Pourquoi j’aime – PJ#19 : Helck
Une autre semaine et donc un autre numéro de “Pourquoi j’aime”. En plus de vous parler régulièrement des nouveautés qui débarquent en librairie, je suis content de vous proposer un rendez-vous permettant d’aborder des séries déjà bien ancrées dans le milieu. Et cette fois, je me suis tournée vers un manga qui a su grandement me surprendre de par son développement et qui a totalement changé de ton entre ses débuts et là où en est l’histoire. Je parle ici de Helck chez Doki-Doki que certains connaissent peut-être par le biais de l’adaptation anime sur ADN. La première fois que je me suis lancé dans cette série, j’avais l’impression d’être dans un récit qui voulait mettre l’accent sur une comédie sur fond de fantasy. Il faut dire que les rires et les idioties sont nombreux dès le départ quand on fait la connaissance de ces démons et de cette montagne de muscles que rien ne semble stopper. Mais il y a des titres qui montrent que les premières impressions peuvent totalement changer quand on laisse le temps à l’artiste d’amener l’intrigue là où il le désire. C’est exactement le cas avec Helck dont le mangaka nous délivre un conte où les sourires vont s’estomper pour laisser place à une histoire déchirante. On est parti pour les cinq raisons qui font que j’aime autant cette œuvre.
Une intro sous le signe de l’humour
Avant tout, il est important de s’attarder sur le début de Helck qui est vraiment très différent de ce que la série donne ensuite. Quand on commence le récit, on se retrouve plongé dans un tournoi au sein du royaume des démons pour désigner qui sera leur prochain chef. Une idée assez classique, mais qui va prendre une ampleur comique inattendue quand notre protagoniste humain participe à cette compétition. Un humain qui n’a pas sa place parmi ces “monstres” et qui pourtant va constamment faire étalage de sa force surhumaine. Et là où on pourrait justement s’attendre à des combats épiques, c’est une toute autre tournure qui va avoir lieu. Dans l’unique but de s’en débarrasser, tout le tournoi est chamboulé pour proposer des épreuves délirantes comme le fait de monter un château de cartes ou bien faire une course sur une monture. Un contraste surprenant et qui va montrer la capacité de l’auteur à créer une atmosphère légère et totalement folle. On rigole de bon cœur et cela donne un ton réjouissant à ce début qui a pourtant un enjeu considérable. De même, la confrontation entre Helck et l’organisatrice de l’événement a de quoi nous faire sourire tant on est dans une sorte de jeu du chat et de la souris où cette dernière finit toujours par l’emporter. Et si cela peut désarçonner initialement, car on s’attendait à beaucoup d’action, tout ça est justement bien pensé. On veut que l’on ait de la sympathie pour ce protagoniste qui semble imbattable et les démons qui vont graviter autour de lui. Mais si cet humour permet de donner une introduction bonne enfant, tout ça est fait pour dissimuler sur ce qui se passe en arrière-plan. Un début qui nous fait rire tout en baissant notre garde pour la tempête qui approche. Et c’est un excellent parti-pris permettant de montrer bon nombre de facettes de cette histoire et de son créateur.
Des personnages aux multiples facettes
Impossible d’évoquer Helck sans parler de l’impressionnant casting qui nous est offert tout au long du récit. On pourrait croire que tout serait centré sur notre montagne de muscles et sa camarade d’infortune, mais c’est très loin d’être le cas. En effet, notre tandem a un rôle prépondérant notamment dans son écriture. Mais c’est aussi le cas pour bon nombre d’autres démons ainsi que des ennemis qui vont faire leur apparition. En réalité, tout découle justement de ces premiers chapitres qui mettent l’humour à l’honneur. Tout nous semble joyeux et léger à tel point que l’on se concentre avant tout sur la personnalité rayonnante ou décalée des personnages présentés. On rit de bon cœur en les voyant soit être à fond dans leur tournoi ou bien tout faire pour empêcher cet humain d’aller plus loin. Quand on y pense, on peut même avoir une première impression qui tourne autour de la parodie quand on s’attarde sur chacun d’eux. Mais plus on avance dans le récit et plus on se rend compte que tout ça n’est qu’une petite bribe de ce qu’ils sont vraiment. Devant nous, on a des individus qui ont tous un passé, des choses à nous raconter ou des blessures dissimulées. C’est le cas pour Helck, mais aussi Vermilio qui n’est pas qu’une démone surpuissante avec un caractère irascible. Plus on s’aventure dans cette histoire et plus on fait la connaissance de protagonistes et d’antagonistes qui ont beaucoup souffert ou qui sont loin d’être uniquement ancrés dans un archétype de personnage. Et ce contraste est dans l’essence même de cette oeuvre qui veut nous faire passer des rires aux larmes au fil de notre apprentissage de ce monde. Chaque pas que l’on fait nous rapproche de triste vérité ou de souffrances qui ont façonné ces êtres qui font de leur mieux pour continuer d’avancer au milieu de ce chaos.
