Derrière les codes #02 : Kaiju
Après un premier épisode que vous aviez l’air d’avoir apprécié, je me suis dit que j’allais continuer dans cette direction. Voilà pourquoi je vous propose aujourd’hui ma seconde chronique “Derrière les codes” qui, comme son nom l’indique, s’attarde sur des genres, éléments ou thèmes récurrents dans les mangas. Il est alors question de savoir si on peut construire quelque chose de différent autour d’une même base et de montrer ça à travers plusieurs séries. J’avais attaqué précédemment les intrigues de cour, mais cette fois je change totalement de registre. On va parler de monstres géants et notamment tout ce qui tourne autour des kaijus, ces créatures gigantesques faisant partie intégrante de la culture japonaise. Car oui, même s’il est toujours question de faire face à une bête gigantesque qui est capable de tout détruire sur son passage, les auteurs ont pourtant une imagination débordante afin de ne pas se limiter uniquement à ça. Et pour le montrer, je vais m’entourer de quatre séries, certaines connues d’autres pas forcément. Je vous invite donc à faire face à de véritables montagnes qui peuvent afficher bien des visages.
Kaiju Girl Carameliser
Je commence cette liste avec un titre que j’ai déjà pu évoquer à maintes reprises par le passé. Je parle bien sûr de Kaiju Girl Carameliser qui est, pour moi, une petite pépite notamment concernant l’originalité qu’il peut y avoir autour du thème des monstres géants. En effet, s’il y a bien une créature gigantesque dans cette série, ce n’est pas ici la menace, mais bel et bien l’entité au centre de notre attention. Car oui, il s’agit de notre héroïne qui se transforme en véritable kaiju dès l’instant où ces émotions s’expriment trop violemment. Un parti-pris vraiment ingénieux et captivant, car la mangaka réussit à utiliser ce thème pour déformer ce que l’on voit habituellement pour traiter de sujets finalement très humains. Un contraste qui fonctionne à merveille, car justement cela va avoir pour effet, dans un premier temps, de nous surprendre. Habituellement, on s’attend à ce qu’une œuvre mettant en scène un kaiju soit tournée vers l’action ou des sujets liés à l’écologie, à la politique ou bien même à l’armement. Des scénarios souvent catastrophes alors qu’ici on est beaucoup plus vers un slice of life fantastique. En plus d’avoir un trait vraiment soigné, la mangaka parvient à utiliser l’imaginaire autour de ces créatures pour traiter de la complexité des émotions, surtout à l’adolescence. La peur d’exprimer ce que l’on a sur le cœur, la crainte du regard des autres de par notre différence ou même les relations humaines sont autant de sujets qui sont magnifiquement amenés au sein de ces pages. Surtout que cela ne s’applique pas uniquement à notre protagoniste, mais aussi à toute la galerie de personnages qui va l’entourer. Des gens qui vont nous toucher par leur humanité et surtout leur envie de se lier d’amitié peu importe le regard des autres. Une magnifique ode à l’amitié, l’amour et surtout à l’acceptation de soi.
Great Kaiju Gaea-Tima
J’en ai parlé il y a pas longtemps, mais je ne pouvais pas ne pas évoquer Great Kaiju Gaea-Tima. En effet, cette nouveauté a su surprendre par un retour aux sources. C’est quelque chose de très intéressant de voir à quel point un thème ou bien une figure propre à la culture pop peut évoluer au fil du temps. Initialement, les kaijus sont avant tout ancrés dans les productions tokusatsu japonaises qui avaient un côté assez kitsch, et même coloré. Mais maintenant, on est sur quelque chose de plus sérieux et grandiose avec des monstres qui sont synonymes de cataclysme. Du grand spectacle qui a progressivement pris le pas sur l’image de base qui avait été façonné à travers ces œuvres. Si je parle de ça, c’est parce que ce manga prend la direction inverse, car l’auteur veut justement rendre hommage à l’origine de ces êtres. Et il suffit de quelques minutes pour vraiment s’en rendre compte rien que dans l’esthétique des kaijus qui parviennent autant à être impressionnants qu’assez singuliers, et même parfois comiques. Cela donne un cachet original à l’œuvre qui prend le parti-pris de réveiller les origines de tout un style de films pour le retranscrire sur le papier. Un choix qui montre que l’on peut totalement faire dans l’originalité avec un thème qui est maintenant codifié à travers des tropes actuels. Un retour en arrière qui arrive à chambouler le lecteur et justement à lui créer une expérience unique par un retour aux sources. Plein de promesses, fun et surtout qui joue à fond la carte tokusatsu, le titre offre une esthétique réussie où l’on est à la fois impressionné par ce que l’on a devant nous qu’amuser par cet aspect exagéré et qui fait vieux effets spéciaux. Une expérience qui peut donner quelque chose de sympa sur le long terme.
