Le rideau se baisse : Coffee Moon / La Romancière et le Mercenaire
Comme vous avez pu le remarquer ces derniers temps, j’aime donner de la place aux nouveautés, mais aussi aux séries qui viennent de se terminer. Car il est vrai qu’aujourd’hui, on veut aussi savoir dans quoi on se projette. C’est donc intéressant de pouvoir faire un bilan d’une œuvre dans sa globalité. Mais il arrive aussi parfois que l’on ait plusieurs conclusions qui arrivent simultanément. Voilà pourquoi je me suis dit que dans ces cas-là, j’allais vous proposer un regroupement, par éditeur, de mes avis sur ces séries quand cela est le cas. Et pour inaugurer ça, je me tourne du côté de chez Doki-Doki qui nous propose cette semaine deux conclusions avec celle de “Coffee Moon” [6 volumes] et “La Romancière et le Mercenaire” [3 volumes]. Deux œuvres particulièrement singulières dans leur histoire ou bien dans la manière de la raconter. Je me suis dit qu’il serait donc pertinent de voir où nous ont finalement amenés ces récits. Et il y a beaucoup à dire sur celles-ci même si elles se sont terminées après peu de tomes. Soyez donc prêts pour deux épopées complètes et intenses.
Coffee Moon
Coffee Moon, de Mochito Bota, a clairement été un ovni depuis son premier volume. Une œuvre où l’on a pas du tout l’impression d’avoir déjà vu ça auparavant. Et c’est ce qui faisait l’une de ses forces tant on était curieux de comprendre les mystères pouvant se cacher derrière cette cité où il pleut sans cesse. En plus de ça, il faut reconnaître que le trait de l’artiste est absolument prodigieux et que cela donnait un cachet tout particulier à ce récit où le surnaturel se mêlait au réel. Dès ma première lecture, j’ai été conquis par ces dessins somptueux et foisonnant de petits détails. Concernant le récit en lui-même, il y a eu quelque chose d’assez surprenant par rapport à l’intrigue. C’est que le début était plus que prometteur avec ce style graphique magnifique et cette recherche de réponses. On nous conte l’histoire d’une journée sans fin ou Pieta, notre héroïne, cherche à briser ce cycle pour enfin que sa vie puisse reprendre son cours. Ainsi, on était totalement emporté dans cette course contre la montre pour comprendre ce qui se passe et où tout finit inlassablement par recommencer. Chaque retour en arrière devenait alors une occasion d’appliquer ce qui fut découvert précédemment pour se rapprocher de la vérité. Et cette idée de base était bien foutue en plus d’être haletante. On avançait en terrain inconnu dans cette ville particulièrement sombre à l’ambiance pesante. Après, il y a eu quelques tomes, au moment où la première partie de l’intrigue se termine, où le récit a donné lieu à un scénario un peu plus difficile à suivre. Avec de bonnes idées concernant l’ensemble des personnages, on avait parfois du mal à s’y retrouver.
Mais c’est surtout dû au fait que les tomes se veulent riches en informations et qu’il était parfois difficile de se rappeler de ce qu’il s’était passé auparavant. Et en fait, les deux derniers volumes vont nous amener alors dans un final beaucoup plus haletant et prenant. En seulement quelques cases, on sent le danger qui plane sur cette ville et le rôle que vont jouer nos protagonistes dans tout ça. Cela amène l’oeuvre dans une dimension beaucoup plus tournée vers le polar noir. Avec cette atmosphère si pesante, le jeu d’énigmes qui a lieu devant nous et le chronomètre qui tourne, tout est bien pensé pour que l’on soit de nouveau impliqué dans ce qui se passe. Et si l’intensité de cette conclusion fonctionne aussi bien, c’est surtout, à mes yeux, grâce à un élément en particulier. Il s’agit tout bonnement du thème abordé qui mène à une confrontation beaucoup plus philosophique qu’au départ. En effet, nous sommes face à une course effrénée pour empêcher un désastre de se produire. Mais le manga va en réalité, depuis le tout début, nous narrer une autre lutte qui se déroule en arrière-plan et qui est finalement au cœur de la série. Il s’agit de l’opposition entre joie et haine, espoir et désespoir, amitié contre solitude. Sur ce point, je trouve que le titre apporte une réflexion intéressante sur le fait que tout ça sont en réalité les deux facettes d’une même pièce. Etroitement liée l’une à l’autre, on nous fait comprendre qu’il est souvent difficile, dans les moments de tristesse, d’accepter le bonheur d’autrui et que cela entraîne forcément la personne dans des abîmes encore plus profonds. Il est alors question de savoir tendre la main et de démontrer qu’il suffit parfois d’un simple instant partagé avec des proches pour que l’on puisse être heureux. Une belle leçon qui est magnifiquement portée par cette héroïne tout aussi attachante.
