La peur vient autant ici de la représentation d’un tel groupe que de ce qui fait leur identité. Une forme de perversion d’un acte ordinaire afin d’insuffler l’inquiétude chez nous dès l’instant où l’on voit un sourire apparaître sur le visage de quelqu’un. Une remarquable prouesse qui montre à quel point l’horreur peut prendre bien des formes et peut résonner en nous à travers un élément qui nous ramène à une réalité bien plus sinistre. Même une simple expression faciale peut être détournée pour causer bien des souffrances.
Smile nous terrifie
Il s’agissait sûrement d’une de mes plus grosses attentes de ce mois d’octobre et je confirme que Smile est une excellente surprise. Une œuvre qui frappe fort d’entrée de jeu et qui sait parfaitement comment capter l’attention du lecteur pour ensuite l’emmener dans un environnement tellement éprouvant. Dès lors que l’on entre au sein de cette secte, le malaise ne nous quitte plus comme pour souligner le fait qu’il aurait mieux valu rester bien loin de ce groupe et de son influence. De même, je trouve que la série arrive à créer une peur qui soit concrète et qui joue justement sur les codes de la société ainsi que notre manière d’exprimer notre joie pour créer le frisson. La frayeur que l’on ressent est rationnelle et appuie sur notre logique pour que l’on soit encore plus tétanisé devant le sourire de ces individus loin d’être innocents. Une introduction redoutable et qui permet à la série de rapidement prendre son envol comme en témoignent ces dernières pages. On est alors tiraillé entre la peur que l’on ressent et l’envie irrépressible de connaître la suite de cette affaire. Une plongée dans l’enfer que représente cette “Église du Sourire Éternel” et qui pervertit ce qu’elle touche pour créer une armée qui semble présente dans toutes les strates de la société.
Mise à part dans sa dernière partie, ce tome réussit à planter les graines de l’effroi dans le cœur du lecteur sans avoir à jouer sur de la violence. Tout est une question d’impression ici et il suffit de quelques instants pour que Smile nous donne des sueurs froides. En plus de ça, le contraste entre le protagoniste, personnage ayant perdu toute raison de sourire, et les fidèles qu’il va rencontrer est bluffant. Elle permet de donner encore plus d’impact à ce groupe qui a un ascendant effroyable sur ceux qui rejoignent ses rangs. Une œuvre qui joue sur tous ces éléments pour nous terrifier, mais qui va aussi montrer à quel point la perte de son libre-arbitre est aussi un vrai cauchemar. Un titre parfait en cette période et qui peut facilement devenir une belle petite pépite du genre sur le long terme. J’ai en tout cas vraiment hâte de me lancer dans la suite et je pense que ce manga peut facilement être apprécié par le plus grand nombre. La raison à ça est autant sur le fait que l’on est face à un thriller exaltant qu’à un récit horrifique qui peut toucher beaucoup de gens. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et qu’elle vous donnera envie de découvrir cette très belle surprise.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Slime. Trouvez-vous que le titre réussit avec brio à créer un environnement malsain et inquiétant ? Avez-vous éprouvé une profonde crainte à l’égard de ces fidèles qui suivent les ordres de leurs supérieurs sans se poser de question ? Est-ce que le sourire de ces gens s’est incrusté en vous et vous donne à présent des frissons rien qu’en les imaginant ? Pensez-vous que l’on peut encore aller plus loin dans l’angoisse que l’on ressent pour ce groupe ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.