Watch Dogs Tokyo T1 : une fausse justice
Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des projets transmédia permettant à des œuvres venant d’autres médiums faire leur apparition en manga. Il suffit de voir le monde du jeu vidéo pour se rendre compte de ça avec beaucoup d’adaptation de titre au format papier. Cela permet de surfer sur de grosses licences, mais aussi de permettre à des personnes qui ne sont pas des joueurs de découvrir ces histoires palpitantes. On peut donc se demander si ces propositions se cantonnent à un simple travail d’adaptation ou peuvent donner lieu à des histoires inédites venant enrichir la licence de base. C’est ce que l’on va voir aujourd’hui en voyant un rapprochement entre Ubisoft et Pika pour une série inédite provenant du catalogue du studio. Il s’agit de Watch Dogs Tokyo qui se place dans le même univers que la saga Watch Dogs devenue l’une des licences marquantes d’Ubisoft. Appréciant beaucoup celle-ci, j’étais curieux de voir ce que donnerait ce récit et j’ai été agréablement surpris par plusieurs aspects de celui-ci. Préparez-vous à plonger dans la capitale japonaise et le combat qui se déroule dans l’ombre.
Un nouveau champ de bataille pour DEDSEC
Synopsis
Lorsque le gouvernement japonais introduit J-ctOS, un logiciel développé par la corporation Blume Japan, le quotidien de la société change radicalement. Seulement, la population n’est pas consciente que cette technologie d’un genre nouveau risque de la priver de sa liberté… Face à ce système invasif et corrompu, un groupe de hackers de l’ombre appelé Dedsec, décide d’agir pour révéler au grand jour cette machination. Gôda, un agent de police avide de justice, se prend alors peu à peu dans une toile morale qui le dépasse…
Scénario : Seiichi Shirato
Dessin : Syubey Kamo
Oeuvre originale : Ubisoft
Je trouve que ce synopsis donne les grandes lignes pour bien cerner ce qui nous attend dans Watch Dogs Tokyo. Cela permet de rapidement comprendre les enjeux propres à cette licence et surtout d’aborder des thèmes finalement très actuels. Et on ressent pleinement cette identité propre à la saga de base au sein de cette nouvelle histoire tout en parvenant à se différencier sur plusieurs points. Et c’est justement dans cette combinaison de l’âme unique de cette franchise que dans ses particularités que cette lecture va vraiment attirer l’attention. Une œuvre qui sait comment nous tenir en haleine.
Un combat contre l’autorité suprême
Pour ceux qui ne connaissent pas l’univers de Watch Dogs, on est dans une licence vidéoludique mettant en scène un monde contemporain où un système va être implanté dans de nombreuses villes dans le but de faciliter la vie des gens et endiguer la criminalité. Mais nous sommes dans le cas de figure où, sous couvert d’aider le plus grand nombre, de nombreuses libertés sont bafouées et la liberté de chacun se retrouve peu à peu verrouillée par le regard de chaque caméra. C’est dans ce contexte que le groupe Dedsec a vu le jour afin de contrer la multinationale qu’est Blume. Avec ce titre, on reste dans cette dualité, mais en amenant l’action cette fois au Japon. Un environnement tout à fait propice pour parler de sécurité informatique et de tout ce qui est lié à ces thématiques véhiculées par la série d’origine. Clairement, cette lecture ne met pas longtemps à poser le décor et je trouve que ce premier tome le fait plutôt bien. Sans même être un fin connaisseur de la licence d’Ubisoft, on comprend facilement ce qu’il se passe et les enjeux liés à ce système beaucoup trop intrusif. Les quelques détails spécifiques à l’intrigue posée dans le jeu vidéo sont expliqués de façon succincte afin que l’on ne soit pas noyé sous une tonne d’informations. On peut donc considérer ce récit comme étant vraiment à part tout en gardant la même toile de fond. A présent, pour rentrer dans le vif du sujet, la première chose que j’ai trouvé intéressante est le tandem qui va être au cœur du récit.
D’un côté, on a une hackeuse du groupuscule qui va rapidement se démarquer par sa personnalité explosive et son attitude désinvolte. De l’autre, Gôda, un flic qui a du mal à accepter que l’on puisse confier la justice à une boîte privée qui semble avoir les pleins pouvoirs et en profiter allègrement. L’alchimie qui se dégage d’eux dans les quelques moments où on les voit ensemble est vraiment excellente. Ils sont parfaitement complémentaires et apportent aussi deux regards différents sur le combat à mener. On a alors envie de les suivre dans leur lutte afin de voir comment ils vont s’en sortir. Mais là où cette introduction se démarque aussi est justement dans le focus qui va être fait sur notre agent des forces de l’ordre. Prenant le temps de nous expliquer comment il en est venu à collaborer avec ces hackers, cet ouvrage nous plonge dans son quotidien qui est très loin de ce qu’il pensait être en entrant dans la police. Particulièrement impliqué dans son boulot, il ne peut tolérer cette intrusion d’un acteur extérieur dans son travail même si c’est sous prétexte d’améliorer les recherches. Cela va donner une partie enquête plutôt bien ficelée dans ces chapitres où l’on oppose la “vieille méthode sur le terrain” à cette évolution technologique qui apporte finalement d’autres problématiques. Et c’est justement en progressant sur ce terrain que le titre va aborder avec brio tout ce qui touche à la vie privée et aussi à quel point dans un monde hyper connecté, les infos personnelles deviennent une arme pour manipuler les masses. Une alerte de ce que pourrait être le futur et qui donne lieu à une aventure particulièrement intense, bien rythmée et pertinente dans ce qu’elle expose.