La Romancière et le Mercenaire
La Romancière et le Mercenaire, scénarisé par Asovu Minami et dessiné par Nachiyo Murayama, avait été une bonne surprise à travers ses deux premiers volumes. Au départ, j’avais peur qu’en trois tomes, le titre ne puisse pas aller au bout de ses idées. Mais on a le droit à un sacré ouvrage pour clôturer cette série. Pour rappel, on y suit le mercenaire Sword qui doit faire face au manque de travail en lien avec son métier. Par la force des choses, il finit par accepter un rôle de garde du corps de la célèbre romancière Valderon. Cette dernière souhaite se rendre dans des monts craints de tous afin de lever le voile sur le mystère planant autour des monstrueuses créatures qui y seraient présentes. Tout ça dans l’objectif d’écrire son nouveau livre. Et elle peut compter sur le savoir de son nouveau compagnon qui s’est déjà rendu en ces lieux et a survécu face à ces êtres que l’on dit immortels. Une proposition intéressante, car elle laissait entrevoir un réel sentiment d’aventure en plus de jouer sur le mystère ainsi que le surnaturel. Et s’il y a quelque chose qui s’est dégagé très rapidement, c’est l’alchimie au sein de ce duo. En seulement quelques pages, on va assister à la naissance d’une relation amicale particulièrement réussie. Si l’on sent une certaine animosité entre les deux au départ, on se rend vite compte qu’ils peuvent se faire confiance l’un l’autre. De plus, leurs personnalités respectives se complètent à merveille et apportent énormément de moments drôles ou bien pertinents. Car oui, ils ont chacun une vision différente du monde, mais aussi de cette aventure et ça permet de confronter leurs expériences personnelles et ressentis à l’égard de ce qui les entoure. Un tandem qui ne cherche pas à partir dans une direction plus proche et qui nous délivre tout bonnement une excellente collaboration.
Pour ce qui est de l’intrigue en elle-même et de sa résolution dans le dernier tome, elle est, à mon sens, maîtrisée. Je m’explique sur ce point en abordant quelques éléments précis. C’est réellement au cours du second volume que l’on va être plongé dans le mystère derrière l’étrange créature humanoïde qui vivrait dans ces montagnes. Et là, j’ai été surpris par la portée dramatique de cette histoire. D’ailleurs, ce n’est pas l’unique rebondissement inattendu qui va venir ponctuer notre périple. En fait, tout le récit s’axe autour de plusieurs révélations bien fichues et qui permettent de changer la donne concernant notre regard sur cette aventure. On découvre alors une vérité bien sombre et on se rend compte progressivement que cette épopée où l’on s’attendait à un combat grandiose finit plus par devenir une quête de rédemption. Comme s’il était question de refermer une page du passé pour enfin aller de l’avant et c’est très bien représenté dans ce dernier tome. De plus, la série aborde avec brio le thème de la littérature et du rôle qu’un roman peut avoir sur l’ensemble d’une société. En suivant le même chemin que nos deux protagonistes, on apprend à voir ce qu’est vraiment la vision de Valderon concernant son art. C’est un moyen pour elle d’ouvrir les consciences tout en y apportant la possibilité de rêver. Son objectif n’est pas tant de rapporter la vérité que de la retranscrire avec ses mots quitte à ce qu’elle ajoute ou embellisse certains points. Elle nous témoigne l’importance de ces ouvrages qui nous donnent le sentiment que si la réalité est parfois morose, il suffit parfois de chercher au sein de ces pages ou même dans notre propre imaginaire pour réussir à s’évader ne serait-ce qu’un instant. Un manga bien plus profond qu’il n’y paraît et réussit à raconter une histoire qui se tient largement à travers ses trois volumes.