Dragon Quest

Dragon Quest les Héritiers de l’Emblème T1 : un monde régi par les ténèbres

Le nom de Dragon Quest est devenu mythique depuis maintenant plusieurs années. Il faut dire qu’il s’agit d’une des plus grandes sagas de jrpg au monde. Pourtant, cette licence n’est pas uniquement réservée à la sphère du jeu vidéo. Elle a d’ailleurs eu le droit à plusieurs ouvrages et notamment un manga intitulé Emblem of Roto sorti en 1994 au Japon. Si on a eu le droit à cette série bien plus tard, ici on va s’attarder sur la suite de celle-ci. Intitulé les Héritiers de l’Emblème, le premier tome édité chez Mana Books fut disponible en avant-première à Japan Expo. On a donc sauté sur l’occasion pour découvrir cette histoire prenant place dans un univers que l’on adore. À peine avons-nous lu les premières pages que déjà le récit nous a stupéfait. Une oeuvre qui prend un formidable contrepied et nous propose une épopée bien sombre. Il est temps de prendre son équipement et de s’aventurer sur ces terres inhospitalières !

Quand la magie n’existe plus

Dragon Quest-ténèbres

Un monde plongé dans les ténèbres.

Dragon Quest les Héritiers de l’Emblème, écrit par Jun Eishima et dessinée par Kamui Fujiwara, prend place dans un monde médiéval fantastique. Il y a vingt-cinq ans, les héros légendaires mirent un terme au règne du roi des démons. La paix devient alors le quotidien des habitants qui peuvent de nouveau vivre une vie paisible. Malheureusement, cette joie et ce bonheur sont de courte durée. Le fameux jour du roi, dans le mois roi de l’année du roi arrive et tout le royaume est en effervescence. De grandes festivités sont sur le point de débuter pour célébrer la cérémonie de remise d’épée du prince. Il est dit que l’héritier au trône doit recevoir sa première lame à l’âge de huit ans. Alors que la fête bat son plein, d’étranges phénomènes commencent à se ressentir. Il est devenu impossible pour chacun de pouvoir lancer le moindre sort. Cependant, le cauchemar ne s’arrête pas là car, en l’espace de quelques minutes, l’ensemble des occupants du château se volatilise. Ce cataclysme va plonger le monde dans une nouvelle ère de chaos où la magie n’existe plus.

Ces terres, privées de lumière, sont devenues un perpétuel champ de bataille où chacun tente de trouver de quoi vivre. C’est à cet instant que le récit débute en nous faisant suivre un groupe de bandits. Au sein de cette équipe de hors-la-loi se trouve un jeune homme du nom d’Aros. Il fut recueilli amnésique par ces brigands qui virent en son talent d’escrimeur une véritable aubaine. Aujourd’hui, ils ne cessent d’attaquer les pauvres villageois sans défense afin d’amasser le moindre butin possible. Malgré les réticences d’Aros à devoir se battre, il est obligé de venir en aide s’il espère pouvoir survivre au sein de ce milieu hostile. Pourtant, il sent que son destin l’appelle ailleurs et qu’il n’est pas fait pour être un vulgaire criminel. C’est sa rencontre avec deux voyageurs aguerris qui va totalement bouleverser son avenir. Il va alors se lancer sur la piste de son passé et débuter une quête qui pourrait bien décider du futur de ce monde en péril.

Un bon moyen de voir si une histoire a de quoi être intéressante est de se pencher sur le personnage central. Dans cette nouvelle chronique de Dragon Quest, le héros s’avère fascinant en de nombreux aspects.

Un héros au parcours atypique

Il est très difficile de parler du protagoniste principal de cette oeuvre sans spoiler certains éléments. On va donc essayer de traiter de lui sans dévoiler de détails trop importants. Tout d’abord, ce qui frappe chez Aros est la vie qu’il mène. En étant membre d’une équipe de bandits, il fait partie des méchants même s’il est question de survie. Après tout, ses camarades n’hésitent pas à tuer pour dégoter le moindre petit trésor. Malgré la violence de ses équipiers, notre héros est contre l’idée de supprimer quelqu’un. Il va même jusqu’à s’opposer à eux pour éviter un bain de sang inutile. De ce fait, il a beau être dans un groupe de malfrats, il fait figure d’exception à travers sa mentalité et ses actes. Malheureusement, la réalité de cet univers va vite le rattraper et il va finalement devoir se salir les mains. On observe donc un personnage avec des principes, mais qui ne peut pas contrer toute la haine et la violence qui ronge le coeur de chaque homme. Il y a presque un côté impuissant en lui qui va en totale opposition avec ses talents de combattant. Cette approche nous ferait presque oublier son statut de héros pour n’être qu’un être ordinaire.

De par cette écriture, on contemple un guerrier bien loin des standards habituels. Il est avant tout un humain qui doit lutter constamment pour ne pas chuter. Cela ne fait qu’attiser notre intérêt et notre curiosité pour cet adolescent qui exprime une forte humanité. D’ailleurs, la mangaka a parfaitement su retranscrire la détresse et la perdition d’Aros qui ne sait rien de lui-même. Il ne fait que suivre ceux qui lui ont offert un foyer. Outre son aspect d’enfant égaré se cache le redoutable épéiste. Dans ces moments-là, on oublie presque tout ce que l’on a vu auparavant. Notre regard reste scotché devant ses prouesses martiales et cela donne une opposition très intéressante. D’un côté se trouve l’innocence et la pureté de la jeunesse, mais dès que son épée est tirée de son fourreau, le jeune homme laisse place à un escrimeur fabuleux. Deux facettes d’une même pièce qui offre toujours plus de profondeur à cet amnésique. Une construction soignée qui sert pleinement l’attachement que l’on a à son égard.

