Derrière les codes #4 : autour du manga
J’avais envie cette semaine de reparler de ce que l’on peut découvrir derrière certains codes ou thèmes dans le manga. Et pour l’occasion, je me suis dit que j’allais m’attaquer à un sujet bien précis qui a eu le droit à plusieurs œuvres autour. Il s’agit des séries traitant du sujet du manga et cela peut autant concerner les artistes que ce qui touche au monde de l’édition. Car oui, au fil des années, il y a eu énormément de titres qui ont souhaité aborder, de diverses façons, ce qui peut se cacher derrière nos histoires préférées. Il y a énormément d’ouvrages sur ça et on peut donc se demander ce qu’il peut y avoir comme différences d’une saga à l’autre. Je me suis donc dit que j’allais axer ma chronique autour de trois séries bien précises qui, pour moi, aborde de façon intéressante et unique ce milieu artistique qui peut être source de beaucoup de joie pour nous, mais aussi d’éprouvants défis et problèmes. Bien sûr, il en existe bien d’autres et je pourrais totalement vous proposer une autre fournée si vous le souhaitez. Trêve de bavardages, il est temps de nous attaquer au cœur de notre sujet.
Stand by me, Kakuemon
On commence avec un titre qui n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains étant donné qu’il est réservé à un public averti. Je parle de Stand by me, Kakuemon. L’auteur de Give my Regards to Blackjack nous revient ici avec une œuvre qui se veut très biographique et qui ne va pas peindre un tableau flatteur du milieu de l’édition de manga au Japon. C’est justement ce qui fait, à mes yeux, la force de cette série, car en utilisant un élément de fiction très ancré dans la science-fiction, l’artiste va pourtant délivrer une histoire sincère et qui nous met mal à l’aise. Il nous montre, en exagérant certains points, tout ce dont il a pu être témoin et surtout de comment un auteur peut être utilisé malgré lui. Ce n’est pas pour rien que le mangaka, dans la vraie vie, s’est longuement battu pour montrer l’importance de signer un contrat afin qu’il n’y ait aucun abus à l’égard du travail des artistes. Tout ce récit va s’axer sur une version de lui-même qui fait face à ce que le succès d’une série peut engendrer, les manipulations à son égard et le fait qu’il n’est plus qu’un outil dans un effroyable engrenage. J’avais envie de sélectionner ce titre, car il est important pour moi de montrer que tout n’est pas blanc ou noir. Pour nous qui sommes lecteurs, on voit avant tout les histoires fabuleuses que l’on nous propose et qui naissent de l’imaginaire de ces esprits créatifs. Mais nous ne sommes pas présents chaque jour dans ces ateliers ou durant les rendez-vous où il peut se passer des choses bien moins reluisantes. Une œuvre qui met un coup au moral, mais qui est aussi importante pour souligner ce qui ne va pas sous couvert de la fiction. Une histoire qui vous choquera, mais qui est aussi là pour montrer un autre visage de cette industrie qui a aussi sa part d’ombre.
Losers
Quand on parle du milieu manga, il n’est pas forcément question d’y aborder le côté positif ou négatif. On peut aussi faire face à des œuvres qui cherchent avant tout à transmettre, par le dessin, une partie de l’histoire ayant façonné ce milieu comme on peut le connaître aujourd’hui. Et l’une des séries qui m’a le plus séduit à ce sujet est Losers – Chroniques d’un magazine légendaire où l’on va nous raconter la création de Manga Action. Ce magazine a été un précurseur dans beaucoup de choses à son époque et en seulement trois tomes, ce manga le retranscrit parfaitement. On nous plonge en 1965 quand le manga est encore considéré au Japon comme un loisir pour enfants. C’est là que l’on fait la connaissance de ceux qui vont donner vie à ce magazine dans le but de montrer une autre approche de ce média. Que dire si ce n’est que c’est absolument génial. A chaque tome, on va apprendre tellement de choses sur cette naissance, ceux qui l’ont façonné, les inspirations pour créer la ligne édito ainsi que ceux qui ont donné ses lettres de noblesse à ce magazine. Rien que le premier volume est fabuleux, car en plus de plonger dans ce milieu très limité à l’époque, on va découvrir comment “Monkey Punch”, auteur de Lupin the Third, va faire ses premiers pas au sein de ces pages. De l’origine de son pseudo à la création de ce personnage en passant par la bataille quotidienne pour réussir à faire accepter une telle proposition, chaque chapitre est une véritable mine d’informations. Surtout que le titre ne s’arrête pas là, car on a même le droit à des éléments venant enrichir les propos du manga comme l’excellente interview de “Monkey Punch” et de son frère dans le premier volume. Une lecture enrichissante qui utilise ce thème pour nous faire voyager dans le temps à une époque que l’on n’a pas forcément connue ou qui nous est assez obscure.
Réimp
Et pour finir, impossible de parler d’une œuvre traitant du thème du manga sans évoquer ce qui est pour moi un petit bijou. Il s’agit bien sûr de Réimp dont j’ai déjà parlé à de très nombreuses reprises sur les réseaux et le blog. On tient là sûrement l’une des séries qui retranscrit au mieux tout ce qui entoure l’édition de manga aujourd’hui. A travers le prisme de cette nouvelle venue qui va apprendre le métier au fil des jours, on va autant voir le quotidien des artistes et éditeurs que le contact avec les libraires, la division marketing ou bien, tout simplement, tout le processus créatif pour qu’une série puisse prendre son envol. Ce que j’aime avant tout avec cette saga, c’est qu’elle apporte une bienveillance et une envie de montrer toutes les facettes de cette industrie. Rien n’est laissé au hasard et c’est un pur bonheur que de se plonger dans ce milieu afin de comprendre et rencontrer tous les acteurs de cette chaîne. Mais le titre réussit aussi à parler de sujets bien plus sérieux autour des artistes, des relations conflictuelles qu’il peut y avoir avec leur éditeur, ceux qui ont du mal à évoluer, le manque d’inspiration, le succès, mais aussi les échecs. Rien n’est mis de côté et cela donne une fresque absolument fantastique où l’on ressort de chaque tome en ayant appris tellement de choses. Tout ça en parvenant à offrir un divertissement de taille. Et quand on pense avoir tout vu, le manga réussit à nous surprendre encore et c’est aussi ce qui lui permet de tenir depuis aussi longtemps. Vraiment un titre parfait pour connaître les coulisses de cette industrie, mais aussi la crise qu’elle vit concernant le format papier et toutes les questions qui découlent de cette évolution de consommation. Une petite pépite qui vaut largement le coup d’oeil et qui vous tiendra en haleine à chaque chapitre.