Superbeasts
Après avoir parlé d’un titre qui utilise les kaijus sous la forme d’un slice of life et un autre revenant aux sources, il est temps d’évoquer une œuvre qui va pleinement nous plonger dans le côté gigantesque et terrifiant de ces monstres. Et là, Superbeasts est un très bon représentant de cette manière d’aborder ces créatures. Il suffit seulement de quelques pages pour être à la fois impressionné par le trait de l’artiste que terrifié face à ces titans où l’on se sent vraiment tout petit. Ici, tout est justement réfléchi pour proposer des monstres qui vont nous en mettre plein la vue, mais où le danger qu’ils représentent atteint des sommets. Et là, c’est vraiment une œuvre où l’on ressent totalement l’impuissance de l’humanité face à ces bêtes destructrices. Ce n’est que par le sacrifice de nombreuses vies qu’il est possible d’en éliminer ne serait-ce qu’un. Une série sombre et tragique qui va nous prendre aux tripes et donc mettre en avant la terreur insufflée par ces montagnes vivantes. Mais surtout, je trouve que l’auteur a une imagination incroyable afin de créer un bestiaire absolument exceptionnel. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le manga est sorti accompagné aussi d’un ouvrage complémentaire présentant l’art autour de ces monstres. Car oui, on est ébahi devant ce qu’il arrive à présenter face à nous. On tourne les pages en ayant le sentiment de n’être que des fourmis face à des entités qui pourraient nous balayer d’un simple coup de griffe. Et c’est vraiment l’un des mangas autour des kaijus où j’ai le plus ressenti ce sentiment d’impuissance qui caractérise si bien la grandeur de ces monstres où le prix à payer est déjà bien trop lourd pour simplement abattre un seul d’entre eux. Une belle réussite que je recommande totalement !
Kaiju N°8
Et je termine cette sélection avec celui qui est sans doute le plus connu de cette liste. Je parle bien sûr de Kaiju N°8 qui a vraiment su se transformer en un sacré phénomène à travers le monde grâce au trait puissant de son auteur ainsi que par l’adaptation anime dont le manga a eu le droit. Mais en quoi ce titre arrive à créer une identité qui lui est propre autour du thème des kaijus ? Eh bien il y a plusieurs éléments qui lui permettent de tirer son épingle du jeu. En premier, contrairement à beaucoup d’autres titres “shônen”, nous avons le droit à un protagoniste adulte qui est présenté comme un homme ayant échoué à réaliser son rêve de rejoindre les forces de défense. Un contraste déjà assez fort avec ce que l’on peut voir et qui permet d’aborder d’autres thèmes en adéquation avec ses doutes, son âge, mais aussi le rôle qu’il va avoir par la suite. Mais Kaiju N°8 c’est avant tout un show spectaculaire qui cherche à nous en mettre plein la vue et c’est parfaitement réussi. Ici, on a le droit à des combats spectaculaires à travers des combattants qui peuvent faire face à ces monstres même si la différence de taille ou de puissance est conséquente. Un manga qui veut avant tout offrir un grand divertissement et qui y arrive très bien notamment par rapport au style graphique du mangaka qui arrive à offrir des scènes dantesques sans que l’on ne loupe un seul morceau de ce qui se passe dans le feu de l’action. Des affrontements endiablés où l’on prend juste un plaisir à voir ce déferlement d’attaques spectaculaires et de moments épiques. Le thème des kaijus est ici traité avec maestria par rapport à son côté épique. Tout est présent pour que l’on enchaîne les pages à une vitesse folle en suivant de près cette lutte entre ces monstres et l’ultime ligne de défense de l’humanité.