Ce qui marque profondément notre regard en lisant ce Dragon Quest est la violence du récit. On oublie le côté coloré pour un monde où le sang coule à flots et le crime est courant. Une approche surprenante et efficace.

Une violence assez choquante

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Un héros souillé par le sang.

Il faut le dire, la saga Dragon Quest nous a toujours habitué à des aventures pittoresques et étincelantes. Même quand le sort de l’Humanité est en jeu, chaque titre gardait ce côté bon enfant. Tout était assez adoucit et servait pleinement à la cohérence de ces contes enchanteurs. C’est alors qu’arrive notre immersion dans les Héritiers de l’Emblème. Il faut alors oublier tout ce que l’on a pu connaître auparavant de la franchise. Si l’on retrouve de nombreux éléments propre à la licence, on se retrouve emporté dans un périple de dark fantasy déroutant et qui dénote totalement avec le souvenir que l’on a de ces contrées. Cette dimension plus sombre est une idée géniale, car cela prend le lecteur au dépourvu et crée une surprise aussi choquante que rafraîchissante. En contemplant ces terres autrefois verdoyantes, c’est un nouveau regard que l’on porte sur la dure réalité de ces habitants. Tout cela est amené de manière pertinente et efficace ce qui ajoute encore plus d’impact à ce voile d’ombre qui recouvre ce royaume.

Le sourire idiot des gluants a laissé place à la barbarie et au meurtre d’innocents. Des hommes autrefois bons se lancent dans le banditisme afin d’avoir de quoi se nourrir. On reçoit le désespoir de toutes ces âmes en pleine face et cela va nous ouvrir les yeux sur la déchéance de ce pays auparavant féerique. Le sang et la mort sont devenus les fidèles compagnons d’Aros. D’ailleurs, on pourrait très bien faire un parallèle entre ce garçon et le lecteur habitué à Dragon Quest. Après tout, le premier refuse de lever la main sur les cibles de ses camarades et symbolise un peu l’ignorance et la naïveté de l’ancien monde. On se rattache alors à ce personnage, mais cet attachement va aussi nous précipiter un peu plus dans le chaos ambiant. En effet, la mangaka a réussi à prouver la supériorité des ténèbres qui habitent le coeur de chaque individu en faisant commettre l’irréparable à ce guerrier pacifiste. Une chose se brise alors en lui ainsi qu’en nous et cela accentue encore plus notre immersion dans cet enfer destructeur.

Dragon Quest les Héritiers de l’Emblème parvient à proposer un début très prometteur et surtout très marquant. Chamboulant les codes établis par la saga, on se retrouve face à une lecture plus mature et touchante.

Dragon Quest surprend son lectorat

Finalement, après s’être perdue dans les méandres de ce prologue, on en est revenu largement comblé. Il y a vraiment beaucoup de choses à dire sur ce Dragon Quest qui ne se cantonne pas à un simple spin-off. Le titre va jusqu’à remodeler cet univers légendaire pour créer une version plus mature et poignante. Le choc est présent et cela est une excellente chose, car cela démontre qu’il y a de multiples façons d’aborder un environnement, une mythologie ou même des personnages. L’écriture de Jun Eishima et la patte graphique de Kamui Fujiwara permet la naissance d’un Dragon Quest unique et captivant. De plus, il va vraiment être fascinant de suivre notre jeune brigand sur le chemin de ses souvenirs et vers son véritable objectif. Un coup de théâtre magistral qui promet énormément pour la suite de ce voyage.

On a donc été totalement sous le charme de cette première virée au sein de cette obscure odyssée. Que vous soyez fans de la saga, que vous cherchiez un regard neuf sur celle-ci ou souhaitiez simplement une lecture de dark fantasy alors les Héritiers de l’Emblème saura répondre à ces attentes. À travers ce prologue, on se doute que l’on a mis les pieds dans un long et dangereux périple qui parviendra facilement à nous en mettre plein la vue. Comme tout bon premier volume, celui-ci nous laisse avec une pléthore de questions. Quelle est l’origine de ce cataclysme ? Quel avenir attend Aros ? Cette contrée est-elle condamnée à la désolation ? Tandis que l’on se met à réfléchir aux réponses possibles, on se met à imaginer ce que réserveront les prochaines péripéties de notre hors-la-loi et de ses amis. Vous pourrez retrouver le tome 1 et 2 de cette série dès le 30 août prochain. C’est avec grand plaisir que l’on recommande cette oeuvre réinterprétant à merveille une licence culte.

Vous pouvez partager en commentaire votre opinion ainsi que vos attentes concernant Dragon Quest les Héritiers de l’Emblème. Êtes-vous curieux de découvrir ce titre dark fantasy qui risque fort de changer notre vision de cet univers ? 🙂

©  Eishima Jun,  Fujiwara Kamui & Horii Yuuji / Square Enix