Un lore conséquent
Quand je parle du lore, il faut comprendre que le monde de Helck ne se limite pas uniquement à ce tournoi et cette quête pour désigner le prochain souverain des démons. Quand on se penche plus en détail sur le récit, on se rend compte qu’il y a énormément de choses qui se construisent au fil des chapitres et de ce que l’on découvre. Ainsi, on va rapidement quitter l’enceinte de cette ville servant d’hôte à l’événement initial pour ensuite partir à l’aventure. On va alors observer de nouveaux paysages, des lieux chargés d’histoires en tout genre et mieux cerner ce qu’ils se jouent sur le plan géopolitique. Car oui, il y a une grande part de ça dans Helck notamment quand on se focalise sur la confrontation entre la nation humaine et celle des démons. On comprend progressivement les enjeux qui ont lieu par rapport à ce conflit qui prend chaque jour un peu plus d’ampleur. Et surtout, on va être témoin de la richesse que l’auteur souhaite insuffler au monde qu’il imagine. Entre certains mythes, diverses sociétés mises en place, la catastrophe qui a tout engendré il y a quelques années et tant d’autres éléments captivent notre regard. Nous ne sommes pas uniquement dans un scénario qui va progressivement basculer dans l’action pure et simple. Il est avant tout question ici de se plonger dans un univers qui a beaucoup de choses à nous partager. Et c’est en s’attardant sur tous ces petits détails que l’on ouvre les yeux sur la teneur dramatique de cette aventure. Je trouve fascinant de voir comment l’artiste a su insuffler tant de profondeur à ces terres qu’il a créées de toute pièce et faire en sorte que chaque élément ait une importance dans notre immersion et notre appréciation globale de l’œuvre. Le genre de manga qui donne envie de suivre l’intrigue, mais aussi de mieux cerner ce qu’il se passe autour de nos protagonistes.
Une maîtrise de l’écriture
Quand j’évoque la maîtrise de l’écriture, je parle ici de la manière dont le mangaka réussit à développer l’ensemble de son récit. Comme je l’ai évoqué plus haut, Helck est une œuvre beaucoup plus complexe qu’on pourrait le croire de prime abord. Si tout semble bienveillant, drôle et amusant au départ, on va rapidement basculer dans une histoire bien plus sombre et aux enjeux conséquents. Et l’artiste ne va pas se contenter d’amener ça pour provoquer un chamboulement chez le lecteur. Il va constamment prendre le temps d’approfondir ses personnages, leur environnement et son scénario pour que chaque nouveau tome réussisse à nous mettre une claque de plus en plus forte. C’est en comprenant la vérité sur ce qu’il se passe devant nous que l’on va aussi lever le voile sur les intentions de plusieurs personnages. Mais aussi, on nous montre que même le protagoniste le plus souriant qui soit peut cacher derrière ça des blessures qui ne guériront sans doute jamais. Ce revirement n’est pas quelque chose qui surgit sans crier gare. En réalité, tout est préparé depuis le début pour que l’on soit sous le choc face aux nombreuses révélations qui vont avoir lieu. On a le cœur qui se serre quand on découvre l’histoire de certains et surtout que l’on prend conscience du chaos qui déferle sur ce monde. Contrairement à certaines séries qui veulent frapper un grand coup d’entrée de jeu, Helck est un manga qui prend son temps pour que l’expérience n’en soit qu’encore plus impactante. On s’amuse, mais c’est en avançant dans ce périple que l’on va connaître une épopée que l’on n’aurait pas cru possible en commençant cette histoire. De véritables montagnes russes qui semblaient douces quand on monte dedans avant de prendre un virage remarquable qui va nous faire passer par bien des émotions.
Un drame qui nous surprend
Il est déjà temps de conclure ce “Pourquoi j’aime” dédié à Helck et je devais absolument terminer avec ce qui est, pour moi, la plus grosse surprise de ce manga. Je l’ai évoqué un peu plus haut, mais la série prend son temps pour mettre en place son histoire et surtout nous ouvrir les yeux sur ce que cette aventure implique. Et c’est au cours d’un important flashback que toute notre expérience va être chamboulée tandis que l’on découvre les origines de Helck. On va alors être témoin de ce que le royaume des humains a dû subir pendant de nombreuses années, mais surtout à quel point celui-ci fut transformé de façon macabre. On va toucher du doigt la profonde tristesse qui habite ce géant au grand cœur et qui nous fait alors comprendre ses réelles motivations derrière son envie d’être le prochain seigneur des démons. Il n’est pas rare dans les mangas que l’on ait deux approches très différentes qui s’opposent dans le traitement de ces entités démoniaques. Certaines œuvres cherchent à en faire des antagonistes classiques qui vont être la source de nombreux malheurs. D’autres cherchent un contrepied pour en faire des personnages attachants et sympathiques que l’on a envie de suivre. Helck est dans cette seconde catégorie et va renforcer cette sensation en nous montrant l’horreur qui peut se dissimuler derrière un visage humain. Ce changement de ton déroute, mais va surtout être une brillante démonstration de ce que l’auteur a toujours voulu à travers son récit. Il cherche non pas à créer une épopée fantastique et chaleureuse. Son objectif est de proposer une histoire qui s’étoffe à chaque chapitre pour ainsi dévoiler ses différents niveaux de lecture. Il prouve que l’on peut tout à fait passer de la comédie au drame avec une aisance incroyable. Un manga qui n’a pas fini d’étonner et qui peut autant nous faire bien rire que nous faire verser bon nombre de larmes.