Si Watch Dogs Tokyo ne réinvente rien si l’on connaît déjà ce genre d’œuvres abordant ce type de thèmes ou que l’on est familier avec la saga, cela ne signifie pas pour autant que l’on boude notre plaisir. Au contraire, tout est bien pensé pour créer un début prometteur et surtout posant rapidement les enjeux de ce récit. En créant un tandem qui se veut déjà sympathique à suivre et charismatique, on a envie d’assister à la suite du combat de nos deux protagonistes. Tout ça est couplé à une importante réflexion sur la justice, la figure de l’ordre, mais aussi le fait de ne pas avoir de réel contrôle sur notre vie.
Watch Dogs Tokyo envahi le réseau
Comme je l’ai évoqué plus tôt, Watch Dogs Tokyo nous offre un premier contact finalement assez classique, mais qui est maîtrisé. Cela donne un ressenti tout à fait plaisant tout au long de cette découverte. On prend plaisir à faire connaissance avec nos protagonistes et à mieux comprendre leurs objectifs. Et surtout, le titre arrive à créer des figures qui s’imposent rapidement et ont suffisamment de charisme pour que l’on ait envie de les suivre dans leurs aventures. Jouant très bien avec les codes et le lore instauré par la licence vidéoludique, cette lecture se présente comme une très bonne histoire annexe à celle que l’on peut connaître sur console. Surtout que le cadre proposé et tout ce qui en découle donnent un cachet très différent de ce que l’on peut connaître manette en main. Mais au-delà de tout ça, je suis content de voir que la série arrive autant à garder un rythme soutenu sans pour autant mettre de côté l’écriture de ses acteurs et de leur quête. Je trouve d’ailleurs que le long passage se concentrant sur Gôda et son passé avant de rencontrer Dedsec est plus que réussi. On comprend ce qui lui pose problème et surtout il est un très bon levier pour soulever les réelles problématiques que poseraient l’existence d’un système comme le ctOS. Ce n’est pas forcément un thème innovant étant donné que la pop culture, la littérature, le cinéma et même d’autres mangas ont déjà traité le sujet. Mais c’est fait de manière simple et efficace pour que l’on soit directement en contact avec le danger que représenterait un tel bouleversement technologique.
Pour répondre à la question que j’ai posée en introduction, Watch Dogs Tokyo ne cherche pas uniquement à surfer sur la renommée d’une licence bien implantée ou qui a déjà un grand nombre de fans. On peut totalement apprécier le récit sans avoir touché à un seul opus de la saga et c’est une très bonne chose. Cela montre à quel point l’artiste et l’histoire imaginée ont su donner vie à une épopée qui arrive à vivre par elle-même tout en venant renforcer la licence à sa manière. De plus, je trouve justement intéressant de prendre cette fois une figure d’autorité comme personnage central pour finalement l’amener progressivement à enfreindre cette loi qu’il est censé faire respecter pour mieux la préserver. Une œuvre qui est bien plus profonde qu’il n’y paraît sans pour autant mettre de côté l’aspect purement divertissant du médium. Que vous appréciez la franchise Watch Dogs ou que vous cherchiez une œuvre d’anticipation bien rythmée alors vous serez sûrement séduit par ce titre. A présent, j’ai tout de même quelques questions qui me viennent en tête pour la suite. Est-ce que l’on va assister à un changement radical chez Gôda en côtoyant Dedsec ? Va t-il finir par devenir ce qu’il a toujours voulu combattre ? Combien de temps va durer cette histoire pour savoir si elle aura le temps de se développer ? Que va donner son binôme avec sa nouvelle partenaire ? Je suis très curieux de voir ce que cela donnera.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Watch Dogs Tokyo. Connaissez-vous la série de jeux vidéo d’origine ? Trouvez-vous que le titre réussit à proposer une histoire qui puisse être appréciée sans être connaisseur des autres titres ? Est-ce que ce manga parvient, à votre avis, à proposer une histoire efficace et intense ? Les thèmes de la surveillance informatique et de l’utilisation des données personnelles sont-ils bien amenés ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette saga ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.